« L’homme sans sommeil » d’Antonio Lanzetta

Aujourd’hui, détour par l’Italie, pour une histoire sombre, dans une époque tout aussi sombre avec :

Nous faisons la connaissance de Bruno, âgé de treize ans, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il vit dans un orphelinat près de Salerne, où il semble avoir été abandonné à la naissance. Il est soumis au harcèlement constant, non seulement de la part de ses camarades mais aussi du personnel : il est régulièrement envoyé dans la cave, battu, privé de nourriture. Un jour, apparaît Nino qui prend sa défense et tente de lui donner confiance en lui-même.

L’été, les enfants sont envoyés dans des fermes ou des ateliers, afin de travailler et cette année-là, par chance, il est choisi, avec Nino, par Gennaro, pour aller travailler à la ferme de la famille Aloïa, où ils sont bien traités et il fait la connaissance de Caterina, une petite fille cloîtrée dans sa chambre durant la journée, terrorisée par celui qu’elle surnomme « L’homme au chapeau »,   et qui lui fait « visiter « parfois les recoins de la grande maison, la nuit. D’autres personnes vivent dans la maison : Gennaro, sorte de régisseur, et sa mère Pia, la cuisinière.

Le maître de maison est féru de littérature, possède une immense bibliothèque et se passionne pour un ouvrage, publié seulement en deux exemplaires et ce livre va servir de fil conducteur au récit. Le « De codex animorum » est chargé d’histoire, un exemplaire a coûté la vie : en 806, l’abbaye d’Iona, aux îles Hébrides, a été incendiée et les moines ont péri. Mystérieusement, ils auteurs de l’incendie n’ont pas pu mettre la main sur le livre.

Tout pourrait sembler merveilleux, car plus de coups, plus de brimades, et pourtant Bruno fait des cauchemars qui le laissent épuisée au réveil. Puis, un jour tout s’emballe, lorsqu’on découvre des cadavres en état de décomposition avancée. Tout aussi étrangement, il y a des statues dans le jardin, comme des totems pour éloigner le mauvais sort.

Ce récit nous entraîne vers un mystère de plus en plus opaque, à la limite de la folie, car on ne sait plus si les personnages sont réels ou issus de l’imagination, Antonio Lanzetta nous fait découvrir certes des cadavres, mais aussi de lourds secrets de famille, de vieilles histoires locales sur fond de rancune. En parallèle, il évoque l’histoire de Bruno, des années plus tard, alors qu’il est devenu grand-père.

J’ai adoré ce récit, l’histoire compliquée de Bruno et des autres membres de la famille Aloïa et les ravages de la rancune voire, de la haine. Comment cet enfant qui n’a jamais reçu la moindre marque de tendresse, a été battu, torturé psychologiquement et physiquement pourra-t-il s’en sortir ? En s’inventant un autre univers ? En plongeant dans la folie ?

L’écriture est belle, pleine de poésie, l’univers de l’auteur est intrigant, certes, mais je m’y suis plongée avec délice et je n’avais pas du tout envie d’en sortir. Antonio Lanzetta livre ici, un roman passionnant, addictif, et mérite bien son surnom de « Stephen King italien ». Ce livre m’a fait penser à un autre roman envoûtant : « Le nom de la rose » d’Umberto Eco.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Mera qui m’ont permis de découvrir ce roman et l’univers de son auteur

#LHOMMESANSSOMMEIL #NetGalleyFrance !

Antonio Lanzetta, surnommé le « Stephen King italien », fait partie du renouveau qui s’amorce dans le thriller italien. Son premier roman, Le mal en soi, traduit et publié en France, au Canada et en Belgique par Bragelonne, est nommé par le Sunday Times comme l’un des cinq meilleurs thrillers étrangers de l’année 2019. Écrivain, musicien, chroniqueur littéraire, Lanzetta alterne les points de vue et les époques avec beaucoup de rythme et un sens affûté de l’intrigue pour mieux semer le doute au cœur d’une Italie rurale, profonde, tour à tour cuite par le soleil et détrempée par la pluie, l’Italie du Sud, où il a grandi et vit aujourd’hui.

Abbaye d’Iona.  Îles Hébrides, 806

La peur. Callum ne peut se retenir de trembler de peur. Il referma l’ouvrage, et s’agenouilla à la lumière de l’unique bougie. Des ombres s’étiraient telles des araignées sur les murs de la pièce, le long des étagères de la bibliothèque qu’il avait construite de ses mains.

Elle parcourut la page du bout des doigts et soupira. Elle connaissait le roman par cœur. Chaque passage, chaque dialogue, chaque description : elle avait pénétré dans le monde que Charlotte Brontë avait bâti et l’avait fait sien. Un monde meilleur dans lequel se réfugier. Jane Eyre était son talisman, l’amulette qui la protégeait des mauvais rêves. 

Il avait ce regard qui donnait toujours à Bruno le sentiment d’être à nu, vulnérable, comme si sa vie en dehors de la cave n’avait aucun sens, et que le froid, la douleur, et le goût du sang étaient tout ce qu’il représentait.

Les aboiements rageurs d’un chien l’avaient entraîné hors de la maison, au milieu des statues, au-delà du portail et des murs tapissés de lierre. Loin de son lit, des ronflements de Nino, et de la musique de monsieur Aloïa, le monde lui semblait infini, et pourtant tout petit, si petit qu’il avait beau marcher et avancer, il restait toujours au même endroit.

Depuis qu’il était entré dans la maison des Aloïa, la nuit représentait pour lui le franchissement d’un seuil invisible qui séparait le monde des vivants de celui de la Mort.

Il repensa à l’orphelinat, aux fissures dans les murs, au sol poussiéreux sous son lit, et à l’erreur qu’il avait commise en croyant que la maison était un endroit sûr où se cacher. Il n’y avait aucun endroit sûr dans ce monde. Il n’y avait que des hommes et le mal qui leur collait à la peau.

Le ciel, sans étoiles, était noir comme de la poix versée dans un puits. La lune elle-même était noirâtre, mais il la distinguait : elle flottait au-dessus de la cime des arbres, telle une sphère aux contours agités d’un tremblement. Elle semblait bouillonner et gargouiller, comme si elle était sur le point d’exploser et de se déverser sur la terre en une pluie de fragments poisseux. Aucune lumière ne filtrait, et pourtant Bruno pouvait voir…

« Le Mage du Kremlin » de Giuliano da Empoli

Cela faisait longtemps que je patientais sur la liste d’attente de la bibliothèque pour avoir accès au roman dont je vous parle aujourd’hui, mais cela en valait vraiment la peine :

Résumé de l’éditeur :

On l’appelait le « mage du Kremlin ». L’énigmatique Vadim Baranov fut metteur en scène puis producteur d’émissions de télé-réalité avant de devenir l’éminence grise de Poutine, dit le Tsar. Après sa démission du poste de conseiller politique, les légendes sur son compte se multiplient, sans que nul puisse démêler le faux du vrai. Jusqu’à ce que, une nuit, il confie son histoire au narrateur de ce livre…


Ce récit nous plonge au cœur du pouvoir russe, où courtisans et oligarques se livrent une guerre de tous les instants. Et où Vadim, devenu le principal spin doctor du régime, transforme un pays entier en un théâtre politique, où il n’est d’autre réalité que l’accomplissement des souhaits du Tsar. Mais Vadim n’est pas un ambitieux comme les autres : entraîné dans les arcanes de plus en plus sombres du système qu’il a contribué à construire, ce poète égaré parmi les loups fera tout pour s’en sortir.


De la guerre en Tchétchénie à la crise ukrainienne, en passant par les Jeux olympiques de Sotchi, Le mage du Kremlin est le grand roman de la Russie contemporaine. Dévoilant les dessous de l’ère Poutine, il offre une sublime méditation sur le pouvoir.


Grand prix du roman de l’Académie Française 2022

Ce que j’en pense :

Ce récit nous plonge dans l’histoire de Vadim Baranov, homme de théâtre à la base, qui va participer à l’accession au trône, pardon au pouvoir de Vladimir Poutine. Vadim menait une vie plutôt tranquille, à l’ombre d’un père, fonctionnaire communiste entièrement dévoué à l’URSS, alors que son grand-père avait plutôt servi le Tsar Nicolas II. Il reçoit l’auteur dans la maison familiale dans laquelle il vit désormais, entouré des livres de son aïeul.

Vadim a été amené à rencontrer Poutine, alors à la tête du FSB, par son ami Berezovski, directeur d’une chaîne de télévision, qui craint la fin de l’ère Eltsine, qui pourrait l’éloigner du pouvoir. Ils décident de convaincre Poutine, de devenir le nouveau premier ministre, l’auréole de Primakov commence à se ternir, et de toute manière personne de sera surpris, Eltsine, changeant de premier ministre tous les mois, voire davantage, selon son taux d’alcoolémie, ou son état physique après un nouvel AVC.

J’ai apprécié comme il se doit la scène dantesque au FSB ex KGB où il fait semblant de se faire prier, convaincre de son destin futur, affirmant que son poste est nettement plus intéressant alors qu’il a déjà pris sa décision au fond de lui, déjà le Tsar pointe sous Volodia…

Vadim va devenir l’éminence grise de Poutine, le nouveau Raspoutine grincent certains politiques gravitant autour du Tsar et raconter la transformation de Poutine, la révélation plutôt car il n’a plus besoin de dissimuler ses opinions, son manque l’empathie, son goût du pouvoir absolu… Tout est bon pour que la Russie redevienne la puissance d’autrefois sur l’échiquier politique. Pour lui, les Occidentaux sont la cause de tout, (et pourquoi pas la CIA derrière Gorbatchev, ou manipulant Eltsine tant qu’on y est!!!). Il n’a jamais pu digérer le fou rire de Clinton lors de sa conférence avec Eltsine et encore moins le fait d’être accueilli à son premier G20 comme une république de seconde zoné : crime de lèse-majesté.

On va revisiter la tragédie du Kourtsk, la manière dont il s’est servi des jeux olympiques de Sotchi pour montrer sa puissance et son taux de testostérone, (tout le monde connaît les photos du Tsar torse nu à cheval, ou pêchant un saumon ou encore ses matches de Hockey avec son ami Loukachenko) à la manière d’un certain Adolf Hitler aux jeux de Berlin, sa vision de l’Ukraine, et comment la remettre au pas quitte à la détruire, les assassinats de ceux qui lui font de l’ombre…

Giuliano da Empoli nous entraine aussi sur les traces des oligarques qui ont fleuri sous l’ère de Boris Eltsine et qui vont tomber en disgrâce les uns après les autres : Khodorkovski, Federovski, Limonov, et l’inspirateur du groupe Wagner tristement célèbre… mais, « en Russie, on se tait ou on s’en va »

J’ai beaucoup aimé ce roman, je connaissais bien la manière dont on était allé le chercher au FSB pensant le manœuvrer comme une marionnette, mais je ne savais pas qui étaient les apprentis sorciers, et je connaissais moins les ficelles du Kremlin, qui fonctionne comme au temps du Tsar, avec les courtisans.

Je me suis toujours méfiée de Vladimir, dès que je l’ai vu pour la première fois sur les écrans, la froideur métallique de son regard ne présageait rien de bon et comme Vadim je l’ai surnommé le Tsar de toutes les Russies dès le début. Sur le plan psychologique il a une personnalité très intéressante comme tous les dictateurs avec lesquels il ne sert à rien de discuter, ils veulent passer en force… J’espère que l’on ne retrouvera pas Vadim Baranov suicidé mystérieusement en se jetant du quatrième étage d’un hôtel, car ce mode de « suicide » est très courant dans l’entourage du Tsar…

Ce livre a reçu le grand prix de l’Académie Française, un prix bien mérité.

9/10

D’origine italienne, Giuliano da Empoli est essayiste et conseiller politique. Son dernier livre, « Les ingénieurs du chaos », consacré aux nouveaux maîtres de la propagande politique, a été traduit en douze langues. « Le mage du Kremlin » est son premier roman.

Extraits :

Il avait démarré trop tôt et maintenant il s’ennuyait. De lui-même surtout. Et du Tsar. Qui lui en revanche ne s’ennuyait jamais. Et s’en rendait compte. Et commençait à le haïr. Quoi ? Je t’ai conduit jusqu’ici et tu as le courage de t’ennuyer ? Il ne faut jamais sous-estimer la nature sentimentale des rapports politiques.

Dans les années vingt, Zamiatine et Staline sont deux artistes d’avant-garde qui rivalisent pour la suprématie. Les forces en présence sont disproportionnées bien sûr ; car le matériau de Staline est la chair et le sang des hommes, sa toile, une nation immense, son public tous les habitants de la planète qui murmurent avec révérence son nom dans des centaines de langues.

Ce que le poète réalise en imagination, le démiurge prétend l’imposer sur la scène de l’histoire mondiale.

Quand on y pense, reprit-il, la première moitié du vingtième siècle n’aura, au fond, été que cela : un affrontement titanesque entre artistes, Staline, Hitler, Churchill. Puis sont arrivés les bureaucrates, car le monde avait besoin de se reposer.

Chez vous, l’argent est essentiel, c’est la base de tout. Ici, je vous assure, ce n’est pas comme ça. Seul le privilège compte en Russie, la proximité du pouvoir. Tout le reste est accessoire. C’était comme ça du temps du tsar et pendant les années communistes encore plus. Le système soviétique était fondé sur le statut. L’argent ne comptait pas. Il y en avait peu en circulation et il était de toute façon inutile.

On n’échappe pas à son destin et celui des Russes est d’être gouvernés par les descendants d’Ivan le Terrible. On peut inventer tout ce qu’on voudra, la révolution prolétaire, le libéralisme effréné, le résultat est toujours le même : au sommet il y a les opritchniki, les chiens de garde du tsar…

Les russes ne sont pas et ne seront jamais comme les Américains. Cela ne leur suffit pas de mettre de l’argent de côté pour s’acheter un lave-vaisselle. Ils veulent faire partie de quelque chose d’unique. Ils sont prêts à se sacrifier pour cela. Nous avons le devoir de leur restituer une perspective qui aille au-delà du prochain versement mensuel pour la voiture. Dixit Berezovski, homme qui s’est plus qu’enrichi sous le règne de Eltsine…

A cette époque, le Tsar n’était pas encore le Tsar ; de ses gestes n’émanait pas l’autorité inflexible qu’ils acquerraient par la suite et, bien que dans son regard on devinât déjà la qualité minérale que nous lui connaissons aujourd’hui, celle-ci était comme voilée par l’effort conscient de la tenir sous contrôle. Cela dit, sa présence transmettait un sentiment de calme…

Je notais pour la première fois la complète indifférence de Poutine à la nourriture, comme il m’arriverait plus tard de constater la parfaite insensibilité du Tsar aux plaisirs qui adoucissent la vie. Comme dit Faust : « qui commande doit trouver son bonheur dans le commandement ».

Le fonctionnaire ascétique s’était soudainement transformé en archange de la mort. C’était la première fois que j’assistais à un phénomène de ce genre. Jamais, même sur les scènes des meilleurs théâtres, je n’avais été témoin d’une transfiguration de ce genre.

Comme touts les grands politiques, il appartient au troisième type (d’acteur) : l’acteur qui se met lui-même en scène, qui n’a pas besoin de jouer parce qu’il est à tel point pénétré par le rôle que l’intrigue de la pièce est devenue son histoire, elle coule dans ses veines…

Disons-le franchement, il n’y a pas de dictateur plus sanguinaire que le peuple ; seule la main sévère mais juste du chef peut en tempérer la fureur…

Ton chef travaillait pour le contre-espionnage. Ce n’est pas la même chose du tout ! Tu sais quelle est la différence ? Que les espions cherchent des informations exactes, c’est leur métier. Le métier des gens du contre-espionnage en revanche est d’être paranoïaques. Voir des complots partout, des traitres, les inventer quand on en a besoin : ils ont été formés comme ça, la paranoïa fait partie de leurs obligations professionnelles.

A ce jeu-là ; vous les Occidentaux êtes les meilleurs. Toute votre vision du monde est fondée sur le désir d’éviter les accidents. De réduire le territoire des incertitudes afin que la raison règne, suprême. Nous au contraire, nous avons compris que le chaos est notre ami, à dire vrai, notre seule possibilité.

J’ai toujours pensé que parmi les choses que la politique a en commun avec la mafia, il y a le fait qu’on ne prend pas sa retraite. On ne peut pas se retirer et mettre à faire quelque chose d’autre.

Ç’a été la même chose dans les autres cas : le colonel, l’avocat, cette célèbre journaliste. Tu le sais parfaitement Vadia, ce n’était pas nous. Nous, nous ne faisons rien : nous créons juste les conditions d’une possibilité.

Que veux-tu que la Russie fasse de deux régions de plus ? On a repris la Crimée parce qu’elle était à nous, mais le but ici est différent. Ici, notre objectif n’est pas la conquête, c’est le chaos. Tout le monde doit voir que la révolution orange a précipité l’Ukraine dans l’anarchie. Quand on commet l’erreur de se confier aux Occidentaux, cela finit ainsi : ceux-ci te laissent tomber à la première difficulté et tu restes tout seul face à un pays détruit.

Lu en janvier 2023

« En eaux dangereuses » de Donna Leon

Petit intermède polar et cap vers l’Italie et La Sérénissime aujourd’hui avec ce livre :

Résumé de l’éditeur :

« On ressent la tension, la peur, l’horreur, mais aussi l’émerveillement. « 
The Times

Quand le médecin d’un hospice vénitien appelle la police car une patiente en fin de vie souhaite témoigner, le commissaire Brunetti et Claudia Griffoni se rendent aussitôt au chevet de la jeune femme. Ses derniers mots évoquent son défunt mari Vittorio qui selon elle, a été assassiné. Brunetti lui jure de mener l’enquête.

Il découvre alors que Vittorio, qui travaillait pour une compagnie chargée de vérifier la qualité des eaux vénitiennes, est officiellement mort dans un accident de moto. Où se trouve la vérité ? Avec l’aide de ses fidèles collègues, Brunetti va petit à petit démêler les fils d’un secret dissimulant une menace pour Venise et toute sa région.

Entre intrigue passionnante, personnages plus touchants que jamais et réflexion subtile sur la mort, Donna Leon nous dévoile à nouveau avec En eaux troubles son immense talent de conteuse et son regard si unique sur Venise.

Ce que j’en pense :

Un couple discute aux abords d’un pont, sous la chaleur caniculaire de juillet, alors qu’une vaste entreprise de nettoyage des canaux est en cours. Il s’agit de Brunetti et sa collègue Claudia Griffonni. On s’attend à voir extraire un cadavre, mais désillusion, il ne s’agit que d’un frigidaire…

Qu’à cela ne tienne, une affaire ne tarde pas à se profiler à l’horizon : une patiente en soins palliatifs désire leur parler de la mort suspecte de son mari, Vittorio lors d’un accident de moto. Nos commissaires, pourront s’entretenir avec elle à deux reprises avant qu’elle ne décède brutalement dans leurs bras.

Vittorio travaillait dans un laboratoire d’analyse de l’eau dite potable, relevant les capteurs signalant des anomalies, notamment après des orages.

Donna Leon nous livre ici une enquête sur les menaces qui planent sur l’eau, les produits chimiques, les engrais, et plus qui donnent parfois des maladies graves, chez les enfants, ou les adultes, même des années après la fermeture des usines incriminées.

Ce qu’elle dénonce ce sont les malversations, les pots de vin que touchent certains pour falsifier les résultats n’hésitant pas à s’en prendre aux récalcitrants.

Les protagonistes ont des personnalités intéressantes, en particulier Brunetti et sa collègue Griffonni, ce sont des policiers consciencieux avec leurs qualités et leurs défauts et on a du plaisir à cheminer avec eux ;

L’histoire est intéressante, mais le rythme du récit soporifique à un point tel que j’ai failli ne pas terminer ce roman. Certes, la canicule régnant sur la ville pousse à la sieste, à une réflexion que la qualité du lin quand il fait chaud, les douches, les repas alanguis, qui n’en finissent pas mais quand même et en prime la fin du roman m’a beaucoup irritée… Je préfère les polars qui ont un rythme plus rapide et dont la lecture est addictive.

C’est la deuxième fois que je lis un roman de Donna Leon, après ma découverte mitigée de « Meurtre à la Fenice » et à part me promener dans la belle cité, je n’ai pas réussi à vraiment entrer dans ce polar, dont l’intrigue m’intéressait. Il faut dire que, après avoir refermé à regret « Poussière dans le vent », je risquais fort d’être tentée de comparer et d’être déçue…

Un grand merci àNetGalley et aux éditions Calmann-Levy qui m’ont permis de découvrir ce dernier opus de l’auteure.

#Eneauxdangereuses #NetGalleyFrance !

6/10

Extraits :

Un homme et une femme, en pleine discussion, s’approchèrent du ponte dei Lustraferi. Ils avaient l’air de souffrir tous les deux de la chaleur en cette fin d’après-midi de juillet. La vaste riva était en effet sans merci pour les flâneurs car la blancheur des pierres, alliée au soleil, réfléchissait sur leurs visages la lumière de ses rayons.

Brunetti examina les canaux où s’étaient accumulées des décennies de fange et de détritus. La substance visqueuse et noire apparaissait juste au-dessous de la marque des marées hautes et s’épaississait au fur et à mesure que l’eau gagnait en profondeur. Le tout dégageait une odeur de pourriture insoutenable, qui évoquait celle des cadavres et emplit Brunetti presque autant de dégoût que d’horreur….

Ce chaos lui rappela les films de guerre où les habitants de villes fortifiées s’échappaient en se ruant sur le peu de portes de sortie construites, et où les hommes, les femmes et les enfants, victimes de la défaite et de la reddition, n’avaient pour seul choix que de suivre le mouvement.

Braga planta ses coudes sur la table et se frotta les tempes. « La sœur de ma femme vit là-bas et un de ses petits-enfants est une des victimes de cette affaire du PFAS. Quand elle nous en a parlé, il y a des années, elle a dit que l’usine était fermée depuis une éternité, mais que cette substance était encore dans le sol et dans l’eau courante. Beaucoup d’enfants de cette région en ont dans le sang. »

Substances per et polyfluroroalkylées, présentes dans l’eau, les aliments ou les emballages alimentaires.

Les gens n’aiment pas les prêches, même s’ils sont d’accord avec les propos du prêcheur.

Pas plus tard que la semaine dernière, il avait appris par la presse que les derniers incendies de forêt, de plus ou moins grande ampleur, résultaient tous de foyers criminels et il avait été frappé par l’indifférence et la désinvolture avec lesquelles ses compatriotes traitaient le patrimoine de l’humanité qu’ils avaient en charge.

Lu en octobre 2021

« La félicité du loup » de Paolo Cognetti

Petit intermède « douceur » avec le livre dont je vous parle aujourd’hui :

Résumé de l’éditeur :

Fausto a quarante ans, Silvia en a vingt-sept. Il est écrivain, elle est artiste-peintre. Tous deux sont à la recherche d’un ailleurs, où qu’il soit. Alors que l’hiver s’installe sur la petite station de ski de Fontana Fredda, au cœur du val d’Aoste, ils se rencontrent dans le restaurant d’altitude Le Festin de Babette. Fausto fait office de cuisinier, Silvia, de serveuse. Ils se rapprochent doucement, s’abandonnant petit à petit au corps de l’autre, sans rien se promettre pour autant. Alors qu’arrive le printemps et que la neige commence à fondre, Silvia quitte Fontana Fredda pour aller toujours plus haut, vers le glacier Felik, tandis que Fausto doit redescendre en ville rassembler les morceaux de sa vie antérieure et finaliser son divorce. Mais le désir de montagne, l’amitié des hommes et des femmes qui l’habitent et le souvenir de Silvia sont trop forts pour qu’il résiste longtemps à leur appel.


  Après le succès mondial des Huit Montagnes, Paolo Cognetti revient sur ses sommets bien-aimés avec un éblouissant roman d’amour, véritable ode à la montagne tour à tour apaisante, dangereuse, imprévisible et puissante.

Ce que j’en pense :

Fausto, écrivain en panne d’inspiration et en plein divorce décide d’aller retrouver la montagne, espérant que celle-ci va lui inspirant quelques pages, voire un roman…

De son côté, Sylvia, est artiste peintre, en pleine réflexion également. Ils se rencontrent dans une petite station de ski, au cœur du Val d’Aoste : Fontana Fredda dans un restaurant au nom évocateur, le Festin de Babette. Sylvia est serveuse, Fausto aide en cuisine.

Une histoire d’amour s’installe entre eux, sous l’œil de la patronne, Babette, des ouvriers qui dament les pistes pour les skieurs, parmi lesquels Santorso, on trouve aussi des « Montagnards » qui coupent les arbres…

Lorsque la saison est finie, Fausto retourne en ville pour finir de régler la procédure de divorce avec Veronica, tandis que Silvia va travailler dans un refuge.

J’ai bien aimé la manière dont Paolo Cognetti parle de la Montagne, des arbres détruits par les tempêtes, des glaciers qui fondent, alors que des cohortes d’alpinistes plus au moins chevronnés vont finir de les user en ne respectant pas forcément la Nature. Après tout, ce n’est qu’un sport de l’extrême n’est-ce pas ?

J’ai aimé la manière dont il parle du loup, son intranquillité qui le pousse à ne jamais rester trop longtemps au même endroit. Ces animaux me fascinent depuis des lustres et l’auteur leur rend hommage, alors qu’ils font si peu partie du récit.

Par contre, j’ai trouvé les personnages ternes, peu convaincants, leurs histoires d’amour sans désir de construire vraiment…

J’ai bien aimé « Les huit montagnes » et je pensais retrouver le même engouement, mais déception, je suis restée sur ma faim, car seule l’ode à la montagne m’a vraiment emballée ainsi que la manière dont l’auteur parle d’Hokusai et ses vues du Mont Fuji …

Il est certain qu’après le choc de « Berlin Requiem », c’était compliqué, mais ce roman a eu l’effet doudou dont j’avais besoin…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Stock qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteur…

#Lafélicitéduloup #NetGalleyFrance

Sortie : 01/09/21

6/10

Extraits :

La Babette de la nouvelle était une révolutionnaire qui, après la chute de la Commune de Paris, s’était retrouvée cuisinière dans un petit village de rustres en Norvège. La Babette qu’il avait devant lui ne servait pas de soupes à la tortue mais avait tendance à adopter les orphelins et à chercher des solutions pratiques aux problèmes essentiels.

Humant l’air, il retrouva de cette contrée une mémoire lointaine, un souvenir reçu en héritage. Comme les règles auxquelles, il obéissait aveuglément – rester sur les hauteurs, ne pas quitter la forêt, voyager de nuit, se tenir à bonne distance des maisons et des routes –même s’il avait compris que quelque chose avait changé depuis qu’elles avaient été établies.

Mais, qu’est-ce qu’il faisait là, un abruti de quarante ans sans famille, ni travail, à part suivre son utopie ridicule du vis-là-où-tu-es-heureux ?

A la fin du livre, il trouva le seul texte qu’Hokusai ait laissé et qui disait : « Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner la forme des objets. Vers l’âge de cinquante ans, j’avais publié une infinité de dessins, mais tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans ne vaut pas la peine d’être compté. C’est à soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la structure de la nature vraie, des animaux, des herbes, des arbres, des oiseaux, des poissons et des insectes… »

A l’époque, il croyait que le glacier était éternel et immuable, un pan de la montagne qu’il aurait retrouvé là, entre la roche et le ciel. Son père en revanche avait compris ce qui était en train de se passer : si une chose disparaît, une autre prendra sa place lui dit-il. C’est ainsi que va le monde, tu sais ? C’est nous qui avons toujours la nostalgie de ce qu’il y avait avant.

Le loup obéissait à un instinct moins compréhensible. Santorso lui avait raconté qu’on ne comprenait pas très bien pourquoi il se déplaçait, l’origine de son intranquillité. Il arrivait dans une vallée, y trouvait peut-être du gibier à foison, pourtant quelque chose l’empêchait de devenir sédentaire, et tôt ou tard il laissait tous ces cadeaux du ciel et s’en allait chercher la félicité ailleurs.

Lu en septembre 2021

« L’autre bout du fil » d’Andrea Camilleri

Toujours dans ma période polar, je vous parle aujourd’hui d’un auteur que j’aborde pour la deuxième fois seulement avec ce livre :

Résumé de l’éditeur :

A Vigàta, tandis que l’arrivée chaque nuit de barques contenant des migrants rescapés de naufrages bouleverse la vie du commissariat, Livia, l’éternelle fiancée gênoise de Montalbano le contraint à affronter une autre épreuve : il doit se faire faire un costume sur mesure. A cette occasion, le commissaire rencontre la très belle et aimable Elena et son assistante tunisienne Meriam. Tandis que la crise migratoire s’aggrave sur les côtes siciliennes, avec son lot de racisme et de violences, Elena est assassinée à coups de ciseaux de tailleur, les suspects du meurtre ont apparemment des alibis, et un coupon de tissu d’une exceptionnelle qualité recèle peut-être des révélations sur le passé de la défunte couturière…

Assisté par l’inénarrable Catarella, tombé amoureux d’un chat qui ne le lui rend guère, d’un Augello que son donjuanisme aveugle et d’un Fazio ombrageux, le commissaire Montalbano progresse vers la vérité grâce à son art du mensonge, et sans jamais oublier d’honorer son culte biquotidien à la gastronomie sicilienne…

Ce que j’en pense :

Après avoir émergé d’un cauchemar, où sa pantoufle a tête de chat l’avait griffé, Le commissaire (dottor) Montalbano a une discussion animée avec sa compagne, Livia : celle-ci veut qu’il aille se faire faire un costume sur mesure, à l’atelier d’Elena, une de ses copines. Idée qui ne lui plaît guerre, surtout qu’il va falloir prendre ses mesures (partout), et se déshabillé devant une femme. Mais ils sont invités à renouveler les vœux de mariages d’un couple ami (autre idée qui ne le réjouit guère).

Il faut dire que notre commissaire a du pain dur la planche : durant la nuit « accueillir » les migrants qui débarquent sur la plage après avoir subi un voyage sur des embarcations surchargées, et il faut les faire débarquer sans déclencher de fuites liées à la peur, ils ont tellement attendu (et fantasmé) sur cette terre d’accueil, qu’ils tentent tous de se précipiter. Il est aidé par le Dr Osman qui peut leur expliquer dans leur langue ce qu’on attend d’eux.

La journée, il doit vaquer à ses obligations habituelles, avec un manque de moyens dramatiques. Il se rend néanmoins à son essayage et la belle Elena lui tourne un peu la tête, surtout ses jambes.

Un matin, Elena est retrouvée assassinée à coups de couteaux et l’enquête commence dans des conditions assez rocambolesques, la belle dame avait beaucoup d’admirateurs et on ignore tout de son passé…

J’ai bien aimé cette enquête sur fond de migrants, de réflexions sur l’Europe qui se cloître, pour n’accueillir personne. On rencontre des personnages intéressants, et les coéquipiers de Montalbano valent chacun leur pesant d’or. Qu’il s’agisse de Catarelle, et ses mésaventures avec le chat d’Elena, ou d’Augello amoureux transi, jaloux, au langage fleuri ou du plus réservé Fazio… J’ai bien aimé le docteur Osman et son dévouement par la traduction et l’aide qu’il apporte, ainsi que Meriam, l’assistante tunisienne d’Elena qui s’investit aussi à fond pour venir en aide aux migrants.

Je vais garder en tête des images fortes, tel le joueur de flûte qui pleure, se débat parce qu’on veut lui arracher sa flûte, lui qui était musicien reconnu dans son pays et à qui il ne reste plus que cet instrument.

Ou encore, ces passeurs infects qui n’ont pas eu le temps de sauter de l’embarcation en train de couler, et osent se faire passer pour des migrants, alors qu’ils ont profité du « voyage » pour violer une gamine…

Je voudrais rendre hommage au traducteur, Serge Quadruppani, qui a réussi à bien adapter en français, les 3 niveaux d’italien, ce qui en soi un exploit : l’italien officiel dans un registre familier, le dialecte et l’italien sicilianisé ce qui donne un texte savoureux. De plus, il a choisi le parti de la littéralité dans la construction des phrases : « Montalbano sono, Montalbano je suis » par exemple.

C’est la deuxième fois, seulement, que je me lance dans un roman d’Andréa Camilleri, car j’ai gardé un souvenir mitigé de « La danse des mouettes » et cette fois, j’ai apprécié l’auteur et le livre car l’intrigue est intéressante mais ce qui m’a vraiment séduite c’est la truculence de la langue…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Fleuve Noir qui m’ont permis de découvrir ce roman et de replonger dans l’écriture d’Andrea Camilleri

#Lautreboutdufil #NetGalleyFrance

8/10

L’auteur :

Italien d’origine sicilienne, né en 1925, Andrea Camilleri a mené une longue carrière de metteur en scène pour le théâtre, la radio et la télévision, avant de se tourner vers la littérature.

 D’abord auteur de poèmes et de nouvelles, Andrea Camilleri s’est mis sur le tard à écrire dans la langue de sa Sicile natale. Sa série consacrée au commissaire Montalbano a rencontré un tel succès qu’elle a été adaptée en feuilleton à la télévision.

Son héros, un concentré détonnant de fougue méditerranéenne et d’humeur bougonne, évolue avec humour et gourmandise au fil de ses enquêtes, parmi lesquelles : Jeu de miroirs(2016), Une voix dans l’ombre (2017), Nid de vipères (2018) et La Pyramide de boue (2019).

Andrea Camilleri a reçu en 2014 le prix Federico Fellini pour l’excellence artistique de son œuvre. Tous ses romans ont été publiés chez Fleuve Éditions et sont repris chez Pocket. Andrea Camilleri est décédé à Rome en 2019 à l’âge de 93 ans.

Extraits :

Le dos ! voilà ’ne autre partie du corps qui t’avise des premiers ennuis de la vieillerie.

Quand ils se mirent à la rambarde, ils virent ‘ne masse informe : tous s’étaient comme empaquetés dans les couvertures thermiques qu’on leur avait données. On ne voyait que les yeux, étincelants, écarquillés, attentifs, tels ceux des chiens quand ils attendent un os.

Et soudain, une idée le frappa : parmi ces misérables, combien de pirsonnes capables d’enrichir le monde par leurs talents ? Combien parmi les cataferi (cadavres) qui se trouvaient à présent dans l’invisible cimetière marin, auraient pu écrire ‘ne poésie dont les paroles auraient consolé, égayé, comblé le cœur de ses lecteurs.

Aussi, ces considérations mises à part, combien d’altruisme, de générosité de l’homme envers l’homme se perdait dans cette tragédie qui se répétait chaque nuit ?

Sa discipline de flic lui permettait de faire ce qu’il devait faire, mais son âme d’homme n’en pouvait plus de contenir toute c’te tragédie.

Moi, je pense qu’après le grand rêve de c’t’Europe unie, nous avons fait de notre mieux pour en détruire les fondements. Nous avons envoyé se faire foutre l’histoire, la politique, l’économie communes. La seule chose qui restait peut-être ‘ntacte, c’était cette idée de paix. Passequ’après s’être entre-massacrés pendant des siècles, on en pouvait plus. Mais maintenant, on l’a oublié, cette idée, et donc, on a trouvé la bonne excuse de c’tes migrants pour remettre des frontières, des vieilles et des nouvelles, avec des barbelés. Ils disent qu’au milieu de c’tes migrants, il y a des terroristes qui se cachent, au lieu de dire que ces malheureux fuient justement les terroristes.

Il aréussit ‘ne espèce de miracle, à savoir ne laisser passer aucune pinsée dans sa coucourde. Sa cervelle lui était advenue comme un tableau noir où n’apparaissaient que des expressions élogieuses sur les saveurs qui, partant de sa bouche, réjouissaient tout le corps jusqu’à la pointe des pieds, pour remonter ensuite.

Montalbano pinsa que parfois, être orphelin d’une mère du sud, ça pouvait bien ne pas être une malédiction.

Lu en mai 2021

« La farce » de Domenico Starnone

Un petit voyage en Italie, aujourd’hui avec ce livre qui m’a intriguée sur NetGalley et bien sûr je n’ai pas pu résister :

Résumé de l’éditeur :

Un petit garçon en mal de distraction, un vieux dessinateur débordé par son travail et ses souvenirs, un appartement trop petit comme champ de bataille et la ville de Naples en toile de fond : la partie peut commencer.


D’un côté, Mario, quatre ans, dictateur en puissance, amateur d’histoires du soir et détenteur d’un savoir-faire domestique dont il n’hésitera pas à se servir. De l’autre, Daniele, son grand-père, illustrateur célèbre sur le déclin aux prises avec l’angoisse de la page blanche et une commande à rendre sous peu. En guise de terrain d’affrontement, l’appartement du petit Mario, confié à son grand-père par ses parents, partis à une conférence dont l’enjeu pourrait bien être leur propre mariage.

Durant trois jours, nos deux protagonistes vont se livrer à un duel sans merci, entre alliances, rivalités et jeux pas toujours amusants – jusqu’à la farce de trop. Ode tendre à la ville de Naples, satire réjouissante, tableau émouvant de la rencontre de la vieillesse et de l’enfance : Domenico Starnone signe, avec ce presque huis-clos entre le rire et les larmes, un roman doux-amer sur la force des souvenirs.


 
Traduit de l’italien par Dominique Vittoz

Ce que j’en pense :

Un homme âgé de soixante-quinze ans, Daniele, qui se remet à peine d’une intervention chirurgicale qui l’a beaucoup affaibli, quitte son domicile de Milan pour aller garder son petit-fils Mario, âgé de quatre ans.

C’est sa fille, Betta, qui le lui demande, en fait qui le somme de venir, car elle se rend avec son époux à un colloque scientifique, pendant plusieurs jours. Elle ne s’est pratiquement pas occupée de lui pendant son hospitalisation à peine quelques coups de fils, et il doit tout quitter, et aller à Naples par le train !

Si encore, ils se voyaient souvent… Mais non, il n’a pas vu son petit-fils depuis très longtemps et se souvient à peine de son âge. Le deal est simple, la femme de ménage doit venir et préparer les repas, Betta lui a laissé une liste de recommandations, et tout est sous contrôle. Mario jouera pendant que Daniele fera ses dessins pour l’illustration d’une œuvre de James qu’on lui a commandée.

Sa fille a repris l’appartement familial, c’est à dire celui où Daniele a habité lorsqu’il était enfant, où il a subi la violence d’un père joueur compulsif, dans une ville qu’il déteste.

Malgré les modifications apportées pas sa fille, cet appartement ne lui plaît pas et surtout fait remonter des souvenirs…

Comment occuper un gamin de quatre ans qui sait tout, parle comme un livre, dans un appartement qui a des pièges, telle une porte fenêtre qui ne s’ouvre que de l’intérieur avec un système compliqué…

Domenico Starnone nous livre, à travers ce récit, le drame de la vieillesse, du corps auquel on peut moins se fier, alors que le cerveau fonctionne encore bien, et le constat qu’un vieil homme peut faire au fil du temps : qu’a-t-il fait de sa vie, sa peinture, ses dessins qui ont fait de lui un artiste connu, autrefois, et sont méprisés par la jeune génération (son jeune blanc-bec d’éditeur lui parle sur un ton odieux !) mais aussi par sa propre famille.

Il nous propose aussi une réflexion sur la famille, l’évolution des relations parents enfant depuis sa jeunesse puis sa propre situation de parent de Betta. Comment supporter de se faire maltraiter par un bambin, car à sa place je crois que Mario se serait pris une baffe pour ne pas dire plusieurs, et ce n’est pas l’envie qui manque à Daniele mais « je le dirai à Maman » est une phrase magique….

Ce roman désarçonne, bouleverse. J’ai éprouvé beaucoup d’empathie pour ce grand-père, à peine plus âgé que moi et qui se retrouve seul alors que le monde change, et que ses certitudes s’écroulent de même que son estime de lui-même : il doute même de son talent. Il brosse un tableau de la tendance de plus en plus grande à l’égocentrisme, et en parallèle la solitude, la cohabitation entre les générations, où on prend mais on ne donne pas forcément…

Domenico Starnone a une très belle écriture, sans fioriture, mais un sens du détail et du terme adapté, un ton sans concession qui m’ont beaucoup plu. Il nous propose aussi des dessins attribués à Daniele qui sont beaux mais sombres.

Je n’ai pas lu « Le coin plaisant » la nouvelle d’Henry James qui sert de prétexte au récit, au départ, mais qui prend une place de plus en plus importante, un peu comme « La peau de chagrin » ou « le portrait de Dorian Gray » et j’ai trouvé cela gênant, comme si une partie de la pensée de l’auteur m’échappait.

Même si la fin est surprenante, j’ai beaucoup aimé ce roman que j’ai lu d’une traite et que je relirai certainement après avoir découvert « Le coin plaisant ». C’est un livre très fort, un uppercut qui laisse exsangue quand on le referme. Hélas, comme toujours lorsqu’un roman me plaît, je trouve ma critique maladroite.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Fayard qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur que je ne connaissais pas du tout.

#LaFarce #NetGalleyFrance

L’auteur :

Né en 1943, à Saviano, près de Naples, Domenico Starnone est écrivain, journaliste et scénariste. Il a notamment écrit plusieurs livres satiriques sur le monde de l’éducation.

Domenico Starnone a obtenu le prix Strega 2001 pour son roman Via Gemito, publié aux éditions Fayard, en 2004.

Extraits :

Pour ma part, je ne savais plus être ni agressif ni affable à la napolitaine. Mes cellules avaient dû expulser les particules de fureur pour les enfouir comme des déchets toxiques dans des recoins secrets, et une politesse distante avait pris le dessus, totalement différente de cette politesse venue du cœur, présente aussi bien chez cet homme, qui me fit aussitôt mon café que chez la jeune fille qui me le servit sur un plateau avec le jus de fruit pour le petit…

Encore une choses qui avait disparu : j’avais perdu la coordination de mes gestes, j’avais perdu la désinvolture. Pendant quelques secondes, je sentis que j’étais une partie insignifiante d’un très long processus de désintégration, une brisure destinée tôt ou tard à rejoindre les matières organiques et inorganiques qui, sur le sol et au fond des mers s’agglomèrent depuis le paléozoïque.

Tout se délite en quelques secondes, les opinions, les certitudes…

Au contraire, je me surpris à penser à mon corps — mon corps actuel — privé des capacités qui avaient donné un sens à ma personne. De fil en aiguilles, je sentis monter une frénésie d’autodénigrement lucide. Je vis soudain un vieillard sans qualités, de maigres forces, une démarche hésitante, une vue brouillée, des frissonnements ou des bouffées de chaleur subits, une indolence croissante mal endiguée par de médiocres efforts de volonté, des enthousiasmes simulés, des mélancolies réelles.

Pour ça aussi, j’avais des dispositions : me taire pour ne pas heurter, ne pas irriter, parler uniquement pour acquiescer, exprimer de la sympathie ou complimenter, être l’ami de tout le monde, d’absolument tout le monde, c’est à dire de personne…

J’avais appris à estomper tout sentiment, réduire à zéro ma réactivité, ne ressentir ni amour ni douleur, donner pour compréhension ce qui n’était qu’absence de toute affectivité charnelle, palpitante.

Les modes s’usent, pensai-je chagriné, laissant derrière elles les traces futiles de ceux qui les ont suivies.

Il pouvait se persuader de savoir tout faire, puisque jouer lui permettait de se cacher ses échecs…

…Je me souvins d’une époque lointaine où l’on parlait aux enfants dans un langage d’enfant. C’était un jargon loufoque, mais il marquait la distance, on ne poussait pas les petits à verbaliser comme des grands pour ensuite se vanter de leur quotient intellectuel.

Quand James, en 1906, à soixante-trois ans, écrivit « The Jolly Corner », la carte appelée jolly joker,le joueur espiègle était assez jeune.

Lu en avril 2021

« La promesse d’Edna » de Romina Casagrande

Je vous parle aujourd’hui d’un livre d’un roman qui va sortir prochainement et que j’ai eu la chance de découvrir grâce à NetGalley.

Résumé de l’éditeur :

Edna vit seule dans le nord de l’Italie et consacre son temps à son jardin et à son perroquet, Emil. Aux yeux de tous, c’est une dame sans histoire. Pourtant, quand le hasard lui permet de retrouver la trace de son meilleur ami perdu de vue depuis des années, Edna se lance dans un projet complètement fou pour le revoir : un périple à travers les montagnes, direction Ravensburg. Ce sera son grand voyage de « retour », celui qu’elle a attendu d’accomplir toute sa vie. Car elle a déjà emprunté cette route une fois, en sens inverse, dans les années 1930. Jacob et elle avaient essayé de s’échapper de la ferme où ils étaient exploités ; seule Edna avait réussi. Ils s’étaient promis de rester toujours ensemble, mais leur plan a échoué. Accompagnée d’Emil, Edna reprend la route. De rencontres-surprises en amitiés nouvelles, malgré les obstacles et les gens trop raisonnables, à eux de prouver qu’il n’est pas de montagne infranchissable pour qui a une promesse d’enfance à tenir.

Ce que j’en pense :

Edna est une vieille dame nonagénaire vivant au nord de l’Italie, qui s’occupe de sa maison, de son jardin et de son perroquet Emil, qui avance en âge lui-aussi (près de 70 ans !)

Adele, sa voisine lui fait ses courses, au grand dam de son mari, tellement autocentré qu’il en vient à trouver ridicule l’empathie de son épouse pour les personnes âgées, pour lui, c’est l’EHPAD la seule solution, hors de la vue… il vit dans le virtuel, avec son projet de maison d’hôtes et s’endette dans le dos de sa famille.

Un jour où elle apporte les courses à Edna, avec le précieux magazine Stern (Edna les conserve tous depuis la nuit des temps), celle-ci tombe sur un article évoquant une grave inondation et où il est question d’un certain Jacob qui a dû être hospitalisé et les souvenirs vont refluer. Et il se décide à faire le chemin à l’envers pour aller retrouver cet homme qui a était important dans son enfance.

Lorsqu’elle était enfant, Edna de père Allemand et de mère Italienne, a perdu son frère Martin à la suite d’une maladie qui a ruiné ses parents. Elle est devenue celle qui est de trop et ses parents décident de la « céder » à une ferme à Ravensburg. Elle part, avec son sac à dos, sa poupée (offerte par Martin), à pied, escorté par un prêtre, le père Gianni, avec à peine un au revoir de son père, sa mère restant muette.

C’est le début d’un long périple, à pieds, avec des leçons de morale, prières pour toute aide, au terme duquel elle arrive à une immense ferme où les enfants sont pratiquement réduits en esclavage, trimant du matin au soir, à peine nourris, avec les coups, les mains baladeuses des paysans, les viols…  Seul Jacob, un peu plus âgé, est gentil avec elle, et ils se retrouvent quand ils le peuvent, à l’ombre du grand cerisier, pour parler un peu.

Un jour, à la foire, Jacob aperçoit un « oiseau de paradis » comme il dit. Il s’agit d’Emil, réduit en esclavage lui-aussi pour le faire travailler devant le « public ». Jacob va l’acheter et c’est à trois qu’ils essaieront de s’évader. Le plan est minutieusement mis au point, mais un petit retard et Edna partira seule, se culpabilisant de toute sa longue existence d’avoir dû le laisser.

J’ai aimé cette relation forte qui s’installe entre Jacob et Edna : lui, connaissait les maîtres à éviter et pourtant il choisit d’aller dans la même ferme qu’elle. Tous ces enfants ne veulent qu’une chose, résister aux mauvais traitements mais certains, tel Bastian, préfèrent ne rien dire, se faire oublier pour éviter les représailles, alors que Jacob et Edna veulent s’échapper, surtout Jacob en fait. Beaucoup laisseront leur vie avec ces traitements inhumains, tel Anja qui a disparu un jour, sans laisser de traces mais brutalement.

La construction du récit, alternant les épisodes du passé sous forme de souvenirs qui remontent, le présent, avec l’histoire d’Adèle, les péripéties du voyage, les personnes qui viennent en aide à la vieille dame qui marche, et les autres, les douleurs, car elle est âgée maintenant et en plus elle transporte Emil dans sa cage, sur les sentiers caillouteux comme sur le bitume…

J’ai beaucoup aimé ce voyage initiatique, ce désir de retourner aux sources et tenter de réparer ce qui peut l’être ou pas et puis une promesse est une promesse…

Je ne connaissais pas le destin de ces enfants souabes, dont l’un des parents est Allemand et l’autre Italien et sont déconsidérés partout (et encore les nazis ne sont pas encore aux manettes) et que l’on pouvait faire des esclaves comme on voulait pour rentabiliser la ferme. La manière dont ils étaient traités est bien abordée et nous ouvre les yeux sur notre situation « privilégiée ».

Je mettrais quand même un petit bémol: durant ce périple on rencontre beaucoup de personnes, certaines sont un peu trop caricaturales, les motards ou Tenzin, bouddhiste de fraîche date, on croise aussi des substances « illicites » mais ils permettent de respirer entre deux scènes dures…

J’ai beaucoup aimé mettre mes pas dans ceux d’Edna, découvrir ses pensées, sa manière de raisonner, son courage, son opiniâtreté devant les difficultés, les obstacles, elle ne lâche jamais rien et sa sagesse (l’époux d’Adele préfère parler de maladie d’Alzheimer devant son entêtement !). Elle est très inspirante, c’est une amie qu’on aimerait bien avoir.

C’est le premier roman de Romina Casagrande et c’est une belle réussite, car on voyage avec Edna et aussi on découvre ‘du moins en ce qui me concerne) l’Histoire avec le destin de ces enfants de la Souabe et les mauvais traitements, le mépris dont on faisait preuve à leur égard. Cela de passait au début des années trente…

Un grand merci à NetGalley et aux Fleuve éditions qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.

#LaPromessedEdna #NetGalleyFrance

9/10

L’auteure :

Romina Casagrande est professeure. Elle aime la nature, la montagne, et partage sa maison avec trois perroquets, deux chiens, et un mari. La promesse d’Edna, son premier roman, a connu un grand succès en Italie dès sa sortie.

Extraits :

Des éclats de réminiscences se plantaient dans sa chair, arrivant dans le désordre, sans logique. Les souvenirs décident eux-mêmes à quel moment ressurgir, parfois ils guident la main avant l’esprit. Le cœur suit ou se contente d’écouter.

La nostalgie est une bête qui suce les os, les lisse au point qu’on peut s’y mirer. Edna pensait avoir laisser cette sensation derrière elle, parce qu’elle ne l’avait plus jamais ressentie avec la même intensité que dans son enfance, loin de chez elle.

Soudain, la guerre avait estompé l’horreur de la ferme, parce que rien dans le passé ne fait aussi peur que le présent. Elle l’avait compris en entendant les coups de feu et les tirs de mitraillettes qui résonnaient entre les montagnes, en voyant les jeunes gens partir. Ne pas revenir. Et les mères pleurer.

Il (son père) devenait comme le ciel avant l’orage. Un ciel qui voulait la punir, la chasser avec le déluge comme une chose sale, peut-être parce qu’il pensait que la Mort s’était trompée, n’avait pas emmené le bon enfant.

Qui étaient les gentils ? Qui étaient les méchants ? Peut-être y avait-il du bien et du mal dans chacun d’entre eux. Ils cherchaient seulement à survivre, or jusqu’où pouvons-nous aller, pour cela ? Et Jacob et elle, qu’étaient-ils prêts à faire ?

Pendant un instant, elle se demanda ce qu’étaient devenus les enfants de la Souabe. Qu’était-il arrivé à Anja ? Avait-elle vraiment étouffé en tombant dans la cuve à grain ?

Jacob l’avait toujours su : si on est assez fort pour faire une seule de choses que l’on croit impossibles, alors plus rien ne le sera. Serait-elle capable de traverser cette montagne dont le sommet s’éloignait à chaque pas, tandis qu’une force la tirait vers l’arrière…

Les souvenirs étaient les fils d’une toile où elle était emprisonnée. Ils lui collaient à la peau comme les mèches sur son front.

C’était le chemin que parcouraient les enfants de la Souabe…

… On appelait ainsi les enfants qui partaient travailler dans des fermes de l’autre côté du l’Arlsberg. Quand ils arrivaient à la chapelle Saint-Christophe, qui marquait le début de la descente, ils entaillaient la statue avec un canif et ils conservaient un éclat de bois dans leur poche. Cela les aidait quand ils avaient la nostalgie de chez eux.

Parfois, les mots sont tout ce que nous avons. Et si nous n’arrivons pas à nous en servir, leur absence se transforme en silences qui peuvent nous miner comme une gangrène et emporter le meilleur de nous. Ce sont presque toujours les mots les plus simples qui sont difficiles à dire. 

Mais, elle avait découvert qu’un voyage n’est pas la trace de soi qu’on laisse sur une carte. Il n’est pas une somme de routes, un entrecroisement de lignes ou une succession de villes.

Mais, les traditions ne meurent pas Adele. Elles survivent dans les conditions qui les ont créées : la pauvreté et le désespoir.

Lu en mars 2021

« Une affaire italienne » de Carlo Lucarelli

Je vous propose un voyage intéressant en Italie, au début des années cinquante, aujourd’hui avec ce polar :

Résumé de l’éditeur :

Le retour d’un personnage littéraire qui a fait le succès de Lucarelli, best-seller en Italie.

Pendant le fascisme, le commissaire De Luca était le meilleur flic d’Italie. Avec la guerre froide et l’arrivée de la frivolité médiatique, les homicides deviennent de plus en plus étranges et on lui demande de devenir un nouveau type de policier.

Dans une Bologne sous la neige, quelques jours avant Noël 1953, la très belle épouse d’un professeur universitaire est retrouvée noyée dans une baignoire. Pour découvrir ce qui s’est passé, la police a besoin d’un vrai limier et fait appel au commissaire De Luca, policier de renom pendant la période fasciste et qui avait été mis sur la touche depuis cinq ans. Mais malgré les pistes, les traces et les indices qui s’offrent à De Luca, rien n’est ce qu’il paraît. Épaulé par un jeune policier censé l’aider (ou l’espionner), séduit par une très jeune chanteuse de jazz avec un passé de partisane, le commissaire se retrouve au milieu d’une affaire ambiguë et dangereuse qui l’obligera à s’immiscer dans les coulisses des guerres politiques et du milieu musical et mondain de la ville.

Avec son talent pour construire des intrigues convaincantes et ses solides connaissances historiques, Carlo Lucarelli écrit un récit au charme puissant dans l’Italie de l’après-guerre, entre frivolités du festival de San Remo et violences sourdes de la guerre froide.

Ce que j’en pense :

L’intrigue se déroule à Bologne sur une courte période, débutant quelques jours avant Noël. Nous sommes en 1953. Une femme a été assassinée dans un petit appartement. La voisine qui habite l’étage situé au-dessous a prévenu la police.

La victime est Stefania, l’épouse du professeur Cresca, victime quelques mois plutôt d’un étrange accident qui a causé également la mort d’un enfant.   On fait appel aux lumières du commissaire De Luca, plus ou moins sur la touche car policier durant la seconde guerre mondiale, donc suspecté de collusion avec les fascistes…

Il est assisté dans son enquête par un jeune policier, Giannino, féru de jazz et on va suivre le duo à un concert où ils vont rencontrer une jeune femme dont la voix ressemble à celle de Lena Horne.

J’ai beaucoup aimé me retrouver à cette époque si particulière : la seconde guerre mondiale n’est pas si loin, la guerre froide bat son plein, on ne sait plus qui espionne qui et on a la gâchette facile… il y a des règlements de compte dans l’air, des policiers ripoux…

Bologne, dans le froid de l’hiver : il neige et il faut bien dire que le chauffage n’était pas particulièrement au point à l’époque. L’atmosphère est glauque, et les méthodes d’investigation limitées, les experts n’étaient pas encore entrés en scène.

Quel plaisir d’arpenter ses rues où l’on peut se faire trucider à tout instant, sur fond de jazz et de musique italienne, de belles brunettes, aux jambes divines qui aiment bien se déplacer pieds-nus, et surtout notre belle chanteuse Claudia, alias Facetta Nera, dont notre commissaire s’éprend au passage… sur fond de cuisine italienne qui fait saliver alors que De Luca est quasiment anorexique et soigne son insomnie à la caféine (ah les vertus de l’expresso !)

De Luca, ex-commissaire qui pourrait le redevenir, que l’on appelle Ingénieur, est un personnage sympathique et attachant qui met un point d’honneur à résoudre une enquête plombée d’avance, sous les ordres du commandeur d’Umberto qui s’empiffre de bomboloni, sorte de beignets à la crème, plutôt du style barbouze, ripoux comme on veut…

Carlo Lucarelli multiplie les pièges, les fausses pistes jusqu’au bout du roman pour notre plus grand plaisir. Il nous offre au passage des coupures de journaux de l’époque de la guerre froide, ce qui intéressait la population à cette époque pour nous donner le temps de souffler un peu entre deux coups d’accélérateur sur la belle voiture de Giannino dont la « conduite sportive » comme disent les djeuns donne souvent le tournis.

C’est la première fois que je lis un polar de Carlo Lucarelli et cela me donne envie de continuer à explorer son univers. Son style est plaisant, ses réflexions sur le démenti plausible, ou le crime parfait ou perfectible ou encore la manière de « gérer l’imperfection » ou ses comparaisons avec les différentes races de chien pour étiqueter les flics, les ripoux, ceux qui sont doués…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Metailié qui m’ont permis de découvrir ce roman ainsi que son auteur.

#Uneaffaireitalienne #NetGalleyFrance

8/10

L’auteur :

Carlo LUCARELLI est né à Parme en 1960. Chroniqueur, scénariste et dramaturge, il a publié de nombreux romans policiers, thrillers et livres d’enquêtes, dont le best-seller Misteri d’Italia, enquêtes sur des faits divers non résolus., La Huitième Vibration et Le Temps des hyènes.

Il écrit également des scénarios de BD et anime une célèbre émission de télévision sur des affaires non résolues.

Extraits :

L’aiguille du compte-tours se cabra en vibrant, rapide, dans l’œil rond du cadran de droite, tandis que De Luca encastrait son dos entre siège et portière. L’Aurelia avait fait un bond en avant mais s’était arrêtée aussitôt, avec le rugissement du moteur qui s’éteignait dans un grognement contenu…

Tu vois, De Luca, pour faire flic, il faut un cœur de chien, mais de races différentes. Il y a des flicards ordinaires qui ont un cœur de chien de garde et il y a ceux de la Criminelle qui en ont un de chien de chasse. Tu es un chien truffier, mon gars. Voilà, pour ceux comme nous en fait, il faut un chien bâtard.

Je vaux savoir si ce meurtre a été ordonné par quelqu’un de mon bureau, ou d’un bureau parallèle, ou d’un bureau concurrent, les Russes, papa Noël, expliqua-t-il en montrant un sapin décoré dans un coin, la Madone ou le Petit Jésus…

Tu vois, mon garçon, il y a une confusion chez nous, mais une confusion… autrefois, les choses étaient plus claires mais maintenant, avec les lois et les contre-lois, c’est devenu un bordel… les choses se font et ne se font pas, les ordres, on les donne et on ne les donne pas…et tous les jours, il y a un nouveau groupe qui fait ce qui lui chante.

Lu en février 2021

« La liberté au pied des oliviers » de Rosa Ventrella

Petit détour par l’Italie, aujourd’hui, avec ce roman :

Résumé de l’éditeur :

Dans le sud de l’Italie, deux fillettes grandissent à la merci des sursauts de l’histoire et des injustices liées à leur condition.

Teresa et Angelina sont deux sœurs que tout oppose : Teresa est délicate et silencieuse tandis qu’Angelina, sa sœur cadette, est impertinente et curieuse. Toutes deux grandissent dans l’Italie des années 1940, au cœur des Pouilles, entourées de leur père et de leur mère Caterina, à la beauté incomparable.

Lorsque leur père part à la guerre, leur mère comprend que cette beauté sera sa principale arme pour subvenir à leurs besoins. Elle cède alors à un terrible compromis, sans savoir que celui-ci viendra réveiller la malalegna : ce bavardage incessant et empoisonné des commères, véritable malédiction qui tourmente le village depuis la nuit des temps. Le concert de chuchotements qui serpente de porte en porte se propagera alors jusqu’à atteindre ses filles, Teresa et Angelina, déterminant à jamais leur destin.

Ce que j’en pense :

Dans les années 40, on suit l’histoire de deux petites filles, deux sœurs qui grandissent dans les Pouilles, dans une famille pauvre, alors que leur père est parti à la guerre. La misère règne, il faut bien trouver à manger pour survivre. Un jour, les Sbires de Mussolini viennent réquisitionner les casseroles, les bijoux, pour les fondre pour l’armée. Le baron Fortuné, qui règne sur la région, les empêche de s’en prendre à Caterina, la mère des fillettes. Mais cela a un prix, elle doit devenir sa maîtresse et dans ce village où règnent la calomnie, les langues de vipère, l’espionnite , la réputation de la belle Caterina va être mise à mal : « c’est la pute du baron ».

Tout semble rentrer dans l’ordre, au retour de son époux Nardo, mais il est revenu traumatisé par la guerre.

Rosa Ventrella nous dépeint l’Italie de cette période, où les pauvres triment alors que les propriétaires ne s’occupent pas de leurs terres, mais refusent que les paysans veuillent tenter d’en cultiver quelques mètres-carrés pour ne pas crever de faim, et n’hésitent pas à maltraiter, tuer ceux qui oseraient… Elle fait une assez belle critique de la société de l’époque, où les femmes obéissent, tiennent la maison avec des moyens rudimentaires, tout le monde dort dans la même pièce, il faut tout laver à la main, les vêtements sont faits pour être utiles, couvrir le corps, on est aux antipodes de la société de consommation !

Les deux sœurs sont pratiquement l’opposé l’une de l’autre: l’aînée Teresa est blonde aux yeux bleus timide, parfois jusqu’au bégaiement, alors que la plus jeune, Angelina est brune, très belle comme sa mère, ce qui ne peut aller de paire qu’avec malédiction, drame…

J’ai pris du plaisir à lire ce roman, mais je suis restée sur ma faim, j’ai trouvé que l’auteure ne creusait pas assez alors qu’elle avait un sujet en or. J’ai beaucoup pensé à « L’amie prodigieuse » d’Elena Ferrante, car il y a beaucoup similitude : deux sœurs au lieu de deux amies, mais la méchante et la gentille, l’amour entre elles est aussi teinté de jalousie, parfois de haine… et, de la même manière, il y a un peu trop de romance à mon goût

Bref, ça finit par ronronner ! Mais l’avantage, il faut le reconnaître, c’est que cette lecture est sympathique, agréable pour les vacances et cette famille est attachante…

J’ai beaucoup aimé « Une famille comme il faut », le premier roman de Rosa Ventrella donc j’attendais plus de celui-ci.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver son auteure.

#Lalibertéaupieddesoliviers #NetGalleyFrance

7/10

Extraits :

La médisance était partout et poursuivait ma mère, qui devait l’esquiver à chaque pas : elle se glissait dans les ruelles, dans l’escalier en colimaçon tordu qui menait à la place, elle se cognait contre les bonbonnes d’huile devant « lu trappetu », le pressoir, elle entrait dans les yeux des ânes attelée aux charrettes de fruits, elle contaminait le vendeur de sardines, le boulanger, le vendeur de fruits et légumes, les commères sur le pas de leur porte…

Mamie Assunta disait que la beauté de notre mère était une malédiction de notre famille. Une condamnation dont allait hériter ma sœur.

Je restai un moment immobile, le dos voûté, les yeux rivés au sol, puis je me levai, hésitante. Parler devant eux me mettait dans l’embarras, je sentais une pulsation dans ma joue gauche. Toute ma vie, ce signe annoncerait le malaise, exprimerait l’inadéquation de mon corps.

Toutes les choses ont leur saison.la saison des fruits et celles des semences, celle du bien et celle du mal. La saison de la vie et celle de la mort…

…Dans la vie, chaque chose a son moment et (que) même si là on est tristes et on se sent seules, ça ne durera pas toujours. Les bonnes saisons et les mauvaises saisons. Le blanc et le noir.

Quand Marie-Madeleine embrassa les pieds du Christ, des gouttes de sang coulèrent. De ces gouttes saintes, sont nées les anémones, les fleurs du vent. Parce qu’après le sang, il y a la vie. Après la douleur, il y a l’espoir.

Plus les enfants grandissaient, plus leurs parents s’inquiétaient pour eux. Les lois qui régissaient nos vies obéissaient à une temporalité terrible, qui ne laissait aucun répit. Dans le fond, je l’avais toujours su. C’était peut-être la raison de mon bégaiement:je n’étais pas certaine de saisir les bons mots, parce qu’il n’y avait pas de bons mots… Dans un quartier où les gens s’épuisaient en conjectures, en critiques et en échecs, le silence calibré constituait la meilleure des armures.

Le temps nous change mais n’efface pas, tout au plus il ajoute des strates sur les couches existantes.

A cette époque je ne croyais pas au destin, j’étais convaincue à ma façon que nous étions les artisans de notre avenir, mais aujourd’hui je pense que nous n’avons pas ce pouvoir. Nous pouvons seulement décider comment faire face aux événements.

Je savais bien que papa n’agissait pas ainsi par méchanceté ; au fond de son cœur, il était convaincu que la vie devait être ainsi et que changer son destin avait un peu la même conséquence que tricher aux cartes : on restait inachevé. Un poulain qui ne devient jamais cheval, une graine qui ne devient jamais arbre, un corps sans racines.

Je n’ai jamais pu prononcer à voix haute ce genre de phrases, je n’ai jamais dit à mon père que je l’aimais, ni à ma mère. J’ai grandi à une époque où l’amour ne devait pas être dit.

Lu en août 2020

« Quatre amours » de Cristina Comencini

Je vous parle aujourd’hui d’un livre choisi, avant tout, pour son thème et pour faire la connaissance de l’auteure :

Résumé de l’éditeur :

Marta et Andrea. Laura et Piero. Deux couples. Quatre amis inséparables qui ont partagé chaque moment clef de leur vie : rencontre, mariage, enfants. Quand, à l’approche de la soixantaine, leurs mariages respectifs volent en éclats au même moment, c’est la sidération. Il y a d’abord Marta qui décide de partir, sans raison véritable, si ce n’est cette envie irrépressible d’être enfin seule. Puis c’est au tour de Piero, mari chroniquement infidèle, de quitter Laura, son épouse dévouée, sous prétexte qu’il ne se sent plus aimé.

Comment vit-on la séparation après vingt-cinq ans de vie commune ? Que reste-t-il de toutes ces années passées ensemble ? Comment apprivoiser et profiter de cette solitude nouvelle ?
Dans cette comédie douce-amère aux accents de Woody Allen, les quatre protagonistes prennent la parole à tour de rôle pour revisiter leur histoire, du mariage à la séparation et raconter cette nouvelle vie qui s’offre à eux et qu’il faut avoir l’audace de saisir.

Traduit de l’italien par Dominique Vittoz 

Ce que j’en pense :

Nous avons donc deux couples qui se sont connus sur un bateau, et ont tout partagé depuis, la vie de couple, puis les grossesses, les enfants, la vie de famille donc. Brusquement, un des conjoints de chaque couple décide de mettre fin à cette union, qui n’apporte plus rien semble-t-il. Les enfants sont partis, syndrome du nid vide et cela pèse à certains.

Il s’agit de Piero et Laura d’un côté et Andrea et Marta de l’autre et curieusement, la rupture ce fait de façon asymétrique, un des conjoints ne supportant plus l’autre, d’un côté, c’est le mari qui part de l’autre,la femme. En effet, Piero, qui ne se sent plus aimé comme il le voudrait, enfermé dans un rôle de père, futur grand-père, sa fille étant sur le point d’accoucher, dont il ne veut plus, car il est encore jeune met fin brutalement à son couple.

Il a une maîtresse, plus jeune que lui bien-sûr, et curieusement c’était drôle, quand il trompait sa femme, en la quittant cela a beaucoup moins de charme… Laura apprend qu’elle a un cancer du sein et décide de consulter une amie médecin à Milan, pas à Rome, et surtout de ne rien dire et d’affronter la maladie seule, Marta l’accompagne quand même à sa consultation.

Marta s’éclate dans son travail d’architecte d’intérieur, les enfants sont élevés alors, Andréa devient un poids mort, et du jour au lendemain, elle lui dit que c’est fini, sans aucune explication, en gros c’est à lui de trouver, et il sombre dans la tristesse, mais Marta a aussi un plan B (Q serait plus adapté !) …

L’auteure a choisi de rythmer son histoire sur celui des saisons, ils se quittent en hiver, et la deuxième période, celle peut-être des bilans est en été. Ce qui est plutôt pas mal…

J’ai choisi ce roman pour ce concept de couple miroir, celui qui part étant chaque fois celui qui domine l’autre dans l’union, mais ce n’est pas forcément aussi simple.

La personnalité de Piero, parfait macho dans sa manière de traiter les femmes (la sienne ou sa maîtresse), misogyne est un terme qui lui convient bien, il a détesté sa mère, n’a absolument pas gérer la maladie de celle-ci, c’est sa femme qui s’en est occupée, avec beaucoup de compassion et de bienveillance, comme avec les maladies de ses enfants quand ils étaient petits, c’est son côté Mère Térésa. Évidemment, la mort faisait peur à Piero, donc absent jusqu’au bout, et pourtant il a détesté sa femme pendant trois ans, car elle, elle avait su gérer. « Œdipe toi-même » dirait Marcel Rufo avec son petit sourire…

C’est le personnage qui m’a le plus intéressée tellement il est caricatural. Par contre, j’ai eu plus de mal avec son pendant féminin, Marta, car elle est encore pire et cela contraste trop avec la douce Laura. Son comportement avec son époux Andrea est horrible, mais autant on peut trouver des explications pour la personnalité de Piero autant pour elle, on a l’impression que c’est gratuit. Si, son père est parti quand elle était jeune et elle reproduit la même chose dans son couple…

Cristina Comencini a choisi deux couples vraiment très caricaturaux, beaucoup trop même, ce qui m’a laissée perplexe, et je me suis posée beaucoup de questions sur la fin, ou la non-fin de ce roman, qui par ailleurs est truffé de citations, ce que j’ai apprécié. L’auteure aurait pu étoffer davantage son sujet, à mon humble avis. D’où le bémol, je suis restée sur ma faim, comme on peut le constater dans les extraits choisis.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Stock qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.

#Quatreamours #NetGalleyFrance

7/10

L’auteure :

Née en 1956, à Rome, Cristina Comencini, fille de Luigi Comencini est réalisatrice, scénariste et écrivaine. Elle publie son premier roman en 1991 : « Les pages arrachées », ensuite suivront, entre autres, « Passion de famille » et « Le manteau du Turc »

Extraits :

Ces deux modalités de mon écriture – la féminine, plus intime, en quête de sensations nouvelles encore sans paroles, et la masculine, héritée de millénaires de culture patriarcale – se côtoient, se chevauchent, en harmonie ou en conflit : elles sont toutes les deux moi. Ainsi en va-t-il pour la douleur, la joie, l’intelligence, la bêtise : je suis double par définition, j’ai deux valises à porter, et pas seulement une comme les hommes.

La pauvreté produit la cohabitation ; l’aisance et les séparations génèrent l’individualisme et le silence.

Pour écrire, il faut le silence à l’extérieur, mais la vie à l’intérieur.

L’essentiel est de ne pas avoir une seule vie, ne pas fermer les yeux dans l’idée d’une ligne continue : une histoire du début à la fin, c’est la mort. C’est peut-être de cela que j’ai eu peur.

« Je vais mal, je ne peux plus vivre avec toi. Je ne sais pas comment l’expliquer, j’ai besoin d’être seule. » (ce que Marta a dit à Andrea avant de partir.)

Mon problème est le suivant : avant je vivais avec Laura et couchais avec Sara. Maintenant que je suis libre, je n’ai plus aucune envie de la voir. Sans épouse, une maîtresse perd son sens, mais je n’ai pas le courage de le lui dire et puis, au fond, elle me tient compagnie.

Moi, je n’ai jamais envie de pleurer, même si j’éprouve parfois de la nostalgie pour elle et notre vie. Rien de plus normal, après tant d’années. Mais l’avenir, c’est autre chose, on ne construit pas sur la nostalgie. Caractéristique du raisonnement de Piero !

Tout est plus compréhensible : je suis un homme jeune, je n’ai que cinquante-neuf ans. Nous avons le même âge Laura et moi, mais elle se sent grand-mère, pas moi. Idem

Les femmes ne comprennent pas que l’amour inconditionnel est répugnant, il cache l’autoritarisme. Celui de ma mère, celui de Laura me donnaient envie de les quitter, d’être cruel, de les faire pleurer.

… quand sa mère est morte et qu’il m’a détestée pendant trois ans, jusqu’à la naissance de Lucrezia, parce qu’il projetait sur moi, qui étais vivante, sa culpabilité envers elle qui était morte. Laura à propos de Piero

« C’est drôle cette situation à quatre, symétrique. C’est un hasard, évidemment, pourtant on dirait qu’il y a un sens que je n’arrive pas encore à comprendre. Mais tout n’a pas un sens… Il est peut-être inutile de le chercher. »

« La douleur n’est pas le produit de l’absence, du moins pas pour mon cerveau de physicien. C’est l’amour que nous avons partagé qui me manque parce que lui est unique. »

Je crois que j’ai poursuivi ma liberté toute ma vie sans jamais la conquérir. On devrait réussir à se sentir libre aussi quand il y a d’autres personnes près de soi : si on veut faire quelque chose, on le fait de toute façon.

Lu en avril 2020