Je vous parle aujourd’hui d’un thriller chinois que j’ai eu l’occasion de découvrir grâce à NetGalley et aux éditions XO
Résumé de l’éditeur :
Chine du Nord, juin 1995. Shen Ming, jeune et brillant professeur, est suspecté d’avoir assassiné une lycéenne.
Quelques jours après, il est poignardé près de l’école, dans une usine désaffectée.
Neuf ans plus tard, le mystère s’épaissit. Les présumés meurtriers du professeur sont envoyés, eux aussi, au royaume des morts.
La rumeur se répand alors : et si Shen Ming avait traversé la rivière de l’oubli pour se réincarner et se venger ?
Maître du suspense, Cai Jun nous réserve un final stupéfiant.
Il signe un thriller aux confins du réel, tout en brossant un portrait saisissant de la Chine d’aujourd’hui.
La Rivière de l’Oubli est le roman de la vie après la mort, de la vengeance parfaite, mais aussi de cette lueur qui, toujours, finit par transpercer l’obscurité.
Ce que j’en pense
Quelle bonne surprise ce roman ! C’est mon premier polar chinois…
Tout souriait donc ce jeune professeur de chinois, Shen Ming, puisqu’il enseignait dans un lycée réputé, allait se marier et entrer ainsi dans une famille prestigieuse. Tout à coup, tout s’enraye, on trouve une de ses élèves sur le toit du lycée morte, empoisonnée par une mixture à base de fleurs de laurier rose. Et par-dessus le marché, la rumeur affirme qu’il avait une liaison avec elle.
Tout le désigne donc, et durant son interrogatoire bien sûr tout le monde le lâche, il est forcément coupable mais pas de preuves. Cela n’empêche pas qu’il soit renvoyé de son lycée, uniquement sur la foi des on-dit. Mais, deux jours après, on le retrouve mort poignardé dans « la zone de la démone » !
Tout le monde désire enterrer cette histoire, à l’exception d’un policier intègre, Huang Hai, qui va continuer à enquêter pour trouver le coupable…
Coup de théâtre, des années plus tard, un jeune garçon Si Wang affirme se souvenir et l’auteure nous entraîne dans une belle histoire de réincarnation : Shen Ming a-t-il traversé la « rivière de l’Oubli » comme le pensent certains ?
Tous les protagonistes jouent un rôle, et ceci à travers le temps : on a ainsi des va-et-vient entre la période où ont eu lieu les trois meurtres, la période actuelle et d’autres évènements anciens qui s’articulent et inter-réagissent.
Ce n’est pas l’histoire d’une vengeance, Si Wang cherche à comprendre et non à restaurer à tout prix, l’honneur perdu de Shen Ming. L’auteur nous parle aussi du rôle de la rumeur, de la malveillance dans ce récit, du chacun pour soi, de l’enseignement dans son pays et de la place des professeurs ou leurs relations avec les élèves. Elle évoque aussi la famille, les relations parents-enfants qui semblent tellement éloignés de nous.
Si Wang est très attachant et l’auteure joue sur les subtilités de prononciation de son nom pour donner encore plus de mystère, et d’ésotérisme ; dans une note elle nous apprend que :
« Siwang » prononcé un peu différemment et écrit avec des caractères différents signifie « La mort »
Alors qu’en fait la mère de Si Wang lui révèle que :
« Je regardais au loin et j’avais l’impression d’entendre quelqu’un m’appeler, c’est pourquoi j’ai choisi le caractère « Wang » qui signifie « regarder au loin » pour ton prénom. »
On a parfois l’impression de tourner en rond, mais tout à coup l’auteure introduit un fait, un autre thème et, comme le boléro de Ravel, l’histoire s’étoffe et le mystère s’épaissit. On découvre les personnages peu à peu mais Jun Cai nous envoie régulièrement sur des fausses pistes ; on ne s’ennuie pas une seconde dans ce voyage dans la Chine profonde, sa culture, son mode de vie…
Les réflexions sur le temps, la séparation sont également très intéressantes et l’auteur nous livre régulièrement des extraits de poètes chinois pleins de mystère et de sagesse, ce qui me fait réaliser l’immensité de mes lacunes dans la littérature chinoise que j’ai longtemps tenue à distance, lui préférant les auteurs japonais…
J’ai beaucoup aimé ce roman, car la réincarnation, le cycle des existences, le karma m’intéressent, même si c’est abordé de façon romancée.
Il s’agit du premier roman de cet auteur, surnommé le Stephen King chinois, traduit en français. Son univers me plaît et j’aimerais bien lire un autre de ses romans.
Merci encore à NetGalley et aux éditions XO qui m’ont permis de découvrir et apprécier ce roman.
#LaRivièreDeLoubli #NetGalleyFrance |
L’auteur
Surnommé « le Stephen King chinois », Cai Jun a 40 ans et vit à Shanghai.
Ses romans se sont vendus à plus de 13 millions d’exemplaires.
Extraits
Si l’âme existait, je pourrais quitter mon corps et regarder mon cadavre. Je pourrais aussi voir mon assassin et me venger en devenant un esprit malfaisant. Je hanterais à jamais la Zone de la Démone et même le lycée Nanming pour y répandre la souffrance que j’ avais subie, car le monde après la mort ne connaît pas le temps.
Jusque-là, je n’avais jamais cru les vieux livres qui prétendaient qu’il fallait, après la mort, franchir la porte de l’enfer et traverser les sources jaunes avant d’atteindre le pays des Morts. Il fallait encore traverser la rivière de l’Oubli en franchissant le pont sur les eaux tumultueuses pour être réincarné.
Tout homme doit mourir un jour. Dès qu’il est né, ne doit-il pas attendre la mort ? Mon attente avait seulement été trop courte.
A l’approche du soir, dans la foule grouillante, les vivants se pressaient, ignorant qu’ils allaient vers la mort, au milieu des myriades de fantômes glissés parmi eux.
Platon, dans « La République », reconnaît l’existence de la réincarnation. Pythagoras a été le premier philosophe à étudier le concept. Les juifs croient en la résurrection. Selon le Nouveau Testament, Jésus est ressuscité trois jours après sa crucifixion. C’est d’ailleurs la base du christianisme.
Pour les bouddhistes, après la mort, la septième conscience fait sortir la huitième conscience du corps. Cela se produit au cours de l’état intermédiaire entre la mort et la réincarnation. Il peut alors se transformer en être humain, en animal, en fantôme ou en dieu, comme l’indiquent les six divisions de la roue du karma. Certaines âmes réincarnées conservent la mémoire des vies passées.
Dans vingt ans tu comprendras. Les hommes et les femmes, la séparation et l’attente.
Il faut parfois mentir aux vieux comme on ment aux enfants.
Le temps est un fleuve dont nul ne peut remonter le courant.
Lu en novembre 2018