« Identités croisées » d’Harlan Coben

Aujourd’hui, je vous parle de ma dernière tentative de livre audio avec ce roman :

Résumé de l’éditeur :

Le nouveau Harlan Coben disponible en livre audio chez Lizzie ! Alors que Wilde, l’inconnu de la forêt, découvre l’identité de son père, une piste s’ouvre et, au bout, un tueur impitoyable. À écouter pour vos prochaines nuits blanches !

Ce que j’en pense :

Wilde, le bien nommé vit dans un monde étrange, en forêt loin de tout, ou presque, et se lance à la recherche de ses géniteurs, via un site Internet fournissant les candidats potentiels via un test ADN.

Il faut rappeler qu’il a été abandonné par ses géniteurs, et a survécu tel un enfant sauvage, et retrouvé au bout de quelques années. Il a une famille adoptive mais l’envie de retrouver ses racines le titille… (cf. « L’inconnu de la forêt » que je n’ai pas lu)

Wilde retrouve ainsi un cousin, côté paternel, avec lequel il correspond, mais celui-ci disparaît, victime d’un lynchage sur les réseaux sociaux : il a gagné lors d’une émission téléréalité, (style Bachelor) a épousé la femme de sa vie, mené la vie de château… on évoque un suicide mais en est-ce bien un ?

J’ai trouvé la rencontre entre Wilde et son père présumé sympathique, mais assez peu vraisemblable, mais il y a des mystères en attente, pour entretenir le suspense.

Harlan Coben va nous entraîner dans le monde des tests ADN, de la recherche de l’identité, de la téléréalité dans un roman sympathique mais sans plus. Je n’ai lu que deux ou trois de ses romans, je voulais retenter l’expérience mais je suis restée sur ma faim…

Décidément, quand ça ne veut pas… j’avais décidé de tenter encore une fois l’aventure du livre audio, en pensant écouter tout en marchant activement sur mon tapis, mais j’ai dû revenir à la version papier (merci à ma bibliothèque !) car l’attention reste flottante alors vive la musique, en particulier le disco et les année 80 pour donner du punch…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Lizzie qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur

7/10

Incipit :

Quelque part entre quarante et quarante-deux ans – Wilde ignorait son âge exact – il trouva enfin son père. Wilde n’avait jamais connu son père. Ni sa mère. Ni aucun autre membre de sa famille. Il ne savait ni leurs noms, ni son lieu de naissance, ni comment, tout petit, il s’était retrouvé à vivre seul dans la forêt des monts Ramapo, livré à lui-même. A présent, trente et quelques années après son « sauvetage » – « ABANDONNE ET SAUVAGE » titrait un journal ; « UN MOWGLI DES TEMPS MODERNES ! » clamait un autre – une vingtaine de mètres séparait Wilde d’un parent biologique et de la solution des mystères de son origine.

Lu en mars avril 2023

« Sugar Street » de Jonathan Dee

Aujourd’hui, je vous emmène dans un voyage un peu particulier aux USA, avec ce roman :

Résumé de l’éditeur :

Effacer toute sa vie, jusqu’à son nom, pour tout recommencer. Un homme fuit son passé pour vivre au plus près de sa vérité.

Sans nom ni visage, un homme fuit son passé avec 168 548 dollars cachés dans sa voiture. Son but : une vie plus simple, loin de tous les privilèges qui ont construit son identité.

Arrivé dans une ville inconnue, il loue un studio auprès d’Autumn, une femme étrange. Chacune de leurs rencontres est marquée par une méfiance mutuelle. Petit à petit, l’argent, comme un sablier qui s’égrène, se tarit.

Réflexion sur le monde moderne et ses dérives, Sugar Street peut se lire comme une réécriture urbaine de Walden de Thoreau.

Ce que j’en pense :

Un homme a décidé de fuir sa vie, tout quitter famille, travail pour recommencer ailleurs. Pour cela, il décide de ne rien emporter qui permettrait de le « pister » : exit téléphone portable, carte bancaire, tout ce qui permet de retrouver un individu en fuite, et rouler, mettre le  plus de distance possible, au volant d’une voiture sans GPS, payant toutes les factures en espèces.

Lorsqu’il arriva à l’endroit (loin de tout) où il a projeté d’aller, il trouve une location miteuse, chez une femme étrange Autumn, qui moyennant six mois de loyers d’avance en liquide de pose pas de question. Bienvenue à Sugar Street !

Bien sûr, on sait dès le départ qu’il a une grosse somme d’argent dans sa voiture : 168 548 dollars, mais comment peut-il l’utiliser sans attirer l’attention ? est-ce que cela peut vraiment le rendre libre…

Que fuit-il ? une situation gênante, une famille ? A -t-il commis quelque délit ? Ou se fuit-il lui- même ? A qui peut-on faire confiance ? Comment brouiller les pistes ? C’est ce que l’auteur va tenter de nous expliquer tout au long du livre, dans cette Amérique profonde, raciste où tout étranger est un danger potentiel.

Ce livre me tentait et m’intriguait à la fois, car qui n’a pas eu envie de tout quitter un jour, pour fuir ce monde cruel ?

Ce roman est agréable à lire, mais je suis restée sur ma faim, car j’ai eu du mal à éprouver de la sympathie pour le héros. Il est plutôt bien écrit. Je découvre Jonathan Dee avec ce roman et cette lecture va peut-être me décider à sortir « Les privilèges » le premier roman sorti en France et plus si affinités.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur.

#SugarStreet #NetGalleyFrance !

7/10

L’auteur :

Jonathan Dee est un écrivain américain qui écrit pour le New York Times Magazine, la revue Harper’s et la Paris Review et enseigne l’écriture créative à l’Université Columbia.

On lui doit notamment « Les Privilèges » en 2010, le premier publié en France. Il a reçu le Prix Scott Fitzgerald, le 26/05/2011ainsi que « La fabrique des illusions » en 2012, puis « Mille Excuses » (2013) et « Ceux d’ici » (2017).

Extraits :

J’ai fait du mal. J’ai blessé des gens. Et je l’ai fait en estimant être quelqu’un de bien, de généreux, une bonne personne, ce qui est grave, puisque ça laisse entendre le peu de conscience que j’ai, le caractère irréaliste de ma démarche, la vanité de mon objectif. J’ai laissé les choses pires qu’elles n’étaient quand je les ai trouvées. J’ai commis quelques crimes.

Encore deux nuits à quitter la ville pour dormir dans la voiture. La seule chose que je puisse affirmer avec certitude à ce stade, c’est qu’il ne s’agit pas d’une épreuve, d’une expérience. Il n’y a pas de retour en arrière possible. J’y ai veillé. Je ne peux qu’aller de l’avant. Voilà, c’est ma vie maintenant, jusqu’à son terme.

Les possessions sont des chaînes, ce sont des pièges. Ça ressemble à une idée religieuse ou monastique mais il se trouve qu’elle s’applique aussi à l’existence d’un hors-la-loi.

Quoi qu’il en soit, j’ai fait ce que j’ai entrepris de faire : je suis hors radar. J’ai cessé d’émettre. On ne peut pas me localiser.

L’âme de la radio est d’une profonde noirceur. Autrefois, elle s’adressait à tout le monde, avec un réalisme collectif, sans aspérité, mais la technologie a avancé, et ce qui reste à la traîne se résume en grande partie à la rage lancée dans le vide. Quelque chose de laid finit toujours par se libérer quand on parle sans interruption sans savoir qui écoute. Une sorte de version Cro-Magnon de l’Internet…

Je me rappelle avoir lu que quelque part aux alentours de 2045, les Blancs seront devenus une minorité aux États-Unis. Seigneur, quel jour glorieux ce sera ! Je veux dire en théorie ; en pratique, ce sera la guerre. J’espère seulement ne pas être là pour voir ça. Si les Blancs avaient une épitaphe, ce serait : « Ils n’ont reculé devant rien. »

Privé de technologie, vous êtes renvoyé à vos sens et vos sens, direz-vous, n’ont qu’une capacité de stockage limitée. C’est incroyable, la quantité de choses que je savais – sur les célébrités, la politique, la culture – des choses sans aucun lien avec moi. Il suffit de se déconnecter, direz-vous, si vous êtes encore le genre de personne à dire ce genre de conneries.

C’est pourquoi tous les efforts pour changer le monde échouent, sont condamnés à échouer tant que les gens sont partie prenante. Car les gens sont des monstres. Tout système reposant sur l’hypothèse que l’homme est né bon est une blague.

Mais les gens, les êtres humains, là est la vraie laideur. Vous la voyez sur leurs visages, surtout quand ils vous surprennent en train de les regarder. Ont-ils été déshumanisés par leur environnement, ou ont-ils construit un monde dont l’absence de beauté a fini, le temps aidant, à refléter le mépris qu’ils ont pour lui ?

Ces derniers temps, je me réfugie dans les souvenirs, parce que les souvenirs offrent un moyen de tenir l’avenir à distance.

Lu en janvier 2023

« L’été où tout a fondu » de Tiffany McDaniel

Il y a plusieurs mois que j’avais envie de lire ce roman et de retrouver la plume de l’auteure, mais j’ai dû patienter car la liste d’attente à la médiathèque était longue, mais cela valait le coup d’attendre :

Quatrième de couverture :

Été 1984 à Breathed, Ohio. Hanté par la lutte entre le bien et le mal, le procureur Autopsy Bliss publie une annonce dans le journal local : il invite le diable à venir lui rendre visite. Le lendemain, son fils Fielding découvre un jeune garçon à la peau noire et aux yeux d’un vert intense, planté devant le tribunal, qui se présente comme le diable en personne. Cet enfant à l’âme meurtrie, heureux d’être enfin le bienvenu quelque part, serait-il vraiment l’incarnation du mal ? Dubitatifs, les adultes le croient en fugue d’une des fermes voisines, et le shérif lance son enquête. Se produisent alors des événements étranges qui affectent tous les habitants de Breathed, tandis qu’une vague de chaleur infernale frappe la petite ville.

Porté par une écriture incandescente, L’Été où tout a fondu raconte la quête d’une innocence perdue et vient confirmer le talent exceptionnel d’une romancière à l’imaginaire flamboyant.

Ce que j’en pense :

Durant l’été 1984, le procureur Autopsy Bliss, préoccupé depuis longtemps par la lutte entre le bien et le mal, a une idée étrange : publier dans le journal local une annonce où il invite le diable à se présenter devant sa porte. Fielding, le fils du procureur croise devant le tribunal, un jeune garçon noir âgé de treize ans, Sal, qui affirme être le diable et avoir répondu à l’annonce.

Autopsy l’invite dans sa maison, lui présente son épouse, qui ne sort jamais de chez elle car elle a peur de la pluie, et son fils aîné Grand. Ce jeune garçon est étonnant, par ses connaissances, donnant parfois l’impression d’avoir eu plusieurs vies ce qui sème le désarroi dans la petite ville de Breathed, chacun y allant de sa théorie. Pour le procureur il s’agit probablement d’un adolescent fugueur et aidé du shériff, il va recenser tous les enfants de cet âge portés disparus.

Nous sommes en été, et une vague de canicule s’abat sur la région, échauffant les esprits. Dès que survient un évènement un peu étrange, tous les soupçons se portent sur le diable bien évidemment. Par exemple, une femme enceinte fait une chute alors que Sal lui a simplement demandé s’il pouvait toucher son ventre… tous les habitants ont les yeux braqués sur la santé de la jeune femme et c’est forcément Sal qui l’a poussée…

Avec la canicule et ses conséquences difficiles sur la vie de chacun, tout risque de déraper à chaque seconde, les humains ont besoin d’un bouc émissaire c’est connu, et sous les prêches d’un messie autoproclamé, commencent des incantations, des rituels sur fond d’un racisme latent qui tout à coup est exacerbé, savamment entretenu…

La famille Bliss a bien accueilli Sal et tout se passe bien chez eux, comme deux mondes totalement opposés jusqu’à ce que tout explose…

Tiffany McDaniel a choisi de laisser la parole à Fielding, devenu vieux et solitaire pour raconter l’histoire, alternant ainsi passé et présent, ce qui attise le feu qui couve… elle dénonce, tour à tour, le racisme dans l’Ohio, l’intolérance envers les Noirs, les Etrangers en général, les homosexuels, dans cette année 1984 où l’ombre du SIDA plane déjà, l’obscurantisme : tout ce qui n’est pas comme nous, nous dérange, et il suffit d’une étincelle pour que tout flambe.

L’écriture est belle pleine de poésie, mais d’une intensité proportionnelle à la canicule, et l’auteure commence chacun des chapitres par une citation de Milton, extraite de « Paradis perdu » que je ne connaissais pas et qui a rejoint illico ma PAL.

J’ai choisi ce roman, à la médiathèque, car j’avais eu un coup de cœur pour « Betty », le précédent roman de Tiffany McDaniel et la magie à une nouvelle fois opéré, ce roman m’a vraiment plu, l’histoire les personnages, la démonstration magistrale de l’intolérance, du fanatisme religieux et de l’effet meute que peuvent entraîner les dérives sectaires car certaines scènes sont dures, même si on les sent arriver.

Je mettrais un tout petit bémol, je le trouve un peu moins abouti que Betty que j’ai préféré et l’avalanche de catastrophes m’a quand même déstabilisée.

9/10

D’autres avis: https://pamolico.wordpress.com/2022/08/29/lete-ou-tout-a-fondu-tiffany-mcdaniel/

http://: https://www.bulledemanou.com..

Tiffany McDaniel est née dans l’Ohio. Elle est romancière, poétesse et plasticienne. Betty dont elle a commencé l’écriture à l’âge de dix-huit ans, est paru en France en 2020 et a remporté un succès extraordinaire, avec sept prix littéraires.

Extraits :

Dans leur ensemble les années 1980 devaient s’avérer particulièrement active pour le diable. A cette époque-là, ses cornes n’étaient jamais bien loin. Le satanisme était à son apogée et ses sectes hystériques affichaient leur arrogance. Au cours de cette décennie, la peur avait pris la forme d’un quadrilatère afin de mieux s’emboîter dans nos maisons, dans nos petites vies bien rangées, bien carrées.

Breathed devait voir son diable arriver dans des conditions bien différentes. L’homme qui l’a invité n’était autre que mon père, Autopsy Bliss. Autopsy est un prénom des plus étranges pour un homme, mais sa mère était aussi une femme des plus étranges…

Ma chère maman, Dieu ait son âme, disait toujours qu’un garçon noir n’est bon que jusqu’à l’âge de treize ans. Après, il est parti pour devenir un homme, et un homme noir est un bon à rien, surtout depuis qu’ils ont voté toutes ces lois sur l’emploi de ces gens-là…

La mélancolie est une femme dont les côtes sont comme des clous et les mensonges comme des marteaux. Le mensonge de ma mère était que notre maison pouvait lui suffire. Que les pays qu’elle y créait pouvaient l’empêcher d’avoir l’impression qu’elle ratait quelque chose. Ce que redoute une femme cloitrée dans sa maison, ce n’est pas le couteau dans le tiroir de la cuisine. C’est que l’extérieur ne soit mieux.

Nous étions tous à haut risque. Cette canicule provoquait des palpitations, des fièvres, des choses dont on n’arrivait pas à se libérer. Elle agissait comme le parfait révélateur de toute douleur, de toute frustration, de toute colère, de toute perte. Elle faisait tout remonter à la surface, elle faisait tout transpirer.

Le garçon ne peut se rapprocher du bonheur si la fille qu’il aime n’est pas disposée à l’accompagner. Il peut toujours grandir, emprunter un smoking, un lever de soleil, une lune de miel sous les tropiques, mais sans elle, rien de tout cela ne sera à lui. Elle était sa vérité, sa sagesse, et sans elle, il n’était qu’in crétin. Rien qu’un imbécile menant une vie idiote.

LA FOLIE. Un violon qui nous accompagne partout lorsqu’elle est dans notre tête, un chaos absurde lorsqu’elle est à l’extérieur de nous. En fin de compte, n’est-ce-pas cela la folie ? La clarté pour celui qui voit à travers elle, l’aberration pour le monde qui en est témoin.

Lu en novembre 2022

« L’antre du diable » de Douglas Preston et Lincoln Child

Aujourd’hui, je vous propose un petit tour dans le monde des ovnis, avec ce tome 3 de la série des aventures de Nora Kelly, que j’ai découverte avec « La tombes des oubliés » et « le dard du scorpion » et beaucoup apprécié :

Résumé de l’éditeur

Sept décennies après, le mystère plane encore à Roswell…

Licenciée de l’Institut archéologique de Santa Fe, Nora Kelly accepte la proposition pour le moins inattendue du milliardaire Lucas Tappan : diriger des fouilles sur le site de Roswell, où un ovni se serait écrasé en 1947 !

En fait de vaisseau, Nora met au jour les corps de deux inconnus abattus d’une balle en pleine tête. Détail étrange : deux disques d’argent sont retrouvés auprès des cadavres. Aussi fait-elle appel à la jeune agente du FBI Corrie Swanson.

À mesure que progresse l’enquête, les incidents se multiplient sur le chantier. Disparitions suspectes et morts violentes apportent bientôt la preuve qu’une puissance – extraterrestre ou non – est en action, prête à tout pour protéger certains secrets.

Dans cette aventure, la plus déstabilisante et la plus périlleuse qu’elles aient jamais vécue, Nora et Corrie sont aux prises avec des forces qui les dépassent…

Ce que j’en pense :

Nous retrouvons donc, dans cet opus notre brillante archéologue, Nora Kelly, qui vient de se faire licencier de l’Institut archéologique de Sante Fe, en désaccord sur un nouveau chantier, sous l’impulsion d’un milliardaire, Lucas Tappan et victime de la jalousie du lèche-bottes de service, Digby. Elle est très sceptique en ce qui concerne les ovnis, le mystère de Roswell qui hante l’imaginaire américain depuis des lustres (1947 pour être précise)

Sur le parking, alors qu’elle emporte ses affaires personnelles, elle est abordée par ledit milliardaire qui arrive à la convaincre de le suivre dans cette aventure. Il s’est entouré de tout le gratin des scientifiques ayant travaillé sur le sujet, et au passage Skip Kelly, le frère de Nora, qui vient de démissionner aussi de l’institut.

Tout le monde se retrouve sur le chantier de fouilles, et Nora et ses acolytes tombent sur un corps le visage défiguré ainsi que les empreintes digitales, exécutés proprement. Un deuxième corps est mis à jour dans la foulée. Nora fait appel à son amie l’agent Corrie Swanson…

Cette enquête nous emmène sur les secrets d’état, (CIA, FBI etc.) : que s’est-il vraiment passé sur ce site ? Qui sont les deux personnes exécutées ? sur fond d’espionnage, pendant la guerre froide, de bombe H., d’essais atomiques, d’ovnis armés ou non d’intentions pacifiques, le tout dans un contexte de groupe paramilitaire obsédé par le secret et la « protection de l’Amérique » qui n’hésitent pas à infiltrer toutes les hautes instances pour empêcher toute tentative de recherche, en employant les grands moyens…

J’ai passé un bon moment avec ce roman, qui m’a moins plu que les précédents car je ne suis pas convaincue de l’existence des ovnis, mais ça m’amuse toujours. Je comprends mieux l’état de santé florissant des complotistes de tous bords aux USA, étant donné leur culte du secret (défense ou pas).

J’ai aimé les références à scientifiques qui ont testé les bombes atomiques, les comparaisons entre les extraterrestres agressifs et les civilisations détruites par les colons.

Ce roman, lu de manière addictive, a été pour moi l’occasion de respirer un peu entre deux lectures difficiles dont je parlerai prochainement : « Nous, les Allemands » d’Alexander Staritt, et« Trois sœurs » de Laura Poggioli et après avoir refermé « Quand tu écouteras cette chanson » de Lola Lafon…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions de l’Archipel qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver ces deux auteurs qui ne cessent de m’étonner.

 #LANTREDUDIABLE #NetGalleyFrance

8/10

Extraits :

Ils ont conscience de l’impact que cela ne manquerait pas d’avoir sur l’espèce humaine. Nous avons nous-mêmes été témoins de ce phénomène sur cette planète : chaque fois qu’un peuple indigène s’est trouvé au contact d’une civilisation aussi avancée sur le plan technologique que le monde occidental, sa culture en a fait les frais.

J’entends évoquer un incident survenu au laboratoire national de Los Alamos au cours de l’été 1950, lorsque ce centre de recherche était encore une ville secrète. On mettait au point la bombe H. Enrico Fermi, le célèbre physicien italien, était parti déjeuner ce jour-là en compagnie d’Emil Konopinski, d’Herbert York et d’Edward Teller. Tous les quatre travaillaient sur le projet « Super », le nom de code de la bombe H. En chemin, ils évoquent les nombreux témoignages récents mentionnant des ovnis, à commencer par ceux liés à l’incident de Roswell. Leur discussion porte sur la probabilité de l’existence de formes de vie intelligentes dans l’univers…

Mes amis, c’est ainsi qu’est née l’énigme désormais connue sous le nom de « paradoxe de Fermi ». La clé du mystère se trouve au cœur des travaux que nous effectuons ici. Tout indique que des extraterrestres nous ont déjà rendu visite…

… Nul besoin de préciser qu’il s’agira de la découverte scientifique la plus extraordinaire de tous les temps : savoir que nous ne sommes pas seuls, qu’il existe dans l’univers des êtres semblables à nous, doués d’intelligence et de conscience, possédant une sagesse et des connaissances infiniment supérieures aux nôtres.

Nous aimerions tous croire en la possibilité d’un univers bienveillant et hospitalier, mais cela relève d’une utopie naïve. Montezuma entretenait des fantasmes similaires lorsqu’il a accueilli Cortès comme un dieu. Nous savons comment l’histoire s’est terminée, par la destruction de sa civilisation…

Lu en novembre 2022

« La mémoire de l’eau » de Miranda Cowley Heller

Aujourd’hui, on met le cap aux USA, direction Cap Cod (oui, c’est facile, je le reconnais !) avec une histoire sympathique :

Résumé de l’éditeur

Un matin d’août. Tout le monde dort encore dans la maison familiale nichée au milieu des bois. Ellie se glisse dans l’eau froide de l’étang voisin. C’est ici, au cap Cod, que sa famille passe l’été depuis des générations. Mais ce matin est différent. La veille, Ellie et Jonas, son ami d’enfance, se sont échappés quelques instants pour faire l’amour.

Dans les heures à venir, Ellie va devoir choisir entre ce qu’elle a construit avec l’époux qu’elle chérit, Peter, et l’histoire qu’elle a longtemps désirée avec Jonas, avant que le sort en décide autrement. Vingt-quatre heures et cinquante ans de la vie d’une femme au bord du précipice. Durant cette journée de doute mêlant bonheurs et regrets, Ellie sera rattrapée par l’héritage familial, tissé de tragédies intimes et de secrets.

Ce que j’en pense :

Comme chaque été, Ellie passe ses vacances en famille au cap Cod, mais cette année, son ami d’enfance Jonas est là avec sa femme Gilda. Elle est mariée avec Peter et ils ont trois enfants, donc tout devrait aller pour le mieux. La mère d’Ellie règne sur tout ce petit monde.

Seulement voilà rien n’est vraiment solide et joué dans la vie et un soir, après le barbecue, Jonas et Ellie font l’amour. Le lendemain matin, la culpabilité a fait place au désir et Ellie va se baigner dans les eaux froides de l’étang qu’elle connaît si bien, pour revenir sur terre mais les souvenirs vont remonter : comment a-t-elle pu en arriver là alors qu’elle a fait un mariage d’amour avec Peter, même si ses enfants comme tous les adolescents (on pourrait presque parler d’adulescents en fait !) sont agressifs avec elle.

Miranda Cowley-Heller nous raconte une journée de l’époque actuelle, heure par heure, presque minute par minute, à l’entremêlant des souvenirs d’enfance d’Ellie. On découvre ainsi le couple étrange formée par ses parents : la mère très autocentrée qui se dérobe dès que ses filles veulent aborder un sujet important, le père qui ne sait faire que des promesses qu’il ne tient jamais.

Le mariage ne résiste pas et chacun refait sa vie de son côté, mais les conjoints, pièces rapportées ne sont pas forcément à la hauteur, car les deux « nouveaux couples » se comportent en parfaits égoïstes, car il ne faut surtout pas de vagues, et si on ne dit rien, cela signifie qu’il ne s’est rien passé, donc secrets trahisons pointent le bout de leur nez.

L’été Ellie et sa sœur retrouvent Jonas qui est plus jeune qu’elles et quand on est ados, quelques années c’est important. Tout est prétexte à baignade, promenades en bateau etc. Mais, un été, débarque Conrad, le fils de la nouvelle épouse de leur père, gamin obèse, pervers, ignoble, qui ne pense qu’à épier les filles, avec des remarques crues, désobligeantes et un drame va se jouer qui va marquer le reste de leur vie, et dont Ellie ne parlera jamais, sauf à son journal intime…

Avec la baignade en eau fraiche, l’auteure suggère que l’eau se souvient de ce qui s’est passé dans la vie chacun, un peu le procédé utilisé par Clara Dupont-Monod quand elle fait parler les pierres dans « S’adapter » mais c’est moins abouti.

J’ai aimé ce roman car il traite de sujets qui m’intéressent : secrets, familles, déconstruction, reconstruction, harcèlement et tutti quanti, et les personnages sont intéressants certes, mais un peu trop futiles pour moi, des bobos qui se posent des questions existentielles.

Ce roman se lit tranquillement au coin du feu, on a du mal à le lâcher, le style est lapidaire, avec des phrases courtes, mais cela m’étonnerait qu’il reste beaucoup de choses après l’avoir refermé. (cf. les quelques extraits que je vous propose!) J’aurais aimé plus de profondeur, mais il s’agit d’un premier roman alors je vais être indulgente car j’ai passé un bon moment…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Presses de la Cité qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.

 #LaMémoiredeleau #NetGalleyFrance

7/10

Miranda Cowley Heller a grandi à New York. Diplômée de Harvard, elle a travaillé comme éditrice avant de devenir vice-présidente de HBO, où elle a développé des séries telles que Les SopranosSix Feet Under ou encore The Wire. Elle vit aujourd’hui entre la Californie, Londres et le cap Cod. La Mémoire de l’eau est son premier roman.

Extraits :

Je me dirige vers le chalet des enfants, en songeant que le plus étrange dans cette histoire, c’est que ma mère a perdu toute estime pour les femmes, pas pour les hommes. Son beau-père était un pervers, c’est la dure réalité. Mais la faiblesse et la trahison de Nanette l’ont dégoûtée des femmes. Dans le monde de ma mère, les hommes ont droit au respect. Le plafond de verre n’est pas fait pour être brisé.

J’ai des haut-le-cœur au-dessus de la cuvette. Finalement la nausée passe. Je n’ai jamais réussi à me forcer à vomir. Je le déteste. Tout ce qu’il n’a jamais fait pour nous. Tout ce qu’il a promis. Les trahisons à répétition…

L’attente commence tôt. Les mensonges commencent tôt. Mais les rêves et les espoirs aussi, je suppose.

Je sais que toutes les familles malheureuses le sont chacune à leur façon, mais là, pendant quelques heures, je veux juste une putain de Famille Heureuse. Tant que je ne serai pas en sécurité sur le rivage, j’aurais besoin de me raccrocher à cette idée comma à une bouée de sauvetage. Ne pas lâcher.

Les hommes s’écroulent après l’orgasme. Les femmes se réveillent. C’est curieux, ce décalage. Peut-être est-ce parce qu’ils ont accompli leur tâche. Ils ont essayé de nous féconder, maintenant ils doivent récupérer. La nôtre, c’est de nous lever pour balayer la caverne, border les enfants sur leur couche de paille, les épouiller, leur raconter des histoires qu’un jour ils répèteront à leurs propres enfants…

Lu en novembre 2022

« Le Pays au-delà des mers » de Christina Baker Kline

Aujourd’hui, je vous emmène dans un long voyage, direction l’Australie, plus précisément la Tasmanie avec ce beau roman historique que j’ai découvert grâce à des blogs amis:

Résumé de l’éditeur

Dans la lignée du Train des orphelins, Christina Baker Kline nous entraîne dans la Tasmanie coloniale de l’ère victorienne, sur les traces de ces « femmes de mauvaise vie » exilées par la Couronne britannique. Inspirée de faits réels, une fresque inoubliable.

Pour avoir naïvement cru aux promesses d’amour de son employeur, Evangeline, jeune gouvernante anglaise, a été accusée de vol et condamnée à la déportation. Sur le navire qui l’emmène en terre australe, elle pense à ce que sera sa vie dans le « pays au-delà des mers », qu’on dit si inhospitalier, peuplé d’indigènes et de renégats. Elle pense aussi à l’enfant qu’elle porte : saura-t-elle le protéger ? Pourra-t-elle s’appuyer sur la débrouillarde Hazel avec qui elle a noué une forte amitié lors de la traversée ?

Au même moment, sur l’île Flinders, au large de l’Australie, Mathinna, une orpheline aborigène, est-elle aussi retenue prisonnière. Arrachée à sa tribu, la petite a été adoptée par le gouverneur et son épouse, qui entendent bien la civiliser à tout prix.

Ces trois femmes l’ignorent encore, mais leur sort est inextricablement lié. Sur ces terres soumises à la folie des hommes, elles auront besoin de toutes leurs forces, de tout leur courage pour survivre et se frayer un chemin vers la liberté.

Ce que j’en pense :

Evangeline a été engagée comme gouvernante dans une famille huppée, les Whitstone. Fille d’un vicaire décédé brutalement, elle a eu une éducation assez rigide et ne connaît rien des duretés du monde extérieur. Naïve, elle tombe sous le charme de Cecil le fils de la maison qui lui a offert la bague de sa grand-mère avant de partir en voyage. EN son absence, Evangeline est accusée de vol par une bonne qui la jalouse. Sous le coup de la colère devant cette injustice, elle la pousse dans les escaliers… Il s’en suit une condamnation pour vol de sept ans à laquelle se rajoute sept ans pour tentative de meurtre.

Jugement expéditif, qui ne laisse aucune place à la défense, et donc direction une prison sinistre dans des conditions insalubres (on est en 1840) et comme il faut peupler l’Australie, ces condamnées, les convicts, sont envoyées par bateau dans des conditions encore plus effroyables, avec des marins avinés qui ne pensent qu’à leur mettre la main aux fesses et même les violer. En fait, on utilise les bateaux négriers d’autrefois. Donc, elles sont dans les même conditions infâmes. Seul le médecin du bord fait preuve d’humanité.

Comble de l’infamie, Evangeline est enceinte, donc dépravée, crime impardonnable dans cette société anglaise hyper-religieuse.

Deux autres jeunes femmes font partie du voyage : Hazel, dont la mère, sage-femme a fait une faute lors d’un accouchement et s’est retrouvée déchue, plongeant dans l’alcool et obligeant sa fille à voler. Lorsqu’Hazel sera arrêtée elle se gardera bien de soutenir sa fille. La troisième compagne d’infortune est Olive.

Pendant ce temps-là, à l’autre bout du monde sur la Terre de Van Diemen (ainsi s’appelait alors la Tasmanie) une riche bourgeoise décide de prendre sous son aile Mathinna, une jeune aborigène à peine sortie de l’enfance, pour « la civiliser » et lui inculquer la culture et la religion des Blancs. Elle l’arrache à son île (à l’arrivée des Blancs tous les aborigènes ont été traqués, exécutés sommairement pour faire main basse sur leurs terres et les survivants ont été envoyés sur l’île de Flinders, rocher perdu dans l’océan.

Elle la loge dans une pièce dont les fenêtres ont été clouées avec des planches (regarder le paysage à l’extérieur ne permettant pas de d’adapter à sa nouvelle vie). On lui apprend à lire parler, plusieurs langues, on l’exhibe, comme un animal qu’on adopte et qu’on abandonne dès qu’il ne plaît plus.

J’ai beaucoup aimé cette histoire, car ces femmes sont très attachantes, elles ne se laissent pas faire, refuse de subir malgré le prix à payer, et j’ai aimé les suivre dans ce voyage à l’autre bout du monde, fers aux pieds. J’ai beaucoup aimé Mathinna, la manière dont on la traite au nom de la suprématie blanche, le réconfort qu’elle trouve dans la compagnie de son opossum, la manière dont on la dépossède de tout : de sa culture, des colliers confectionnés par sa mère autrefois qui vont enrichir la collection de sa « bienfaitrice » qui exhibe dans son salon les crânes d’aborigènes qu’on a fait bouillir pour enlever toute trace de chair : ce ne sont pas des humains n’est-ce pas ? pour ces Blancs dégénérés…

J’ai dévoré ce roman, il m’a été impossible de le poser, une fois la lecture entamée, car Christina Baker Kline décrit très bien le statut des femmes en ce milieu du XIXe siècle, la conquête à tout prix de la Terre de Van Diemen qu’on décidera de rebaptiser Tasmanie plus tard, pour se dédouaner comme si changer le nom pouvait faire disparaître les atrocités commises contre les Aborigènes. Les femmes apparaissent comme des citoyennes de seconde zone que l’ont méprise presque autant que les Aborigènes mais elles seront bien utiles pour la descendance.

Ce récit est bien écrit, dynamique, les descriptions des paysages, des tempêtes sur le bateau ou autres sont très colorées, on fait très vite partie de l’histoire. C’est le premier livre de Christina Baker Kline que je lis et je suis sous le charme donc je vais tenter, si ma PAL ne s’y oppose pas, de découvrir « Le Train des orphelins », dans un premier temps et plus si affinité.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Belfond qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure

#ChristinaBakerKline #NetGalleyFrance

9/10

Auteure de cinq romans et d’essais, c’est avec Le Train des orphelins (2015 ; Pocket, 2016) que Christina Baker Kline s’est révélée au public. Après Le Monde de Christina (2018 ; Pocket, 2019), Le Pays au-delà des mers est son troisième roman à paraître chez Belfond.

Extraits :

Avant, l’Angleterre envoyait le rebut de la société en Amérique, mais après la rébellion il a fallu qu’ils trouvent une nouvelle décharge ; l’Australie. En un rien de temps, il y avait neuf hommes pour une femme, là-bas ! On ne peut pas fonder une colonie seulement avec des hommes, hein ? Personne n’y avait pensé, à ça. Alors, ils ont pris n’importe quelles excuses pour nous envoyer là-bas.

Leurs principales divinités étaient deux frères qui descendaient du Soleil et de la Lune. Moinee avait créé la terre et les rivières. Quant à Droemerdene, il vivait dans le ciel sous l’apparence d’une étoile ? C’était lui qui avait formé le premier être humain, à partir d’un kangourou, en modifiant ses genoux pour que l’homme puisse se reposer et en lui retirant sa queue encombrante…

Les Palawas se partageaient en douze nations, chacune formée de clans. Tous parlaient une langue différente, et dans aucune d’elles, il n’existait de mot pour désigner la propriété. La terre faisait simplement partie d’eux.

Durant de nombreuses années, les seuls Blancs assez vigoureux pour rester l’hiver étaient les baleiniers et les chasseurs de phoques, et la plupart s’avéraient si grossiers et brutaux que les Palawas les voyaient comme des êtres moitié hommes, moitié animaux.

Les Palawas s’étaient battus, en vain, avec des pierres, des lances et des waddies contre les groupes itinérants de convicts et de colons qui avaient reçu du gouvernement britannique l’autorisation officielle de capturer ou tuer tous les indigènes en vue. Ils parcouraient l’île avec des lévriers australiens et les chassaient pour le plaisir.

Elle avait appris qu’elle pouvait supporter le mépris et l’humiliation – et trouver des moments de grâce au milieu du chaos. Elle avait pris conscience de sa force. Et voilà qu’elle se trouvait en chemin pour l’autre bout du monde. La gouvernante naïve qui avait passé les portes de Newgate quelque mois auparavant n’était plus. A la place, il y avait une femme nouvelle.

Sur la carte du capitaine, la Terre de Van Diemen paraissait énorme et l’île Flinders, toute petite. Sur ce globe, elle n’était qu’un rocher dans l’océan, trop insignifiant pour avoir un nom. C’était comme si la terre qu’elle aimait et ceux qui la peuplaient, avaient été effacés. Personne ne savait qu’ils existaient.

Même quand elle était petite, tous ces sermons sur le péché et le vice l’indignaient. Les règles ne semblaient pas être les mêmes pour les riches et les pauvres, et ces derniers étaient toujours coupables. On leur disait qu’ils devaient confesser leurs fautes pour triompher des maladies comme la typhoïde, alors que les rues étaient pleines de crasse et l’eau infecte. Et elle avait toujours estimé que la condition des filles et des femmes était encore pire. Enlisées dans la boue, sans possibilité d’en sortir.

Lu en octobre 2022

« Lincoln Highway » par Amor Towles

Aujourd’hui, petit voyage aux USA, sur une route mythique, qui permet de s’évader un peu dans la sinistrose ambiante :

Résumé de l’éditeur

Juin 1954. Emmett Watson, dix-huit ans, rentre chez lui, dans le Nebraska, après avoir passé quinze mois dans un centre de détention pour mineurs. Il y retrouve Billy, son frère de huit ans. Leur père vient de mourir, leur mère les a abandonnés des années auparavant, et la banque s’apprête à saisir la ferme familiale. Les deux frères doivent partir, mais où aller ?

Leur choix se porte sur la Californie : Billy espère y rejoindre leur mère après avoir découvert les cartes postales que celle-ci leur a envoyées tout au long de la Lincoln Highway, route mythique traversant tout le pays qu’elle a empruntée des années plus tôt pour fuir à l’autre bout des États-Unis.

Leur plan est chamboulé lorsque deux codétenus d’Emmett en cavale, le roublard Duchess et son acolyte Woolly, qui semble toujours tombé de la lune, décident de se joindre à eux. À peine le voyage entamé, Duchess et Woolly décampent dans la voiture d’Emmett, emportant le pécule laissé par son père et leurs rêves de vie nouvelle. Les deux frères se lancent alors à leur poursuite.

Tissant avec brio les grands motifs de l’Americana, Amor Towles livre un roman choral aux personnages hauts en couleur et au rythme haletant, une véritable épopée dans la tradition du road novel. Tout au long de l’imprévisible Lincoln Highway, Towles déploie son immense talent de conteur et d’écrivain virtuose pour embarquer le lecteur dans un voyage tourbillonnant.

Ce que j’en pense :

12 juin 1954 : Emmett vient d’être libéré du centre de détention pour mineurs où il purgeait une peine pour avoir tué accidentellement un homme qui se moquait de lui et de son petit frère Billy. C’est le directeur de l’établissement qui l’a ramené chez lui, après le décès de leur père.

La ferme a été mise en vente car le père croulait sous les dettes, il s’était improvisé fermier mais ne connaissait rien à l’agriculture. Emmett veut quitter la région et commencer une vie ailleurs, avec Billy. Il avait envisagé plusieurs possibilités, mais Billy veut tenter de retrouver leur mère qu’il pense, sur la foi d’une dizaine de cartes postales qu’il a retrouvées récemment qu’elle demeure en Californie et leur donne rendez-vous pour le feu d’artifice du 4 juillet…

Affaire conclue, ils iront en Californie via la route mythique « Lincoln Highway » au volant de la vieille voiture d’Emmett. Mais deux « ex codétenus », Duchess et Woollie ont profité du retour d’Emmett pour s’évader en se cachant dans le coffre de la voiture du directeur. Et les ennuis commencent… les envies ne sont pas les mêmes : Emmett veut se donner une seconde chance, alors que Duchess vaut mette la main sur un mystérieux coffre-fort appartenant à la famille de Woollie et partager le magot.

Emmett estimant qu’il a contracté une dette vis-à-vis de la société, est bien décidé à ne plus se laisser emporter par la violence, à prendre sa vie en mains et prendre soin de son petit frère. Mais peut-on raisonner quelqu’un qui est dans le déni, ne se remettant jamais en question car tout est toujours de la faute des autres.

Duchess est touchant au départ, car il a été abandonné par son père, acteur shakespearien qui faisait passer sa « carrière » (de loser en fait !) et ses histoires de cœur avant son fils. Hélas, cela ne dure pas et il devient très vite horripilant.

Woollie est sympathique, mais fragile psychologiquement. Mon préféré dans cette histoire qui tourne vite en rond est bien sûr Billy, jeune prodige, brillant en maths et dont le raisonnement est très affuté du haut de ses huit ans. Billy qui emporte partout avec lui le livre du Pr Abernathe qui raconte de manière résumée tous les grands mythes ou les romans célèbres. Billy adore lire, par exemple, l’histoire du Comte de Monte-Cristo à d’autres personnes sans jamais se lasser car il l’a déjà lue de nombreuses fois.

Une autre personne est attachante, Sally, la fille du fermier voisin qui veille sur les deux frères.

Ce roman démarrait bien, avec des personnages intéressants, une histoire qui faisait penser à « Nous rêvions juste de liberté » mais très vite on a les bons d’un côté, souvent à la limite de la naïveté, le méchant de l’autre, prêt à tout pour régler ses comptes avec la société et récupérer l’argent.

L’auteur a bien su raconter la dureté des établissements dit de redressement de l’époque des années cinquante, les brimades, les châtiments corporels etc.  Ainsi que la manière de considérer les personnes fragiles psychologiquement : on enferme, on met sous tutelle et on s’approprie ce qui leur appartient. On a une photographie des USA de l’époque.

J’ai choisi ce livre après avoir été conquise par « Un gentleman à Moscou » un précédent roman d’Amor Towles, donc j’en attendais probablement trop. Ce roman est agréable à lire, le rythme est soutenu, l’écriture est belle et on passe un bon moment, mais on finit par tourner un peu en rond, ce qui amène un peu de déception.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Fayard qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteur.

#LincolnHighway #NetGalleyFrance

7/10

Né en 1964 dans la banlieue de Boston, Amor Towles est un romancier américain, diplômé des universités de Yale et de Stanford. Après une carrière dans la finance, il se consacre désormais à l’écriture. Il est l’auteur de deux romans qui ont rencontré un immense succès critique et commercial aux États-Unis, Les Règles du jeu (Albin Michel, 2012) et Un Gentleman à Moscou, tous deux traduits dans une vingtaine de pays. Son premier roman, Les Règles du jeu, a été couronné en France par le prix Fitzgerald.

Extraits :

Peu importait qui avait été provoqué par qui, qui avait provoqué qui, quand Emmett avait frappé le jeune Snyder sur le champ de foire, il avait contracté une dette comme son père quand il avait hypothéqué la ferme familiale. Et, à compter de ce jour, cette dette hanterait Emmett – l’empêchant de dormir la nuit – tant qu’il ne rembourserait pas son créditeur devant ses semblables qui plus est.

 
Qu’une chose soit nouvelle ne signifie pas qu’elle soit meilleure ; souvent d’ailleurs, c’est le contraire. Dire « s’il vous plaît » et « merci », c’est archi-démodé. Se marier, élever ses enfants, c’est démodé. Les traditions, c’est-à-dire ce qui nous aide à savoir qui nous sommes, sont par nature démodées.

Pour ce qui est d’attendre, les has-been ne manquent pas de pratique. Ils ont attendus leur jour de gloire, le jour où ils tireraient le numéro gagnant. Quand il est devenu clair qu’il n’arriverait jamais, ils ont commencé à attendre d’autres choses. L’heure de l’ouverture des bars, par exemple, ou le jour d’arrivée du chèque des allocations.

Ce qu’il y a de drôle avec une photo, c’est qu’elle sait tout ce qui s’est passé avant qu’on la prenne, mais rien de ce qui va ses passer après. Pourtant, une fois encadrée et accrochée à un mur, ce qu’on y voit quand on regarde de près, ce sont ces choses sur le point de se produire…

Comme cela aurait été formidable si la vie de chacun d’entre nous avait été une pièce de puzzle ! Parce que, alors, aucune n’aurait constitué une gêne pour les autres. Chaque vie se serait calée dans son petit emplacement à elle et, ce faisant, aurait contribué à la reconstitution complète de l’image complexe.

Lu en octobre 2022

« American Dirt » de Jeanine Cummings

J’ai noté ce roman sur mes tablettes lors de sa sortie, mais vue l’ampleur de ma PAL j’avais remis à plus tard, mais quand les éditions 10/18 l’ont proposé sur NetGalley je me suis dit que c’’était le moment de tenter ma chance :

Résumé de l’éditeur :

Libraire à Acapulco au Mexique, Lydia mène une vie calme avec son mari journaliste Sebastián et leur famille, malgré les tensions causées dans la ville par les puissants cartels de la drogue. Jusqu’au jour où Sebastián, s’apprêtant à révéler dans la presse l’identité du chef du principal cartel, apprend à Lydia que celui-ci n’est autre que Javier, un client érudit avec qui elle s’est liée dans sa librairie… La parution de son article, quelques jours plus tard, bouleverse leur destin à tous.

Contrainte de prendre la fuite avec Luca, son fils de huit ans, Lydia se sait suivie par les hommes de Javier. Tous deux vont alors rejoindre le flot de migrants en provenance du sud du continent, en route vers les États-Unis, devront voyager clandestinement à bord de la redoutable Bestia, le train qui fonce vers le Nord, seront dépouillés par des policiers corrompus, et menacés par les tueurs du cartel…

Porté par une écriture électrique, American Dirt raconte le quotidien de ces femmes et de ces hommes qui ont pour seul bagage une farouche volonté d’avancer vers la frontière.

Ce que j’en pense :

On fait la connaissance de Lydia qui s’investit à fond dans sa librairie, discutant avec ses clients pour les conseiller au mieux et leur faire découvrir les livres et les auteurs qu’elle aime. Son mari Sebastian est journaliste et travaille sur les cartels, dénonçant les meurtres, les enquêtes qui n’aboutissent pas. Ils ont un fils Luca et vivent en harmonie avec leur famille, donc tout va bien pour eux pourrait-on dire.

Un homme devient un client assidu de la librairie et surtout de la libraire ; ils échangent sur les auteurs qui leur plaisent. Et Lydia tombe sous le charme de cet homme qui évoque sa famille, l’amour qu’il porte à sa fille… Mais, il s’avère que cet homme, séducteur, manipulateur de grande classe n’est autre que Javier, chef du nouveau cartel et Lydia découvre que Sebastian enquête sur lui. Lorsque l’article sur Javier est publié, c’est le carnage lors d’une fête de famille.

Lydia parvient à rester en vie et à sauver son fils et c’est l’exode qui commence avec toutes les souffrances qui l’accompagnent, alors que la tête de Lydia est mise à prix. Elle devient un « migrante » comme tant d’autres.

Elle apprend à se tenir sur ses gardes à sauter sur le toit des wagons de marchandise en marche, au risque de tomber, se fracasser le corps, et même y laisser la vie, et d’encourager Luca à faire de même alors qu’elle était une mère poule à peine quelques jours auparavant. Une fois parvenu sur le toit, il faut ensuite s’attacher solidement, attacher le sac de voyage pour ne pas tomber, ne pas bouger surtout si un tunnel approche. Ce fameux train que les migrants ont surnommé la Bestia

Les différentes façons de mourir à bord de la Bestia sont plus épouvantables les unes que les autres ; vous pouvez être écrasé entre deux wagons quand le train emprunte une courbe. Vous pouvez vous endormir, tomber du toit, être aspiré sous les roues, avoir les jambes sectionnées…

Ce livre nous permet de découvrir le long calvaire des migrants sur les routes de l’exil, la nécessité de se cacher, d’être constamment sur la défensive pour ne pas être reconnus, pour Lydia, comment on peut devenir un « migrante » du jour au lendemain alors qu’on menait une vie agréable. On découvre aussi la manière dont les flics pourris de tous bords rançonnent prennent jusqu’au dernier sous le peu d’argent qu’ils ont emporté avec eux pour payer les passeurs, les viols notamment quand dans le cortège il y a de jolies (trop jolie) jeunes filles et comment elles sont traumatisées à vie.

Je connaissais bien le sort des migrants qui fuient le Honduras, le Venezuela, entre autres pour fuir la misère sociale la pauvreté, ainsi que les méthodes des cartels au Mexique qui tuent en toute impunité, chacun se souvient des étudiants qui ont disparus sans laisser de traces il y a quelques années à peine, mais c’est autre chose de suivre une famille traquée, de marcher avec elle la nuit, la peur au ventre, parfois sous une pluie diluvienne pour échapper à la police des frontières la Migra, aux narcotrafiquants, repentis ou non, qui infiltrent les groupes de migrants, puis le mur trumpien et les cow-boys suprématistes blancs qui vont à la chasse aux migrants la nuit…

On apprend également beaucoup de choses sur les tatouages des narcotrafiquants, leur signification, ce qui permet de les identifier.

Ce livre est bien écrit, de la manipulation du chef de cartel, pervers narcissique, pour séduire une femme lettrée et se faufiler vers son époux journaliste, en passant par les familles qui cherchent leurs disparus pour pouvoir enfin faire leur deuil, en passant par la route elle-même car on se la représente vraiment très bien en mettant nos pas dans les leurs.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions 10/18 qui m’ont permis de découvrir ce roman et de découvrir la plume de son auteure.

#AmericanDirt #NetGalleyFrance !

9/10

Jeanine Cummins vit à New-York avec son mari et leurs trois enfants. Elle est l’auteure de trois romans, dont American Dirt est le premier traduit en français.

Extraits :

… ces conflits restent purement symboliques. Le taux d’affaires criminelles non résolues au Mexique dépasse les quatre-vingt-dix pour cent. L’existence d’une Policia en tenue constitue un contrepoids illusoire à l’impunité réelle du cartel.

Mais, à présent, les cartels assassinaient un journaliste mexicain presque chaque semaine, et Lydia jugeait plus sévèrement l’intégrité de son mari. Elle lui trouvait un côté moralisateur égoïste. Sebastian vivant lui importait plus que ses solides principes.

Il faudra organiser une cérémonie funéraire dès qu’ils seront en sécurité. Luca aura besoin de ce rituel, une méthode pour modeler son chagrin en quelque chose sur quoi il pourra exercer une certaine maitrise. Elle contemple l’étendue de cette tâche, mais pour le moment, elle doit s’en tenir à son mantra : n’y pense pas, n’y pense pas, n’y pense pas.

Bien calée dans sa chaise, Lydia observe son fils, perdu dans la contemplation d’une silhouette pourpre allongée qui plane sur le mur au-dessus d’eux. Migrant. Comment lui appliquer ce mot ? Pourtant c’est ce qu’ils sont, c’est ainsi que ça arrive. Ils ne sont pas les premiers à partir. Acapulco se vide de ses habitants.

Dans les trains, les uniformes représentent rarement ce qu’ils sont censés représenter. La moitié des gens qui se prétendent migrants, coyotes, ingénieurs des chemins de fer, policiers, ou membres de la migra, (police migratoire) travaille pour le cartel. Tout le monde touche des pots-de-vin.

Un an avant le meurtre de Sebastian, le Mexique était devenu le pays le plus mortel pour les journalistes, autant qu’une zone de guerre. Autant que la Syrie ou l’Irak.

Dans les mois à venir, Luca regrettera parfois d’avoir, les premiers jours, gaspillé son chagrin, de ne pas s’être laissé davantage abattre. Parce que, au fur et à mesure que l’oubli s’ancrera en lui, il aura l’impression de commettre une trahison.

En écoutant Rebecca lui révéler ces bribes d’histoires qu’elle connaît, Luca commence à comprendre que, si tous les migrants partagent une chose, c’est la solidarité qui existe entre eux bien qu’ils viennent de pays différents que leurs situations sociales soient différentes, qu’ils soient pauvres ou bourgeois, cultivés ou illettrés…

Ils voyageront ensemble tous les quatre, Lydia, Luca, Rebecca et Soledad, aussi longtemps que ce sera possible. Tant de choses se sont passées que chaque heure de ce voyage semble valoir une année mais il y a plus encore. Ce qui les unit, c’est le partage d’une expérience indescriptible. Quoi qu’il arrive, personne d’autre qu’eux ne comprendra totalement l’épreuve qu’a représenté ce pèlerinage, les individus qu’ils ont rencontrés, la peur qui les accompagne, le chagrin et la fatigue qui les dévorent.

Assis dos à dois avec Mami, Luca a tout le temps de réfléchir à cette situation étrange qui fait qu’un migrante passe plus de temps à l’arrêt qu’à marcher. Leurs vies sont devenues un cycle erratique de mouvement et de paralysie.

Lu en août 2022

« Insoluble » de James Patterson & Ellis David

Intermède thriller, pour respirer entre deux romans de la rentrée que j’ai particulièrement appréciés, (patience, les chroniques tardent à venir mais elles vont finir par arriver !) avec le livre dont je vous parle aujourd’hui :

Résumé de l’éditeur :

Depuis l’assassinat de sa sœur (Invisible, L’Archipel, 2016), Emmy Dockery, analyste au FBI, ne cesse d’identifier des crimes impunis là où ses collègues concluent à des morts accidentelles.

À travers le pays, des sans-abris ou les personnes qui leur viennent en aide meurent sans que personne ne s’émeuve. Sauf Emmy, persuadée qu’un tueur est aux manettes. Un homme qui, selon son enquête, se déplace en fauteuil roulant.

Pendant ce temps, Citizen David défraie la chronique. Ce justicier fait sauter le siège d’entreprises qu’il estime manquer d’éthique. Ne laissant aucun mort derrière lui, il s’attire les faveurs du public. Jusqu’au jour où il fait exploser, à Chicago, un centre d’accueil pour SDF. Bilan : près de deux cents morts.

Parallèlement, l’ex-agent Harrison Bookman est chargé par une huile du FBI de surveiller Emmy, son ancienne petite amie, suspectée d’être la taupe qui livre des informations confidentielles à la presse au sujet de Citizen David. Mais quelqu’un d’autre surveille Emmy. L’observe, l’épie… Et attend le moment opportun pour frapper !

Ce que j’en pense :

Emmy Dockery, analyste chevronnée au FBI travaille d’arrache-pied sur la piste d’un nouveau tueur en série qui s’en prend aux sans- et aux personnes qui leur viennent en aide dans l’indifférence générale. Toutes ces morts ont été classées comme accidentelles donc aucune enquête en vue officiellement.

Emmy a été violemment agressée lors de sa précédente enquête (sa sœur ayant été assassinée) n’a pas repris son poste de travail, mais travaille chez elle sur ses ordinateurs personnels en rendant des comptes à ses supérieurs pas forcément bienveillants (résoudre une enquête, en ayant été torturée cela crée des tensions, des jalousies !) qui n’hésitent pas à mettre en doute ses capacités mentales.

En parallèle, des attentats sont commis sans jamais faire de victimes, le but étant de créer des dégâts matériels pour tenter de réveiller les consciences sur la cause animale, les banques qui n’accordent pas de crédit aux personnes de couleur etc. et évidemment c’est l’enquête jugée la plus importante… il faut absolument mettre la main sur celui que l’on finit par désigner sous le nom de Citizen David. Mais un jour, (piratage oblige) un attentat est commis minutieusement contre une agence de crédit au-dessus de laquelle se trouve un centre d’accueil pour des sans-abris. Deux cents morts ! et même si le motus operandi diffère de celui du « justicier », mais ne divulgâchons point !

J’ai aimé la manière dont les auteurs nous entraînent sur de fausses pistes, multipliant les coupables possibles, sur fond de vétérans atteints de SSPT, en fauteuil roulant pour attirer la sympathie, de trumpistes convaincus que l’assistanat et médicare révulsent, de génies de l’informatique, pirate de courriels, d’adresse IP, d’usurpation d’identité réelle ou virtuelle.

On a toutes les failles et forces du FBI et autres enquêteurs, la taupe qui renseigne les journalistes, les petites (et grandes) magouilles en haut lieu… Et évidemment qui est suspectée d’être la taupe ? Emmy bien sûr, qui se retrouve sous la surveillance d’un ex-agent reconverti en libraire, Harrison Bookman qui n’est autre que l’ex petit ami d’Emmy.

Je n’ai pas lu « Invisible » le roman précédent des auteurs qui raconte l’enquête qui a failli coûter la vie à Emmy, mais ce n’est pas gênant pour comprendre les tenants et les aboutissants de l’enquête et les liens des personnages entre eux, leur histoire personnelle, (mais cela donne évidemment envie de réparer cet écueil !).

J’ai aimé les thèmes étudiés au cours de l’enquête, la société étasuniennes et ses dérives, (car les auteurs ne sont pas tendres) autant que l’intrigue elle-même et j’ai littéralement dévoré ce thriller au rythme haletant, impossible à lâcher… et je vais me procurer « Invisible » c’est évident.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions de L’Archipel qui m’ont permis de découvrir ce roman et ses auteurs

#Insoluble #NetGalleyFrance !

8/10

Extraits :

Je ne suis ni le Mal incarné, ni un fou. Je ne suis pas ignare, je ne suis pas pauvre, et je ne suis pas le produit d’une éducation violente. Ce que je fais, je le fais pour une raison et une seule raison.

Et qu’on ne me parle pas de cruauté ou de pitié. L’homme réfléchi n’a ni sentiments, ni préjugés ; seulement un cœur de pierre. Je suis tel qu’on m’a fait. Le résultat des lois de la nature, pas des lois conçues par je ne sais quel groupe d’humains ineptes.

Les meilleurs perceurs de coffres et cambrioleurs du monde travaillent pour le FBI.

Le processus de consultation et de recoupement n’est pas aussi rapide qu’on peut le voir dans certaines séries télé – quand une déesse de l’informatique tape deux ou trois mots sur son écran, presse quelques boutons sur son clavier avant d’annoncer le nom d’un méchant. Dans la réalité, l’opération peut dure longtemps.

Tous ceux que j’ai frappé l’ont bien cherché. Les banques qui refusent des prêts à des personnes de couleur ? Qu’elles aillent se faire foutre. Et franchement, tu plains ces chaînes de fast-food qui torturent des animaux ? Ce pays va droit en enfer, quelqu’un doit se lever pour prendre la défense des plus faibles…

Lu en août 2022

« Real Life » de Brandon Taylor

Je vous parle aujourd’hui d’un livre dont la lecture n’a pas été simple car le thème est difficile :

Résumé de l’éditeur :

C’est la fin de l’été et Wallace retrouve ses camarades au sein d’une prestigieuse université du Midwest. Mais parmi ces jeunes gens blancs et insouciants, Wallace peine à trouver sa place. Le veut-il vraiment ? Hanté par son passé, troublé par de récents événements, le jeune homme garde sans cesse une distance avec ceux qui l’entourent. Le temps d’un week-end, entre les fêtes et les discussions qui refont le monde, Miller va tenter de se rapprocher de lui. Leur liaison va pousser Wallace dans ses derniers retranchements. Comme si James Baldwin rencontrait Sally Rooney,

Real Life est un campus novel et un roman d’apprentissage d’un ordre nouveau, porté par une prose élégante et un regard tranchant. D’une maturité impressionnante, Real Life pointe sans manichéisme le diable caché dans les détails d’une jeunesse américaine faussement apaisée, et dresse le portrait sensible et touchant d’un homme en crise d’identité. Un premier roman intense et politique qui marque la naissance d’un auteur puissant, finaliste du Man Booker Prize et du Dylan Thomas Prize.

Ce que j’en pense :

C’est la fin de l’été et Wallace retrouve ses « amis » , si on peut appeler amis des personnes, étudiant comme vous dans une université prestigieuse, plus ou moins insouciants, n’ayant pas de problèmes financiers, ni de difficultés à s’adapter…

Mais voilà, Wallace est Noir et homosexuel, alors c’est plus dur. Il s’efforce de passer inaperçu le plus possible, noyé dans la masse, courbant le dos, souvent trop d’ailleurs. Il travaille dans un laboratoire, sur les nématodes, analyse, culture etc. Malgré son application, son zèle, les heures qu’il ne compte pas (il est boursier alors on lui en demande encore plus : obligation de résultats, sous l’œil intransigeant de Simone la directrice du labo.

Mais Dana, une jeune étudiante aux dents longues devient la protégée de Simone. Et tous les coups bas seront permis pour miner son travail. C’est le genre de personnalité narcissique, un ego surdimensionné, qui n’a jamais tort : tout est de la faute des autres, notamment celle de Wallace car Dana est raciste pour compléter le tableau.

Wallace désire se faire accepter par les autres étudiants, mais parle peu de lui car son passé est trop lourd à porter, il a préféré l’enfouir. Mais également parce qu’il redoute que des confidences puissent lui rendre la vie encore plus impossible. Ce qui l’a amené à ne par leur dire que son père est décédé quelques jours plus tôt. Mais, comment expliquer, que cette mort ne le touche pas car il y a bien longtemps qu’il a dû en faire le deuil, celui-ci ne l’ayant jamais soutenu, aidé durant l’enfance.

Brandon Taylor nous décrit très bien, avec une précision chirurgicale, microscope à l’appui, la difficulté de s’intégrer, voire de trouver sa place, quand on est pauvre, Noir, boursier et homosexuel et d’un autre côté comment les souffrances endurées dans l’enfance (les coups, les abus sexuels, la solitude) que l’on a pris soin d’enfouir peuvent refaire surface de manière inopinée et violente risquant de remettre en question certains choix.

Mais, car il y a un mais, le récit est cru, l’auteur nous racontant avec moult détails des scènes sexuelles violentes, sadomasochistes qu’il faut avoir le cœur bien accroché pour lire, ce qui est loin d’être mon cas.

Il y a aussi une avalanche de détails qui ne sont pas forcément nécessaires : je suis devenue spécialiste en nématodes et boîte de Pétri (je n’en avais plus entendu parler depuis si belle lurette !) ou sur le système universitaire américain… Ce qui explique pourquoi j’ai mis si longtemps à arriver à bout de cette lecture qui va, je pense, hanter durablement ma mémoire, certaines phrases étant vraiment percutantes…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions La Croisée qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure

#RealLife #NetGalleyFrance !

7,5/10

Brandon Taylor est un écrivain américain. Il est titulaire de diplômes d’études supérieures de l’Université du Wisconsin-Madison et de l’Université de l’Iowa et a reçu plusieurs bourses pour ses écrits. Ses nouvelles et essais ont été publiés dans de nombreux médias et ont été acclamés par la critique.

Extraits :

« C’était ton père Wallace », fit Emma. Le rire de Wallace s’éteignit dans sa gorge. Il se sentit un peu humilié par ses mots. Oui, c’était son père. Il le savait. Mais le problème avec ces gens, avec ses amis, avec le monde, c’était qu’ils pensaient que les choses devaient être d’une certaine façon, avec la famille. Ils pensaient qu’on devait éprouver quelque chose pour ses parents, et de préférence la même chose que tout le monde, sans quoi, c’était qu’on s’y prenait mal.

Une obscurité profonde, dense. Pourquoi lui revient-elle maintenant ? Tous ces kilomètres parcourus. Ces années. Son ancienne vie tranchée comme une cataracte. Rejetée. Mais ici, retrouvée au fond de son esprit comme un détritus qui surnage. Ici. En ce lieu. Dans la solitude du labo. Il fait presque un bond de frayeur, tant le souvenir est complet. Son corps se souvient. Son corps traître…

Dana, essoufflée, halète comme un animal blessé. Elle s’est mise dans une rage écumante, une colère violente… Elle a de la bave au coin des lèvres. Ses yeux plissés jettent des éclairs. Il la reconnait dans le feu futile, destructeur, de sa colère. Le plus injuste, se dit-il, c’est que ce moment où elle vide son sac, elle peut se le permettre ? Elle n’aura pas de problème. Elle s’en sortira très bien. Elle est douée, et il est seulement Wallace.

Rien de tout cela n’est juste. Rien de tout cela n’est bon, il le sait. Mais, il sait aussi que la justice n’est pas la question. Ce qui compte n’est pas d’être traité justement, ou d’être bien traité. Ce qui compte, c’est de faire son travail. Ce qui compte, c’est obtenir des résultats…

C’est injuste parce que les Blancs ont un intérêt direct à sous-estimer le racisme, sa quantité, son intensité, sa forme et ses effets. Ils sont les renards dans le poulailler.

Dans l’ensemble, ça va . C’est pour ça que Wallace ne dit jamais rien à personne. C’est pour ça qu’il garde la vérité pour lui, parce que les gens ne savent pas quoi faire de vos bagages, de la réalité des sentiments des autres. Ils ne savent pas quoi faire quand ils entendent une perspective qui ne cadre pas avec leur propre perception des choses…

La mémoire passe au crible. La mémoire élimine l’horrible. La mémoire fait avec ce qu’on lui donne. La mémoire n’est pas une affaire de faits. La mémoire est une mesure peu fiable de la douleur d’une vie.

Ce dont parle Roman, c’est d’un déficit de blancheur, d’un manque de ressemblance requise. Cette déficience-là ne peut être comblée. Le fait est que, quels que soient l’ampleur des efforts fournis, les savoirs acquis et le nombre de techniques maitrisées, il sera toujours provisoire aux yeux des gens, même s’ils ont de l’affection pour lui et lui témoignent de la gentillesse.

La gentillesse est une dette, se dit Wallace. La gentillesse est quelque chose qu’on doit et qu’on rembourse. La gentillesse est une obligation.

Il y aura toujours des gentils Blancs qui l’aiment et lui veulent du bien mais qui ont plus peur d’autres Blancs que de le laisser tomber. C’est plus facile pour eux de laisser faire et d’analyser ensuite la blessure plutôt que d’introduire un élément inconnu dans la situation. Aussi gentils soient-ils, aussi aimants, ils seront toujours complices, un danger, une blessure en puissance.

Le passé n’est pas un horizon qui s’éloigne. Au contraire, il progresse un instant à la fois, il marche d’un pas régulier vers l’avant jusqu’à ce qu’il ait tout réquisitionné, que nous redevenions qui nous avons été ; nous devenons des fantômes quand le passé nous rattrape. Je ne peux pas vivre tant que vit mon passé. C’est lui ou moi.

De fait, le potentiel sexuel n’est que l’ombre de la possibilité sexuelle menée à son terme par projection ; nous savons que nous désirons quelqu’un en le rencontrant à cause de ce qui pourrait se produire si nous nous avançons simplement pour le dire : « Hé, regarde-moi »

Lu en juillet- août 2022