« Les vivants et les autres » de José Eduardo Agualusa :

Aujourd’hui, je vais tenter un nouvel essai pour reprendre mon blog en main et rattraper mon retard dans la rédaction de mes chroniques avec ce roman à la couverture très inspirante :

Résumé de l’éditeur :

On prépare sur l’île de Mozambique un festival littéraire, une rencontre avec les poètes et les écrivains africains les plus célèbres, venant des quatre coins du monde, tous attirés par la beauté unique et la magie de l’île. La jeune organisatrice est sur le point d’accoucher. 

Soudain, une violente tempête s’abat sur le continent et l’île enveloppée de brouillard est isolée, personne ne peut plus emprunter le pont qui la relie au monde. Au cours de cette semaine étrange vont se produire des événements qui vont remettre en cause les frontières entre la réalité et la fiction, le passé et l’avenir, la vie et la mort. Les écrivains vont être troublés par la rencontre avec ces inconnus que sont les personnages qu’ils ont créés. Ce jeune rebelle de 20 ans si grossier avec les femmes, qui est-il réellement ? L’excentrique diva, dont personne ne comprend le langage, vient-elle de l’imagination de la romancière mûre, désespérée de ne pas pouvoir téléphoner à son mari ? La population de l’île aussi est troublée, mais pour des raisons différentes.

À la fois drôle et profond, un roman sur la confrontation avec la création. 

Ce que j’en pense :

Sur une île du Mozambique, on fait la connaissance de Daniel et son épouse Moïra, dont la grossesse arrive à son terme, alors que va débuter un festival littéraire qui accueille des écrivains africains pour la plupart lusophone. L’ile est paradisiaque la mer le sable, le soleil… Soudain une violente tempête s’abat et toutes les communications sont coupées, il n’y a plus aucun contact entre l’île et le reste du monde.

On va assister à un feu d’artifice de réflexions : qui sont les vivants, et les autres, ceux qui sont seuls sur l’île, ou ceux du continent, des discussions s’installent entre ces écrivains venus parler de leurs livres. Quel est le rôle d’un roman quand il y a une tragédie, que peut-il apporter ? deviendrait-il dérisoire ? Les personnalités de chacun se révèlent, les interactions. Que deviennent les petits egos de chacun dans la tourmente ?

L’histoire se déroule sur sept jours, (comme la Genèse ?) et José Eduardo Agualusa nous entraîne au passage vers l’Enfer, ou le Paradis, truffant son récit de contes ou de légendes, nous interrogeant, comme ses personnages, sur la littérature, la fiction, le processus de la création qu’elle soit littéraire ou plus globale, plus philosophique, sur la notoriété, et même sur l’africanité : sans Internet ni communication que reste-t-il à notre époque ?

J’ai beaucoup aimé la réflexion que nous propose l’auteur, la poésie de l’écriture, son univers, avec des rencontres étranges, telle la mystérieuse femme-blatte. Au départ, j’ai choisi ce roman pour mieux connaître les anciennes colonies portugaise, Cap Vert, Angola, Mozambique… et découvrir leurs écrivains réels ou imaginaires car l’auteur nous promène et cherche à nous désorienter.

Ce roman m’a permis de découvrir José Eduardo Agualusa et sa plume magique, je n’avais qu’une seule envie en tournant la dernière page, le lire une deuxième fois pour apprécier les détails ou situations qui auraient pu m’échapper, tant j’étais plongée dans ma lecture.  

Ma PAL va être ravie car je viens de l’alourdir un peu plus avec « La société des rêveurs involontaires » de l’auteur, pour le plaisir de retrouver Daniel et Moïra, ainsi qu’une petite sélection d’auteurs du Cap Vert, du Mozambique, et Angola entre autres… mais depuis le temps elle a l’habitude de ma boulimie littéraire…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Métailié qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur (dont je compte sur l’indulgence pour le retard accumulé ces derniers mois).

#LesVivantsetlesautres #NetGalleyFrance !

9/10

L’auteur :

José Eduardo Agualusa est né en 1960 à Huambo, en Angola. Après des études d’agronomie et de sylviculture, il s’est très vite engagé dans l’écriture et le journalisme et publie un premier roman en 1989, A Conjura. Il ouvre ainsi la voie à une nouvelle génération d’auteurs africains et revitalise la langue portugaise en s’emparant de l’histoire coloniale. Devenu persona non grata en Angola pour ses positions politiques, il vit entre Lisbonne, Rio de Janeiro et le Mozambique. Il tient une chronique dans le prestigieux quotidien brésilien O Globo.

Il est l’auteur de nombreux romans, poèmes, reportages et nouvelles, notamment le Marchand de passés, La Guerre des anges, Barroco tropical, tous couronnés de succès et publiés dans plus de 25 pays. En 2007, il reçoit l’Independent Foreign Fiction Prize et en 2013 le prix Fernando Namora. Théorie générale de l’oubliest finaliste du Man Booker Prize en 2016 et remporte le Prix international de littérature de Dublin (ex-Impac) en 2017.

Extraits :

L’intimité est le paradis – et l’enfer. Nous tombons amoureux de ce que nous ne connaissons pas encore. L’amour est ce qui arrive à la passion une fois que l’intimité s’est installée. Si nous avons de la chance.

Elle (Ofélia) ressent le manque de quelqu’un avec qui elle pourrait échanger des livres, des opinions, à qui montrer ses vers tordus. Elle sait ce qu’on dit d’elle : qu’elle est arrogante, envieuse, vaniteuse et folle. Folle, d’accord. Folle, cela ne l’offense pas. Être fou signifie s’insurger contre la norme, et la norme c’est la corruption, la flatterie, la servilité.

Les Portugais écrivent parce qu’ils souffrent et ils souffrent en écrivant. C’est une sorte de cycle de la douleur…

C’est ainsi que tout commence : un énorme éclair déchire la nuit, l’île se détache du monde. Un temps s’achève, un autre commence. A ce moment-là, personne ne s’en rendit compte.

L’idée existe que la beauté peut porter préjudice aux écrivaines, surtout au début de leur carrière, dit Jude d’Souza à Zivane, tandis qu’ils sortaient de l’hôtel, parce que le Nigérian, arrivé de Londres le matin même, voulait voir la ville endormie. En ce qui concerne Cornelia, non. Sa beauté a permis qu’on la remarque. Et, en la remarquant, on a fini par remarquer ce qu’elle écrivait.

Nous sommes des écrivains. Notre travail consiste à absorber la lumière, comme les plantes. A transformer la lumière en matière vivante. Est-ce que tu arrives à écrire sans commencer par t’enchanter…

Pendant très longtemps, les critiques européens ont exigé que nous n’écrivions pas sur l’Afrique. L’Afrique telle qu’ils l’imaginent. Un écrivain africain qui aurait choisi, je ne sais pas, d’écrire un roman sur la guerre civile d’Espagne serait pris pour un fou furieux. Cela a changé, heureusement.

Les Européens commencent à accepter qu’un écrivain africain ait le droit de sortir de sa case et qu’il se promène dans le monde, comme n’importe qui d’autre. En même temps, s’il a envie de s’occuper des lions, pourquoi pas ?

Nous pouvons aimer ce qui nous fait peur. En vérité, nous ne devrions aimer que ce qui nous fait peur.

L’idée est de débattre sur la capacité de la littérature à nous donner à voir d’autres perspectives, parfois même antagonistes.

Lu premier quadrimestre 2023

« Identités croisées » d’Harlan Coben

Aujourd’hui, je vous parle de ma dernière tentative de livre audio avec ce roman :

Résumé de l’éditeur :

Le nouveau Harlan Coben disponible en livre audio chez Lizzie ! Alors que Wilde, l’inconnu de la forêt, découvre l’identité de son père, une piste s’ouvre et, au bout, un tueur impitoyable. À écouter pour vos prochaines nuits blanches !

Ce que j’en pense :

Wilde, le bien nommé vit dans un monde étrange, en forêt loin de tout, ou presque, et se lance à la recherche de ses géniteurs, via un site Internet fournissant les candidats potentiels via un test ADN.

Il faut rappeler qu’il a été abandonné par ses géniteurs, et a survécu tel un enfant sauvage, et retrouvé au bout de quelques années. Il a une famille adoptive mais l’envie de retrouver ses racines le titille… (cf. « L’inconnu de la forêt » que je n’ai pas lu)

Wilde retrouve ainsi un cousin, côté paternel, avec lequel il correspond, mais celui-ci disparaît, victime d’un lynchage sur les réseaux sociaux : il a gagné lors d’une émission téléréalité, (style Bachelor) a épousé la femme de sa vie, mené la vie de château… on évoque un suicide mais en est-ce bien un ?

J’ai trouvé la rencontre entre Wilde et son père présumé sympathique, mais assez peu vraisemblable, mais il y a des mystères en attente, pour entretenir le suspense.

Harlan Coben va nous entraîner dans le monde des tests ADN, de la recherche de l’identité, de la téléréalité dans un roman sympathique mais sans plus. Je n’ai lu que deux ou trois de ses romans, je voulais retenter l’expérience mais je suis restée sur ma faim…

Décidément, quand ça ne veut pas… j’avais décidé de tenter encore une fois l’aventure du livre audio, en pensant écouter tout en marchant activement sur mon tapis, mais j’ai dû revenir à la version papier (merci à ma bibliothèque !) car l’attention reste flottante alors vive la musique, en particulier le disco et les année 80 pour donner du punch…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Lizzie qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur

7/10

Incipit :

Quelque part entre quarante et quarante-deux ans – Wilde ignorait son âge exact – il trouva enfin son père. Wilde n’avait jamais connu son père. Ni sa mère. Ni aucun autre membre de sa famille. Il ne savait ni leurs noms, ni son lieu de naissance, ni comment, tout petit, il s’était retrouvé à vivre seul dans la forêt des monts Ramapo, livré à lui-même. A présent, trente et quelques années après son « sauvetage » – « ABANDONNE ET SAUVAGE » titrait un journal ; « UN MOWGLI DES TEMPS MODERNES ! » clamait un autre – une vingtaine de mètres séparait Wilde d’un parent biologique et de la solution des mystères de son origine.

Lu en mars avril 2023

« Crépuscule » de Philippe Claudel

Aujourd’hui, je vous parle d’un roman dont j’apprécie assez l’auteur en principe :

Résumé de l’éditeur :

Aux marches de l’Empire « à cent têtes et cent corps », sommeille une province minérale et nue où le froid, le givre, les bourrasques semblent ankyloser les habitants d’une bourgade qui ne signalait jusque-là ni notoriété historique, ni intérêt géographique, si ce n’est d’être placée à la frontière « d’un pays dont la bannière se frappait d’un croissant d’or », et dont la vitalité contraste avec l’épuisement ranci du village aux passions tristes.


Un jour, le curé est découvert mort. La tête fracassée par une pierre. De quelle nature est le crime ? Qui pouvait en vouloir à ce curé d’une terre où les chrétiens et les musulmans vivaient depuis toujours en bonne entente ? Que faire, qui accuser, et qui entraver dans son action si, à partir de ce meurtre, s’ordonne toute une géométrie implacable d’actes criminels et de cruautés entre voisins ? Il y a un heureux : le Policier, Nourio, car « c’était fabuleux pour lui d’avoir une pareille affaire, dans ce lieu abandonné de toute fantaisie, de tout grain de sable, roulé dans l’ordinaire des jours ». Le voilà lancé dans d’inutiles recherches. À quoi sert de s’opposer au cours impétueux des choses ?


Dans ce vieux monde de l’Empire qui s’affaisse, « dans un sommeil épais, s’enroulait dans sa léthargie comme un escargot fainéant bâille dans sa coquille », il y a tous les personnages, en chairs et en vices, qui conviennent au déroulement de la tragédie : chacun joue à merveille sa partition. Nourio, le Policier au teint olivâtre et aux pulsions incontrôlables. Baraj, l’Adjoint dont l’apparence de bête placide et musculeuse dissimule l’âme d’un enfant poète. Lémia, la fillette aux formes adolescentes dont les ombres et les pleins agacent les nerfs du Policier. Tant d’autres, et même les fantômes des temps passés, qui n’ont en commun, dans leur médiocrité âpre et satisfaite, dans le secret de leurs âmes, que d’agir en comparses du grand Effondrement de l’Empire. De suspens en rebondissements, l’intrigue haletante se double d’une grande réflexion sur nos errements contemporains, la volonté de quelques-uns de réécrire l’Histoire, la négation de certains crimes de masse et autres arrangements avec la réalité.

Ce que j’en pense :

Dans un pays imaginaire quelque part en Europe centrale, dont on ne saura pas grand-chose, sinon qu’il y a un croissant sur sa bannière et qu’on appelle l’Empire à cent têtes et sent corps, un crime vient d’être commis : deux jeunes enfants ont retrouvé le curé du village assassiné, une blessure à la tête par une pierre à côté de son église.

Sont affectés à l’enquête (c’est très relatif) Nourio alias le Policier qui brille par son arrivisme et son adjoint Baraj, homme simple mais au grand cœur, sous la surveillance du Maire et d’autres édiles préoccupés essentiellement par leur statut social.

Evidemment, il faut trouver un coupable et qui est le suspect le plus plausible : l’Imam et la petite communauté musulmane…

Ce fut une lecture laborieuse, proche du pensum, car le roman dégouline de scènes, de fantasmes érotiques émanant du Policier : obsédé sexuel qui ne pense qu’à copuler, même si sa femme, enceinte régulièrement grâce à ses œuvres, ne semble pas consentante mais on atteint le paroxysme du dégoût avec la description de ses fantasmes pédophiles à l’égard de Lémia la petite fille qui a découvert le corps avec son frère. On a même droit aux détails anatomiques !

Sinon, on retrouve l’univers froid, les tempêtes, la neige, les habits un peu folkloriques parfois, les « âmes grises » comme les aime l’auteur… L’écriture est belle, il y a des réflexions intéressantes…

Je n’ai eu qu’une envie, pour calmer la nausée, en refermant ce roman: me réfugier sous ma couette, avec bouillotte et coussins chauffants…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Stock qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur

#Crépuscule #NetGalleyFrance !

6/10

Extraits :

On le respectait car il savait tenir sa place et sa fonction, même si on ne l’aimait pas, car on n’aime jamais tout à fait ce qui est différent de nous et vient d’ailleurs.

L’immobilité est gage de paix et la bêtise, bien souvent son alliée. Les sociétés, petites ou grandes, savent donner les rênes de leur administration à des crétins somptueux. Tout cela est vieux comme le monde et ne connaît pas de frontière.

En fabriquant quelques-uns d’entre nous le Grand Horloger parfois égare des rouages, de petites vis, mais ce n’est pas pour autant qu’il met l’objet au rebut ? Au contraire, il le remonte avec sa clé et le regarde s’éloigner cahin-caha…

Ne pas savoir où, comment, ni à quelle heure l’homme rencontre sa mort, être conscient de cela, ne rien pouvoir y faire, continuer à être malgré tout, témoigne d’un courage grandiose. Se confronter à ce mystère grandit l’homme. Toute chose que le suicide évite en signant la couardise de celle ou de celui qui choisit l’heure et la méthode…

Qu’il est dommage que nous ne puissions jamais parcourir les livres d’Histoire consacrés au moment où nous vivons. Cela ne se peut car l’Histoire, pour se faire, a besoin que soient devenus cadavres les hommes dont elle prétend retracer les vicissitudes.

La mémoire est un objet fragile, qui se fausse avec naturel, et dont la constitution est si faible que, lorsqu’on veut la courber, elle se laisse faire sans opposer la moindre résistance.

Lu premier trimestre 2023

« Princesse autonome » de Lola Zidi

J’ai été très attirée par la couverture de ce roman et le nom de l’auteur m’’évoquait des souvenirs alors je me suis laissée tenter :

Résumé de l’éditeur :

Mars a une vie en pagaille et le cœur en vrac. Sa particularité : elle est la fille cachée d’un acteur adoré des Français qui ne l’a pas reconnue. Mais à grandir sans père, elle a poussé sans repères. Refusant d’avouer ce manque et sa souffrance, elle cache ses blessures derrière une grande gueule, des yeux émeraude et des nuits à faire la fête.

Le jour de ses vingt-neuf ans, sa Mamie Gangsta lui ordonne de reprendre sa vie en main. Fini les mensonges, les coups d’un soir et les promesses de lendemains de cuite. Fini de jouer à faire semblant.

Le hasard faisant bien les choses, Mars découvre une semaine plus tard sur son paillasson un étrange carnet : le début d’une aventure, une invitation à s’aimer. Et s’il était enfin temps de devenir une princesse autonome ?

Ce que j’en pense :

En voyant la couverture, je m’attendais à un roman Feel-good, new-âge ou développement personnel, très à la mode ces dernières années, mais j’ai foncé quand malgré tout, car j’avais besoin d’une lecture sympathique, pas trop dépressogène et j’ai été bluffée.

On fait la connaissance de Mars, jeune femme un peu perdue, qui fête ses vingt-neuf ans, anniversaire au cours duquel sa grand-mère adorée, alias Mamie Gangsta lui fait promettre de reprendre sa vie en mains. Mars se cherche, se perd dans les beuveries aux lendemains difficiles, multipliant les expériences sexuelles sans lendemain pour mieux se perdre.

Quelques jours plus tard, elle découvre un carnet étrange, dont l’auteur l’incite à prendre conscience de sa valeur et à s’aimer, car personne ne le fera à sa place. Mais comment construire la confiance en soi quand on n’a pas été reconnue par son père, et élevée dans un milieu féminin bourré de non-dits ?

Cerise sur le gâteau, elle a appris que son père était un acteur de série adoré par son fan club, et que la rencontre a été sans lendemain.

Lola Zidi aborde des thèmes importants, l’identité, la confiance en soi, la fuite dans l’alcool, les doutes permanents devant chaque rencontre. Comment un homme peut-il s’intéresser à elle si son géniteur l’a rejetée ? le carnet et les conseils donnés par l’auteur anonyme, sont assez usuels mais la progression tout comme les rechutes de Mars rendent cette jeune femme attachante.

De plus, on n’est pas dans le roman à l’eau de rose, des évènements inattendus viennent se surajouter, montrant bien que la vie n’est pas un long fleuve tranquille.

Les autres personnages de ce premier roman sont intéressants également, notamment Mamie Gangsta : qui n’aurait pas rêvé d’avoir une grand-mère aussi jeune d’esprit et combattive, pleine d’amour et de ressources.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Fayard qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.

#Princesseautonome #NetGalleyFrance !

8/10

Née dans une famille d’artistes, Lola Zidi tourne dans son premier film à l’âge de huit ans. Elle enchaîne plus tard les rôles à la télévision et au théâtre, notamment sous les traits de Camille Claudel. En parallèle, elle se forme au coaching en développement personnel. Avec Princesse autonome, elle livre un premier roman lumineux et inspirant, riche d’enseignements.

Extraits :

Je suis la seule à avoir vécu avec Mamie Gangsta. Ça devait être temporaire, finalement ça a duré dix ans. Au début, j’étais son invitée, puis très vite ça s’est transformé en colocation des temps modernes. J’avais pour missions principales de faire les grosses courses et de descendre les poubelles…

S’aimer soi-même est certainement la plus grande des libertés qu’il puisse exister, le reste viendra, tu verras…

Promets-moi de t’aimer pour le meilleur et pour le pire. De faire de toi ta meilleure amie. De faire de tes blessures ta beauté, de tes failles tes forces et de ton histoire une richesse.

La drogue est une menteuse de haut niveau et sa descente la pire des ennemies. Celle qui pousse à recommencer pour prolonger ce bonheur inventé.

A l’écouter, je comprends que nous ne sommes jamais seuls. Que, dans chaque être sur terre, des histoires se racontent, des blessures se portent et des secrets se cachent. Qu’il y a des âmes faites pour s’aimer, d’autres pour s’éviter…

Avec des « si », on n’avance pas. On coupe du bois à la rigueur, rien de plus. Ecoute ton cœur et mes tes pipelettes en sourdine, tu sais faire. D’ailleurs, j’ai adoré ce terme pour nommer tes peurs et tes pensées négatives. Bref, maintenant, tire-toi de là.

Lu pendant le premier trimestre 2023

« Le monde d’avant » de Marc Lambron

Aujourd’hui, après un premier trimestre très compliqué, je tente de me remotiver pour l’écriture de ce blog en vous proposant ce roman :

Résumé de l’éditeur :

A partir de la figure de son grand-père, Marc Lambron revisite une France perdue dans un texte bref qui a la densité d’un tombeau et la beauté d’une élégie.
Pierre Denis nait en 1902 à Imphy, sur les bords de la Loire, dans la grande campagne nivernaise. La région, à la pointe du manufacturage des aciers spéciaux, est un des fleurons de la métallurgie française (un pied de la Tour Eiffel y sera forgé…).

Orphelin de mère à 6 ans, placé dans la fermette de sa tante, alphabétisé à la communale, Pierre devient à 16 ans Compagnon du devoir, apprenti maçon et tailleur de pierre. A son retour de l’Algérie coloniale, il est embauché aux aciéries d’Imphy. C’est en 1929 qu’il épousera Léonie Lagarde, née quatre ans après lui à Imphy dans une famille nombreuse (6 frères et sœurs), vendeuse de vêtements, garde d’enfants et ménagère. De leur union naitra en 1931 la mère de l’auteur, Jacqueline, à laquelle ses mérites scolaires vaudront une bourse d’Etat pour aller étudier dans un collège à Nevers. Militant « rouge » en 1936 (« on a bien le temps de pâlir » disait-il…), Pierre sera Résistant dans la Nièvre pendant la deuxième guerre mondiale.


Les maisons, les mœurs, la subsistance en autarcie, la vêture, la pêche, le patois, la parentèle éloignée : « tout cela peut paraître aussi lointain que la description d’un shtetl dans la Pologne d’antan. Et pourtant j’ai encore connu ce monde ».

Un monde dont Jacqueline, « enfant du savoir », s’éloigne en devenant institutrice à Nevers et en faisant la connaissance de Paul, fringuant élève de l’École militaire qu’elle rejoindra à Lyon. De leur union naîtra en février 1957 le petit Marc, quatre ans avant la mort de sa grand-mère Léonie et vingt ans avant celle de son grand-père Pierre.

Ce que j’en pense :

Ce roman nous permet de traverser le XXe siècle en suivant l’histoire des grands-parents puis des parents de l’auteur. On suit notamment le destin du grand-père, devenu orphelin très jeune, et son parcours : apprenti maçon, puis ouvrier dans les forges d’Imphy petite ville de la Nièvre qui « faillit devenir capitale ». On traverse ainsi la guerre, la Résistance, les combats, l’évolution de la famille, l’ascenseur social comme on disait alors qui permettait à chaque génération de progresser par rapport à la précédents, via l’école de la République.

Chacune des anecdotes que rapporte Marc Lambron m’a touchée, car quelques années nous séparent, et certaines m’ont rappelé des souvenirs, des évènements vécus ou rapportés. Les expressions en patois existaient encore à l’époque de mes grands-parents, et les lundis après-midi à faire la lessive dans les lavoirs avec les voisines, avec les discussions interminables sont encore très présents dans ma mémoire, ainsi que la solidarité de l’époque.

Idem avec les souvenirs d’école où commençait à arriver des filles (école de filles à l’époque !) venant d’Italie, d’Espagne, qui passaient quelques mois dans nos classes le temps de maîtriser le français. Personne n’était obsédé par l’immigration à cette époque où les ouvriers votaient communiste à fond, ce qui ne les empêchaient pas d’envoyer les enfants au catéchisme… ça sent le vécu je le reconnais…

Je ne suis pas militante du « c’était mieux avant », mais un peu quand même, et notre époque actuelle du chacun pour soi, tout pour ma pomme me déconcerte….

Certes « La nostalgie n’est plus ce qu’elle était » comme disait Simone Signoret, mais j’ai beaucoup aimé ce livre…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur.

#Lemondedavant #NetGalleyFrance !

9/10

L’auteur :

Marc Lambron est l’auteur chez Grasset de plusieurs romans : 1941 (1997), Étrangers dans la nuit (2001), Les Menteurs (2004) ; de récits : Une saison sur la terre (2006), Mignonne, allons voir… (2006), Eh bien, dansez maintenant… (2008), Tu n’as pas tellement changé (2014) et des fameux Carnets de bal. Il a été élu à l’Académie française en 2014.

Extraits :

Cette distance trouvait pourtant ses limites dans l’éducation religieuse : armés par exemple de leurs pères, tôt formés à n’être pas dupes des arguties patronales, les enfants d’ouvriers se voyaient pourtant envoyés au catéchisme. Tant qu’à les former, autant ajouter le Saint Sacrement à Maurice Thorez…

Le parti promettait de réduire l’arbitraire d’une naissance, il n’était pas assez fort pour aliéner leur liberté.

L’Europe, dit aujourd’hui ma mère, je l’ai connue vers 1935. Nous vivions avec des petits camarades espagnols, portugais, polonais, italiens, les Coutinho, les Panfilov, les Paneda, les Kozolvski. Une colonie de Russes blancs avait trouvé refuge dans la cité, vivant d’expédients au regard de leur passé perdu.

La lessive était un rite collectif, les hommes en relâche d’usine étaient requis pour empiler le linge sale dans une brouette, la « bérouette » qu’ils poussaient jusqu’aux bords de la Loire.

Faire du bois, c’est aérer un coin de forêt, en utilisant une cougniée, une cognée ou une hache. Et se relinger, c’est acquérir de nouveaux habits. Ce parler est encore familier aux Imphycois nés dans les années 1940. Les exils, la télévision, l’américanisation de certains usages, en commençant par les prénoms, en ont relativisé l’usage, jusqu’à l’éteindre.

Ces lieux de vie incorporaient la mort. Jusqu’aux années 1960, on mourait chez soi. Le deuil exigeait que l’on veillât le défunt toute la nuit, à la lumière des bougies tremblotantes, en ayant préalablement voilé les miroirs.

Nous parlons des êtres d’autrefois. Ils s’accordaient au monde donné sans renoncer à le transformer. Qu’est-ce que la noblesse d’une existence qui se voit plus déterminée par l’origine que par le choix ?

… Peut-être l’esprit d’un temps où l’unité de la conscience prémunissait contre l’impudeur de la plainte, avec pour antidote la fierté.

Lu premier trimestre 2023

« Le vestiaire américain » de Jean Desportes

Aujourd’hui, place à un roman un peu particulier :

Résumé de l’éditeur :

Paul Delorme, un jeune homme de bonne famille, a tout pour réussir. Bonne gueule, bonne éducation, bonne orientation sexuelle et bon job dans la finance. Une vie confortable et balisée : école privée, scouts, rallyes, prépa, ESSEC, et aujourd’hui consultant à la Défense chez McGinley. Vers la cinquantaine, il devrait naturellement rejoindre le groupe des vieux mâles blancs dominants, contents d’eux et du sort que l’existence leur a réservé. Mais la découverte d’irrégularités dans le dossier d’un client vient bouleverser ce fleuve tranquille.

Quelle décision prendre ? Se taire ? La terreur du déclassement sera-t-elle plus forte ou un sursaut de conscience est-il encore possible ? Une mise en quarantaine forcée qui pousse le héros à remettre en question tout un système, toute une éducation. 

Ce que j’en pense :

Le héros a découvert une fraude fiscale. Seulement, au lieu d’être récompensé, il est mis au placard, car il a mis le doigt dans un engrenage : ceux qui occupent le haut de la hiérarchie n’ont qu’une idée en tête : conserver leur poste, alors au diable les malversations, entre requins, on se soutient.

 Il nous explique que depuis il est persécuté et mis au placard, surveillé, pisté en mode big brother ce qui provoque une fuite « rocambolesque » peu crédible.

Un roman étrange qui semblait prometteur, dans ce milieu catholique ultra bourgeois, autoproclamé élite de la Nation et qui ne va pas réconcilier avec le monde de la finance et des magouilles.

Je reconnais, néanmoins qu’il y a quelques phrases percutantes, lucides dans ce récit.

Présenté comme un thriller économico-social, il ne tient pas ses promesses. J’ai réussi à le terminer cela relève de l’exploit, car le héros lui- même ne m’était pas sympathique.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Elidia qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur.

#LeVestiaireaméricain #NetGalleyFrance !

5/10

Extraits :

J’étais l’aîné, donc inutile de préciser qu’à moi seul, et quand bien même j’aurais décroché tous les prix d’excellence, les premiers prix de conservatoire et les médailles d’or aux compétitions sportives pour les déposer avec respect aux pieds de mes géniteurs, jamais je ne l’aurais satisfaite. Éternel mendiant de leur reconnaissance, sans frères et sœurs, je n’aurai recueilli dans leur regard qu’une constante impression d’insuffisance… 

Le cadre à la sensibilité assumée n’était pas encore né, la faute au CAC, bloc de virilité patriarcale à l’ancienne, où la gestion émotionnelle n’était pas du tout cotée. Chacun tenait sa place et donnait le change à ceux qui l’entouraient : ici, on se satisfaisait de la vie que le travail vous permettait.

La mondialisation inexorable de tous les marchés entraînait la vieille Europe dans sa danse folle. Chaque nation s’épuisait à garder le rythme en même temps qu’elle exhibait ses charmes pour séduire l’or et le retenir à coups de mesures fiscales avantageuses, d’ouvertures à la concurrence, de subventions aux industries étrangères, de relâchement des frontières, d’incitations de toutes sortes et tous azimuts.

… dès que l’éthique, la déontologie, les principes et autres garde-fous entrent frontalement en conflit avec des enjeux financiers ou de pouvoir – et les mirifiques possibles ou catastrophes abyssales qu’ils laissent entrevoir – on ne s’embarrasse pas longtemps de tous ces oripeaux présentés tout à coup comme des enfantillages. On a vite fait de tomber le masque, sans complexe, de la façon la plus crue, violente ou vulgaire…

Lu en janvier-février 2023

« L’île des souvenirs » de Chrystel Duchamp

Petit détour par le thriller, aujourd’hui, et une auteure que j’aime beaucoup, pour tenter de me réconcilier avec mon blog avec ce roman :

Résumé de l’éditeur :

Delphine, 22 ans, est étudiante à Lyon. Issue d’une famille bourgeoise, elle tente de s’affranchir de son éducation en écumant bars et boîtes de nuit. Au cours d’une soirée, elle suit une ombre mystérieuse jusqu’à sa voiture…

Quand elle se réveille dans une maison abandonnée, elle est menottée à un radiateur. Bientôt rejointe par une autre prisonnière.

L’enquête confiée à la Crim’ n’avance pas assez vite aux yeux de l’opinion. Sous pression, le capitaine Romain Mandier accepte l’aide d’un profiler et d’une psychotraumatologue.
Qui est cet homme en noir, qui hante les souvenirs confus d’une des captives ? Pourra-t-on exhumer de sa mémoire les fragments qui mèneront au coupable ?
Une fois de plus, Chrystel Duchamp surprend par une intrigue des plus originales, et un épilogue aussi glaçant que retors !

Ce que j’en pense :

Deux jeunes femmes sont enlevées et séquestrées dans une maison abandonnée, attachées, nourries le strict minimum. Delphine est étudiante, née dans une famille bourgeoise dont elle s’est échappée très vite, ne supportant plus son éducation rigide, lorsqu’elle rencontre Maëlis sur les bancs de la fac mais leur relation prend fin brutalement. Pourquoi les a-t-on enlevées que cherche le ravisseur ?

Maëlis seule réussit à s’échapper, mais sous l’influence des mauvais traitements elle est victime d’une amnésie post-traumatique. L’enquête s’avère compliquée faisant appel à différents « spécialistes » : profiler, psycho-traumatologue, entre autres, sans oublier un médecin légiste génial, sous la houlette du capitaine Mandier.

On découvre, au fil des pages, la vie et les fragilités de chacun des protagonistes, ce qui les rend attachants et proches de nous (la stérilité du couple Mandier, et la réflexion sur les spermatozoïdes fainéants ne peuvent que nous toucher.

Ce roman est une surprise qui m’a un peu déstabilisée au départ, de la part d’une auteure que j’aime beaucoup car on sort de la traditionnelle enquête pour aborder essentiellement l’aspect psychologique, décrivant avec précision les caractéristiques du travail de chacun avec moults détails, qui peuvent désarçonner au départ, mais très vite, on se laisse porter par l’enquête, la plume de l’auteure, à tel point qu’on ne sait plus qui manipule l’autre, le lecteur compris.

On pense avoir trouvé le coupable mais, Chrystel Duchamp sait tellement bien nous entraîner dans des recoins insoupçonnés que le dénouement éblouissant montre à quel point elle est capable de nous manipuler et jusqu’où elle peut aller et nous surprendre.

Une scène qui m’a beaucoup plu : Gabriel devant sa table d’autopsie chantant à tue-tête « Ra-ra, Rasputin, lover of the Russian Queen » tout en maniant son scalpel presque avec volupté…

Lecture addictive donc, en ce qui me concerne, une addiction sans conséquence par rapport à certaines tristement d’actualité.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions L’Archipel qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteure que j’aime décidément beaucoup : « Une autrice qui compte dans le polar ! », comme le dit si bien Gérard Collard

#Lîledessouvenirs #NetGalleyFrance !

8,5/10

Cofondatrice du collectif les Louves du Polar, Chrystel Duchamp est l’autrice, aux éditions de l’Archipel, de « L’Art du meurtre » (2020), « Un excellent polar addictif et original » (Le Parisien), « Le Sang des Belasko » (2021), un huis clos familial oppressant, et « Délivre-nous du mal » (2022), un suspense sombre et engagé.

Extraits :

Elle (Delphine) avait grandi dans le luxe matériel, mais dans une pauvreté affective et sociale extrême. Ma messe du dimanche constituait l’unique sortie hebdomadaire, l’occasion d’enfiler une robe bleu marine à col blanc et des souliers vernis qu’elle détestait.

Quand le catholicisme utilisait la métaphore de la poussière pour illustrer notre issue, il s’interdisait de préciser qu’elle était précédée d’une étape moins glorieuse : la décomposition de la chair, son odeur, sa couleur et son armée d’asticots…

L’être humain, influencé malgré lui par divers facteurs, fournissait des données à exploiter avec prudence. Les indices matériels, à l’inverse, quand ils étaient détectés et correctement analysés, constituaient des sources d’information objectives et fiables.

Romain préférait la métaphore de la « boule de neige ». D’abord petite, abritant en son centre la victime, elle prenait naissance au sommet d’une montagne avant de s’élancer le long d’un versant enneigé. Au cours de sa descente, elle grossissait, collectant preuves, témoignages et prélèvements jusqu’à former une énorme boule blanche. Quand l’enquête se concluait par une réussite ; l’amas de neige arrivait intact en bas de la montagne. Quand l’enquête se soldait par un échec, la boule explosait et l’avalanche détruisait tout sur son passage…

Pour les policiers, un cadavre était une victime à qui il fallait rendre justice ; pour les légistes, c’était une caverne d’Ali Baba de laquelle un maximum de trésors devaient être exhumés.

Le cerveau de l’être humain – quand il est malmené – partage dans un élan de générosité sa douleur avec les muscles, les organes et le système nerveux. Soldats de retour du front, victimes d’agression physique ou sexuelle, individus pris au piège de catastrophes naturelles, les TSPT touchaient toutes les strates de la société sans distinction. Les durs comme les faibles…

Fasciné par l’ascension des imposteurs, Erwann avait lu articles et essais les concernant. Il voulait comprendre comment un individu lambda, sans bagages scientifiques ni légitimité à s’exprimer sur un sujet, pouvait rassembler une foule de fidèles. Les réseaux sociaux étaient, en majeure partie, responsables de la popularité de ces savants de pacotille, qui disposaient d’un moyen de communication puissant, leur assurant de toucher des milliers – voire des millions – de personnes.

Lu en février 2023

« Ceci n’est pas un fait divers » de Philippe Besson

Ce n’est un secret pour personne j’aime beaucoup la plume de Philippe Besson alors, quand il nous propose d’aborder les violences conjugales et leurs conséquences, après avoir hésité, je me suis décidée à franchir le pas :

Résumé de l’éditeur :

Ils sont frère et sœur. Quand l’histoire commence, ils ont dix-neuf et treize ans.

Cette histoire tient en quelques mots, ceux que la cadette, témoin malgré elle, prononce en tremblant : « Papa vient de tuer maman. »

Passé la sidération, ces enfants brisés vont devoir se débrouiller avec le chagrin, la colère, la culpabilité. Et remonter le cours du temps pour tenter de comprendre la redoutable mécanique qui a conduit à cet acte.

Avec pudeur et sobriété, ce roman, inspiré de faits réels, raconte, au-delà d’un sujet de société, le long combat de deux victimes invisibles pour réapprendre à vivre.

Ce que j’en pense :

Tout commence par un appel téléphonique de Léa à son frère aîné : « il s’est passé quelque chose » parvient-elle à articuler, en état de sidération. Son père vient de tuer sa mère, après des années de maltraitance. Elle n’a que treize ans et lui dix-neuf.

C’est le frère aîné qui raconte : le père violent, les disputes, la maltraitance psychologique et physique, rabaisser l’autre, jour après jour, lui faire croire que tout est de sa faute, lui couper les ailes… sans oublier la fameuse « main qui part toute seule » pour justifier la gifle: c’est connu, la main est indépendants du système nerveux central, elle est autonome!!! en gros, ce n’est pas moi qui frappe, c’est ma main…

Philippe Besson décortique le processus de la violence, et la sidération qui suit l’assassinat de la mère, la réaction de chacun des deux enfants : pour le fils, qui avait pris ses distances depuis longtemps, ce qu’il redoutait a fini par arriver, alors qu’il n’a rien pu faire. Il tourne le dos définitivement à ce père abject, qui en plus a pris la fuite de manière minable, et n’a non seulement pas eu le courage de se rendre ou de se suicider, mais se pose en victime !!!

J’ai bien aimé la manière dont le fils comprend que son père est un pervers narcissique, et pas seulement un jaloux possessif…

Pour Léa, c’est plus compliqué, elle était la « chouchou » de son père (ah oui, j’oubliais c’était être un très bon père à défaut d’être un bon mari !). Elle ressent toujours cet amour paternel au plus profond d’elle-même.

Je lis peu de romans ou essais autour de la violence conjugale, il suffit d’ouvrir le journal, pour noter un nouveau féminicide, car ce n’est pas un fait divers ni un crime passionnel, terme trop longtemps mis en en avant par la société patriarcale et qu’on ne vieille surtout pas me dire que « il la frappe parce qu’il l’aime » sinon je vais sortir de mes gonds…

J’ai choisi de lire celui-ci, parce que c’est Philippe Besson, sa manière de raconter les choses, pleine de pudeur, sa sensibilité, sa belle écriture. Et c’est réussi comme je m’y attendais… Pour la petite histoire, il s’est lancé dans le récit après avoir rencontré un de ses fans qui avait perdu sa mère, victime de féminicide, et l’a autorisé à en parler).

Je suis une grande fan de cet auteur, mais pas une inconditionnelle, toutefois, car si le thème ne m’inspire pas je ne cherche pas lire le roman parce que c’est lui. Mes préférés restent « Se résoudre aux adieux » « L’arrière-saison » et « Son frère » et « Les jours fragiles » m’attendent sur une étagère de ma bibliothèque, que je garde pour la fin, (ou la faim ?) un peu comme « Les frères Karamazov » de mon ami Fiodor…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Julliard qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver une fois de plus la plume de son auteur.

#Cecinestpasunfaitdivers #NetGalleyFrance !

9/10

Philippe Besson est auteur, dramaturge et scénariste français, anciennement homme d’affaires. Il a été également critique littéraire et animateur de télévision. Il a publié 36 livres (si mes comptes sont à jour) notamment « Arrête avec tes mensonges », Le Dernier Enfant et Paris-Briançon.

Extraits :

Je suppose que certains instants décisifs sont inoubliables, et parfois, on sait, tandis qu’ils se produisent, qu’ils sont, en effet, décisifs…

J’étais là, nous allions affronter l’épreuve ensemble, à deux nous avions, qui sait, une petite chance d’y parvenir. En tout cas, j’étais convaincu que beaucoup dépendait de moi, de ma force, de mon amour pour elle, je ne devais pas flancher…

… C’était commode aussi de se répéter ce mantra, cela m’évitait d’être dévoré par le chagrin, par la stupeur et par la haine. Il y avait des choses qui passaient avant. Il y avait Léa. Avec le recul, je sais que, sans le faire exprès, ma sœur m’a sauvé de passions trop tristes, ou de bouillonnements trop amers. Ils ne m’étaient pas permis.

Ma seule certitude était que nous étions durablement endommagés. Il restait à déterminer jusqu’à quel point.

J’essaie de comprendre comment elle est allée vers lui, pourquoi ils se sont rejoints. En fait, je me tiens devant le mystère des inclinations de ma mère, le mystère de sa liberté.

Tout était prétexte à prendre la mouche et à déblatérer. Il n’était pas difficile de comprendre qu’il se sentait déclassé, méprisé, sa vie avait pris un mauvais tour et, puisque ça ne pouvait pas être de sa faute, c’était forcément celle des autres. Oui, d’aussi loin que je me souvienne, je vois mon père frustré, furieux et accusateur.

Toujours, il s’agissait d’un prétexte fallacieux. Il avait besoin d’une raison, n’importe laquelle, pour créer une altercation, mener sa guérilla. Il était débordé par sa paranoïa, sa jalousie, son narcissisme. Par son angoisse de l’abandon, puisqu’il faut bien appeler un chat, un chat.

Ce que nous ignorions, c’est que l’amour familial ne s’efface pas d’un trait de plume, il en reste toujours quelque chose ; j’y reviendrai.

Certes, ses accès de violence la perturbaient et la maintenaient sur une sorte de qui-vive, mais il savait si bien lui faire croire que ce n’était rien, simplement des disputes entre grandes personnes, comme il y en a dans tous les couples et s’y entendait mieux que personne pour la reconquérir.

J’ai fini par comprendre que mon père n’était pas seulement un homme possessif et paranoïaque, pas seulement un être terrifié à l’idée d’être abandonné et qui compensait par la rage, il était aussi, peut-être avant tout, ce qu’on nomme un pervers narcissique.

Ceci encore : s’il était dur avec elle, il était adorable avec sa fille. D’ailleurs ma mère ne jurait-elle pas à qui voulait l’entendre qu’il était « un bon père » ? (elle occultait volontiers le dédain dont il me gratifiait ; il s’agissait de sauver les meubles j’imagine.

Lu en janvier 2023

« Dessous les roses » d’Olivier Adam

Aujourd’hui, je vous parle d’un roman qui me faisait de l’œil à la bibliothèque alors pourquoi résister :

Quatrième de couverture :

– Tu crois qu’il va venir ? m’a demandé Antoine en s’allumant une cigarette.

J’ai haussé les épaules. Avec Paul comment savoir ? Il n’en faisait toujours qu’à sa tête. Se souciait peu des convenances. Considérait n’avoir aucune obligation envers qui que ce soit. Et surtout pas envers sa famille, qu’il avait laminée de film en film, de pièce en pièce, même s’il s’en défendait.

– En tout cas, a repris mon frère, si demain il s’avise de se lever pour parler de papa, je te jure, je le défonce.

– Ah ouais ? a fait une voix derrière nous. Je serais curieux de savoir comment tu comptes t’y prendre…

Antoine a sursauté. Je me suis retournée. Paul se tenait là, dans l’obscurité, son sac à la main. Nous n’avions pas entendu grincer la grille. J’ignore comment il s’y prenait. Ce portillon couinait depuis toujours. Aucun dégrippant, aucun type d’huile n’avait jamais réussi à le calmer. Mais Paul parvenait à le pousser sans lui arracher le moindre miaulement.

Ce que j’en pense :

Le père de famille est décédé et la famille doit se retrouver pour organiser les obsèques. Cependant, tout est suspendu à la présence ou non de Paul, l’artiste de la famille : cinéaste, auteur de théâtre. Viendra, viendra pas ? Tout est possible vues les relations familiales houleuses.

Nous avons donc, la mère de famille, persuadée que son rejeton préféré va venir, alors qu’il est en rupture totale depuis longtemps avec ses proches : il ne digère pas son « enfance malheureuse d’artiste incompris, à qui l’on n’a pas assez dit qu’on l’aimait et qu’il était exceptionnel et qui en profite pour régler ses comptes avec parents et fratrie dans chaque nouveau film ou nouvelle pièce de théâtre.

La fille aînée, Claire, a toujours été un modèle, travaillant, à l’école pour être infirmière, dévouée aux autres, sans se plaindre. Mariée, mère de deux adolescents, en pleine révolution, et un mari à peine plus mature.

Le benjamin, Antoine, a poussé sans problème, et a réussi dans ses études et son travail, même si sa vie n’est pas aussi enthousiasmante qu’il l’aurait souhaité, notamment côté cœur, car il semble toujours amoureux de sa première petite amie, et ne parvient pas à construire une vraie relation.

Le cadet, Paul, est donc l’artiste de la famille. Il ne se rend pas compte, dit-il, des ravages produits par ses créations artistiques sur la famille, (pour lui, c’est de la création, une œuvre d’art), non seulement il règle ses comptes avec sa famille mais aussi en bon Parisien, avec son village, n’hésitant pas cependant à plonger dans la satire sociale quand cela peut lui rapporter une bonne notoriété.

Olivier Adam a composé son roman, comme une pièce de théâtre, plusieurs actes, donnant la parole tantôt à Claire, tantôt à Antoine, ce n’est qu’à la fin qu’il donnera la parole à Paul, ce qui rend le récit fluide, agréable à lire (comme le plus souvent dans ses écrits). Il aborde très bien les difficultés relationnelles dans une fratrie, la place (ou l’absence de place) de chacun et surtout, la manière dont chacun des trois a vécu ce que Paul appelle l’absence de chaleur familiale, l’absence de compliments et les conséquences sur la confiance en soi que cela peut entraîner.

Aucun des trois enfants n’a les mêmes souvenirs, et tandis que Paul réinvente l’histoire, les autres, Antoine notamment, plonge dans le ressentiment, le jugement, la colère vis-à-vis de son aîné.

Il faut se souvenir, qu’à une époque pas si lointaine, les parents se cantonnaient à un rôle éducatif : leur fournir l’éducation, la nourriture, les habiller, leur fournir un toit, ce qu’eux-mêmes n’avaient pas toujours reçu, et que le père devait travailler pour subvenir à tout cela. Cela ne leur venait pas à l’esprit, qu’un enfant pouvait avoir besoin qu’on lui dise qu’on l’aime dans la mesure où ils avaient l’impression d’avoir rempli leur rôle. On a tous des griefs vis-à-vis de l’éducation qu’on a reçu, mais ce sont aussi les frustrations qui nous aident à nous construire.

J’aime bien retrouver la plume d’Olivier Adam, que j’ai découvert avec « Falaises » il y a une dizaine d’années et dont j’ai lu pas mal de livres, y compris ceux pour la jeunesse et ce roman m’a bien plu, pour l’analyse des relations familiales, et pour l’écriture.

7,5/10

L’auteur :

Né en 1974, Olivier Adam est l’auteur de nombreux romans (quarante trois pour être précis) parmi lesquels : « Je vais bien, ne t’en fais pas » adapté au cinéma par Philippe Lioret, « Falaises » « Des vents contraires » « Le cœur régulier », « Les lisières », « Peine perdue »

Extraits :

Un écrivain dans la famille, c’est la mort de cette famille, disait Philip Roth. Ben c’est pareil pour les cinéastes et les metteurs en scène, m’avait-il asséné un jour…

Merde ; Papa était mort, non ? On l’enterrait demain ou j’avais rêvé ? Et après, c’est moi qui passais pour un type sans cœur. Mais, je suppose que c’est comme ça dans toutes les familles. Que les rôles sont distribués une fois pour toutes. L’aînée responsable et bienveillante. Le cadet instable, avec son tempérament d’artiste. Et puis moi, le benjamin dynamique, concret, efficace. Performant. Pragmatique…

Dans une fratrie, mieux vaut laisser à chacun son terrain d’excellence. Surtout quand on est le dernier. Qu’est-ce qu’on a pu m’emmerder au collège, au lycée, avec ma sœur si sage et sérieuse et mon frère si brillant.

Pour nos parents, je ne l’ai compris que plus tard, seuls les actes comptaient : nous assurer un toit, une éducation, des vêtements, trois repas par jour. Faire en sorte que nous ne manquions de rien. Que nous ayons toutes les chances de notre côté. La tendresse, il fallait en avoir le loisir…

Le vieillissement frappait ainsi. Par à-coups. Au gré des épreuves, des maladies et des deuils. Ce n’était pas vrai qu’on vieillissait peu e à peu. Non. On vieillissait subitement. Mais à plusieurs reprises. Par paliers. Je savais tout ça. Il n’empêchait que ça me préoccupait. D’autant que d’après moi ; la plus récente accélération avait commencé avec la maladie de Papa.

Lu en janvier 2023

« Blabla du lundi »

j’ai décidé de m’inspirer du thème de Labibliothèqueroz pour cette petite chronique:

https://labibliothequeroz.wordpress.com/2023/02/06/blabla-lecture-du-lundi-6-fevrier-2023/

Depuis quelques mois, ma tête veut mais le passage à l’acte est compliqué: je continue à lire, normalement mais je n’arrive plus à rédiger mes chroniques, ni à déposer mes commentaires sur les blogs amis… (Les courriels de notifications s’accumulent!!!).

J’espère arriver à rattraper mon retard et à retrouver l’envie d’écrire sur ce blog, ce qui doit rester un plaisir, mais perfectionnisme oblige, je ne parviens pas à faire des critiques plus concises.

J’ai retrouvé le plaisir de la marche, en plein air (vu le temps de printemps qu’on a) ou sur mon tapis, avec la musique à fond, et je me suis remise au tricotage pour doper ma concentration avec un modèle compliqué évidemment, en tout cas plus compliqué que je ne pensais… C’est très bon pour la concentration!

J’espère me sortir de cette mauvaise passe rapidement, mais je le répète, le blog doit rester un plaisir alors on verra fin 2023 si je continue ou pas.

Et en plus WordPress s’est mis à buguer aujourd’hui, comble du bonheur…

Ce qui vous attend en chroniques:

Livres terminés:

Lectures en cours:

Lectures à venir:

Maintenant, il n’y a plus qu’à s’atteler à la tâche… Si mon pull n’est pas trop moche je glisserai une photo!

Bonne semaine !!!!