Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai choisi sur les conseils de Frédéric :

Résumé de l’éditeur :
Par le lauréat du prestigieux prix Akutagawa, un roman impressionnant dans la lignée de Battle Royale. Entre lyrisme et violence, une œuvre glaçante et hypnotique sur la psyché adolescente, dans un Japon inattendu, loin des clichés.
Au début, Ayumu a cru à des jeux innocents. Des moqueries, des mises au défi, des vols de babioles dans les magasins. D’autant que, pour lui, l’étranger venu de la grande ville, c’était un bon moyen de s’intégrer parmi ses nouveaux camarades dans ce petit lycée de province.
Et puis Ayumu a commencé à remarquer. Les humiliations, les punitions, les coups, tous dirigés vers le doux Minoru.
Alors Ayumu s’est interrogé : que faire ? Intervenir ? Fermer les yeux ? Risquer de se mettre les autres à dos ? Ne rien faire ?
Et l’Okuribi est arrivé, la fête des Morts. Et tout a basculé…
Ce que j’en pense :
L’histoire s’ouvre sur un groupe étrange qui progresse dans la forêt, le jour où l’on déverse du feu dans la rivière comme un rituel pour invoquer les morts. Il s’agit d’un ouvrier, suivi par des collégiens, Ayumu fermant la marche, peu rassuré.
Puis retour en arrière, on apprend comment Amuyu est arrivé dans la région : il arrive de Tokyo car son père a été muté à Hirakawa, dans cette région un peu austère, ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’il change d’école au gré des mutations paternelles.
Ils sont logés dans une maison, un peu à l’abandon et peu à peu s’y installent et leurs meubles qui paraissaient incongrus au début finissent par se fondre dans le décor. Pour se laver, par contre, il faudra aller aux bains municipaux.
Amuyu est présenté par le professeur principal aux autres élèves de la classe, qui comprend douze élèves, six garçons et six filles et Akira est chargé de lui faire visiter les lieux. Comme à chaque fois qu’il change d’école, Amuyu a du mal à s’adapter au départ car il est réservé voire timide, mais comment pourrait-il en être autrement vu qu’il change régulièrement d’établissement ?
Pourtant, tout commence plutôt bien, Akira désigné comme délégué de classe le désigne pour être vice-délégué, une première dans son existence. Le tandem se met en place, mais Amuyu se rend vite compte qu’Akira est étrange : deux ans auparavant, en proie à un accès brutal de violence, il a frappé Minoru, un autre élève avec une plaque d’égout, lui laissant une cicatrice à la tête il avait dû d’ailleurs s’excuser…
Néanmoins, Minoru semble toujours faire partie du groupe qui comprend également Fujima, Chikano et Uchida. Très vite, Amuyu se rend compte, que leurs relations sont bien plus complexes qu’il n’apparaît au prime abord. Akira a besoin de dominer et de créer des jeux étranges, combat de sumo, voler un couteau à cran d’arrêt…
Il se sert d’un jeu de cartes aux figures étranges pour désigner celui qui fera plouf, autrement dit qui perdra et deviendra le souffre-douleur. Étrangement, cela tombe toujours sur Minoru, et comme c’est Akira qui tire lui-même les cartes on comprend vite qu’il triche…
On assiste à une montée en puissance de la maltraitance au collège et cela dérive vers une violence de plus en plus forte qu’elle évolue de manière insidieuse. On passe des mots aux coups, on maltraite au passage une pauvre sauterelle qui n’avait rien demander en lui versant de l’acide sulfurique sur le corps et en faisant croire aussi à Minoru qu’on lui en verse sur la tête…. Pour atteindre l’apogée à la fête des morts, Okuribi, le 15 août, où tout va basculer, d’où le sous-titre du livre « Renvoyer les morts ».
Tout évolue crescendo dans ce roman : le riz qui pousse au fil des saisons : marécage, puis les feuilles qui apparaissent puis les grains… sur fond de végétation qui change, les relations entre les individus avec les disputes entre les parents d’Amuyu, l’atmosphère se tend, et Hiruki Takahashi sait très bien manier les mots pour faire monter la puissance, la violence…
Je me suis laissée happer par ce texte envoûtant, plein de poésie, écœurée par les actes des collégiens, par l’ignoble Akira et la relative apathie d’Amuyu, mais subjuguée, j’ai continué à lire alors que je déteste la violence, le harcèlement dans les romans…
Le Japon est un pays qui me fascine depuis longtemps, mais jusqu’à présent, mes lectures se limitaient à Haruki Murakami que j’adore, ou Yasunari Kawabata, ou quelques lectures de maîtres Zen ainsi que dans un autre genre, Jiro Taniguchi et ses « quartiers lointains » ou Fuyumi Soryo et sa série « Cesare » sans oublier Ito Ogawa et quelques autres quand même, ne soyons pas trop modeste !
Ce roman de Hiruki Takahashi est le premier à être traduit dans notre langue et il va rester un bon moment dans ma mémoire, il ne va pas être facile à oublier…
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Belfond qui m’ont permis de découvrir ce roman intense et hors du commun et son auteur. J’adore la couverture de ce roman, et en général toutes les couvertures des éditions Belfond…
Je remercie aussi Frédéric qui a si bien parlé de ce roman dans son blog « La culture dans tous ses états et m’a donné envie de le lire.
#Okuribi #NetGalleyFrance
8/10
L’auteur :
Hiroki Takahashi est né en 1979 dans la province d’Aomori, décor de son roman. En parallèle de son activité de professeur, il est musicien dans un groupe de rock et, bien sûr, auteur. Il s’est fait connaître avec la trilogie « Yubi no hone », qui retrace le quotidien de soldats japonais pendant la Seconde Guerre mondiale, qui lui ont valu deux prix littéraires et une reconnaissance critique immédiate.
Mais c’est « Okuribi »qui lui permet de décrocher le prix Akutagawa, un des plus prestigieux prix au Japon. C’est son premier roman à paraître en France.
Extraits :
Au-delà du parapet, les lanternes étaient suspendues de poteau en poteau le long de la rivière et, se remémorant la coutume dont lui avait parlé Akira, Ayumu s’arrêta. Quand Akira racontait qu’ils déversaient du feu dans la rivière, faisait-il allusion au tôrô nagashi, cette cérémonie où l’on met à l’eau des lanternes de papier en l’honneur des morts ?
Pressé par l’homme en tenue de travail, Amuyu traversa le pont. L’ouvrier avançait en tête, suivi par les trois camarades d’école, et Amuyu fermait la marche.
Cette fois le poste se trouvait bien plus au nord, à Hirakawa. Lorsqu’il avait entendu ce nom, Ayumu était demeuré perplexe.la géographie était son domaine et pourtant il n’en avait jamais entendu parler. Il s’agissait d’une nouvelle municipalité, issue de la fusion entre plusieurs villes et villages de la région de Tsugaru…
A la fin des cours, les garçons passaient de nouveau leur temps à jouer aux cartes. Ces cartes hanafuda au dos noir, avec leur boîte en bois de paulownia ornée d’un tengu (créature divine représentée avec un masque rouge au long nez et aux ailes de corbeau) et de chrysanthèmes, étaient apparemment un héritage que leur avaient laissé les anciens élèves.
Ayumu trouvait étrange qu’on ne puisse jamais tirer les cartes soi-même et qu’à chaque partie Akira soit le maître du jeu, mais on lui expliqua que le maître du jeu était lui-aussi désigné de génération en génération par les anciens élèves.
Akira tenait entre ses doigts un plant de riz blanc, comme recouvert de neige. Alors qu’Ayumu l’observait, intrigué, Akira lui dit : il s’est fait voler son âme par une sauterelle. A l’en croire, lorsqu’un plant de riz était vidé de ses éléments nutritifs par des insectes nuisibles, il n’arrivait plus à se développer et blanchissait.