Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai choisi lors de l’opération masse critique organisée par Babelio, le mois dernier, intriguée par la quatrième de couverture :
Résumé de l’éditeur :
Bleu, larvé dans son canapé, déambule avec paresse devant les programmes insignifiants du télécran. Le président est mort sous des mégaoctets d’insultes mais il s’en inquiète peu, il est en rade de clopes.
Au travail règne l’ambiance tortionnaire des cols blancs rangés en batterie, répondant à des ordres brûlants depuis leurs cubiques.
Il se sent claquemuré dans cette ville ravagée. Bientôt elle l’aura englouti comme ces millions d’existences anonymes.
Un documentaire lui murmure « TA-HI-TI » et ces trois syllabes font tilt dans sa tête de branlomane végétatif. Intérieurement, c’est l’appel de la forêt.
Dehors — le déluge. Lui rêve de troquer une nécropole pour de délicieux jardins abandonnés mais ni Rose, sa belle revenue en train du Sud, ni Trézor son bichon maltais obsédé, ne semblent convaincus par ces idées saugrenues. Leur embrigadement spontané en quête de pays neuf reste conditionné par l’avachissement moutonnier de nos aventuriers autoproclamés.
Ce que j’en pense :
Bleu est être désocialisé, avachi dans son canapé, ingurgitant des émissions télé toutes plus idiotes les unes que les autres, ou alors la variantes jeux. Il se rend au travail, du moins au début de l’histoire, toujours en retard, habillé n’importe comment, jusqu’au jour où, pris sur le fait, il est convoqué par la direction et… Il donne sa démission car il veut « vivre sa vie », faire quelque chose d’intéressant. Il n’a jamais eu trop besoin de trimer dans sa courte existence, car il est atteint du syndrome de Tanguy.
Il veut fêter le début de sa nouvelle vie, avec sushis commandés au traiteur, et projette de passer une bonne soirée, voire une nuit torride. Mais, ce ne va pas se dérouler de cette façon, car sa démission ne ravit pas sa compagne, Rose alors la soirée tourne court.
Il promet de chercher du travail ! s’ensuit alors un programme chargé, devant la télé, en compagnie du chien Trézor… et un chat, Gustave, qui passe son temps à disparaître.
J’ai essayé d’insister, car je n’aime pas faire une chronique concernant un livre offert grâce à une opération masse critique, j’ai dû négocier avec moi-même, allez, encore 10 pages, prends ce roman au second degré ou au troisième, pour découvrir l’histoire de Rose… « Mais, quand ça veut pas, ça veut pas » comme on dit.
Entre une torture de chaton, l’ecstasy dans la gamelle du chien, les émissions de téléréalité pour animaux, le détour en banlieue pour se procurer du shit, et voilà, je deviens aussi vulgaire que lui, cela doit déteindre… le tout arrosé d’un pessimisme impressionnant et d’une vision du couple qui donne envie de sauter du viaduc de Millau, de se précipiter sur la première boite de prozac qui passe, ou de sombrer dans l’alcool (où est la bouteille de Chartreuse ?), ou pourquoi pas les trois à la fois, d’en finir avec panache quoi…
Je lui ai laissé un maximum de chance, le laissant reposer sur la table de nuit en espérant le déclic miraculeux… qui n’est pas venu. J’ai tenu jusqu’à la page 109 et il y en a 242..
Certes il y a des choses drôles, ce que l’auteur dit à propose de la télévision qui lobotomise tout le monde, par exemple le chien Trézor qui adore regarder « ça se discute » ou encore « L’amour est dans le camp » où il s’agit de former des couples de réfugiés… Ou encore le reportage sur l’École nationale des liquidateurs… On peut remarquer aussi que la Terre un peu pelée de la page de couverture ressemble étrangement au virus au Sars-CoV-2 responsable de la « grippette » (le virus est plus joli quand même !)
J’espère que ce roman trouvera son public, mais entre Bleu qui passe son temps à buller, Rose qui est certes plus dynamique, mais sans plus, ce n’était pas le bon choix. Déjà, cela commençait mal car je me suis oubliée le matin de masse critique et comme j’avais aperçu le livre et qu’il était disponible à quatorze heures… J’ai voulu y voir un signe… En tout cas, j’ai bien programmé mon radio-réveil pour être pile à l’heure à masse critique spéciale « romans graphiques, BD ».
Je vais le laisser encore un peu à portée de main, perfectionnisme culpabilisant oblige, mais c’est quand même trop un pensum par les temps qui courent.
Une phrase sort du lot, qui est prononcée par un intello au cours d’une émission de débats, à la suite de l’assassinat du PDG de la région France… je pense qu’il s’agit d’un coup de griffe bien senti à ces intellos imbus d’eux-mêmes que l’on peut apercevoir sur nos écrans :
« La civilisation est un processus de domestication complexe et long. Un rapport dialectique entre maîtres et esclaves, dominants et dominés, actionnaires et salariés, chômeurs et rentiers… Ça ne se déroule jamais sans quelques conflictualités. Les évènements d’aujourd’hui ne sont que le symptôme de cette relation qui négocie, à travers la confrontation, le rapport entre l’élite managériale et la base… managérée si on peut dire. »
Je tiens à remercier Babelio et les éditions Pacifiques au vent des îles, car j’ai découvert un auteur et essayer de pénétrer dans son univers, mais ce n’était peut-être pas le bon moment.
L’auteur :
Né à Tahiti, d’un père Breton alcoolique auto-terminé et d’une mère Chinoise, bourgeoise assumée. Il fêtait ses deux mois d’existence à la chute de l’URSS, a été télé-témoin de la France de 1998, du 11 septembre et de Lehman-Brothers.
Il a grandi sur une île paumée et a étudié sans conviction ni docilité dans une grande école quelconque.
Fonctionnaire éphémère, il a démissionné pour répondre à l’appel de la Start-up Nation.
Extraits :
Qu’est-ce que vous m’inventez encore ? C’est typiquement français, ça ! Inventer tout un tas d’excuses pour se plaindre, puis faire la grève pour après se plaindre de la grève en faisant la grève. Et puis, comme c’est la grève, les gens se plaignent… et font la grève. Résultat ? ça devient incontrôlable ! Blocage général ! Le pays est sur le carreau ! Alors, vous comprenez, la grève, c’est comme la douleur, c’est dans la tête.
Cette génération, comme toute génération, croyait vivre la fin de l’histoire en enterrant l’ancienne. Elle venait au monde, dernière arrivée, en se considérant comme l’avant-garde qui allait creuser la tombe de la précédente. Mais, même les avant-gardes les plus sublimes sont frappées d’obsolescence (programmée). Vingt ans d’écart et on parle déjà de préhistoire.
Centaines de chaînes, même programme. Bleu mit TV Lobotomie pour Trézor. Trézor adorait le programme comme de la bonne came. Son truc, c’était les talk-shows. Il jubilait de voir des primates se mettre sur la gueule pour des problèmes de société, à coups de joutes verbales.
Lu en mars-avril 2021