Je vous parle aujourd’hui d’un livre d’un roman qui va sortir prochainement et que j’ai eu la chance de découvrir grâce à NetGalley.

Résumé de l’éditeur :
Edna vit seule dans le nord de l’Italie et consacre son temps à son jardin et à son perroquet, Emil. Aux yeux de tous, c’est une dame sans histoire. Pourtant, quand le hasard lui permet de retrouver la trace de son meilleur ami perdu de vue depuis des années, Edna se lance dans un projet complètement fou pour le revoir : un périple à travers les montagnes, direction Ravensburg. Ce sera son grand voyage de « retour », celui qu’elle a attendu d’accomplir toute sa vie. Car elle a déjà emprunté cette route une fois, en sens inverse, dans les années 1930. Jacob et elle avaient essayé de s’échapper de la ferme où ils étaient exploités ; seule Edna avait réussi. Ils s’étaient promis de rester toujours ensemble, mais leur plan a échoué. Accompagnée d’Emil, Edna reprend la route. De rencontres-surprises en amitiés nouvelles, malgré les obstacles et les gens trop raisonnables, à eux de prouver qu’il n’est pas de montagne infranchissable pour qui a une promesse d’enfance à tenir.
Ce que j’en pense :
Edna est une vieille dame nonagénaire vivant au nord de l’Italie, qui s’occupe de sa maison, de son jardin et de son perroquet Emil, qui avance en âge lui-aussi (près de 70 ans !)
Adele, sa voisine lui fait ses courses, au grand dam de son mari, tellement autocentré qu’il en vient à trouver ridicule l’empathie de son épouse pour les personnes âgées, pour lui, c’est l’EHPAD la seule solution, hors de la vue… il vit dans le virtuel, avec son projet de maison d’hôtes et s’endette dans le dos de sa famille.
Un jour où elle apporte les courses à Edna, avec le précieux magazine Stern (Edna les conserve tous depuis la nuit des temps), celle-ci tombe sur un article évoquant une grave inondation et où il est question d’un certain Jacob qui a dû être hospitalisé et les souvenirs vont refluer. Et il se décide à faire le chemin à l’envers pour aller retrouver cet homme qui a était important dans son enfance.
Lorsqu’elle était enfant, Edna de père Allemand et de mère Italienne, a perdu son frère Martin à la suite d’une maladie qui a ruiné ses parents. Elle est devenue celle qui est de trop et ses parents décident de la « céder » à une ferme à Ravensburg. Elle part, avec son sac à dos, sa poupée (offerte par Martin), à pied, escorté par un prêtre, le père Gianni, avec à peine un au revoir de son père, sa mère restant muette.
C’est le début d’un long périple, à pieds, avec des leçons de morale, prières pour toute aide, au terme duquel elle arrive à une immense ferme où les enfants sont pratiquement réduits en esclavage, trimant du matin au soir, à peine nourris, avec les coups, les mains baladeuses des paysans, les viols… Seul Jacob, un peu plus âgé, est gentil avec elle, et ils se retrouvent quand ils le peuvent, à l’ombre du grand cerisier, pour parler un peu.
Un jour, à la foire, Jacob aperçoit un « oiseau de paradis » comme il dit. Il s’agit d’Emil, réduit en esclavage lui-aussi pour le faire travailler devant le « public ». Jacob va l’acheter et c’est à trois qu’ils essaieront de s’évader. Le plan est minutieusement mis au point, mais un petit retard et Edna partira seule, se culpabilisant de toute sa longue existence d’avoir dû le laisser.
J’ai aimé cette relation forte qui s’installe entre Jacob et Edna : lui, connaissait les maîtres à éviter et pourtant il choisit d’aller dans la même ferme qu’elle. Tous ces enfants ne veulent qu’une chose, résister aux mauvais traitements mais certains, tel Bastian, préfèrent ne rien dire, se faire oublier pour éviter les représailles, alors que Jacob et Edna veulent s’échapper, surtout Jacob en fait. Beaucoup laisseront leur vie avec ces traitements inhumains, tel Anja qui a disparu un jour, sans laisser de traces mais brutalement.
La construction du récit, alternant les épisodes du passé sous forme de souvenirs qui remontent, le présent, avec l’histoire d’Adèle, les péripéties du voyage, les personnes qui viennent en aide à la vieille dame qui marche, et les autres, les douleurs, car elle est âgée maintenant et en plus elle transporte Emil dans sa cage, sur les sentiers caillouteux comme sur le bitume…
J’ai beaucoup aimé ce voyage initiatique, ce désir de retourner aux sources et tenter de réparer ce qui peut l’être ou pas et puis une promesse est une promesse…
Je ne connaissais pas le destin de ces enfants souabes, dont l’un des parents est Allemand et l’autre Italien et sont déconsidérés partout (et encore les nazis ne sont pas encore aux manettes) et que l’on pouvait faire des esclaves comme on voulait pour rentabiliser la ferme. La manière dont ils étaient traités est bien abordée et nous ouvre les yeux sur notre situation « privilégiée ».
Je mettrais quand même un petit bémol: durant ce périple on rencontre beaucoup de personnes, certaines sont un peu trop caricaturales, les motards ou Tenzin, bouddhiste de fraîche date, on croise aussi des substances « illicites » mais ils permettent de respirer entre deux scènes dures…
J’ai beaucoup aimé mettre mes pas dans ceux d’Edna, découvrir ses pensées, sa manière de raisonner, son courage, son opiniâtreté devant les difficultés, les obstacles, elle ne lâche jamais rien et sa sagesse (l’époux d’Adele préfère parler de maladie d’Alzheimer devant son entêtement !). Elle est très inspirante, c’est une amie qu’on aimerait bien avoir.
C’est le premier roman de Romina Casagrande et c’est une belle réussite, car on voyage avec Edna et aussi on découvre ‘du moins en ce qui me concerne) l’Histoire avec le destin de ces enfants de la Souabe et les mauvais traitements, le mépris dont on faisait preuve à leur égard. Cela de passait au début des années trente…
Un grand merci à NetGalley et aux Fleuve éditions qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.
#LaPromessedEdna #NetGalleyFrance
9/10
L’auteure :
Romina Casagrande est professeure. Elle aime la nature, la montagne, et partage sa maison avec trois perroquets, deux chiens, et un mari. La promesse d’Edna, son premier roman, a connu un grand succès en Italie dès sa sortie.
Extraits :
Des éclats de réminiscences se plantaient dans sa chair, arrivant dans le désordre, sans logique. Les souvenirs décident eux-mêmes à quel moment ressurgir, parfois ils guident la main avant l’esprit. Le cœur suit ou se contente d’écouter.
La nostalgie est une bête qui suce les os, les lisse au point qu’on peut s’y mirer. Edna pensait avoir laisser cette sensation derrière elle, parce qu’elle ne l’avait plus jamais ressentie avec la même intensité que dans son enfance, loin de chez elle.
Soudain, la guerre avait estompé l’horreur de la ferme, parce que rien dans le passé ne fait aussi peur que le présent. Elle l’avait compris en entendant les coups de feu et les tirs de mitraillettes qui résonnaient entre les montagnes, en voyant les jeunes gens partir. Ne pas revenir. Et les mères pleurer.
Il (son père) devenait comme le ciel avant l’orage. Un ciel qui voulait la punir, la chasser avec le déluge comme une chose sale, peut-être parce qu’il pensait que la Mort s’était trompée, n’avait pas emmené le bon enfant.
Qui étaient les gentils ? Qui étaient les méchants ? Peut-être y avait-il du bien et du mal dans chacun d’entre eux. Ils cherchaient seulement à survivre, or jusqu’où pouvons-nous aller, pour cela ? Et Jacob et elle, qu’étaient-ils prêts à faire ?
Pendant un instant, elle se demanda ce qu’étaient devenus les enfants de la Souabe. Qu’était-il arrivé à Anja ? Avait-elle vraiment étouffé en tombant dans la cuve à grain ?
Jacob l’avait toujours su : si on est assez fort pour faire une seule de choses que l’on croit impossibles, alors plus rien ne le sera. Serait-elle capable de traverser cette montagne dont le sommet s’éloignait à chaque pas, tandis qu’une force la tirait vers l’arrière…
Les souvenirs étaient les fils d’une toile où elle était emprisonnée. Ils lui collaient à la peau comme les mèches sur son front.
C’était le chemin que parcouraient les enfants de la Souabe…
… On appelait ainsi les enfants qui partaient travailler dans des fermes de l’autre côté du l’Arlsberg. Quand ils arrivaient à la chapelle Saint-Christophe, qui marquait le début de la descente, ils entaillaient la statue avec un canif et ils conservaient un éclat de bois dans leur poche. Cela les aidait quand ils avaient la nostalgie de chez eux.
Parfois, les mots sont tout ce que nous avons. Et si nous n’arrivons pas à nous en servir, leur absence se transforme en silences qui peuvent nous miner comme une gangrène et emporter le meilleur de nous. Ce sont presque toujours les mots les plus simples qui sont difficiles à dire.
Mais, elle avait découvert qu’un voyage n’est pas la trace de soi qu’on laisse sur une carte. Il n’est pas une somme de routes, un entrecroisement de lignes ou une succession de villes.
Mais, les traditions ne meurent pas Adele. Elles survivent dans les conditions qui les ont créées : la pauvreté et le désespoir.