Aujourd’hui, je vais tenter un nouvel essai pour reprendre mon blog en main et rattraper mon retard dans la rédaction de mes chroniques avec ce roman à la couverture très inspirante :

Résumé de l’éditeur :
On prépare sur l’île de Mozambique un festival littéraire, une rencontre avec les poètes et les écrivains africains les plus célèbres, venant des quatre coins du monde, tous attirés par la beauté unique et la magie de l’île. La jeune organisatrice est sur le point d’accoucher.
Soudain, une violente tempête s’abat sur le continent et l’île enveloppée de brouillard est isolée, personne ne peut plus emprunter le pont qui la relie au monde. Au cours de cette semaine étrange vont se produire des événements qui vont remettre en cause les frontières entre la réalité et la fiction, le passé et l’avenir, la vie et la mort. Les écrivains vont être troublés par la rencontre avec ces inconnus que sont les personnages qu’ils ont créés. Ce jeune rebelle de 20 ans si grossier avec les femmes, qui est-il réellement ? L’excentrique diva, dont personne ne comprend le langage, vient-elle de l’imagination de la romancière mûre, désespérée de ne pas pouvoir téléphoner à son mari ? La population de l’île aussi est troublée, mais pour des raisons différentes.
À la fois drôle et profond, un roman sur la confrontation avec la création.
Ce que j’en pense :
Sur une île du Mozambique, on fait la connaissance de Daniel et son épouse Moïra, dont la grossesse arrive à son terme, alors que va débuter un festival littéraire qui accueille des écrivains africains pour la plupart lusophone. L’ile est paradisiaque la mer le sable, le soleil… Soudain une violente tempête s’abat et toutes les communications sont coupées, il n’y a plus aucun contact entre l’île et le reste du monde.
On va assister à un feu d’artifice de réflexions : qui sont les vivants, et les autres, ceux qui sont seuls sur l’île, ou ceux du continent, des discussions s’installent entre ces écrivains venus parler de leurs livres. Quel est le rôle d’un roman quand il y a une tragédie, que peut-il apporter ? deviendrait-il dérisoire ? Les personnalités de chacun se révèlent, les interactions. Que deviennent les petits egos de chacun dans la tourmente ?
L’histoire se déroule sur sept jours, (comme la Genèse ?) et José Eduardo Agualusa nous entraîne au passage vers l’Enfer, ou le Paradis, truffant son récit de contes ou de légendes, nous interrogeant, comme ses personnages, sur la littérature, la fiction, le processus de la création qu’elle soit littéraire ou plus globale, plus philosophique, sur la notoriété, et même sur l’africanité : sans Internet ni communication que reste-t-il à notre époque ?
J’ai beaucoup aimé la réflexion que nous propose l’auteur, la poésie de l’écriture, son univers, avec des rencontres étranges, telle la mystérieuse femme-blatte. Au départ, j’ai choisi ce roman pour mieux connaître les anciennes colonies portugaise, Cap Vert, Angola, Mozambique… et découvrir leurs écrivains réels ou imaginaires car l’auteur nous promène et cherche à nous désorienter.
Ce roman m’a permis de découvrir José Eduardo Agualusa et sa plume magique, je n’avais qu’une seule envie en tournant la dernière page, le lire une deuxième fois pour apprécier les détails ou situations qui auraient pu m’échapper, tant j’étais plongée dans ma lecture.
Ma PAL va être ravie car je viens de l’alourdir un peu plus avec « La société des rêveurs involontaires » de l’auteur, pour le plaisir de retrouver Daniel et Moïra, ainsi qu’une petite sélection d’auteurs du Cap Vert, du Mozambique, et Angola entre autres… mais depuis le temps elle a l’habitude de ma boulimie littéraire…
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Métailié qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur (dont je compte sur l’indulgence pour le retard accumulé ces derniers mois).
#LesVivantsetlesautres #NetGalleyFrance !
9/10
L’auteur :
José Eduardo Agualusa est né en 1960 à Huambo, en Angola. Après des études d’agronomie et de sylviculture, il s’est très vite engagé dans l’écriture et le journalisme et publie un premier roman en 1989, A Conjura. Il ouvre ainsi la voie à une nouvelle génération d’auteurs africains et revitalise la langue portugaise en s’emparant de l’histoire coloniale. Devenu persona non grata en Angola pour ses positions politiques, il vit entre Lisbonne, Rio de Janeiro et le Mozambique. Il tient une chronique dans le prestigieux quotidien brésilien O Globo.
Il est l’auteur de nombreux romans, poèmes, reportages et nouvelles, notamment le Marchand de passés, La Guerre des anges, Barroco tropical, tous couronnés de succès et publiés dans plus de 25 pays. En 2007, il reçoit l’Independent Foreign Fiction Prize et en 2013 le prix Fernando Namora. Théorie générale de l’oubliest finaliste du Man Booker Prize en 2016 et remporte le Prix international de littérature de Dublin (ex-Impac) en 2017.
Extraits :
L’intimité est le paradis – et l’enfer. Nous tombons amoureux de ce que nous ne connaissons pas encore. L’amour est ce qui arrive à la passion une fois que l’intimité s’est installée. Si nous avons de la chance.
Elle (Ofélia) ressent le manque de quelqu’un avec qui elle pourrait échanger des livres, des opinions, à qui montrer ses vers tordus. Elle sait ce qu’on dit d’elle : qu’elle est arrogante, envieuse, vaniteuse et folle. Folle, d’accord. Folle, cela ne l’offense pas. Être fou signifie s’insurger contre la norme, et la norme c’est la corruption, la flatterie, la servilité.
Les Portugais écrivent parce qu’ils souffrent et ils souffrent en écrivant. C’est une sorte de cycle de la douleur…
C’est ainsi que tout commence : un énorme éclair déchire la nuit, l’île se détache du monde. Un temps s’achève, un autre commence. A ce moment-là, personne ne s’en rendit compte.
L’idée existe que la beauté peut porter préjudice aux écrivaines, surtout au début de leur carrière, dit Jude d’Souza à Zivane, tandis qu’ils sortaient de l’hôtel, parce que le Nigérian, arrivé de Londres le matin même, voulait voir la ville endormie. En ce qui concerne Cornelia, non. Sa beauté a permis qu’on la remarque. Et, en la remarquant, on a fini par remarquer ce qu’elle écrivait.
Nous sommes des écrivains. Notre travail consiste à absorber la lumière, comme les plantes. A transformer la lumière en matière vivante. Est-ce que tu arrives à écrire sans commencer par t’enchanter…
Pendant très longtemps, les critiques européens ont exigé que nous n’écrivions pas sur l’Afrique. L’Afrique telle qu’ils l’imaginent. Un écrivain africain qui aurait choisi, je ne sais pas, d’écrire un roman sur la guerre civile d’Espagne serait pris pour un fou furieux. Cela a changé, heureusement.
Les Européens commencent à accepter qu’un écrivain africain ait le droit de sortir de sa case et qu’il se promène dans le monde, comme n’importe qui d’autre. En même temps, s’il a envie de s’occuper des lions, pourquoi pas ?
Nous pouvons aimer ce qui nous fait peur. En vérité, nous ne devrions aimer que ce qui nous fait peur.
L’idée est de débattre sur la capacité de la littérature à nous donner à voir d’autres perspectives, parfois même antagonistes.