Retour à la triste période du nazisme aujourd’hui avec ce livre lu en avant-première grâce à NetGalley:

Résumé de l’éditeur :
Une enquête familiale bouleversante, rythmée comme un roman d’espionnage.
À Caracas, dans le vaste domaine familial, Ariana Neumann, huit ans, joue à l’espionne. En fouillant dans les affaires de son père, Hans, elle trouve une pièce d’identité. Elle reconnaît son père jeune homme, mais il porte un autre nom. Effrayée, elle tait cette découverte et s’efforce de l’oublier.
Des années plus tard, à la mort de son père, Ariana retrouve ce mystérieux document dans une boîte contenant des photos, des lettres et d’autres souvenirs de la jeunesse de celui-ci à Prague. Elle mettra près d’une décennie à trouver le courage de faire traduire cette correspondance. Ce qu’elle découvre la propulse dans une quête pour découvrir l’histoire de sa famille, la vérité sur son père et les raisons de son silence…
Ce que j’en pense :
A Caracas, au Venezuela, Ariana âgée de huit ans, aime jouer « les espionnes » et fouiller dans la maison quand les adultes ont le dos tourné. Un jour, elle entend un cousin dire que son père a caché « une boite », dans son bureau. Pendant que celui-ci est absent, elle entre, fouille et finit par trouver la boite en question, remplie de photos, de souvenirs semble-t-il au fond de laquelle elle trouve un passeport avec une photo de son père jeune et un nom qu’elle ne connaît pas.
Cette découverte l’étonne et l’inquiète et lorsqu’elle interroge son père, il se met en colère, refuse de lui expliquer et la boite disparait. Pendant des années la petite fille va chercher à savoir, à entrer dans le passé de son père et se heurter à un mur. Elle sent bien que des choses graves se sont passées autrefois mais l’omerta est imposée à toute la famille.
Elle voit bien qu’il y a des absents dans la famille : quid des grands-parents paternels ? par exemple…
Un jour, elle finit par retomber sur la fameuse boite, qui entretemps s’est quelque peu enrichie d’autres souvenirs, notamment des lettres en tchèque, de la jeunesse d’Hans Neumann à Prague et peu à peu, elle va faire des recherches, frapper à la porte des cousins vivant aux USA, de son oncle Lothar qui lui confient d’autres documents, trouver une interprète pour traduire les lettres…
Ariana s’est lancée dans une enquête approfondie, sur des années pour retrouver sa famille, ses racines juives, et reconstituer la vie des Neumann à Prague où le père Otto a fondé Montana une société de peinture. Avec sa femme, Ella, ils ont une petite maison à la campagne.
On plonge ainsi dans la montée de l’antisémitisme en Tchécoslovaquie, avec les persécutions qui commencent quand Hitler envahit le pays, les déportations…
J’ai lu pas mal d’ouvrages sur le ghetto de Varsovie, mais je connaissais peu ce qui se passait à Prague, et Ariana Neuman nous décrit très bien les évènements, l’atmosphère qui régnait dans le pays à cette époque, avec notamment une description du camp de Terezin, Therezienstadt en allemand
Elle aborde aussi de fort belle manière, comment on peut survivre après avoir vécu la barbarie, soit faire table rase du passé comme son père, soit être rattrapé par lui comme son oncle Lothar, mais s’investir pour les survivants. Elle explique aussi comment elle a ressenti la découverte de son ascendance juive qu’elle ignorait totalement et toutes les questions qu’elle a pu se poser sur ce qui constitue notre identité.
« Provenais-je d’une famille juive ? Mon père était-il juif ? L’étais-je moi-même ? Qu’est-ce que cela signifiait ? Notre identité était-elle déterminée par notre ascendance ou avions-nous le droit de choisir qui nous étions ? »
Ariana Neuman présente son livre comme un « roman d’espionnage » comme disent les critiques mais surtout une enquête approfondie rigoureuse, avec photographies des personnages à l’époque, ou des documents administratifs en tous genre pur étayer ses dires.
Parmi, tous les éléments qui m’ont frappée, je retiens l’émotion d’Ariana lorsqu’elle ouvre un paquet qu’une cousine lui a envoyé : il contient des étoiles jaunes prêtes à découper que les juifs devaient porter le cynisme des nazis était sans pareil : ils ne pouvaient pas toucher d’argent, pour leur travail s’ils en avaient un mais chacun devait payer l’étoile !
J’aime beaucoup le titre également « Ombres portées » très bien choisi et riche de significations.
Ce livre, le premier de l’auteure, est passionnant, bien écrit, bien documenté, très agréable à lire malgré les horreurs. J’aime beaucoup lire des récits de familles ayant survécu à l’Holocauste et celui-ci va rester longtemps présent dans ma mémoire. Très prometteur, donc auteure à suivre.
Pour ce livre, j’ai testé un nouveau mode de lecture : la tablette, car il n’est pas téléchargeable sur ma liseuse ; c’est moins confortable, car plus lourd à tenir, on ne peut pas l’emporter partout, et surtout pas de possibilité de surligner pour les extraits : j’ai dû noter les phrases qui me plaisaient manuellement …
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.
#Ombresportées #NetGalleyFrance
Sortie prévue : 02/09/2021
9/10
L’auteure :
Ariana Neumann est née et a grandi au Venezuela. Journaliste, elle vit aujourd’hui à Londres avec son mari et leurs trois enfants. Ombres portées est son premier livre.
Extraits :
Les gens ne tarissaient pas d’éloges à son égard (père). Parfois, j’aurais préféré qu’il soit un peu moins intelligent et qu’il puisse passer plus de temps à regarder des matchs de football à la télé, comme les autres pères de famille. Les enfants aspirent à la normalité. Ils ne veulent pas d’une famille différente des autres ou de parents dont tout le monde parle.
Adolescente, même à l’époque où je remettais en question les limites et les règles avec une farouche détermination, je savais qu’évoquer le passé de mon père était une transgression impensable.
Les personnalités traumatisées s’inventent souvent des mécanismes de défense puissants pour décourager même les êtres qui leur sont les plus proches. Quand une zone entière est interdite d’accès durant tant d’années, par une figure d’autorité, on peut éprouver le besoin d’une autorisation spéciale pour y pénétrer, même après sa mort.
Connaître ceux qui nous ont précédé éclaire notre présent et notre avenir.
Il est vrai que l’on ne garde que les photos des moments heureux ; les albums de famille contiennent rarement des portraits de gens à l’air inquiet ou bouleversé.
Bien des années plus tard, Hans expliqua à un de ses amis que son histoire d’amour avec Mila était née à une époque où se payer le luxe d’avoir des sentiments équivalait à signer son arrêt de mort.
Contrairement à mon père qui s’était amputé de son sombre passé, Lothar était hanté par ses traumatismes. Après cinquante ans, il s’était soudain replié sur lui-même, terrassé par une dépression dont il ne s’était jamais tout à fait remis. Il avait passé les deux dernières années de son existence à venir en aide aux survivants et aux réfugiés de l’Holocauste.
Les Tchèques, comme les Slaves, occupaient une place bien spécifique au sein du système de classification racial obsessionnel mis en place par les nazis. Ils étaient considérés comme des « aryens déchus » : ils subissaient des discriminations, mais étaient un peu mieux traités que les Russes ou les Polonais, qualifiés « d’Untermensch », des sous-hommes.
Nietzsche a écrit que ce qui sépare l’humain de l’animal est la capacité à rire de sa condition. Les nazis avaient une fâcheuse tendance à la solennité et au manque d’humour. Ils ont toujours fait preuve de ce que Nietzsche appelait : « Trelishen Ernst, une sorte de « sérieux animal » ou inaptitude totale de rire d’eux-mêmes.
Le passé est lié au présent, en dépit de toutes les tentatives pour l’effacer. Il faut que nous choisissions de devenir.