Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai choisi, au départ, pour son titre sur NetGalley, tout en ayant flashé sur la couverture:

Résumé de l’éditeur:
Après la victoire de Franco, le docteur Guillermo García Medina continue de vivre à Madrid sous une fausse identité. Les papiers qui lui ont permis d’éviter le peloton d’exécution lui ont été fournis par son meilleur ami, Manuel Arroyo Benítez, un diplomate républicain à qui il a sauvé la vie en 1937.
En septembre 1946, Manuel revient d’exil avec une dangereuse mission : infiltrer une organisation clandestine d’évasion de criminels nazis, dirigée depuis le quartier d’Argüelles par Clara Stauffer, qui est à la fois allemande et espagnole, nazie et phalangiste.
Alors que le docteur García se laisse recruter par Manuel, le nom d’un autre Espagnol croise le destin des deux amis. Adrián Gallardo Ortega, qui a eu son heure de gloire comme boxeur professionnel avant de s’enrôler dans la División Azul, créée par Franco pour soutenir la Wehrmacht, survit péniblement en Allemagne. Ce dernier ne sait pas encore que quelqu’un souhaite prendre son identité pour fuir dans l’Argentine de Perón.
Traduit de l’espagnol par Anne Plantagenet
Ce que j’en pense :
Nous faisons la connaissance de Guillermo en 1947, le jour de la messe des Rameaux, alors qu’il attend une jeune femme qui a beaucoup compté dans sa jeunesse Amparo, pour lui demander de l’aide alors qu’elle est pour Franco depuis le début, alors que le Docteur Guillermo Garcia était républicain. Il s’agit de sauver un ami proche. L’aidera-t-elle ? ainsi commence ce que l’auteure Almudena Grandes appelle « Mon histoire est celle de trois imposteurs. »
On assiste alors à un retour vers le passé et la guerre entre républicains et partisans de Franco, début des années trente.
Guillermo est un chirurgien reconnu et apprécié, qui sauve des vies, met en place avec un médecin canadien Norman Bethune, les premiers dons du sang. Il vit une histoire d’amour avec Amparo qu’il finira par épouser, car elle est enceinte, hyper catholique…
Pendant ce temps en Allemagne arrive au pouvoir le NSDAP avec ce cher Adolf qui met en place la politique qu’on connait, avec au passage une amourette avec une descendante de Wagner, son compositeur fétiche : Winifred Wagner … « À partir de ce jour, Winifred vit exclusivement pour Adolf Hitler. »
Hitler va aider son « ami » Franco bien-sûr, lui donnant avions, bombes, pour écraser Madrid et la révolution…
Guillermo est obligé de quitter l’hôpital et renoncer à la médecine et surtout changer d’identité, grâce à la complicité de son meilleur ami, diplomate républicain, Manuel Arroyo Benítez et devient Rafaël Cuesta Sanchez alias Rafa…
Pendant ce temps la guerre fait rage, certains Espagnols choisissent d’aller combattre aux côtés des nazis, se livrant aux exactions qu’on connaît : on rencontre Jan un jeune Flamand plus que séduit par les théories raciales : « exécuter des Juifs, cela n’est rien, car ils ont l’apparence des humains mais n’en sont pas » et son meilleur ami, un ancien boxeur tricheur, Adrian Gallardo. On les suit jusqu’à la défense du bunker à Berlin, où ils tiennent à résister jusqu’au 2 mai pour que les Russes ne puissent pas fêter leur victoire le premier mai !
Ils vont finir par rester en Allemagne, changeant d’identité aussi. Mais Adrian est recherché car il a commis des atrocités, donc criminel de guerre.
Le décor est planté. La chasse aux nazis commence, mais, Franco est là et tous ses partisans, notamment les bigotes à ses bottes vont tenter par tous les moyens d’empêcher les arrestations en distribuant des faux papiers bien en règles et des filières se mettent en place de façon magistrale il faut bien le reconnaître.
Manuel est également obligé de changer d’identité, plusieurs fois et finit par prendre celle Adrian Gallardo Ortéga en1947 puisque ce dernier est considéré comme criminel de guerre et porté disparu.
Les deux hommes resteront en contact et le « docteur Garcia » continuera à exercer ses talents de médecin sous le manteau, avec beaucoup de prudence…
Manuel est né dans une famille nombreuse et n’a jamais été aimé par ses parents, notamment par sa mère qui s’en débarrasse en le plaçant chez un prêtre qui va lui apprendre à lire et écrire, faire son éducation, lui permettant de faire des études, qui vont changer son destin. Il occupera des fonctions importantes à la Société des Nations en Suisse, durant la République.
Comme l’auteure le répète assez souvent dans le roman : « Manolo Arroyo Benítez avait toujours eu à la fois la poisse et beaucoup de chance. »
On va suivre, les réseaux qui se mettent en place. Bien-sûr l’Église catholique a les siens, mais l’auteure nous parle davantage des réseaux organisés par les civils, notamment celui de Clara Stauffer, (fille d’un brasseur de bière allemand et de mère madrilène), la manière dont les dignitaires nazis mais aussi les moins gradés, sont recevoir la nationalité espagnole, puis migrer vers l’Argentine de Perón qui leur réserve un accueil enthousiaste.
Almudena Grandes mêle la grande et la petite histoire de manière magistrale. Au début, j’ai eu du mal avec les noms espagnols à rallonge ;’ai pourtant l’habitude avec les noms portugais, mais les consonances sont différentes et surtout les personnages principaux changent d’identité ! et surtout il y a beaucoup de monde dans ce roman !
Je me suis rendu compte, après avoir lu une centaine de pages, qu’il y avait à la fin du livre, la liste des personnages réels ou fictifs, leurs différentes identités, ce que m’a beaucoup simplifié la vie.
Guillermo-Rafa à Madrid et Manolo-Adrian en Argentine, vont tenter, en risquant leur vie, de surveiller, tenir des registres de l’or nazi et surtout des œuvres d’art volés aux juifs, à la demande des autorités américaines. Hélas, l’ennemi a changé ! c’est la guerre froide, l’ennemi c’est Staline et pas Franco qui aura ainsi de beaux jours devant lui….
On va rencontrer ainsi, au fil des pages, des Républicains, qui se cachent sous d’autres identité, qui continuent à espérer la République, des gens sincères, des salauds de la pire espèce qui continueront à être protégés…
Tout en nous racontant l’Histoire de l’Espagne Franquiste, que je n’ai jamais étudiée de près car le Caudillo me déclenchait de l’urticaire (il est décédé en novembre 1975 !) et je reconnais que je me suis davantage intéressée à Salazar et sa clique et à la révolution des œillets au Portugal le 25 avril 1974 qu’à lui. Donc négligence réparée…
Pour la petite histoire, voyage de noces au Portugal en décembre 1975 ! c’était la première fois que mon mari retournait dans son pays, sans la dictature, et Franco venait juste de décéder…
J’ai adoré ce livre passionnant à plus d’un titre, dans lequel l’auteure a fait un travail de recherche considérable pour étayer son raisonnement et rester au plus près de la réalité historique et je me suis aperçue que ce livre était en fait le quatrième d’une série consacrée à la guerre civile, qui en comporte encore deux autres.
Certains personnages semblent récurrents, mais cela ne gêne absolument de ne pas avoir lu les précédents, ce que je vais sûrement faire. Je proposerai le plan de l’œuvre dans une autre page de mon blog, afin de ne pas donner le tournis.
Un livre exceptionnel comme l’est d’ailleurs « La fabrique des Salauds » dont je vous ai tant rebattue les oreilles, fin 2019, et dont j’ai tourné la dernière page avec tristesse, tant je m’étais attachée à tous ces personnages. Bip-Bip! je deviens lyrique, il est temps que je termine cette chronique.
Un immense merci à NetGalley et aux éditions Lattès qui m’ont permis de découvrir une auteure géniale et une partie de sa fresque historique.
#LespatientsdudocteurGarcia #NetGalleyFrance

L’auteure :
Almudena Grandes vit à Madrid.
Elle est l’auteure de « Un cœur glacé » qui a remporté le prix Méditerranée 2008.
« Les patients du docteur Garcia » poursuit sa série « Épisodes d’une guerre interminable », inaugurée par « Inés et la joie », puis « Le Lecteur de Jules Verne », et dernièrement « Les trois mariages de Manolita. »
Extraits :
Toujours fidèle à mon principe de ne pas divulgâcher », j’ai choisi des citations dans la première partie du roman :
Le délicat feston en dentelle noire, ancienne, du voile qui encadrait son visage l’avantageait, accentuant le contraste entre ses sourcils sombres et ses cheveux blonds, une audace suspecte, d’entraîneuse de cabaret, que la plupart des femmes de sa classe sociale ne se seraient pas permise. Mais Amparo Priego Martínez n’était pas une femme comme les autres, et son culot me bouleversait plus que je ne l’aurais cru. Nous avions vécu ensemble trop de choses, trop longtemps, pour que je puisse sortir indemne de ces retrouvailles. Pour cette raison, je ne pris pas le risque de regarder l’enfant qu’elle tenait par la main.
Le dernier dimanche du mois de mars 1947, je partis à la recherche d’une femme qui connaissait ma véritable identité. Amparo savait que je ne m’appelais pas Rafael Cuesta Sánchez, mais Guillermo García Medina. Et que j’étais médecin, même si je n’avais plus de statut officiel et travaillais dans une agence de transports.
Elle ignorait, en revanche, que j’étais allé la trouver pour venir en aide à Manuel Arroyo Benítez, un de mes amis qui avait pris l’identité d’Adrián Gallardo Ortega afin d’infiltrer une organisation de fugitifs nazis et d’émigrer en Argentine comme un des leurs. Pendant ce temps, le vrai Adrián Gallardo faisait la manche à Berlin, et quand il était contrôlé par une patrouille, il montrait les papiers d’un certain Alfonso Navarro López.
L’événement le plus important de sa vie se produit en 1923, quand un jeune homme énergique de trente-quatre ans se présente à la famille Wagner après avoir assisté à une représentation du Festival de Bayreuth. C’est le leader du Parti national-socialiste ouvrier allemand, mais la raison de sa visite n’est pas politique. Il est persuadé qu’il n’existe aucune œuvre comparable à celle de Richard dans toute l’histoire de la musique et veut témoigner de sa ferveur aux héritiers du compositeur.
La jeune épouse de vingt-six ans, restée en retrait, assiste à cette déclaration passionnée qui lui inspire à son tour des sentiments encore plus excessifs. À partir de ce jour, Winifred vit exclusivement pour Adolf Hitler.
Norman Bethune a réussi. Pour la première fois dans l’histoire, une transfusion de sang conservé dans un réfrigérateur redonne vie à un mourant. Désormais, il n’est plus nécessaire que le donneur soit juste à côté du receveur, relié à lui par deux aiguilles et un tube en caoutchouc. Cette nouvelle technique rend les transfusions beaucoup plus faciles, pratiques et efficaces.
Ainsi, ma relation avec Amparo, étrange fruit du hasard et de la guerre, prit peu à peu une curieuse forme, semblable à la silhouette de ces réfugiés qui portaient en couches superposées tous les vêtements qu’ils possédaient. Mais avant la fin de l’hiver, il se produisit un événement qui me prouva que tout pouvait être encore plus compliqué.
Au contraire, sa nationalité fait très vite d’elle une pièce maîtresse dans les relations entre le gouvernement de Burgos et le Troisième Reich. Clara, franquiste en Espagne, nazie en Allemagne, sait regarder très loin et comprend ce qu’elle voit. Intelligente, compétente, extrêmement énergique et très sympathique, elle se met en retrait et attend son heure.
Clara Stauffer continuera d’être phalangiste et nazie, espagnole et allemande, jusqu’à sa mort.
Manolo aurait été un bon étudiant au séminaire de Gijón. Au collège Sierra Pambley il fut, dès le début, un élève brillant, car s’il n’avait aucune vocation pour la prêtrise, celle qu’il avait pour l’étude était immense, surtout à partir du moment où il comprit que c’était pour lui le seul moyen de s’échapper de Robles, de sa maison, du piège de sa vie.
C’était un bon garçon, sain, innocent, qui ne buvait pas, ne fumait même pas, et n’arrêtait pas de sortir de sous sa chemise un scapulaire que lui avait donné sa mère pour l’embrasser. Il y avait beaucoup d’hommes comme lui parmi les volontaires de son armée, presque encore des enfants, élevés dans des familles ultra catholiques de tradition carliste. (A propos du vrai Adriàn)
Là-dedans, il y a une carte d’identité au nom de Rafael Cuesta Sánchez. Tu te souviens ? (Je hochai la tête en silence. Je n’avais jamais oublié ce nom.) C’est une fausse identité, inventée de toutes pièces.
Lu en février 2020