« Dans la forêt » de Jean Hegland

Je vous parle aujourd’hui d’un livre qui sommeillait depuis longtemps dans ma PAL, démentielle comme chacun le sait, et qui vient de prendre plusieurs kilos à la fin du challenge : « Le mois de l’Europe de l’Est » (je vois d’ici les sourires !)

Résumé de l’éditeur :

Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.

Considéré depuis sa sortie comme un véritable choc littéraire aux États-Unis, Dans la forêt, roman sensuel et puissant, met en scène deux jeunes femmes qui entraînent le lecteur vers une vie nouvelle.

Ce que j’en pense :

Nell et Eva fêtent un étrange Noël puisque le monde a changé brutalement. Elles se font un cadeau symbolique : pour Nell un vieux carnet retrouvé derrière une commode et pour Eva passionnée de danse, une paire de chaussons de danse reprisés méticuleusement par Nell.

En effet, tout a changé, il n’y a plus d’électricité, plus de téléphone, plus d’essence (il ne leur reste qu’un bidon retrouvé en rangeant la maison, sujet à dispute, chacune voulant l’utiliser à sa manière.

Nell devait intégrer l’université et Eva une école de danse, mais tout est tombé à l’eau, il faut désormais apprendre à survivre, à se restreindre, ne pas consommer trop, faire des conserves avec les légumes du jardin les fruits cueillis dans la forêt, tamiser la farine car les sacs se sont remplis de vers, rationner le thé, qui devient blanc à force d’être dilués avant de devenir de l’eau chaude.

Les deux sœurs ont toujours vécu dans une ferme rudimentaire, et un terrain d’une trentaine d’hectares, leur chère forêt où elles aimaient crapahuter enfants. Leur mère avait dû abandonner la danse et se concentrer sur le tissage, la création de couleurs à partir de pigments naturels, et faire des conserves. Elles n’ont pas été scolarisées, les parents s’occupant de les instruire. Quand elles se sont retrouvées orphelines, une fois le choc passé, elles se sont organisées pour survivre, et leur mode de vie d’avant les a certainement rendues plus fortes.

J’ai beaucoup aimé ce livre, qui à travers une belle histoire de sororité, dénonce la société de consommation, alerte sur ses dangers, sur notre dépendance aux énergies fossiles, sur tous ces objets qui nous sont soi-disant indispensables, téléphones, machines à laver, fours micro-ondes ou autre, produits d’hygiène, et nous donne des idées pour remplacer ce qui peut l’être et devenir moins « consommateurs ».

C’est aussi un hymne à la Nature, à la respecter, à utiliser ce qu’elle nous donne sans la piller… Jean Hegland l’a écrit il y a presque vingt ans et il résonne particulièrement depuis le Covid, la guerre en Ukraine, sans oublier tous les scandales sanitaires… Serions-nous (serons-nous serait peut-être plus adéquate) capable de modifier notre comportement si l’inéluctable venait à se produire ?

Il y a longtemps que je voulais lire ce roman, et j’ai dû attendre que l’engouement soit un peu retombé, et surtout qu’il soit disponible à la bibliothèque. Dans ces cas-là, je redoute toujours d’être déçue. Et bien non ! J’ai beaucoup aimé la plume de l’auteure, la manière de raconter les évènements comme une légende telle « L’île au trésor », ou un conte philosophique sur notre existence, la vie, la mort, l’harmonie avec la forêt, les animaux et les plantes qui y vivent.

9/10

L’auteure :

Jean Hegland est née en 1956 dans l’état de Washington. Après avoir accumulé les petits boulots, elle devient professeure et se lance dans l’écriture. Son premier roman, « Dans la forêt » paraît en 1996 et rencontre un succès éblouissant. Elle vit aujourd’hui au milieu des forêts du nord de la Californie et partage son temps entre l’apiculture et l’écriture.

Extraits :

C’est étrange, d’écrire ces premiers mots, comme si je me penchais par-dessus le silence moisi d’un puits, et que je voyais mon visage apparaître à la surface de l’eau – tout petit et se présentant sous un angle si inhabituel que je surprise de constater qu’il s’agit de mon reflet. Après tout ce temps, un stylo a quelque chose de raide et d’encombrant dans ma main…

Peut-être que nous aurions dû nous douter plus tôt que ce qui se passait était différent. Mais, même en ville, je pense que les changements sont produits si lentement – ou s’inscrivaient tellement dans la trame familière des problèmes et des désagréments – que  les gens ne les ont vraiment identifiés que plus tard, au printemps.

Les gens se tournaient vers le passé pour se rassurer et y puiser l’inspiration…

En fait, l’unique conviction commune à presque tous les extrémistes les plus excessifs, c’était que cette situation ne durerait pas, que le monde auquel nous appartenions renaîtrait bientôt et que nous pourrions alors en arrière et considérer ce que nous étions en trin de vivre comme une interruption momentanée, une bonne histoire à raconter aux petits-enfants.

Contre toute attente, Eva et moi étions en vie, et peut-être que la conscience irrépressible de notre force vitale nous donnait un éclat qui compensait largement notre gaucherie d’enfants non scolarisés. Nous avions la passion des survivants, et le manque de prudence des survivants. Nous étions immortelles dans un monde éphémère…

Nous aussi, on tient, ai-je pensé en tamisant la farine infestée de vers, on tient le coup, jour après jour, et tout ce qui nous menace, ce sont les souvenirs, tout ce qui me fait souffrir, ce sont les regrets.

Je n’ai jamais vraiment su combien nous consommions. C’est comme si nous ne sommes tous qu’un ventre affamé, comme si l’être humain n’est qu’un paquet de besoins qui épuisent le monde. Pas étonnant qu’il y ait des guerres, que la terre et l’eau et l’air soient pollués…

Je me dis parfois que ce serait tellement mieux si on devait taire tous nos désirs, nous débarrasser de notre besoin d’eau et d’abri et de nourriture. Pourquoi s’embête-t-on avec tout ça ? A quoi cela sert-il ? Hormis tenir un peu plus longtemps.

Pourtant, il y a une lucidité qui nous vient parfois dans ces moments-là, quand on se surprend à regarder le monde à travers ses larmes, comme si elles servaient de lentilles pour rendre plus net ce que l’on regarde…

AVANT j’étais Nell, et la forêt n’était qu’arbres et fleurs et buissons. Maintenant, la forêt, ce sont des toyons, des manzanitas, des arbres à suif, des érables à grandes feuilles, des paviers de Californie, des baies, des groseilles à maquereau, des groseilliers en fleurs, des rhododendrons, des asarets, des roses à fruits nus, des chardons rouges, et je suis juste un être humain, une autre créature au milieu d’elle.

Lu en avril 2022

« 1984 » de George Orwell et Fido Nesti

Par trois fois, j’ai tenté de lire « 1984 » le roman de George Orwell et j’ai dû progresser de dix pages chaque fois, alors j’ai décidé de tenter l’aventure avec la BD dont je vais tenter de vous parler aujourd’hui :

Quatrième de couverture :

Au Ministère de la Vérité, Winston Smith réécrit l’Histoire.

Adapter le passé afin de ne pas contredire le Parti, tout faire pour préserver le règne et les ambitions de Big Brother, voici les missions de cet homme dont la soif de révolte grandit pourtant jour après jour. Mais sa liberté de penser pourrait lui couter la vie, car la menace est permanente au cœur de cette tyrannie de la surveillance qui ressemble étrangement à notre société contemporaine…

Portée par le dessin puissant et envoûtant de Fido Nesti, cette version graphique de 1984, le roman culte de George Orwell, constitue un évènement exceptionnel.

Ce que j’en pense :

Winston Smith travaille au Ministère de la Vérité, où il est chargé de réécrire l’Histoire, selon les desiderata du Parti car le Sociang règne sur Londres, Big Brother vous regarde inscrit partout, avec un télécran qui espionne en permanence.

Le Parti a donc gagné et règne sur un monde divisé en trois états : Océanie, Eurasie et Estasie qui se font la guerre en permanence. On a modifié la langue, la rebaptisant Novlang ou Néoparler, et la réduisant à un nombre de mots limités, toutes les nuances, les affects ont disparu, manière très efficace pour niveler la population par le bas, d’un côté les « prolos » de l’autre les membres du Parti, l’élite donc chargée de trier les infos, et éliminer tout ce qui ne plaît pas en haut lieu et qui devient la vérité, la seule.

Ceux qui tentent de se rebeller disparaissent mystérieusement et sont rayés définitivement, ils n’ont jamais existé…. Le sexe et l’amour sont interdits… Winston, zélé au départ, se cache pour écrire son journal mais quoi écrire ? Il rencontre une jeune femme dont il tombe amoureux, bravant un deuxième interdit, mais jusqu’où pourra-t-il aller ?

Je suis fière de moi, j’ai terminé cette BD (223 pages quand même) et franchement, j’ai eu beaucoup de mal : la société que décrit l’auteur est tellement proche de ce qui se passe à l’heure actuelle avec Big Brother qui surveille (nos ordinateurs, nos téléphones …) la liberté de penser qui se rétrécit, ainsi que la capacité de réfléchir par soi-même (cf. les complotistes). Certes c’est plus important dans certains pays, notamment à l’Est, mais les USA de Trump ne se débrouillent pas mal non plus…

Le formatage des cerveaux, les séances de torture rappellent les méthodes chinoises en particulier, mais les camps de rééducation russes n’ont rien à leur envier.

Les dessins de Fido Nesti sont tout à fait en harmonie avec le texte et déclenchent des cauchemars… tant le graphisme que les couleurs…

Cette lecture relève plus du pensum que du plaisir mais c’est intéressant, il sera difficile de l’oublier et il faut reconnaître que malgré sa dureté, c’est une réussite, d’où la note, car adapter le texte de George Orwell et l’illustrer de manière adéquate était loin d’être simple. Le roman m’attend toujours mais je ne suis pas sûre de retenter l’expérience…

8/10

Extraits :

Ne vois-tu pas que tout le propos du néoparler est de rétrécir le champ de la pensée ? à terme, nous rendrons littéralement impossible le mentocrime pour la bonne raison qu’il n’y aura plus de mot pour le commettre, tout concept sera exprimé par un seul vocable, la révolution sera complète quand la langue sera parfaite.

La seule chose qui les tienne en échec, ils peuvent te faire dire n’importe quoi, mais ils ne peuvent pas te le faire croire, ils ne peuvent pas s’immiscer dans ta tête.

Nous savons que personne ne s’empare du pouvoir dans l’intention d’y renoncer un jour. Le pouvoir n’est pas un moyen, c’est une fin.

Lu en novembre décembre 2021

« La fracture » de Nina Allan

Je vous parle aujourd’hui d’un livre qui sort du cadre de mes goûts habituels, mais en ces temps perturbés, j’ai eu envie d’évasion :

Résumé de l’éditeur :

Le 16 juillet 1994 dans la région de Manchester, Julie Rouane, dix-sept ans, prétexte un rendez-vous avec une copine pour s’absenter du domicile familial… et disparaît pendant plus de vingt ans.

Longtemps après l’abandon de l’enquête par la police, faute d’indices concrets – Raymond Rouane, persuadé que sa fille est toujours vivante, continue à explorer seul toutes les pistes possibles. En vain. La mère de Julie et sa sœur cadette, Selena, tentent-elles aussi de faire front, chacune à leur manière.

Puis un soir, Julie refait surface à l’improviste. Alors qu’on avait soupçonné que l’adolescente ait pu être enlevée et assassinée – un homme de la région ayant avoué plusieurs meurtres de femmes –, l’histoire que Julie raconte à Selena est tout à fait différente. Mais est-il possible de la croire ?

« Perturbant et brillant. » Alice Develey, Le Figaro

« Nina Allan nous entraîne de surprise en surprise, et c’est particulièrement réjouissant. » Grazia

Ce que j’en pense :

Julie Rouane quitte la maison en claironnant qu’elle va chez une copine et on ne la revoit plus. Meurtre, fugue ? la police a fini par arrêter d’enquêter.

Cette disparition a, comme il se doit, fait exploser la famille, le père, Raymond refusant cela, se met à chercher sa fille, parcourant des centaines de km pour suivre toutes les pistes imaginables, ce qui lui coûtera son emploi et le rendra fragile sur le plan mental et il finira par y laisser la vie, le cœur brisé. Son couple pourtant très soudé volera en éclats, sa femme préférant se faire une raison. Quant à la jeune sœur de Julie, Selena, elle aura du mal à trouver sa place.

Évidemment, Julie refait surface, une vingtaine d’années plus tard, reprenant contact avec Selena… et à partir de là, on part dans des invraisemblances, des délires sans fin. On comprend très vite le sens du titre : fracture, faille spatio-temporelle, ou fracture de la famille ?

Le récit s’étire, entrecoupé de coupures de journaux ou d’enquêtes sur les extraterrestres ou autres ou de choses qui n’ont rien à voir avec l’intrigue, telle Stephen Dent, et son poisson orange qui est harcelé et finit par suicider…

Je l’ai terminé par curiosité, pour savoir comment cela pouvait finir et le moins qu’on puisse dire c’est que cela ne finit pas (ou presque), j’étais tellement déstabilisée par le récit que j’ai eu l’impression de tourne en rond, en me demandant si c’était moi qui débloquais ou l’auteure, et pourtant j’ai l’esprit très ouvert, j’étais une assidue de la série « X Files » à l’époque.

J’ai cédé à la tentation car on me promettait, entre autres, un récit perturbant et brillant (Le Figaro) et d’autre part, les critiques que j’avais lues, çà et là, étaient très partagées ; il semblerait que, soit on adore, soit on apprécie peu…

Quant à l’écriture, je ne retiens que la confusion, les répétitions, les détails superflus, la numérotation bizarre des pages mais c’est peut-être dû au livre électronique…

Côté perturbant j’ai été servie, tant cette intrigue est capillotractée, mais réjouissant ou brillant, non, d’où une frustration intense … je lis rarement des dystopies, ou des livres étiquetés « Science-Fiction »  ou « fantastique » et cette expérience ne va me pousser à m’y aventurer ; la curiosité joue parfois des tours.

C’est le premier livre de Nina Allan que je lis et je n’ai pas du tout envie de continuer. Comme je le dis toujours, la lecture doit toujours être un plaisir, quand cela devient un pensum, il vaut mieux s’abstenir.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions 10/18 qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure…

#LaFracture #NetGalleyFrance

4/10

L’auteure :

Nina Allan, née le 27 mai 1966 à Londres au Royaume-Uni, est une romancière et nouvelliste britannique.

Incipit :

L’AVANT

Selena se lia d’amitié avec Stephen Dent l’été d’avant l’été où Julie disparut. Stephen Dent habitait sue Sandy Lane, à quatre ou cinq maisons de là où habitaient Selena, Julie et leurs parents. Il enseignait dans un lycée catholique, Carmel Collège, mais Selena ne le sut que plus tard. La première fois qu’elle vit Stephen, il descendait du bus. Elle le remarqua à cause de ce qu’il portait : un seau en plastiques transparent avec un gros poisson orange qui nageait dedans. Selena regarda l’homme entrer dans sa maison, puis elle entra chez elle. Deux jours plus tard, elle le revit ; il achetait des nouilles chinoises précuites dans la supérette Spar en bas de Pepper Street. Selena s’y trouvait avec sa sœur Julie. Julie achetait un rouge à lèvres brillant et Selena un magazine de mode pour adolescentes, mais elles cherchaient surtout un prétexte pour sortir de la maison.  L’été de Stephen Dent fut aussi l’été où les parents de Selena faillirent se séparer…

Lu en mars 2021

« En un monde parfait » de Laura Kasischke

J’ai décidé de jeter un sort à ma PAL dont l’état de santé est loin de s’arranger avec toutes les tentations qui affluent de tous bords. j’ai acheté ce  roman il y a deux ou trois ans après avoir lu « Esprit d’hiver » de l’auteure… Voici donc:

En un monde parfait de Laura Kasischke

 

Quatrième de couverture :

Jiselle, la trentaine et toujours célibataire, croit vivre un véritable conte de fées lorsque Mark Dorn, un superbe pilote, veuf et père de trois enfants, la demande en mariage. Sa proposition paraît tellement inespérée qu’elle accepte aussitôt, abandonnant sa vie d’hôtesse de l’air pour celle, plus paisible croit-elle, de femme au foyer.

C’est compter sans les absences répétées de Mark, les perpétuelles récriminations des enfants et la mystérieuse épidémie qui frappe les États-Unis, leur donnant des allures de pays en guerre.

L’existence de Jiselle prend alors un tour dramatique…

 

Ce que j’en pense :

J’ai eu un peu peur au début de ma lecture car l’histoire ressemblait beaucoup à ces romans à l’eau de rose que je n’apprécie guère. J’ai alors pensé à « Esprit d’hiver » qui m’avait beaucoup plu donc impossible que ce soit une bluette…

Bien m’en a pris car il s’agit d’une dystopie, rondement menée où l’on s’attache à tous les personnages, à l’exception du prince charmant qui fort heureusement disparaît vite de nos écrans radar.

On retrouve dans ce roman les chevaux de bataille de Laura Kasischke : critique de la société de consommation, des excès en tous genres : les grosses voitures qui polluent, le non-respect de la nature, des animaux, le chacun pour soi.

Elle nous montre comment ces petits bourgeois, issus de classe aisée (elle est hôtesse de l’air, il est pilote avec le prestige de l’uniforme) qui dépensent leur argent à tort et à travers : bijoux, hôtels de luxe, peuvent, lorsqu’ils sont confrontés à une situation de plus en plus difficile, être capables de s’adapter, de se remettre en question.

Certes, cette famille est très caricaturale, Jiselle a du mal à sortir de l’enfance et son Œdipe est toujours d’actualité, comme en témoignent ses relations avec sa mère et avec les enfants de son mari, mais qui n’a pas été confronté à des ados récalcitrants (c’est presque un pléonasme !)

Bien-sûr, on va assister à la montée des religieux qui tentent de voir là une offense à Dieu et prônent les régimes spéciaux voire le carême et autres purifications (comme les flagellants) ou ceux qui imputent la grippe de Phoenix aux ondes émises par les téléphones portables…

« Il faut bien trouver un responsable à la grippe de Phoenix, déclara un jour Paul Temple. Nous sommes comme les flagellants au temps de la Peste noire. Nous pratiquons l’autoflagellation. Notre société ne craint plus Dieu. Du coup ce n’est plus Lui qui nous châtie pour nos péchés, c’est forcément l’environnement qui nous punit en raison de nos voitures trop gourmandes en carburant. » P 230

J’ai beaucoup de tendresse pour un personnage particulier : Paul Temple, le père du petit ami d’une des filles de Mark, prof d’histoire qui compare toujours la situation actuelle avec des évènements historiques.

Laura Kasischke tord le cou à cette Amérique consumériste, qui se prend pour le nombril du monde et dans cette histoire se retrouve au ban de tous les autres pays, avec ce virus qui ressemble étrangement à la grippe aviaire, et à laquelle on applique le procédé : pollueur payeur en grande largeur (les Américains en quarantaine dans les aéroports c’est très drôle !)

Ce roman est terriblement d’actualité alors qu’il a été écrit en 2007, avant l’ère Trump…

J’ai passé un très bon moment, je l’ai dévoré !

 

Extraits :

Les médias mettraient en corrélation la peur de la grippe, de la guerre, du réchauffement climatique, de la fin des temps, et le nombre de femmes qui quittaient le monde du travail.

A quoi bon deux revenus si l’on ne pouvait s’offrir le standing pour lequel on travaillait ? Si on ne pouvait mettre de l’essence dans deux voitures, sans parler de se faire installer un jacuzzi, pourquoi l’un des membres du couple ne resterait-il pas à la maison à s’occuper des enfants, à plier le linge et préparer de bons diners ? P 74

Ils nous mettent sur le dos le corail, les poissons, les ouragans et la grippe. Absolument tout. Un avion s’écrase et c’est notre faute. Telle espèce d’oiseaux s’éteint, c’est nous qui avons fait le coup. Ils nous reprochent toutes les choses possibles et imaginables. P 107

Les précautions habituelles étaient requises pour interdire aux rats et aux souris l’accès aux maisons et aux entreprises, mais la panique était injustifiée, contre-productive, et même fort peu américaine. Une annonce diffusée à la télévision montrait un drapeau flottant en haut de son mat sur fond de ciel bleu tandis qu’une voix off mettait le public en garde contre la panique. P 160

Il n’y a rien de pire qu’une génération de jeunes désœuvrés. C’est la raison pour laquelle on a lancé jadis les croisades. P 198

Ces gens imputaient au téléphone portable les pannes de courant et la grippe : les radiations émises par les antennes relais recouvraient le pays de vibrations aussi délétères qu’invisibles qui perturbaient l’environnement et plongeaient les oiseaux dans l’égarement. P 210

Quand germent les superstitions et qu’on commence à les confondre avec la vérité vraie, c’est le début de la fin pour la civilisation. Nous ne pouvons nous permettre de penser en termes de chance ou de malchance. P 275

 

Lu en août 2017