« Le jeu de la dame: le vrai du faux » de Sophie Gindensperger, Damien Leloup, Joffrey Ricome et Pierre Trouvé

Je vous parle aujourd’hui d’un livre, choisi via l’opération Masse critique de Babelio et les éditions Gründ :

Résumé de l’éditeur :

La série à succès de Netflix décryptée par 4 spécialistes du fact checking. Au cœur des années 60, la quête d’une jeune orpheline prodige des échecs pour devenir championne du monde. Beth Harmon, l’héroïne de la série, n’a rien au départ pour atteindre le grade élevé de  » Grand Maître « . Orpheline – son père l’a abandonnée et sa mère s’est suicidée -, elle grandit dans un pensionnat où l’on apprend plus à devenir une bonne épouse qu’une femme émancipée.


Beth montre cependant des belles dispositions pour les mathématiques. Elle sympathise peu à peu avec le concierge de l’orphelinat, qui l’initie aux échecs… Ce jeu est une révélation qui va déterminer son avenir. Cette série est adaptée du roman de Walter Tevis, Le Jeu de la dame, paru en 1983. Beth Harmon n’a jamais existé mais les grandes figures des échecs qu’elle affronte évoquent des joueurs célèbres comme Bobby Fischer ou Garry Kasparov.


Mais jusqu’où va la vraisemblance dans cette série ? Quelle était la place des femmes dans les clubs d’échecs à l’époque ? Quels joueurs, quelles joueuses, ont inspiré les personnages ? Quelle était l’ambiance dans les tournois ? Faut- il être surdoué pour jouer aux échecs ? Faut-il se droguer pour visualiser mentalement une partie d’échecs ? Autant de questions qui trouveront leurs réponses dans cet ouvrage destiné aux fans de la série, comme aux joueurs d’échecs, débutants ou confirmés.

Ce que j’en pense :

Voilà une chronique qui m’a posé énormément de problèmes, le principal étant d’être à la hauteur de la qualité de l’ouvrage donc, une fois n’est pas coutume, je suis très en retard pour rendre ma copie.

Les auteurs nous proposent un décryptage de la série « Le jeu de la Dame » inspirée du livre de l’écrivain américain Walter Tevis d’une grande profondeur, tous les aspects étant passés au peigne fin, afin de déterminer s’il existe ou non des incohérences.

On part du personnage de Beth Harmon pour décrire la misogynie dans le monde des Échecs dont elles ont été exclues longtemps, on ne les jugeait pas assez intelligentes pour être douées dans ce jeu. On revient ainsi sur les femmes qui ont fait carrière dans cet univers, l’accès aux concours leur ayant été refusé, notamment celles qui ont marqué. Les auteurs insistent sur le quasi absence de sexisme dans la série.

On revient également sur les valeurs jugées essentielles dans la série : le rôle e la famille, la vision du jeu, la corrélation avec le fait d’être « doué en mathématiques » pour être bon dans la discipline, les nations les plus fortes, car dans la réalité, c’est plus subtil.

Les auteurs ont également posé la question : Beth est-elle un Bobby Fisher au féminin ? Pour cela, ils ont étudié la vie du champion américain, qui a découvert un jeu d’échecs à six ans, et la manière dont il affrontait les compétitions, sous domination soviétique à l’époque, évoquant au passage le favoritisme, les « ententes tacites » entre joueurs (tricherie ?) il a même quitté la compétition pendant deux ans car lors de la 1ere les trois premiers étaient soviétiques avant d’affronter Spassky en 1972.

Les échecs ont servi de luttes entre URSS et USA, via le KGB surtout et accessoirement la CIA qui n’a pas saisi tout de suite l’importance de l’enjeu. Ils évoquent « La croisade de Jésus » afin de battre les communistes !

Ensuite, on aborde la vie de Beth telle qu’elle est présentée dans la série, en relevant des inexactitudes, tel l’orphelinat où elle est placée à l’âge de 8 ans (à l’époque, en 1958, on ne plaçait plus les orphelins dans les grandes structures, mais on privilégiait les familles d’accueil ou des établissements plus petits. Il s’agirait d’un anachronisme pour les auteurs. Il en est de même pour l’adoption.

Autre élément : les tranquillisants que l’on faisait ingérer à Beth, au petit-déjeuner à l’orphelinat qui auraient entraîné son addiction plus tard, de même que leur utilisation comme anti-stress pour aborder les compétitions, car ils entraînent des troubles de la concentration, compensée par une ingestion massive de café pour compenser.

On revient ensuite sur les tenues que portent Beth, look inspiré des actrices des années soixante, ou sur la maison où elle habite dans la série, avec les papiers peints de l’époque, les peintures de Rosa Bonheur

En ce qui concerne les parties, les tournois, certains sont crédibles, d’autres moins, mais les auteurs de la série ont eu recours à des grands champions internationaux, notamment Gary Kasparov.

Cet ouvrage est magnifique, car outre le travail de recherche, il nous propose beaucoup de photos de la série, des acteurs, mais aussi des photos et des interviews des grands champions, avec un entretien avec Jennifer Shahade qui nous explique que, dans la réalité, les choses sont moins belles que dans la série, car celle-ci n’évoque jamais les remarques sexistes sur la tenue, ou le corps des joueuses.

Je salue la qualité et la rigueur des analyses, parfois trop techniques mêmes, d’où le temps qu’il m’a fallu pour arriver au bout et, je le répète, ce livre est un bel objet, que l’on a plaisir à tenir dans les mains, donc à offrir en cadeau aux fans de la série.

Je précise, au passage, que je n’ai pas vu la série (Netflix) à mon grand regret, donc, je suis passée à côté de certaines choses, certainement, en tout cas, le jour où elle passera sur d’autres chaînes, je la suivrai avec le livre à portée de mains.

Un grand merci à Babelio et aux éditions Gründ qui m’ont permis grâce à Masse Critique, de découvrir ce magnifique ouvrage.

9/10

Les auteurs :

Ce livre a été écrit par Sophie Gindensperger, Damien Leloup, Joffrey Ricome et Pierre Trouvé.

« Vous regardez, ils vérifient » : Vérifiction est un podcast de « fact checking » lancé en 2019 par des journalistes du Monde spécialisés dans les nouvelles technologies, qui ont décidé, sur leur temps libre, de se consacrer au décryptage des séries.

Extraits :

Pour mieux découvrir le livre je vous propose quelques photos, la qualité est très moyenne car prises avec mon portable (sauf pour les deux premières) et le papier glacé n’arrange rien :

Lu en mai 2021

« Tu entreras dans le siècle en lisant Fantômas » de Dominique Kalifa

Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai choisi lors de masse critique de décembre organisée par Babelio, choix au départ un peu par défaut car j’avais oublié l’heure mais il était dans ma pré-liste et parfois le hasard fait bien les choses. En plus c’est ma première chronique de l’année 2021, cela se fête…

Résumé de l’éditeur :

Trente-deux volumes. Un univers baroque, d’une inimaginable noirceur, qui s’épanouit aussi bien dans les salons des beaux quartiers que dans la « zone » au-delà des fortifications… Des aventures extraordinaires, qui emmènent le lecteur des plaines désolées du Transvaal aux faubourgs de Londres. Surtout, une cartographie de Paris, à la fois imaginaire et réaliste, haussmannienne et sordide, splendide, inquiétante, une ville-labyrinthe, foisonnante, énigmatique, qui n’avait plus été décrite avec autant de verve et de précision depuis Balzac ou Zola. Et la figure tutélaire d’un Génie du crime aux mille visages, aux mille apparitions, disparitions et stratagèmes, que les surréalistes éliront comme une création littéraire sans précédent, que Cendrars célébrera aussi bien que Magritte et Queneau.

Le Fantômas de Pierre Souvestre et Marcel Allain n’est pas seulement cette apothéose du roman populaire qui nous fait entrer de plain-pied, mieux que n’importe quel livre d’histoire, dans le XXe siècle. Il est aussi l’une des œuvres les plus riches et les plus fécondes de la période, qui inspire encore, cent ans plus tard, artistes et poètes.


Pour aborder ce monument, un abécédaire en 32 entrées, de A comme « Apollinaire » à Z comme « Zigomar ». Sans oublier F comme « Filmographie », O comme « Outrances » ou U comme « Ubiquité » … Un voyage au cœur d’une mythologie contemporaine orchestré par Dominique Kalifa, illustré par Camila Farina.

Ce que j’en pense :

Je l’avoue, avant d’ouvrir ce livre je ne connaissais de Fantômas que deux ou trois films avec Jean Marais et Louis de Funes, vus il y a très, très longtemps mais étrangement je me souvenais des noms : l’inspecteur Juve et le journaliste Fandor et de quelques scènes rocambolesques, mais rien en ce qui concerne les intrigues alors terminer l’année 2020 « Hannus Horribilis » pourquoi pas, d’autant plus que le titre était alléchant…

Ce livre est composé comme un abécédaire a priori mais il y a des astuces, clins-d’œil : ce qui nous donne, en fait, trente deux entrées comme… le nombre de livres écrits pas le duo d’auteurs de la collection « Fantomas », à savoir Pierre Souvestre et Marcel Allain qui étaient d’illustres inconnus pour moi (eh oui ! et en plus ils ne sont même pas dans ma PAL pourtant ubuesque !) nobody’s perfect !

On peut ainsi découvrir la vie au début du siècle, la Belle Époque qui n’était pas si belle que cela, ce que pensait Desnos ou Aragon de Fantômas, le syndicalisme, les grandes manifestations qui rappellent les gilets jaunes qui se sont ralenties autour de 1910. On rencontre aussi des réflexions sur le nihilisme…

Je ne pensais pas que Fantômas avait été autant apprécié par des auteurs tels qu’Apollinaire, Desnos et Queneau pour les plus connus, mais alimentait aussi les conversations d’Aragon ou Sartre, Simone de Beauvoir…ou inspirait des peintres tels que Magritte par exemple.

On apprend au passage, moi du moins, que l’esperluette & que j’aime beaucoup était alors la vingt-septième lettre de l’alphabet, et qu’elle collait bien au duo d’auteurs, ou encore une réflexion sur l’accent circonflexe qui a fini par disparaître sur certaines lettres comme le « i » ou le « u » (j’écrirai toujours disparaître de toute façon ! et en plus j’aimais mieux le vieux François : le mesme est bien plus joli que le même … c’est ainsi que traversant l’Atlantique Fantômas perdit son accent circonflexe… et il fallut attendre 1979 1980 et le téléfilms de Claude Chabrol et Luis Buñuel  pour que Fantômas soit correctement orthographié.

On note parfois plusieurs entrées : « o » comme outrances, œuvres, ou ô et souvent Dominique Kalifa nous donne en fin de chapitre des alternants, Oua oua oua ou Oulipo dans le cas présent. Évidemment, on retrouve Kriminal, Vladimir le fils de Fantômas, ou des références à l’ubiquité…En fait l’auteur m’a permis de découvrir que Fantômas était un véritable mythe du XXe siècle.

Pour la lettre « C », Dominique Farina a choisi la Capitale le journal où travaille Fandor, mais il aurait pu choisir Cruauté, car Fantômas, est une grosse brute…

Comment arriver à trente-deux ? je vous laisse découvrir : petit d’indice, j’ai parlé d’astuces plus haut…

Je n’ai qu’un seul regret devant le travail de recherche magistral de Dominique Kalifa, c’est de ne pas avoir lu les Fantômas pour l’apprécier encore plus pleinement, car les tomes cités sont importants pour étayer le raisonnement.

Ce livre est magnifique, avec des dessins de Camila Farina pour illustrer les chapitres, et une couverture sublime noire avec ces flammes qui s’échappent d’une petite fenêtre… le papier, lui aussi, est très beau et ce livre est une très bonne idée de cadeau et il va rester à portée de mains pour que je puisse m’y replonger.

Le seul bémol de cette lecture est le délai de trente jours pour fournir ma chronique, c’est beaucoup trop court car on est obligé de survoler parfois ce qui est très frustrant et m’a fait pester plus d’une fois…

Un grand merci à Babelio et aux éditions Vendémiaire qui m’ont permis de découvrir ce très beau livre ainsi que son auteur qui m’a impressionnée et donné envie de découvrir davantage ses livres.

9/10

Les auteurs :

Dominique Kalifa est professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Ses travaux concernent l’histoire du crime et de la culture contemporaine. Il a notamment publié « L’encre et le Sang », « Récits de crimes et société à la Belle Epoque », « Les bas-fonds », « Histoire d’un imaginaire » et « La véritable Histoire de la Belle Epoque ».

Formée aux beaux-arts à la Villa Arson à Nice, Camila Farina a obtenu son diplôme de plasticienne en 2010. Elle a déjà collaboré avec Vendémiaire pour les illustrations du « Cuisinier français » de François Pierre La Varenne.

Extraits :

On peut néanmoins avancer que c’est Guillaume Apollinaire qui eut l’idée maîtresse d’une Société des Amis de Fantômas , dix ans avant le surréalisme. Si ce n’est lui, du moins fit-il paraître suffisamment d’autorité, seul devant tous, pour matérialiser quelque chose de fugitif…

Le roman ainsi constitué avait sans v doute un caractère biblique : 32 tomes, 492 800 lignes, 12 150 pages, près de 20 millions de signes. Il venait ainsi s’inscrire dans la lignée de ces « romans interminables » – « roman-océan » selon Robert Desnos – dont le Rocambole de Ponson du Terrail constituait le type parfait.

& vingt-septième de l’alphabet jusqu’au XIXe siècle (dite aussi perluette ou perluète) résulte de la ligature du « e » et du « t », donc de la conjonction de coordination « et » dont elle possède la signification. Signe d’association ou de gémellité, elle est particulièrement adaptée au destin de Fantômas, dont on se souvient qu’il ne fait qu’un avec son frère jumeau Juve et qu’il est le produit de l’association de Souvestre & Allain.

Queneau est le troisième homme, celui qui, avec Apollinaire et Desnos, connut sans doute le mieux le roman (il affirma avoir lu plusieurs fois les 32 volumes ente 1923 et 1928) et contribua le plus à sa célébration. Outre les textes qu’il consacra lui-même à Fantômas, Queneau fut celui par qui Fantômas advint à la pataphysique, puis à l’Oulipo et à d’autres potentialités.

ô avec ou sans ? Parmi les propositions de simplification orthographique formulées en 1190 par le Conseil supérieur de la langue française, mais qui ont agité périodiquement la France jusqu’aux années 2015, figure la disparition de l’accent circonflexe sur le i et le u, où il ne joue manifestement aucun rôle phonétique.

De Zigomar, on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’il est « le Maître invisible », « que nul ne doit voir, que nul ne doit connaître ». Son visage nous est donc inconnu. Seuls transparaissent ses deux yeux, dont l’éclat inquiétant perce la cagoule rouge. Et ces yeux-là sont uniques. « il n’a à au monde que deux  yeux qui avaient ces lueurs vertes, lueur des yeux de tigre, lueur terrible, ce sont ses yeux… ses yeux à Lui, les yeux de Zigomar.

Lu en décembre 2020 janvier 2021