« Ásta » de Jón Kalman Stephánsson

Il y a longtemps que je voulais découvrir cet auteur (« Entre ciel et terre » m’attend toujours dans ma bibliothèque), et c’est chose faite grâce à NetGalley et les éditions Grasset qui ont permis cette lecture et que je remercie vivement.

 

Asta de Jon Kalman Stefansson

 

Résumé de l’éditeur:   

 

Reykjavik, au début des années 50. Sigvaldi et Helga décident de nommer leur deuxième fille Ásta », d’après une grande héroïne de la littérature islandaise. Un prénom signifiant – à une lettre près – amour en islandais qui ne peut que porter chance à leur fille… Des années plus tard, Sigvaldi tombe d’une échelle et se remémore toute son existence : il n’a pas été un père à la hauteur, et la vie d’Ásta n’a pas tenu cette promesse de bonheur.

Jón Kalman Stefánsson enjambe les époques et les pays pour nous raconter l’urgence autant que l’impossibilité d’aimer. À travers l’histoire de Sigvaldi et d’Helga puis, une génération plus tard, celle d’Ásta et de Jósef, il nous offre un superbe roman, lyrique et charnel, sur des sentiments plus grands que nous, et des vies qui s’enlisent malgré notre inlassable quête du bonheur.

 

Ce que j’en pense   

 

J’ai eu du mal à entrer dans ce roman, car l’auteur fait des allers et retours sans arrêt entre les époques, Ásta vient de naître, quelques pages plus loin, elle est adolescente dans les fjords de l’Ouest où elle a été envoyée un été, après avoir casser le nez d’un camarade de classe, puis on la retrouve adulte, perdue, et ça continue encore et encore…

J’ai compris que l’auteur faisait raconter l’histoire d’Ásta par son père, Sigvali qui est tombé d’une échelle, donc les images lui reviennent forcément dans le désordre, un peu comme si toute sa vie défilait aux portes de la mort. Donc, je me suis accrochée…

Comment parler d’Ásta ? tout d’abord en expliquant pourquoi ses parents ont choisi de lui attribuer ce prénom : il s’agit en fait d’un hommage à un personnage de roman de Halldor Laxness ! et l’amour est au centre de ce roman :

« En retirant la dernière lettre du prénom, il reste le mot àst qui signifie amour en islandais. » 

L’histoire de cette famille est belle, l’auteur pose notamment une question : hérite-t-on de la « folie » de sa mère, ou n’est-ce qu’une répétition du scénario : on abandonne alors qu’on a été abandonné. Et en poussant plus loin la réflexion : peut-on envisager même l’idée d’être aimée après un abandon ?

Et Ásta fuit tout ce qui pourrait l’aider, tous ceux qui l’aiment vraiment pour tomber sur des êtres négatifs. On la suit à Vienne où elle part faire des études, abandonnant sa fille à ses parents. Elle fuit l’amour, elle fuit dans l’alcool, laisse partir son amour de jeunesse, Josef, comme si le bonheur ne pouvait que s’abimer, sans se donner une chance d’y avoir droit.

Jón Kalman Stefánsson évoque aussi et de fort belle manière, le passage de l’adolescence à l’âge adulte : se fait-il en douceur ou un évènement peut-il qui faire basculer brutalement dans le monde des grands, devenir mature avant l’heure ?

On retient l’omniprésence de l’alcool dans ce roman : le père de Sigvali avait des phases d’imprégnation massive, « il était beaucoup moins drôle quand il sombrait dans le trou noir de l’alcool. Ses beuveries duraient en général deux à trois semaines, et aucune puissance terrestre ni céleste ne semblait pourvoir l’arrêter. »

Outre l’alcoolisation massive, on note aussi au passage l’importance de la sexualité : une première scène torride entre Helga et Sigvali, bien sûr, mais parfois on a droit à des scènes de sexe toutes les trois ou quatre pages et cela finit par devenir lassant.

La littérature est omniprésente dans ce roman, Jón Kalman Stefánsson rend hommage aux écrivains de son pays, surtout aux poètes, un des personnages, le frère de Sigvali, est un écrivain, ou du moins tente d’écrire, car l’inspiration n’est pas au rendez-vous, alors il choisit d’écrire une autobiographie, cela lui permet de parler de lui !

« L’écriture libère des choses en moi. Ça te semblera peut-être étrange, mais quand j’écris, je deviens plus grand que l’homme que je suis. Oui, je me transforme en une corde sensible qui tremble entre le visible et l’invisible.  »  

L’Islande est un pays qui me fascine car tout prend un aspect gigantesque dans ce pays… on retrouve la magie des grands espaces, des éléments déchaînés, la précarité, la vie qui s’apparente parfois à une simple survie et, outre les poèmes, l’auteur évoque comme pour adoucir la rigueur,  la musique; on croise notamment Nina Simone ou les nocturnes de Chopin selon l’humeur… sans oublier les prénoms islandais compliqués me font rêver : Sigvali, Helga et Sigrid, Sesselja, Gudmundur…

J’ai aimé l’histoire de cette famille mais le mode de narration choisi par l’auteur m’a dérangée, parfois même irritée et je ne suis pas sûre qu’elle apporte quelque chose de plus au roman.

#Ásta #NetGalleyFrance

 

 

Extraits :   

 

… car nous naissons tous anonymes, et immédiatement, ou très peu de temps après, on nous attribue un nom qui rend à la mort sa besogne plus complexe. Donnez-moi un nom et la faucheuse me trouvera moins facilement.   

 

… car la vie de l’homme est si courte, en soi, elle n’est pas plus longue que l’espace qui sépare le jour de la nuit…  

 

Mais voilà, le désir d’une certaine continuité est extrêmement puissant. Cette continuité nous donne l’impression que chaque vie a son sens, qu’elle ne relève pas de simples hasards et de coïncidences, mais que tout est écrit d’avance – ce qui, en passant, donne également un sens à l’univers. Voilà qui explique pourquoi j’ai voulu raconter la vie d’Ásta en commençant par le récit de sa conception. Mais, c’était une erreur.   

 

Ceux qui sont aimés des Dieux meurent prématurément. Nous, les autres, les médiocres, nous nous suicidons.   

 

Certains se rappellent avec précision le jour, l’heure, la minute voire l’instant où leur enfance a pris fin, et c’est rarement de bon augure. Ceux pour qui l’enfance s’éloigne si lentement qu’elle ne disparaît jamais tout à fait sont nettement plus chanceux, ils continuent d’abriter au fond d’eux l’enfant qu’ils ont été.

 

Les anciens habitants ont renoncé à lutter, ils ont eu le bon sens de partir, de fuir. Ici, on ne peut attendre qu’une vie de labeur, il n’y a que l’océan infini, les montagnes qui amplifient les vents et les changent en tempêtes. Parfois, certains jours, certains soirs, certaines nuits, cet endroit est si beau qu’on dirait que Dieu s’apprête à descendre sur terre pour sceller un pacte avec les hommes et les bêtes. Mais, un parfois ne suffit pas à combler toute une existence.  

 

Un peuple de taille aussi restreinte que le nôtre, et qui vit loin de tout, doit savoir se disputer vigoureusement, sinon il est menacé d’extinction.   

 

Celui qui se dévoile est plus vulnérable. Celui qui s’ouvre entièrement est comme mort.   

 

La littérature devrait-elle donc avant tout nous préparer à mourir plutôt que de nous aider à vivre ?   

 

Être un bon paysan est depuis toujours considéré comme la réussite suprême en Islande. C’est ce qui compte le plus. La seule chose qui permette vraiment de prouver votre valeur d’être humain. Elle est plus importante que les titres honorifiques, l’éducation, les prouesses dans le domaine des arts ou des sciences.   

 

L’ignorance vous rend libres alors que la connaissance vous emprisonne dans la toile de la responsabilité.   

 

Il y a deux mille ans, le satiriste grec Lucien de Samosate écrivait : « la faiblesse qui consiste à se laisser commander par ces despotes que sont l’espoir et la peur plutôt que par la raison accompagne depuis toujours l’être humain. »   

 

Et ça me rappelle que notre sentiment de responsabilité ne devrait pas s’émousser avec l’âge. A notre époque, écrit-elle, refuser de prendre position pour continuer à somnoler est un crime. « Notre châtiment à court terme et Donald Trump. La punition à long terme est une terre ravagée, des guerres civiles et des dérèglements climatiques dus au réchauffement de la terre.   

 

Tes yeux qui jadis m’éclairaient se sont changés en trou noir – l’espace qui sépare l’amour de la haine est à peu près le même que celui entre vie et trépas.    

 

Lu en novembre 2018

« Le lagon noir » : Arnaldur Indridason

Je continue mon intermède polar avec cet opus de Arnaldur Indridason:

Le lagon noir de Arnaldur Indridason

 

Quatrième de couverture:

 

« Il est des disparitions qui hantent un homme, des enquêtes qui forgent un policier »

Le lagon bleu était un petit paradis avant qu’on y trouve un cadavre. Un ingénieur de la base américaine qui serait tombé d’un avion. Dans l’atmosphère de la guerre froide, la police s’intéresse.

 A de mystérieux vols effectués entre le Groenland et l’Islande. En parallèle, l’inspecteur Erlendur enquête sur une jeune fille disparue sur le chemin de l’école, à l’époque où la modernité arrivait clandestinement en Islande, portée par les disques de rock et les jeans venus de la base américaine…

 

Ce que j’en pense:

 

J’ai retrouvé Erlendur avec plaisir, alors qu’il vient juste d’intégrer la brigade criminelle et se trouve sous les ordres de Marion. On suit les deux policiers pour une double enquête.

Tout d’abord, une enquête actuelle dans laquelle on retrouve, dans le lagon jusque-là paradisiaque, le corps d’un homme, sans papiers d’identité, qui a visiblement été assassiné, vues les multiples contusions. Quelques heures plus tard, une jeune femme, qui a entendu parler de cette découverte, vient signaler la disparition de son frère et vérifier si le corps est bien le sien. Ceci nous entraîne dans une base américaine, où il effectuait des réparations sur des avions autour desquels plane le secret le plus glauque. De rebondissement en rebondissement, on va se trouver dans une affaire d’espionnage et notre duo aura beaucoup de mal à pouvoir avancer dans son enquête.

La deuxième enquête est en fait un « Cold case » (affaire classée est beaucoup moins sympathique comme expression !) avec une jeune fille qui a disparu trente ans auparavant. C’est le thème de prédilection d’Erlendur, déjà passionné par les disparitions inexpliquées. C’est l’enquête que j’ai préférée car on retrouve, la recherche méticuleuse du moindre fait nouveau, l’interrogatoire des personnes qui gravitaient autour de la jeune fille, et l’opiniâtreté de l’inspecteur. On retrouve ainsi des années sympathiques, où les jeunes découvraient les variétés américaines, les jeans, mais les jeunes gens, notamment les filles étaient encore soumis à l’autorité de leurs parents pour les sorties.

Par contre, j’ai été moins intéressée par l’enquête principale; certes, on apprend des choses de l’histoire de l’Islande, l’occupation américaine, le mépris des militaires pour ceux qu’ils appellent les « autochtones », pourquoi pas des être inférieurs pendant qu’on y est… ainsi que sur les trafics en tous genres, les expérimentations militaires, éventuellement des armes nucléaires cachées…

On découvre la manière dont le duo Marion-Erlendur se met en place, ce qui se passe dans leurs vies personnelles, et surtout Arnaldur Indridason met en scène une policière américaine, noire(ce qui était rare à l’époque!) qui veut bien les aider dans leur enquête

Le bémol vient du fait que je ne suis pas friande d’espionnage donc je suis restée un peu sur ma faim ! est-ce que je commence à saturer avec la technique Indridason ? à moins que la lenteur du récit et du policier, me perturbe après la lecture de « Nuit » : il se passe plus de choses en trente pages de Nimier, qu’en trois cents pages dans ce roman… un peu comme si on passait d’un épisode de « Derrick » à un épisode des « Experts » ….

Même ma critique me paraît capillotractée! Une pause semble s’imposer…. En fait, et ceci m’arrive très souvent avec les polars, qui ne sont pas mon genre littéraire préféré, mais plutôt un exutoire, au bout de quelques livres d’un auteur, je me lasse et j’abandonne: j’ai eu ma période Agatha Christie, puis Mary Higgins-Clark, que j’ai abandonnée au profit de Patricia Cornwell, qui a fini par m’excéder par sa violence et sa parano, puis  Elizabeth George

 

Extrait:

 

Un vent violent soufflait sur la lande de Midnesheidi. Venu du nord et des hautes terres désertes, il franchissait les eaux agitées du golfe de Faxafloi, puis se précipitait, glacial et mordant, sur les ondulations du paysage, saupoudrant d’une fine couche de neige les plantes rases, transies et prostrées, qui dépassaient à peine des roches et des blocs de pierre. La végétation à la merci de la mer et du vent du nord livrait une lutte incessante. Seules les plantes les plus endurcies parvenaient à survivre ici. La clôture dépassant de l’étendue désolée délimitait le périmètre de la base militaire américaine et sifflait sous l’effet des bourrasques qui s’abattaient sur les murs gigantesques du hangar à avions, au somment de la lande. Le vent redoublait d’intensité aux abords du bâtiment, comme exaspéré par cet obstacle, puis continuait sa route vers la nuit….  P 9

 

Lu en Juillet 2018

« Les nuits de Reykjavík » : Arnaldur Indridason

Fatigue oblige, j’alterne romans « consistants » et polars pour respirer un peu. J’ai mis plus de soin à constituer ma valise de bouquins que j’emmène, que pour celle des vêtements! comme tous les ans…Je viens de terminer un polar de mon auteur islandais préféré:

 

Les nuits de Reykjavik de Arnaldur Indridason

 

 

QUATRIÈME DE COUVERTURE

 

La mort inexpliquée d’un sans-abri qu’il croisait à chacune de ses rondes obsède un jeune policier. Intuitif et obstiné, il juge la thèse de l’accident douteuse. Dans la nuit boréale, entre foyers de clochard et planques de dealers, il sillonne Reykjavík, déterminé à résoudre ce mystère. Ce policier n’est autre qu’Erlendur.

 

 

CE QUE J’EN PENSE

C’est un plaisir de retrouver ce cher Erlendur, d’autant plus qu’il s’agit d’un retour aux sources, car on remonte des années en arrière et on le suit en patrouille avec deux coéquipiers arpentant Reykjavík la nuit sur les traces de petits actes délictueux.

Mais, la mort tragique d’un clochard qu’il a un peu connu titille ses neurones et il pressent qu’il s’agit probablement d’un meurtre, d’autant plus qu’une autre mort suspecte pointe le bout de son nez.

On retrouve la recherche méticuleuse des faits, le regroupement des témoignages que l’on connaît et qui fait la spécificité de l’inspecteur talentueux qu’il va devenir.

J’ai bien aimé ce polar, les balades dans cette ville la nuit, dans ce pays où le soleil ne se couche jamais -ou l’inverse selon la saison) et le regard que Arnaldur Indridason porte sur la détresse des clochards, la tentation de l’alcool, dans la quasi-indifférence des habitants. J’apprécie toujours la manière dont l’auteur argumente au fil des récits, en ayant toujours un phénomène de société ou un moment de l’Histoire du pays pour lui servir de trame.

Il me reste encore une ou deux aventures d’Erlendur et d’autres romans de l’auteur à découvrir….

 

EXTRAIT

 

Sentant le sommeil le gagner, il reposa son livre. Il pensait aux nuits de Reykjavík, si étrangement limpides, si étrangement claires, si étrangement sombres et glaciales. Nuit après nuit, ils sillonnaient la ville à bord d’une voiture de police et voyaient ce qui était caché aux autres: ils voyaient ceux que la nuit agitait et attirait, ceux qu’elle blessait et terrifiait. Lui-même n’était pas un oiseau nocturne, il lui avait fallu du temps pour consentir à quitter le jour et à entrer dans la nuit; mais maintenant qu’il avait franchi cette frontière, il ne s’en trouvait pas plus mal. C’était plutôt la nuit que la ville lui plaisait. Quand, dans les rues désertes et silencieuses, on n’entendait plus que le vent et le moteur de leur voiture. P 77

 

 

LU EN JUIN 2019

« Le duel » de Arnaldur Indridason

Petit détour par un polar venu du froid avant de m’attaque à une lecture plus ardue avec ce douzième roman de Arnaldur Indridason :

 Le duel de Arnaldur Indridason

 

 

QUATRIÈME DE COUVERTURE

 

Pendant l’été 1972, Reykjavík est envahi par les touristes venus assister au championnat du monde d’échecs qui oppose l’Américain Fischer et le Russe Spassky. L’Américain se conduit comme un enfant capricieux et a de multiples exigences, le Russe est accueilli en triomphe par le parti communiste islandais, le tout sur fond de guerre froide.

Au même moment un jeune homme sans histoire est poignardé dans une salle de cinéma, le magnétophone dont il ne se séparait jamais a disparu. L’atmosphère de la ville est tendue, électrique.

Le commissaire Marion Briem est chargé de l’enquête au cours de laquelle certains éléments vont faire ressurgir son enfance marquée par la tuberculose, les séjours en sanatorium et la violence de certains traitements de cette maladie, endémique à l’époque dans tout le pays. L’affaire tourne au roman d’espionnage et Marion, personnage complexe et ambigu, futur mentor d’Erlendur, va décider de trouver le sens du duel entre la vie et la mort qui se joue là.

Un nouveau roman d’Indridason qu’il est difficile de lâcher tant l’ambiance, l’épaisseur des personnages, la qualité d’écriture et l’intrigue sont prenantes.

 

CE QUE J’EN PENSE

 

Fort heureusement, je n’ai pas lu la quatrième de couverture avant d’entamer ma lecture car elle donne trop de renseignements et c’est dommage. (Un conseil : ne la lisez surtout pas avant de lire le roman !)

Ce roman m’a plu, car nous faisons enfin la connaissance de Marion Briem, qui fait souvent partie des enquêtes d’Erlendur, de façon discrète et on en apprend enfin davantage sur son histoire.

Le récit raconte, en alternance, la  progression de l’enquête et l’enfance difficile de Marion, née d’une union illégitime, donc un père qui ne l’a pas reconnue, une mère qui disparaît très vite. Heureusement, Athanasius, un vieil homme, force de la nature veille sur elle. Arnaldur Indridason nous parle aussi de la tuberculose dont Marion est atteinte, adolescente, maladie qui faisait beaucoup de ravages à l’époque, ainsi que les traitements agressifs : insufflations, ablation des côtes… les séjours en sanatoriums et les nombreux enfants qui en mourraient…

« Marion avait lu quelque part qu’en Islande, le pourcentage de décès dus à la tuberculose était l’un des plus élevés au monde : presque un cinquième. » P 73  

Tout démarre avec le meurtre brutal et gratuit d’un adolescent dans une salle de cinéma : il était au mauvais endroit au mauvais moment, et personne n’a rien vu, ce qui conduit Marion et son adjoint Albert à retrouver des témoins et envisager plusieurs hypothèses…

L’enquête en elle-même, n’est pas d’un suspense haletant, mais elle est intéressante, car on est en 1972, avec en toile de fond une partie d’échecs entre le champion américain, Bobby Fischer et le joueur russe (pardon soviétique !) : Spassky, ce duel reflète bien le duel auquel se livre les deux nations, dans un pays qui est surveillé étroitement par les deux. On est davantage dans l’espionnage, les enjeux dépassent le simple meurtre.

L’auteur décrit très bien l’atmosphère paranoïaque régnant autour ce match, comme si l’honneur du pays était en jeu, ce qui n’est pas sans rappeler le climat régnant à Sotchi autour des prestations des hockeyeurs russes…

Bien-sûr, comme toujours chez Arnaldur Indridason, on retrouve la petite histoire dans la grande, l’auteur profitant de son roman pour faire un rappel sur le passé de son pays : les problèmes de pêche dans les eaux internationales, la surveillance et l’embrigadement de l’URSS, la manipulation des agents, l’utilisation d’un simple duel aux échecs pour montrer à l’autre qui est le plus fort.

« Le pays était depuis peu sous les feux de l’actualité internationale. Des dissensions étaient nées avec la Grande-Bretagne à la suite de la décision prise par l’Islande d’étendre la limite de ses eaux territoriales. Les Britanniques avaient menacé d’envoyer des navires militaires pour escorter leurs chalutiers dans les zones de pêche. La tension grandissante avec les garde-côtes islandais avait trouvé écho dans la presse internationale et la Coupe du monde d’échecs qui approchait contribuait à alimenter l’intérêt pour l’Islande. » P 18

J’ai apprécié ce roman, car j’ai retrouvé la patte Indridason, qui durant les derniers romans que j’ai lus, nous a présenté toute son équipe mais il me tarde de retrouver Erlendur… la police progresse lentement, mais sûrement et les héros ont une vie personnelle intéressante qui tient autant de place que l’enquête elle-même, et j’apprends de plus en plus de choses sur l’Histoire de l’Islande. En plus, j’adore les noms des villes, des lieux imprononçables et qui font rêver.

Je vais donc continuer l’aventure avec cet auteur qui pour l’instant ne me déçoit pas

 

EXTRAITS  

 

Les patients allaient le long des couloirs. Certains se rendaient à la salle de repos, située sur la façade ouest du bâtiment, pour s’y allonger avec une couverture et un livre. Cette longue pièce ensoleillée dont les fenêtres étaient orientées au sud offrait une vue sur le lac de Vifilsstadavatn et jusqu’à la mer, du côté de Straumasvik. D’autres étaient sur le point d’entreprendre une promenade jusqu’à Gunnhildur, un cairn installé sur la colline à l’est du bâtiment. Personne ne savait pourquoi il avait été ainsi baptisé, mais on affirmait que les malades qui parvenaient à l’atteindre seuls étaient en voie de guérison. P 72  

 

Il est clair que les Russes veulent absolument voir Spassky remporter la victoire, observa Josef. Le contraire serait une contre-publicité pour le paradis soviétique. Inutile de préciser que Fischer les soupçonne de toutes sortes de coups fourrés et de manipulations psychologiques. Le Soviet suprême déclare que Bobby met à mal le monde des échecs par son comportement et qu’il n’ose pas se mesurer à Spassky sans soulever tout un nuage de fumée à chaque fois qu’ils se rencontrent. P 169  

 

Je me borne à souligner l’atmosphère qui règne autour de ce fameux match. L’évènement s’est transformé en une véritable folie qui échappe à tout le monde. On parle de complots et de coups bas de toutes sortes : ronronnements des caméras, rayonnements émis par les lampes, gaz nocifs provenant des fauteuils, voire hypnotiseurs russes assis au premier rang. Et il y a les écoutes. P 170

 

LU EN MAI 2018

 

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« Snjor » de Ragnar Jonasson

Dans le cadre de mon opération « Neurones en vacances », place à un polar islandais avec :

 

Snjor de Ragnar Jonasson

 

QUATRIÈME DE COUVERTURE

 

Siglufjördur, ville perdue au nord de l’Islande, où il neige sans discontinuer et où il ne passe jamais rien. Ari Thór, qui vient de terminer l’école de police à Reykjavik, y est envoyé pour sa première affectation. Mais voilà qu’un vieil écrivain fait une chute mortelle dans un théâtre et que le corps d’une femme est retrouvé, à moitié nu, dans la neige. Pour résoudre l’enquête, Ari Thór devra démêler les mensonges et les secrets de cette petite communauté à l’apparence si tranquille.

 

CE QUE J’EN PENSE

 

Une fois n’est pas coutume, je vais être très brève !

J’aime bien les polars islandais, notamment Arnaldur Indridason, et son flic qui marche un peu au ralenti, mais la plupart du temps avec une énigme intéressante, ou un contexte historique ou politique particulier et peut-être aussi parce que ce pays me fascine…

Donc, je me suis dit, pourquoi ne pas tenter l’aventure avec le petit nouveau : Ragnar Jónasson (découvert, je cite, par l’agent d’Henning Mankell !) et bien je n’ai pas été déçue du voyage…

Une histoire improbable à Siglufjördur, une ville où il ne se passe jamais rien d’habitude et là, bizarrement Ari Thór, un jeune homme frais émoulu de son école de police, qui a tenté d’abord des études, de philo, puis la théologie, fait son apparition et… deux morts suspectes…

C’est lent, les personnages sont peu crédibles, leur psychologie réduite au minium, (même les histoires d’amour ou de couple). En prime, il neige toute la journée, et l’auteur insiste lourdement, pour un peu on compterait les flocons, ce qui plombe encore plus l’ambiance.

Bref, je me suis ennuyée car l’intrigue ne commence à s’animer un peu qu’aux alentours de la 250ème  page (je n’ai pas compté en fait…) alors qu’il y en a 335 en tout, et je me suis même endormie sur le livre, un comble pour un polar.

J’ai terminé ce roman quand même pour ne pas avoir de regrets mais je ne continuerai sûrement pas à suivre cet auteur…

Sur la quatrième de couverture on peut lire cette appréciation de l’Express qui me laisse rêveuse : « Ragnar Jónasson s’octroie une jolie place derrière Arnaldur Indridason et Yrsa Sigurdardóttir », et pourquoi ne pas parler de révélation pendant qu’on y est…

 

EXTRAIT

 

Voici un extrait, choisi sans parti pris pour illustrer mon propos:

 

La veille, il s’était arrêté dans la petite librairie pour acheter un roman juste paru qui figurait sur sa liste de Noël. Il ne pouvait compter sur personne d’autre pour le lui offrir. A vrai dire, sa liste de cadeaux n’existait que dans sa tête et même Kristin, l’année précédente, n’avait pas pu deviner ce qu’elle contenait quand elle avait choisi un roman pour lui. Ses parents lui offraient toujours un livre à Noël. La tradition islandaise de lire un nouveau livre la veille de Noël jusqu’aux petites heures du matin tenait un rôle important dans sa famille. A treize ans, à la disparition de sa mère et de son père, il partit vivre chez sa grand-mère. Depuis, il mettait un point d’honneur à s’acheter un livre à chaque Noël, un titre qui lui faisait particulièrement envie. P 73

 

LU EN AVRIL 2018

 

 

« Le livre du roi » : Arnaldur Indridason

J’aime bien l’univers de Arnaldur Indridason et je vais vous parler aujourd’hui d’un roman qui occupe une place particulière dans son œuvre :

Le livre du roi de Arnaldur Indridason

 

Quatrième de couverture :

Le livre du roi est un trésor pour lequel certains sont prêts à voler, et même à tuer. En 1955, à Copenhague, un étudiant se lie d’amitié avec un étrange professeur, passionné de Sagas islandaises… ancien propriétaire du fameux manuscrit. Désireux de récupérer ce bien inestimable, ils se lancent dans un quête effrénée à travers l’Europe. Ils vont vivre une aventure qui marquera leur vie à jamais.

« Le livre du roi survivra à tout ça. Il survivra à nous tous. Il est notre histoire et notre existence passées, présentes et futures »

Ce que j’en pense

Ce roman, sorte de polar atypique, nous entraîne en 1955 sur les traces d’un duo improbable : un étudiant islandais, Valdemar, féru de textes et parchemins anciens, dont le latin et le grec sont pratiquement ses langues maternelles qui part à Copenhague poursuivre ses études auprès d’un professeur fantaisiste, fantasque, avec un penchant certain pour l’alcool…

Le moins que l’on puisse dire c’est que leurs premières rencontres ne manquent pas de sel… avant que la grande aventure ne commence : le professeur est un spécialiste du Livre du roi qui est censé être entre ses mains, sous sa protection à l’université alors qu’il lui a été extorqué par un dignitaire nazi, Erich von Orlep (qui mystérieusement réussira à échapper aux mailles du filet pour se réfugier en Amérique du sud) lors d’un interrogatoire sadique.

Il veut remettre la main dessus ainsi que sur un fascicule de huit pages qui manquent dans ce fameux livre. Ce fascicule, qui donnerait un pouvoir particulier à celui qui l’aurait entre les mains, a été enfoui dans une tombe…

On va suivre ce duo à travers l’Europe sur les traces du fascicule, mais aussi pour récupérer le livre et évidemment d’anciens nazis sont à l’affut… on va ainsi assister à une lutte entre les nostalgiques du nazisme, notamment le fils de ce Orlep qui a torturé le professeur pendant la guerre, et ses sbires qui se regroupent sous le terme de « Wagnérianistes » qui rêvent toujours d’un monde nouveau et de la race supérieure.

Ce n’est un secret pour personne, tout ce qui tourne autour du nazisme me passionne, mais c’est aussi le cas des manuscrits perdus, des légendes et de l’Histoire, et ce roman m’a permis d’en savoir plus sur l’Islande, notamment l’emprise de type « coloniale» que le Danemark a exercé sur elle, pillant ses manuscrits anciens sur lesquels les nazis feront main basse en envahissant le Danemark.

L’attachement du professeur à ce trésor culturel qu’il voudrait tellement restituer à l’Islande est touchant… et sa quête m’a plu même si parfois la manière d’opposer les bons et les méchants devient un peu trop caricaturale et comment résister à cette phrase que nous glisse au passage  Arnaldur Indridason:

« Importants ou non, les livres voyagent partout. Bons ou mauvais, ils ne choisissent pas leurs propriétaires, pas plus que le genre de maison dans laquelle ils vont se trouver ou l’étagère sur laquelle on les rangera. » P 270

J’ai aimé me promener dans ces récits dont les noms étranges me font rêver: sagas d’Islandais, Saga des gens de Thjorsdalur, Saga de Njall le Brûlé, Saga de Gaukur, Chants de Brynhildur,Saga de Marie et bien-sûr Le livre du roi de l’Edda poétique (les poèmes de l’Edda intéressaient beaucoup Hitler entre autres et il y avait une version spéciale pour la jeunesse hitlérienne !)

Un roman, très différent des polars que nous propose d’habitude Arnaldur Indridason, qui colle davantage à son intérêt pour l’Histoire et qui m’a beaucoup plu.

Extraits

C’est ainsi que je commençai à apprécier les grandioses récits de héros et de vengeances, d’amour, d’honneur et de droiture, les histoires qui parlent d’hommes entiers, de femmes subjuguantes, d’affrontements exaltants et de morts héroïques qui m’arrachaient des larmes. P 27

…Copenhague. C’était bienplus qu’une ville européenne ancienne et évoluée. Pour un Islandais éclairé, elle avait été véritablement le centre de la culture et de la civilisation islandaise durant des siècles. J’avais hâte de mieux la connaître, de visiter ses musées et ses hauts-lieux historiques, et surtout de découvrir les traces du passage des Islandais. J’éprouvais du plaisir à l’idée que l’hiver s’annonçait. P 31

Il dit que c’étaient les membres d’une société secrète fondée en Allemagne au XXe siècle,au début des années vingt par Erich von Orlep, antiquaire et nazi convaincu, féru de culture nordique. Celui-ci voulait utiliser cette culture pour prouver la pureté de la race aryenne. La société secrète d’ Orlep célébrait des sacrifices païens plusieurs fois par an, au cours desquels on lisait des poèmes de l’Edda. P 75

Je demandais si ce n’était pas Himmler qui prétendaient que les Germains descendaient des Scandinaves et qu’il était possible de découvrir des indices de la « race supérieure » en Islande… Orlep était de ceux qui caressaient l’idée d’un empire mondial fondé, non sur les territoires méditerranéens et le christianisme, mais au contraire, sur le passé germanique. « Le livre du roi » serait la bible de cet empire mondial. Il voulait que l’héroïsme soit élevé au rang de finalité politique et qu’on s’en inspire pour éduquer au bellicisme la nation entière ! Pour déclencher des guerres ! P 81

De nombreux Allemands avaient la certitude que l’univers mythologique nordique constituait le patrimoine culturel de l’Allemagne et recherchaient leur parenté avec kes nations scandinaves. Ronald D. Jorgensen étaient l’un de ceux qui considéraient l’univers mythologique des poèmes de l’Edda comme de la mythologie allemande et il s’intéressait énormément aux rapports entre l’ancienne littérature islandaise et le nationalisme allemand. Le professeur savait qu’il avait été présent à la première de « L’anneau de Nibelung » de richard Wagner à Bayreuth en 1876. P 112

+Lu en février 2018

« La muraille de lave » de Arnaldur Indridason

Après quelques lectures beaucoup aimées mais difficiles: « L’art de perdre », « La Muette » et « Bakhita », j’ai eu une grosse envie de romans à l’eau de rose, mais comme ce n’est pas ma tasse de thé je me suis offert un petit intermède « Indridason »

La muraille de lave Arnaldur Indridason

 

Quatrième de couverture

Abasourdi, Sigurdur lève les yeux vers l’imposante Banque centrale, surnommée la « muraille de lave » en référence à l’impénétrable barrière de corail de la mer d’Islande. Ici règnent le crime et la corruption : une employée, adepte du libertinage, a été poignardée. Sigurdur en est persuadé, l’assassin est entre ces murs. Plus que jamais, les conseils d’Erlendur seraient précieux, mais il a disparu.

« Vous avez détruit la vie des gens. Et pour quoi ? Pour qui ? Combien de couronnes cela vaut-il ? »

Ce que j’en pense

Erlendur étant parti en congés dans les fjords sans laisser la moindre possibilité de le joindre, (une absence qui dure), l’auteur explore d’autres pistes !

Nous avions eu la variante Elinborg dans « La rivière noire », ici l’auteur nous propose la variante Sigurdur Oli, qui ne m’était pas particulièrement sympathique, jusqu’à présent…

C’est une enquête assez intéressante, où l’auteur nous envoie sur plusieurs pistes : chantage après avoir filmer des scènes érotiques, problème des « encaisseurs » : voyous extrêmement violents qui ne reculent devant rien pour récupérer les dettes…

Arnaldur Indridason nous propose aussi un voyage dans les malversations banquières, spéculations, manœuvres illégales par des banquiers peu scrupuleux ou des sociétés désirant blanchir leur argent, cadeaux en tous genres pour manipuler les gens et acheter leur silence.

J’ai aimé voir Sigurdur s’empêtrer dans son enquête, ayant du mal à établir une barrière entre ses relations avec des amis, mais aussi sa femme ou sa mère, ne sachant pas très bien où mettre les limites entre le professionnel et le privé…

Certes, la magie de l’Islande opère toujours sur moi, avec ses paysages, les noms compliqués des personnages et des lieux, mais ce roman reste moyen, l’auteur m’ayant habituée à mieux et surtout la finance et moi, ça fait vraiment deux…

Extraits

De manière générale, il pensait que les gens portaient la responsabilité de leur malheur. Une fois qu’il avait achevé sa journée de travail et fait ce qu’il avait à faire, c’était terminé jusqu’au lendemain. Confrontés à des enquêtes éprouvantes, certains de ses collègues se laissaient atteindre. Il s’agissait surtout des nouvelles recrues et de quelques anciens. Pour sa part, il jugeait qu’il fallait se garder de prendre les choses trop à cœur, que cela ne faisait que générer des problèmes. On lui avait souvent reproché sa froideur et sa distance, mais il ne s’en inquiétait pas beaucoup. P 228  

 

Ceux qui sont à la tête des grosses fortunes islandaises ont acquis de nombreuses parts dans les banques par le biais de leurs entreprises et ils empochent les remboursements des emprunts, ce qui est évidemment contraire aux lois morales et tout bonnement dangereux si le phénomène prend trop d’ampleur. Ils utilisent les banques, qui sont des sociétés d’actionnariat publiques, uniquement pour servir leur propre intérêt. Ils se répartissent les plus grandes entreprises islandaises et achètent tout ce qui bouge à l’étranger avec de l’argent emprunté à des taux très intéressants. Et ils pratiquent toutes sortes d’exercices de haute-voltige pour que les sociétés en question prennent de la valeur en bourse. P 291

Lu en décembre 2017

« Betty » Arnaldur Indridason

Je vous parle aujourd’hui d’un roman noir, pour changer un peu avec :

 Betty Arnaldur Indridason

 

Quatrième de couverture

Quand j’ai rencontré Betty, j’ai su que ma via allait basculer. Elle était magnétique et fatale.

J’aurais tout donné pour elle. J’ai même accepté de travailler pour son mari. Mais maintenant, c’est moi qui suis derrière les barreaux. Aux yeux de tous, je suis coupable de meurtre. Parce que, si l’amour se joue à trois, il y en a toujours un de trop.

Ce que j’en pense

Cette lecture se voulait un petit sas entre deux romans plutôt durs et en fait, ce fut une petite déception…

Ce roman d’Arnaldur Indridason est en fait un « one shot » pour employer l’expression consacrée, où l’on ne retrouve ce cher Erlendur, pas plus que ses fidèles adjoints.

Il s’agit d’un roman noir, axé sur un trio amoureux où le troisième devient un obstacle à éliminer. On sait que le crime a eu lieu et que le coupable est en cours d’interrogatoire et le but est de réaliser tous les évènements qui ont conduit à cet acte, une autopsie, en quelque sorte.

J’avais beaucoup aimé cet exercice entrepris par Elizabeth George dans « Anatomie d’un crime », donc le sujet avait tout pour me plaire, mais, ici, cela n’a pas fonctionné.

J’ai aimé l’étude de l’auteur sur la perversion dans la relation amoureuse, le déni dans lequel s’enferme l’héroïne et les raisons pour lesquelles elle s’y enferme, mais on reste trop dans le schéma de victimisation, de relation mère-fille toxique, et malgré un rebondissement (P 133) qui vient corser un peu l’histoire je suis restée sur ma faim.

Je pourrais réaliser « l’autopsie d’une déception », mais ce serait de l’énergie gaspillée pour rien.  Je commence à croire que je deviens difficile… toujours est-il que passer après « L’art de perdre » et « La Muette » a été préjudiciable à Indridason à qui je laisserai encore une chance quand même.

Donc place au livre suivant qui n’est autre que « Bakhita » de Véronique Olmi.

 

Extraits

C’est curieux comme il est facile de commettre une erreur lorsqu’on est au courant de rien. Ce n’est même pas une erreur, tant qu’on ne se rend compte de rien et que c’est beaucoup plus tard que l’on comprend ce qui s’est passé ; tant qu’on ne regarde pas en arrière et qu’on ne voit pas pourquoi ni comment tout cela s’est produit. P 9

 

Pourquoi fait-on le choix de ne pas voir les dangers alors qu’ils sont devant notre nez ? Est-ce que c’est ça l’amour ? Est-ce que c’est pour ça que l’amour rend aveugle ?

Ces questions se bousculent dans mon esprit pendant toutes ces longues nuits et exigent des réponses que je n’ai pas parce qu’il faudrait m’interroger moi-même plus à fond que je ne le désir. Qui entreprendrait d’examiner sa vie au microscope ? Qui en aurait le courage ?  Personne ne peut supporter d’aller au fond de soi sans s’apitoyer ou être complaisant envers soi. Celui qui dit le contraire est un menteur. P 89

Lu en novembre 2017

« La rivière noire »: Arnaldur Indridason

Petit détour par le polar avec:

La riviere noire de Arnaldur Indridason

Quatrième de couverture

Le sang a séché sur le parquet, le tapis est maculé. Égorgé, Runolfur porte le T-shirt de la femme qu’il a probablement droguée et violée avant de mourir. Sa dernière victime serait-elle son assassin ? Pas de lutte, pas d’arme. Seul un châle parfumé aux épices gît sur le lit. L’inspectrice Elinborg enquête sur cet employé modèle qui fréquentait salles de sport et bars… pour leur clientèle féminine.

« Il n’a pas été capable de se protéger. Il a connu lui-même les effets du traitement qu’il infligeait »

Ce que j’en pense

Traversant une période difficile sur le plan familial, j’avais besoin d’une lecture facile qui ne prenne pas la tête : c’est chose faite.

Runolfur est retrouvé assassiné chez lui, le pantalon baissé, le torse revêtu d’un T-Shirt trop petit pour lui, probable trophée qu’il a dérobé à sa victime, pour affirmer sa toute-puissance… seul indice : le châle retrouvé sous le lit imprégné d’une forte odeur d’épices qui va réveiller les papilles d’Elinborg, chargée de l’enquête et grande amatrice de Tandoori… (un fin limier donc!!!)

Notre homme a-t-il été assassiné par la dernière femme qu’il a violée et qui a disparu ? Ou est-ce beaucoup plus compliqué ?

Ce polar d’un auteur que j’apprécie particulièrement, m’a permis de passer un bon moment, abordant un thème qui marche toujours : le viol sous psychotrope, ici le « Rohypnol ».

L’inspecteur Erlendur est absent de cette enquête assez rondement menée par Elinborg, et je dois dire qu’il m’a manqué…

J’ai bien aimé la manière dont Elinborg gère sa famille, ses ados dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont peu sympathiques avec elle, exception faite de la petite Théodora, enfant    surdouée, écumant les bibliothèques.

La magie de l’Islande fonctionne toujours mais ce polar ne laissera probablement pas une trace indélébile dans ma mémoire. Un bon moment où mes neurones ont pratiqué le bronzage et le farniente. J’espère qu’il n’agit d’une petite baisse de forme d’Arnaldur Indridason et j’attends le retour d’Erlendur.

Il est vrai que lire ce roman juste après « Cette étrange chose en moi » d’Orhan Pamuk n’était pas la meilleure idée. Néanmoins, j’ai eu une grosse envie de restaurant indien tout au long de ce polar…

Extraits

Elinborg savait que les viols sous l’emprise de cette drogue étaient des affaires très complexes. On n’en décelait aucune trace dans le sang ni dans les urines. Le poison avait en général disparu de l’organisme au moment où la victime était examinée, mais elle présentait toutefois un certain nombre de signes attestant du fait que son violeur l’avait droguée : perte de mémoire, présence de sperme dans les voies vaginales, contusions diverses sur le corps. P 30

                                                             * * *

Elinborg inspira profondément le châle ne laine de couleur violette. Elle sentit l’odeur âcre de la fumée de cigarette, le parfum féminin et, son collègue avait parfaitement raison, elle y décelait clairement une épice qu’elle connaissait très bien…

… Enfin, il s’agit plutôt d’un mélange. Un mélange indien. On dirait bien que… cela me fait penser à du tandoori. Il me semble que c’est l’odeur du tandoori. P 32

Lu en novembre 2017

« Hypothermie » de Arnaldur Indridason

Un petit détour par le polar et l’Islande, histoire de se rafraîchir un peu en cette période de canicule avec:

Hypothermie Arnaldur Indridason

 

Quatrième de couverture:

Au bout de la corde bleutée, le cadavre de Maria. Un suicide? Erlendur n’y croit pas. Il rouvre le dossier. La vie de la jeune femme est un théâtre d’ombres: médiums, insomnies glacées, terreurs nocturnes, les morts vivaient à ses côtés. Quand e »lle était enfant, son père s’est noyé sous ses yeux. En Islande, on murmure que les secrets les mieux gardés demeurent au fond des lacs.

« Il planait sur elle comme une ombre menaçante. »

Ce que j’en pense:

j’ai retrouvé avec plaisir un de mes inspecteurs préférés, taciturne à souhait, pour ne pas dire mélancolique.

Une enquête sur un pseudo-suicide, truffée d’expérience de mort imminente, avec une jeune femme, Maria, hantée par la mort accidentelle de son père quand elle était enfant, (chute et noyade dans un lac), surprotégée par une mère toxique qui vient de mourir d’un cancer et qui « voyait » apparaître sa mère dont elle attendait un signe de l’au-delà… Le décor est planté.

On rajoute une expérience de mort provoquée pendant quelques minutes par hypothermie entraînant un arrêt cardiaque et que l’on ramène à la vie ensuite pour avoir une description de cette fameuse mort imminente (vous savez le tunnel, la lumière…) effectuée par des étudiants en médecine plutôt barges…

On pimente le tout avec des disparitions survenues trente plus tôt, un vieil homme à l’agonie qui aimerait savoir pourquoi son fils a pu disparaître ainsi et que notre ami Erlendur voudrait voir partir en paix car les disparitions le hantent au fil des enquêtes, lui-même ne s’étant pas remis de la disparition de son petit-frère dans un tempête de neige alors qu’il était enfant.

On a donc tous les ingrédients pour faire une bonne histoire, en évoquant au passage le problème des suicides en Islande et les croyances qui poussent les gens à avoir recours aux médiums, et toujours en toile de fond les problèmes familiaux de notre inspecteur, rongé par la culpabilité qui ne vit que par et pour son travail.

J’ai pris du plaisir à lire ce polar, mais je me suis sentie frustrée car je l’ai trouvé moins bon que les précédents et j’ai compris tout de suite, donc pas de grands frissons. On se laisse porter par l’histoire et le voyage autour des lacs, dans ce pays qui me fascine, le fait d’évoquer tempêtes de neige, lacs gelés, (les noms des lacs, des lieux sont déjà un voyage en eux-même) cela permet d’oublier la canicule et de laisser les neurones se prélasser, avant d’entamer la lecture des les livres de la rentrée littéraire…

Une mention spéciale pour la manière dont la mère de Maria doit prouver à sa fille qu’elle bien au paradis: elle se manifeste en faisant tomber de la bibliothèque le premier volume de la « Recherche du temps perdu », ouvert à une page particulière bien entendu.

Extrait:

Trouver un extrait dans un polar n’est jamais simple, il faut donner une idée de l’ambiance, sans dévoiler l’intrigue, donc:

Maria n’avait pas raconté au médium que, quelques mois après que sa mère avait fait ses adieux à cette vie, elle s’était mise à avoir des visions très nettes qui ne l’effrayaient aucunement, en dépit de sa grande peur du noir. Leonora lui était apparue dans l’embrasure de la porte de la chambre à coucher, dans le couloir ou, encore, elle la voit assise sur le bord de son lit…

… Elle savait également que les recherches sur le phénomène indiquaient que c’était son esprit, ce fameux œil intérieur, qui les suscitaient. C’était une intellectuelle, elle ne croyait pas aux fantômes…

… Au fil du temps, Maria fut convaincue que ses visions étaient nettement plus que de simples illusions, que son esprit, sa dépression et l’adversité suscitaient en elle. A une certaine époque, elles avaient été tellement réelles qu’elle avait eu l’impression qu’elles lui venaient d’un monde parallèle, en dépit de ce qu’affirmait la science.Elle s’était graduellement mise à croire à la possibilité d’un tel monde. P 77 et 78

Lu en août 2017