« L’enfant qui regarde » de Dany Laferrière

Depuis longtemps, je désirais découvrir l’univers de Dany Laferrière et c’est chose faite, avec le livre dont je vous parle aujourd’hui :

Résumé de l’éditeur :

M. Gérard séduit les femmes. Pourtant, il ne sort déjà presque plus de chez lui quand le narrateur, son voisin, un enfant d’un quartier pauvre de Port-au-Prince, se découvre une fascination pour cette figure mystérieuse, au savoir-vivre exquis et au rare bon goût. Cet ancien professeur congédié d’une école pour jeunes filles l’initie à Baudelaire, Keats et Wagner.
 
Les ragots fusent. Pour le Pr. Désir, il aurait aimé une belle jeune femme, ou il aurait été épris de la mère d’une élève, à moins qu’il ne soit impuissant. Selon le Dr Hyppolite, un homme l’aurait giflé dans un bar, sans que lui, digne, ne réplique. Tout est énigmatique chez cet homme qui semble vivre dans le malheur. Qu’en est-il réellement de son mystère et de son charme ?
 
Nous l’apprendrons en suivant le regard du narrateur, cet enfant sensible et intelligent, dans cette nouvelle écrite de main de maître.  

Ce que j’en pense :

Manuel est en manque d’image paternelle : son père est parti quand il était petit et il ne sait pas vraiment pourquoi, sa mère préférant se cacher derrière le silence. A-t-il fui la dictature, est-il parti pour une autre femme ? le pourquoi finalement va occuper peu d’espace dans le récit, le manque étant le plus important pour l’enfant.

Sa mère a rencontré Monsieur Gérard alors qu’elle se rendait à la messe de quatre heures du matin, et devant la détresse de cet homme, son empathie l’a poussé à lui apporter un bol de soupe. On apprend que cet homme était enseignant et qu’il a tout perdu : dans un lycée privé, ses élèves le trouvaient tellement beau qu’elles tombaient amoureuses de lui. Et bien sûr, c’est lui qui a été accusé de harcèlement et il a été renvoyé.

Il finit par être logé dans un studio et la mère de Manuel lui demande de donner des cours à son fil pour améliorer ses difficultés scolaires. Ce qui va très bien fonctionner. Manuel va découvrir l’univers de Mr Gérard, sa passion pour Baudelaire, et Wagner qu’il écoute religieusement lorsqu’il est seul. L’enfant va projeter sur lui l’image du père qui lui manque, (l’idéal du père serait plus exact). Désirant en savoir plus sur Mr Gérard, il va poser des questions au Docteur Hyppolite.

Mais, là encore, les versions diffèrent, rumeur oblige. Mr Gérard aurait été amoureux d’une belle femme dont le mari jaloux serait venu le gifler, par exemple. Pour d’autres, il serait en fait impuissant. Quoi qu’il en soit, cet homme étrange, mystérieux va fasciner l’enfant rêveur qui peu à peu se lance dans une quête presque obsessionnelle pour découvrir le passé, la personnalité de cet homme.

L’auteur nous propose deux beaux portraits et rend ces deux personnages très attachants, de même que la mère de Manuel et son attitude parfois étrange. Comment ne pas être troublé par cette phrase :

Un enfant qui regarde mûrit plus vite que celui qui n’arrête pas de courir. L’enfant qui regarde est toujours le plus mélancolique. Je pense tout le temps. Je n’arrête jamais, et cela énerve ma mère.

Quel talent ! un conteur dans l’âme, Dany Laferrière ! il emmène le lecteur très loin, avec une écriture chantante, pleine de poésie ! cette nouvelle de soixante-quatre pages m’a fait faire un beau voyage, en Haïti et au pays de l’amour, car la fin est superbe. Un seul défaut ce livre, évidemment, il est trop court j’aurais aimé que cela dure encore et encore…

C’est ma première incursion dans l’univers de Dany Laferrière, auteur que j’ai repéré depuis longtemps, dont j’ai apprécié chacune des prestations à La Grande Librairie, mais voilà toujours remis à plus tard… Kolossal erreur !!! mais vue la bibliographie de l’auteur, j’ai encore de belles découvertes en perspective, le plus dur va être de choisir

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur

#Lenfantquiregarde #NetGalleyFrance !

Dany Laferrière est né à Port-au-Prince en 1953. Lauréat du prix Médicis en 2009 pour L’Enigme du retour (Grasset), il a été élu à l’Académie française en 2013. Il est l’auteur chez Grasset de Je suis un écrivain japonais (2008), de L’Art presque perdu de ne rien faire(2014) et de trois romans dessinés, Autoportrait de Paris avec chat (2018), L’exil vaut le voyage (2020) et Sur la route avec Bashô (2021).

Extraits :

Monsieur Gérard passait son temps à repousser les avances de plus en plus insistantes, pour ne pas dire agressives, de jeunes filles surexcitées par ce trop-plein qui vient avec la puberté. Malgré tout, la directrice a choisi de lui donner tort…

Nous avons pris l’habitude, c’est un homme de rituels, de terminer rapidement mes devoirs de classe pour passer le reste du temps à lire de la poésie ou a écouter de la musique classique. Il était vraiment décidé à me transmettre sa culture.

C’est un homme déroutant qui cherche à enchanter les moindres actes de la vie quotidienne. Il vous ouvre la porte, puis se conduit comme si c’était lui l’invité et non vous.

Il faut voir, quand il écoute Wagner, ses mains osseuses et son corps tendu, comme s’il s’apprêtait à bondir sur une proie, pour comprendre que rien n’est concret, ni anecdotique, chez cet homme. J’irai jusqu’à dire que c’est le seul être abstrait de ma connaissance. S’il ne savoure (ce n’est pas le bon verbe) que Wagner, il me fait écouter pêle-mêle Mozart (il est franc-maçon comme lui), Liszt, Debussy, Satie…

Et Gérard est trop brillant pour ce pays. Je vais te dire, mon jeune ami, ce n’est pas la dictature, le plus terrible. Le plus terrible, c’est la société haïtienne… Le panier de crabes.

Ma mère sait quelque chose qu’elle ne veut pas dire, et je sens bourgeonner un secret au plus profond de moi. Si on ne peut croire en personne dans cette vie, alors tout est vrai.

Pour Monsieur Gérard tout doit passer par le cerveau. Est-ce mon cas ? M’a-t-il inoculé le poison de l’intellectuel qui fait qu’on écoute la musique au lieu de la danser ou qu’on regarde au lieu de prendre part à la fête.

Lu en juillet 2022

« Des âmes consolées » de Mary Lawson

Petit détour par le Canada, aujourd’hui, avec ce livre dont l’auteure semble appréciée mais qui me laisse perplexe :

Résumé de l’éditeur :

SELECTION DU MAN BOOKER PRIZE

Huit ans après Un hiver long et rude, l’auteure de l’inoubliable Choix des Morrison revient avec un livre bouleversant autour de trois personnages poignants en quête de rédemption et par-dessus tout d’amour.

Tour à tour captivant et sombrement drôle, un roman poignant sur les chagrins, les remords et l’amour qui nous lient, une œuvre lumineuse qui démontre qu’une nouvelle vie est parfois possible.

Postée comme chaque jour derrière la fenêtre du salon, Clara, sept ans, guette le retour de sa sœur et épie l’inconnu qui a investi la maison de la voisine, Mme Orchard.

En plein divorce, au chômage, récemment arrivé dans cette petite ville de Solace et tout juste installé dans la maison que lui a léguée Mme Orchard dont il se souvient à peine, Liam Kane, la trentaine, reçoit la visite de la police. Il semble qu’il soit soupçonné d’un crime.

En fin de vie, Elizabeth Orchard repense à une faute commise il y a trente ans, aux conséquences tragiques pour deux familles et en particulier pour un petit garçon. Elle veut désespérément faire amende honorable avant de mourir.

Porté par l’écriture poétique de Mary Lawson, Des âmes consolées explore les relations de trois êtres réunis par le destin et les erreurs du passé. 

Ce que j’en pense :

L’histoire s’articule autour d’une disparition, celle de Rose, âgée de 16 ans, la sœur aînée de Clara qui désormais fait le guet derrière la fenêtre du salon. Elle en profite au passage pour surveiller la maison de la voisine Elizabeth, qui lui a confié le soin d’aller nourrir son chat Moïse, durant son hospitalisation.

Un jour, elle voit un homme dans la maison, en train d’empaqueter des objets chers à Elizabeth dans des cartons et le prend pour un voleur.

L’auteure va nous faire pénétrer dans la vie de ces trois personnages : Elizabeth, Clara, et Liam, qui semble squatter dans la maison de la vieille dame. Peu à peu, on va en apprendre davantage sur leur vie, les liens qui semblent unir Liam et Elizabeth. Ce sont eux que l’auteure désigne sous le terme « âmes consolées », chacun ayant ses fêlures et trouvant un peu de réconfort dans celles des autres.

J’ai choisi ce livre, attirée par la publicité liée au Man Booker Prize et ce fut une grosse déception. Je n’ai pas réussi à m’intéresser aux personnages, l’histoire d’Elizabeth est trop capillotractée pour moi, sur fond de famille toxique, de fausse couche, femme en mal d’enfant, baby blues et autres joyeusetés…

Dommage le résumé était prometteur et les thèmes auraient gagné à être creusés bien davantage. On est trop dans la romance, ou le style « soap-opéra » pour moi. Peut-être devrait-je lire un autre de cette auteure pour mieux connaître son univers?

Un grand merci à NetGalley et aux éditions qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.

#MaryLawson #NetGalleyFrance !

5/10

L’auteure :

Canadienne, Mary Lawson est née et a grandi à Blackwell, une petite ville rurale de l’Ontario. Après des études de psychologie à l’université McGill de Montréal, elle s’est installée en 1968 en Angleterre, où elle s’est mariée et a eu deux fils. Elle vit actuellement à Kingston upon Thames, près de Londres. Après Le Choix des Morrison (2003 ; réédition 10/18, 2018), choisi comme livre de l’année par le New York Times, et traduit dans 23 langues, L’Autre Côté du pont (2007 ; 10/18, 2018), sélectionné pour le prestigieux Man Booker Prize, et Un hiver long et rude (2015 ; 10/18, 2016), Des âmes consolées est son quatrième roman publié chez Belfond.

Extraits :

Cela faisait très exactement douze jours que Rose s’était enfuie. Douze jours, soit une semaine et cinq jours. Postée comme d’habitude derrière la fenêtre du salon, Clara essayait de ne pas écouter sa mère qui discutait au téléphone avec le sergent Barnes.

Vous savez ce qu’on dit sur les vieux ? Qu’ils sont de plus en plus friands de douceurs à mesure qu’ils avancent en âge. Eh bien, c’est vrai.  Nous n’avons rien d’autre à attendre que les repas ici. Ils doivent s’en douter, alors pourquoi ne font-ils pas plus d’effort.

Ils prétendraient que Rose allait bien, qu’ils s’inquiétaient juste un peu pour elle dans la mesure où ils ignoraient où elle était. Depuis le début, ils n’arrêtaient pas de lui répéter ça. Elle était partie du principe qu’ils disaient la vérité et s’était accrochée à cette certitude durant toutes ces semaines d’angoisse.

Elle ne pouvait plus en être sûre, désormais. Elle ne pourrait plus jamais les croire sur parole. Dette idée l’oppressa au point qu’elle eut du mal à respirer…

Lu en avril 2022

« Signatures » de Tom Clearlake

Période de blues depuis quelques mois, entre douleurs et autres joyeusetés covidiennes, alors la concentration et la motivation étant un peu en berne, je me suis offert ce que j’appelle un « Intermède thriller », bien plus efficace qu’un antidépresseur, en ce qui me concerne, avec ce livre :

Résumé de l’éditeur :

Le corps d’une femme est retrouvé dans un sanatorium abandonné. Sa mort a été mise en scène comme une œuvre d’art. Margot Bellanger, psycho criminologue, et son équipe, sont chargés de l’affaire.

Quelques jours plus tard, une autre femme est retrouvée assassinée dans les mêmes conditions.

Le tueur, désormais surnommé « l’artiste, » ne s’arrêtera pas là. Dans une quête de notoriété, il enverra un journaliste sur les lieux du troisième meurtre…

Margot et son groupe de l’analyse criminelle de l’OCRVP sont sur la brèche. Une course contre la mort s’engage contre le monstre.

Mais un écrivain, en mal d’inspiration, va compliquer l’enquête quand il lancera un appel au tueur pour lui proposer d’écrire un true crime…

Ce que j’en pense :

Le récit débute sur le harcèlement téléphonique d’une femme : une voix d’homme qui promet qu’ils vont bientôt faire connaissance de manière intime. Qui est-il et comment a-t-il trouvé son numéro et son adresse ? Elle songe brièvement à faire appel à la police, mais pense qu’on ne la prendra pas au sérieux ou pire qu’on se moquera d’elle.

Ensuite, pleins feux sur un groupe d’analyse criminelle (OCRVP) où travaille Margot Bellanger, psycho criminologue, sous les ordres de Laurent. En effet, le corps d’une femme vient d’être découvert dans le sanatorium désaffecté d’Aincourt ; elle est nue et attachée, avec une mise en scène terrible : le corps est disposé comme une œuvre d’art.

Quelques jours plus tard, le corps d’une autre femme est retrouvé, toujours avec une mise en scène évoquant une œuvre d’art.

Il s’agit d’être discret alors que les journalistes, plus ou moins paparazzi pour certains rodent et le sérial killer, très malin, exploite tout ce qui peut faire parler de lui. Alors pourquoi pas une interview exclusive ?

L’auteur va nous entraîner dans les méandres de l’esprit tortueux, machiavélique d’un homme, intéressé par l’art, probablement artiste, (« l’artiste », c’est d’ailleurs ainsi qu’on le surnommera) pervers narcissique, ayant des comptes à régler avec les femmes.

Il nous propose une scène d’anthologie : un écrivain, atteint du syndrome de la page blanche veut écrire la biographie du tueur, se fait inviter par François Busnel à La Grande Librairie, pour évoque son futur livre et il s’adresse au tueur directement devant la caméra ! Tous les moyens sont bons pour attirer l’attention sur lui, à nouveau tant pis si cela met en danger la vie de Margot (s’en prendre à une policière reconnue pour la réduire au silence et tenter de la détruire psychologiquement, c’est jouissance extrême pour le tueur !)

J’ai aimé suivre cette équipe, sa manière de progresser dans l’enquête, même si je me suis un peu perdue dans les différents sigles et fichiers. Il y a des scènes difficiles, tant le machiavélisme du tueur atteint des sommets mais Tom Clearlake n’entre pas trop dans les détails, laissant le lecteur créer ses propres images, on ne cauchemarde pas en refermant le livre. Même lorsque l’on apprend qu’il peint, avec le sang des victimes ! mais ne divulgâchons pas !

Une fois immergée dans l’histoire, je me suis laissée emporter par le rythme endiablé, et je l’ai lu en apnée, tant le récit est bien construit, l’enquête solide, rien n’étant laissé au hasard. On assiste vraiment au quotidien de cette équipe, les moyens dont elle dispose, et les réflexions de chacun sur la société actuelle, sa violence, le désir de certains d’être célèbre, de faire la une des journaux, pour laisser une trace à tout prix…

Je n’avais lu que « Sans retour » de Tom Clearlake, qui m’avait franchement déçue, mais cette lecture a été tellement addictive que j’ai envie d’en découvrir d’autres, je ne sais pas quand vu l’état démentiel de ma PAL mais c’est une chose certaine. De l’inconstance de nos actions dirait Montaigne, en l’occurrence ici ce serait plutôt de mes opinions…

Mon éclectisme en matière de choix de lectures et d’écrivains est légendaire, et j’aime bien découvrir de nouveaux talents, même si je deviens de plus en plus difficile. Il m’arrive de m’enthousiasmer parfois pour des livres qui ne m’auraient pas forcément plus il y a quelques années, les confinements ayant quelque peu modifié mes centres d’intérêt. J’ose espérer que ce n’est que transitoire.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Moonlight qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur.

#Signatures #NetGalleyFrance !

8/10

L’auteur :

Tom Clearlake est né au Canada en 1973 et s’est passionné très tôt pour les « lectures de l’imaginaire » avec Edgar Allan Poe, Jules Verne, Agatha Christie, Stephen King, entre autres, qui lui ont donné l’envie d’écrire. Pour en savoir plus je vous conseille son site : https://www.tomclearlake.com/

Extraits :

Le temps n’est l’ami de personne. Il sait être sournois, se faire oublier, et vous enfoncer un poignard dans le dos quand vous pensez l’avoir vaincu. Ou il se montre constant, très proche de vous, tel un ennemi attentif à votre souffrance. La vie, finalement, ce n’est qu’attendre la mort. Et avec le sourire, s’il vous plaît.

L’ancien sanatorium d’Aincourt, construit en 1933 et laissé à l’abandon depuis plus de trente ans. On ne pouvait choisir plus sordide, plus approprié pour perpétrer des faits de cette nature.

De nos jours, qui n’est pas en quête de célébrité ? dit Laurent. Les médias offrent à qui veut la prendre une gloire synthétique. Mais au bout de cet hameçon, il y a un prix à payer. C’est une allégorie du pacte de Faust.

Sauf que ce monstre n’a pas d’âme, et qu’il n’a donc rien à vendre au diable répliqua Margot.

Ils avaient tout faux. Bernard Coutier aimait à dire que « l’inspiration est comme une maîtresse perfide, cruelle. Un jour elle vous sourit, l’autre, elle vous délaisse sans raison, se volatilise ». Sa citation sonnait maintenant comme une prophétie. Car c’était précisément ce qui lui arrivait.

Toutefois, notons ici que la distraction est la première caractéristique d’un artiste qui s’ignore. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas un défaut, c’est même une qualité. La distraction est une recherche inconsciente…

Nous éprouvons ce besoin d’être reconnus parce que l’humain est en train de perdre sa place dans l’univers. C’est comme une sorte de cri, un appel à l’aide. Je suis là ! J’existe ! Nous sommes noyés dans la masse de la surproduction. Perdus dans la confusion que toute cette matière génère. Vouloir être reconnu, sortir de la mêlée anonyme, pour un individu, c’est la manifestation de ce que l’espèce entière éprouve à l’échelle planétaire, cette lente dissolution de l’humain dans la matière de consommation.

Lu en février 2022

« Une voisine encombrante » de Shari Lapena

Encore un intermède polar, aujourd’hui, avec ce livre :

Résumé de l’éditeur :

« Voici une lettre bien difficile à écrire. J’espère que vous ne nous maudirez pas trop. Mon fils s’est récemment introduit chez vous en votre absence. »

Aylesford, une banlieue new-yorkaise pleine de charme, offre à ses habitants une qualité de vie exceptionnelle. Pourtant un adolescent y a pris la mauvaise habitude d’entrer par effraction chez ses voisins et de fouiller dans leurs ordinateurs. Lorsque les victimes reçoivent une lettre anonyme à ce sujet, les rumeurs vont bon train et la suspicion monte. Qui est ce visiteur clandestin et où ce sale gamin est-il allé fourrer son nez ?

Quand la belle et séductrice Amanda Pierce est retrouvée morte au fond d’un lac de la région, la tension atteint son point de rupture…

Dans ce nouveau thriller électrisant, Shari Lapena revient à ce qu’elle sait faire de mieux : gratter la surface des apparences pour mettre au jour la part d’ombre en chacun de nous. Banlieue proprette, couples soudés, barbecues du dimanche… Méfiez-vous de tout le monde : l’assassin est parmi nous.

Ce que j’en pense :

Le roman s’ouvre sur la scène de crime : une femme est assassinée à coups de marteau sans que le tueur ressente le moindre scrupule… en gros, elle méritait d’être punie. On va suivre l’enquête sur quelques semaines, avec moult rebondissements.

Deux jours plus tard, un homme vient signaler à la police que son épouse, Amanda, n’est pas rentrée d’un week-end de shopping avec une amie. Tout le monde pense à un abandon du domicile conjugal, et d’un mari cocu, car l’amie en question dit qu’il n’a jamais été question de week-end ensemble.

Une quinzaine de jours plus tard, on retrouve par hasard la voiture d’Amanda est retrouvée dans un lac et la jeune femme est enfermée dans le coffre, morte.

En même temps, un adolescent, Raleigh Sharpe, reconnait avoir « visiter » des maisons la nuit, et visitant surtout leurs ordinateurs, et n’hésitant pas à envoyer des courriels bidons mais ravageurs à d’autres personnes. Sa mère, Olivia décide d’écrire une lettre d’excuse anonyme, bien sûr, et de la glisser dans les boites aux lettres des deux maisons que son fils lui a désignées dont l’une est celle de Pierce. Paul Sharpe préfère s’abstenir, mais consulter un avocat, en famille pour que son fils prenne conscience qu’il s’est comporté comme un délinquant.

On va se retrouver ainsi en milieu quasiment clos, puisque tout se passe dans une petite banlieue tranquille, Aylesford, où les voisins s’entendent bien, se connaissent tous, du moins le croient-ils, à part le couple Pierce, arrivés seulement depuis plusieurs mois, et une autre femme plus récemment encore qui n’arrive pas à se faire accepter et surveille tout le monde derrière ses rideaux.

Encore une histoire de meurtre entre voisins comme aime les écrire Shari Lapena. Il faut bien reconnaître qu’on se laisse prendre parle suspense, rien que pour voir jusqu’où elle va nous emmener. L’auteure décrit ses amitiés de longue date qui s’écroulent car elles étaient en fait très superficielles, revisite le mythe de la jalousie et de l’adultère, sous fond de manipulation.

J’ai passé un bon moment, certes, c’est vite lu mais je reste toujours perplexe devant la façon de vivre des Américains, leurs diners entre amis, la manière dont chacun pleure sur l’épaule l’autre, sur fond d’hypocrisie… Tant qu’à faire, je préfère m’encanailler à Wistéria Lane avec les « desperate housewives ».

On a au passage quelques réflexion d’actualité sur la difficulté à élever des ados à l’heure actuelle, le danger des réseaux sociaux, sur le « piratage » (il faut reconnaître que Raleigh est doué mais il devient addict, la décharge d’adrénaline qui accompagne ses visites nocturnes mettent un peu de piment dans sa vie, c’est toujours mieux que le fils des voisins qui passent ses nuits à boire.

J’ai hésité avant de choisir ce roman car je connaissais déjà Shari Lapena (« un assassin parmi nous » et « L’étranger dans la maison » et je craignais qu’elle ne surfe sur la vague du style « petit meurtre entre amis » et ce qui devait arriver arriva. Il faut reconnaître, toutefois, que l’auteure arrive à maintenir le suspense et ce roman se laisse lire sans gaspiller trop de neurones. Ceci dit, j’espère que je vais retrouver mon état normal d’attention et mes centres d’intérêt habituels en littérature, car je commence à m’inquiéter sérieusement…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Presse de la cité pour m’avoir permis de lire ce roman et de retrouver la plume de son auteure.

#Unevoisineencombrante #NetGalleyFrance

7/10

Extraits :

Comment peut-on enseigner quoi que ce soit aux enfants, de nos jours, avec tous les mauvais comportements qu’ils voient autour d’eux, aux infos, tout le temps, de la part de personnes en position d’autorité.

Ce n’était pas comme ça avant. Elles se retrouvaient autour de la pataugeoire, bavardes et rieuses, sereines à l’idée que leurs rejetons deviendraient beaux, intelligents et équilibrés. Les parents ont toujours une vision exagérément optimiste des talents et de l’avenir de leurs enfants quand ils sont tout petits, se dit-elle. C’est peut-être ce qui permet de tenir

Lu en mai 2021

« Du bruit dans la nuit » de Linwood Barclay

Il me reste encore quelques thrillers polars, quel que soit le nom qu’on leur donne, pour laisser mes neurones reconstruire leurs connexions défaillantes, ce qui semble sur la bonne voie, du moins je l’espère. Voici donc ce livre :

Résumé de l’éditeur :

Un thriller psychologique empreint de folie et d’humour noir, riche de twists à la Gillian Flynn et d’un suspense si intense que vous n’oserez plus fermer l’œil de la nuit.

Paul Davis n’est que l’ombre de lui-même : huit mois plus tôt, ce professeur de littérature à l’existence sans relief a vu un assassin transporter des cadavres de femmes dans le coffre de sa voiture.

Depuis, Paul subit les assauts d’un violent syndrome de stress post-traumatique. Comment se libérer de cette nuit d’horreur ? Pour l’aider, son épouse l’encourage à coucher sur le papier les pensées qui le rongent et lui offre, pour ce faire, une vieille machine à écrire.

Mais bientôt, aux images cauchemardesques de ses nuits viennent s’ajouter des bruits étranges, le tac tac tac frénétique des touches d’un clavier. Et plus inquiétants encore sont les messages cryptiques, tapés par la machine, que Paul découvre au petit matin.

Somnambulisme ? Machination ? Démence ? À moins que les victimes du tueur ne s’adressent à lui pour réclamer vengeance ? Avec le soutien d’Anna White, sa charmante psychiatre, Paul s’enfonce dans les méandres d’une enquête aux soubresauts meurtriers…

Ce que j’en pense :

Paul Davis, professeur de littérature à l’université, constate en rentrant chez lui que la voiture de son ami Kenneth Hoffman fait de sacrés zigzags sur la route. Conduit-il en été d’ébriété ? Toujours est il qu’il décide de le suivre pour éviter une catastrophe. Mal lui en prend, lorsque Kenneth s’arrête, Paul sort de sa voiture, et se dirige vers lui et aperçoit deux cadavres de femmes dissimulés sur la banquette mais, à peine le temps de demander ce qui se passe, il se prend un grand coup de pelle sur la tête.

Mal en point, il récupère mal, toujours en arrêt de travail car il présente ce qui ressemble fort à un syndrome de stress post traumatique : troubles du sommeil, cauchemars terribles malgré ses séances chez la psychologue. Il décide, fortement encouragé par son épouse, (notons que la psy est réticente) d’écrire son histoire, pour tenter d’y voir plus clair, et son épouse lui offre une machine Underwood, trouvée dans une brocante. Mais la machine ressemble à celle sur laquelle Kenneth a obligé ses victimes à reconnaître leur faute (il les draguait toutes les deux en même temps et elles voulaient prendre leur distance)

Curieusement la nuit, on entend le tac-tac-tac de la machine à écrire, cauchemar ? Somnambulisme ? Hallucinations ? Paul sombre-t-il dans la folie ?

L’histoire s’installe tranquillement, et au moment où je commençais à trouver le temps long et l’intérêt de piètre qualité, à imaginer toutes sortes de scenarii possibles, à suspecter tout le monde, folie, manipulation entre autres,  coup de théâtre, un évènement vient tout remettre en question, mettant mes hypothèses à dure épreuve, et redonnant du piment à ma lecture.

J’ai trouvé Paul très attachant dans sa recherche acharnée pour essayer de comprendre, lorsqu’il lit tout ce qu’il peut trouver sur le procès, les pièces à conviction, les articles parus dans la presse…

Même si je ne suis pas très emballée, (j’avais trouvé certaine choses concernant la culpabilité car Kenneth qui purge sa peine en prison a quand même fait très, trop, rapidement des aveux complets) j’ai passé un bon moment, les relations étranges de Paul avec son épouse sont assez drôles mais surtout ce qui m’a interpelée et m’a finalement plu, ce sont les relations de la psy Anna White avec son propre père, (le cordon est-il coupé ?) ou avec ses patients dont certains sont franchement tordus et la manière dont elle ne cloisonne pas vie privée vie professionnelle.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Belfond Noir qui m’ont permis de découvrir ce roman, pour le moins original ainsi que son auteur. Peut-être devrais-je tenter de lire un autre de ses romans pour me faire une meilleure idée de son univers, car il a beaucoup d’adeptes, semble-t-il…

#LinwoodBarclay #NetGalleyFrance

7,5/10

L’auteur :

Américain d’origine, Linwood Barclay vit à Toronto, au Canada, avec son épouse et leurs deux filles. La publication de Cette nuit-là (2009) est un succès immédiat, suivi par Les Voisins d’à côté(2010), couronné au Canada par le prestigieux Arthur Ellis Award.

Depuis, Linwood Barclay est devenu un auteur majeur de la littérature polar, traduit dans plus de dix langues et occupant la tête des ventes aux États-Unis, mais aussi au Royaume-Uni et en Allemagne, à chacune de ses publications. Ses dix-sept romans sont publiés dans la collection Belfond noir et repris chez J’ai lu.

Extraits :

Sur le chemin du retour, Paul était de bonne humeur : le Dr White n’avait pas ouvertement découragé son projet de chercher à en savoir davantage sur Kenneth Hoffman, plutôt que de tirer un trait sur le passé. Il avait fini par croire que ses cauchemars, enracinés dans son expérience de mort –imminente, au sens le plus littéral du terme, puisqu’il avait effectivement bien failli y rester – persisteraient aussi longtemps qu’il se laisserait ronger par le traumatisme.

Ce qu’il fallait faire, à présent, c’était en apprendre davantage sur le début.

Qui était Kenneth Hoffman, exactement ? Un professeur respecté ? Un père aimant ? Un mari coureur de jupons. Un tueur sadique ? Était-il possible d’être tout cela à la fois ? Et, si tel était le cas, la pulsion de meurtre existait-elle en chacun de nous, attendant de se manifester ?

Tu te rappelles de « Pastorale américaine », le double fictionnel de Philip Roth, Nathan Zuckerman, écrit sur la vie de ce type qu’il appelle « Le Swede » ? Il commence par ce qu’il sait mais, arrivé aux épisodes qu’il ne connaît pas, il les imagine. Pour remplir les blancs du récit…

Vous n’imaginez pas le nombre de psys qui ont une vie personnelle totalement chaotique. Nous prodiguons des conseils aux autres pour qu’ils reprennent leur vie en main alors que la nôtre est une vraie cata. Elle eut un ricanement d’autodérision…

Lu en mai 2021

« Sans retour » de Tom Clearlake

Toujours dans ma quête de varier les genres littéraires, voici un roman que je ne risque pas d’oublier, mais pour les raisons habituelles :

Résumé de l’éditeur :

Lors d’un séjour à la montagne, John Gardner, dirigeant d’un groupe de sociétés, et sa famille, reçoivent amis et associés dans un lodge luxueux, au cœur des Rocheuses. Au deuxième jour, une tempête de neige se lève. Les routes sont bloquées. Les réseaux hors-services. Ils se retrouvent coupés du monde.

Quand le blizzard cesse, dix-huit jours ont passé. Les occupants du lodge sont secourus et placés en observation. Cinq d’entre eux sont portés disparus. 


Les survivants sont extrêmement amaigris. Et en état de choc. Ils ne parleront pas. Ils garderont le secret.

Le plus atroce des secrets.

Ce que j’en pense :

John Gardner, milliardaire à la tête d’une société créée par son père et son oncle qui ont investi dans la scierie, décrochant des coupes de bois ici et là dans l’irrespect total de ce qui peut arriver aux gens qui habite dans ces forêts (des Amérindiens par exemple ou d’autres populations autochtones selon le pays où ils ont sévi) a décidé d’emmener sa famille dans un lodge hérité de l’oncle Jeffrey, en plein cœur des Montagnes Rocheuses. Dans sa grande bonté, il a emmené avec lui son associé Jack, sa femme Gina et ses enfants, et deux autres couples avec lequel il est « en affaires ».

Tout se passe pour le mieux dans ce complexe luxueux avec salle de sport, jacuzzi entre autres, mais le blizzard se lève, de plus en plus violent avec la neige qui tombe sans arrêt.

On a droit aux jérémiades des ados privés d’Internet, réseaux sociaux jeux vidéo and Co mais il y a une antenne parabolique qui permet de mettre en place les connections jusqu’à ce que, tempête oblige, l’antenne est pulvérisée par la chute d’un arbre.  

Le blizzard s’intensifie, et il faut se rationner, et vont commencer les conflits entre égo, et cela va durer 18 jours, au terme desquels les hélicos vont les repérer, les hélitreuillés, dans un état physique et psychique déplorable.

Un policier Wesley, alias Wes, fraichement débarqué dans la région va recueillir le témoignage des survivants, car il en manque à l’appel… Wes est surpris par ces déclarations qui sont toutes les mêmes, sous la houlette de John et décide de mener sa petite enquête… Que s’est-il passé dans ce lodge, pour que les protagonistes en sortent dans un tel état ?

Ce huis-clos que nous promet l’éditeur m’intriguait, alors j’ai décidé de me lancer dans la lecture de ce roman, toujours dans l’idée de découvrir d’autres genres littéraires, et j’ai été servie : on a droit à tout ce qui peut exister dans l’horreur, (mais je préfère quand c’est Stephen King) la violence dépasse tout ce qu’on peut imaginer, avec des tueurs féroces, des évadés de prison, du chantage, racket et l’auteur pose un question jusqu’où peut-on aller quand on crève de faim, jusqu’au cannibalisme ?

Je suis allée jusqu’au bout du récit, haletant il faut bien le reconnaître, et je considère que c’est déjà un exploit, mais j’ai eu du mal et j’ai fini, le cœur au bord des lèvres, dans tous les sens du terme.

La morale de cette histoire ? Je vous laisse imaginer. En tout cas, c’est une expérience qui a été dure, voire traumatisante et cela m’étonnerait que je me laisse tenter par un autre livre de l’auteur.

Je n’ai rien divulgâché et je fais une chronique réduite à sa plus simple expression, pour ne dégoûter personne, ce qui est, je le répète, un exploit et je pense que ce livre aura sûrement des adeptes…

Un grand merci à NetGalley et aux Moonligth éditions qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur

#Sansretour #NetGalleyFrance

4/10

L’auteur :

Pour en savoir plus sur Tom Clearlake, je vous conseille d’aller jeter un coup d’œil sur son site :

https://www.tomclearlake.com/

Quelques extraits choisis parmi les plus légers :

Au-dessus des forêts, dans la voûte céleste, le tissu de lumière des constellations continuait sa lente rotation. Le froid était encore descendu. Sa lame glaciale fauchait le peu de vie qui subsistait dans les bois. Bientôt ce fut au tour de la lune d’être emportée par des hordes de nuages noirs… Une à une, les étoiles disparurent à leur tour et le ciel, les arbres et les montagnes ne furent plus qu’un même espace obscur, sans forme distincte. Alors, les premiers flocons se mirent à tomber.

L’avantage avec la cocaïne, c’est qu’on est toujours en super forme. L’inconvénient, c’est qu’on a tendance à se croire immortel. Et le jour où on arrive au bord du précipice, lancé à pleine vitesse, il est trop tard pour freiner.

Je me dis qu’on est peut-être en train de vivre une sorte d’apocalypse, causée pour mettre un terme à l’absurdité dénoter civilisation.

Mais avait-il vraiment existé comme une personne entière ? Ou était-il seulement l’illusion d’un homme, un être composé de toutes pièces par les circonstances de son existence de dirigeant ? Personne n’avait jamais entendu ce qu’il avait au fond de lui. Ce qu’il était réellement. La vie l’avait bâillonné.

Lu en mai 2021

« La route du lilas » d’Eric Dupont

Je vous parle aujourd’hui d’un roman que j’ai longtemps hésité à lire car je me méfie des critiques très enthousiastes qui peuvent provoquer une trop grande attente et parfois même une déception…

Résumé :

Chaque printemps, Shelly et Laura traversent les États-Unis pour suivre la floraison du lilas. En plus de leur offrir quelques mois de lilas supplémentaires, ce périple leur permet de faire passer clandestinement la frontière canadienne à des femmes en fuite qui veulent refaire leur vie. Cette année, elles accueillent Maria Pia, sexagénaire brésilienne, à bord de leur camping-car. Initiée au rite de l’écriture sous l’influence du parfum enivrant du lilas par ses deux compagnes de voyage, Maria Pia dévoile au fil des jours et des pages les raisons de sa cavale, son histoire ainsi que celle des femmes qui ont marqué sa vie.

Chaque printemps, Shelly et Laura traversent les États-Unis pour suivre la floraison du lilas. En plus de leur offrir quelques mois de lilas supplémentaires, ce périple leur permet de faire passer clandestinement la frontière canadienne à des femmes en fuite qui veulent refaire leur vie. Cette année, elles accueillent Maria Pia, sexagénaire brésilienne, à bord de leur camping-car. Initiée au rite de l’écriture sous l’influence du parfum enivrant du lilas par ses deux compagnes de voyage, Maria Pia dévoile au fil des jours et des pages les raisons de sa cavale, son histoire ainsi que celle des femmes qui ont marqué sa vie.

Entre passé, présent, mythe et réalité, du Tennessee à Montréal en passant par Rio et Paris, ces histoires enchevêtrées dessinent une ode à la résilience et à toutes les femmes du monde.

Ce que j’en pense :

Shelly et Laura suivent chaque année la floraison du lilas, ce qui les emmène du Tennesse à Montréal, à bord de leur vieux camping-car. Lors de chaque expédition, elle emmène quelqu’un, en général une femme qui a des ennuis avec le justice et cette année, c’est Pia, Brésilienne qui va faire la route avec elle, ce qui va se révéler mouvementé vu son caractère. On sait qu’elle a fui le Brésil, via le Mexique, entrant aux USA de manière illégale. Le lilas, a priori, ne l’excite pas trop, elle trouve les légendes le concernant trop farfelues pour son esprit rationnel…

Lors d’une séance d’écriture sous l’emprise du parfum du lilas, rituel annuel de Shelly et Laura, elle finit par écrire son histoire sur des carnets…

Maria-Pia alias Pia, est née dans une ferme à Belo Horizonte au Brésil dans une famille où rien n’est simple, sa mère meurt très jeune. Le père n’a qu’une idée en tête, les éduquer pour les marier au mieux …

Si la sœur aînée de Pia, Vitoria, accepte ce mariage que lui impose son père comme un marché, comme les esclaves autrefois, Pia, elle refuse catégoriquement.

Elle n’a jamais rien attendu de son père Hercules, violent, absent la plupart du temps, troussant Aparecida, fille d’esclave, qui fait tourner la ferme depuis la mort de son épouse. Elle ira à l’école des sœurs, chargées d’en faire une épouse modèle, mais sans se soumettre et tombera amoureuse (du moins le croit-elle) de Thiago, qui vient réaliser les photos de classe. Elle le suivra à Paris, où elle découvre Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, le rêve communiste de partage et d’égalité.

Tout n’est pas toujours simple pour elle, Thiago étant violent lui-aussi, mais elle fera des rencontres qui influenceront sa vie : Thérèse,

Eric Dupont nous entraîne, avec parfois des longueurs, dans l’histoire du Brésil, la dictature, mais aussi l’épopée de Léopoldine de Habsbourg, arrière-petite-fille de Marie-Thérèse d’Autriche, du côté de la branche maternelle comme de la branche paternelle (on connaît les mariages de l’époque et la lignée de « sang bleu » avec toutes les conséquences sur la descendance. Elle a un caractère affirmé, refuse d’épouser son oncle Rodolphe, comme on le lui demande, ce type de mariage était fréquent à l’époque) et va se marier avec le fils du roi du Portugal, Jean VI, exilé au Brésil depuis 1808, pour fuir Napoléon qu’elle surnomme l’antéchrist … j’ai bien aimé la manière dont l’auteur raconte l’histoire de Léopoldine et ce qu’elle a fait et surtout ce qu’elle a enduré au Brésil (Stéphane Bern, sors de ce corps!).

La disparition mystérieuse de Thiago, après leur retour ou Brésil, permet d’illustrer les arrestations arbitraires, la torture… et par voie de conséquence, la difficulté d’être des enfants dont l’un des parents a « disparu », car comment faire son deuil alors qu’on espère encore le revoir vivant.

J’ai trouvé intéressant la manière dont Simone, la fille de Pia, anime son émission de télé réalité sur une chaîne-spectacle, (qui endort les gens, les empêchant de réfléchir par eux-mêmes!) où elle dénonce les féminicides impunis avec la police qui s’en désintéresse, Mais était-il indispensable de raconter vingt ou trente cas dans le détail ? Le statut des femmes dans ce pays latin, est déplorable : objets qui servent à tenir la maison, faire des enfants et autres joyeusetés, sous la coupe d’un mari macho…

Au bout d’un moment, le lilas, cela devient tellement entêtant qu’on a besoin de faire une pause… et vue mon érudition dans le domaine de la botanique, j’ai fait une overdose de la pollinisation, des croisements, des formes hybrides, les thyrses etc…

C’est un roman agréable à lire mais les longueurs ont parfois eu raison de ma patience, j’ai failli abandonner plusieurs fois car je commençais compter de plus en plus souvent le nombre de pages restantes, mais Léopodine m’a donné envie de continuer. C’est le premier roman d’Eric Dupont que je lis, influencée par des critiques parfois élogieuses, et je suis restée sur ma faim.

Un clin d’œil au passage à la photo volée à Édith Piaf, qui va faire de Thiago le premier paparazzo recensé !ou encore à l’achat coup de cœur d’un appartement dans un gratte-ciel, à conception sociale, de Niemeyer, sans oublier le luxe de détails des produits utilisés par Simone lors d’une séance de maquillage, les marques, les actions comparées, et même le prix de chaque article est cité…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Harper Collins France qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur.

#Laroutedulilas #NetGalleyFrance

6/10

L’auteur :

Écrivain québécois francophone, né en Gaspésie en 1970, Eric Dupont est actuellement professeur de traduction à l’Université McGill.


Il est l’auteur de « Voleur de sucre » (2004, Prix Senghor de la francophonie et prix Jovette Bernier), « La Logeuse » (2006, titre gagnant du Combat des livres 2008 à Radio-Canada), « Bestiaire » (2008), « La fiancée américaine » (2012, sélectionné pour le prix des cinq continents de la francophonie et lauréat du prix littéraire des collégiens), « La Route du lilas » (2018).

Extraits :

Le reste de sa vie, elle (Shelly) l’avait passé au service des livres, qu’elle voyait comme des continents vierges offerts à ceux qui fuyaient la réalité. Pia aima l’image du continent vierge…

Puis, le phénomène se produisit. Dès que le parfum se précisa, le visage de Pia s’adoucit, toute la tension faciale disparut. Le parfum qui émanait des thyrses blancs – 1 sur l’échelle de Wister, qui sert à classer les couleurs des lilas – provoqua chez elle une expérience proustienne.

C’était bête comme ça. J’ai mis des années à le comprendre, mais ce photographe me semblait la dernière chance d’échapper au plan de mon père qui consistait, n’ayons pas peur des mots, à me vendre comme son père avait acheté Aparecida et comme ce crieur était en train de vendre ces truies et ces génisses.

Ces sœurs, je les ai détestées comme on laboure un champ : avec patience et résignation. Il n’empêche qu’un des buts de leur enseignement était de nous rendre pareilles à elles, ce à quoi elles sont parvenues dans une certaine mesure.

Ce sont ces accidents, je pense, qui ont mené Thiago à conclure que la valeur d’une photo volée est directement proportionnelle au nombre de jours d’une chanteuse a encore devant elle. Plus la mort est proche, plus le cliché vaut cher.

Toute formation universitaire de gauche n’est que ça, un club préparatoire à la bourgeoisie de demain. C’est peut-être pour ça aussi qu’elle (Thérèse) aimait tant Paris, parce qu’elle pouvait s’y permettre d’être la garce qu’elle n’aurait jamais pu être à Montréal…

Depuis qu’elle avait commencé à coucher sur papier ses souvenirs parisiens, Pia saisissait toute la pertinence de la théorie de Laura sur les effets à long terme du lilas sur la mémoire. Elle savait, maintenant, que c’est à Paris que son cerveau avait été transformé, comment expliquer autrement cette avalanche de souvenirs pénibles ?

J’y croyais aussi, comme Niemeyer, comme Le Corbusier, son maître, à cette idée que l’architecture peut changer la société. Si tous les Brésiliens se mettaient à se rapprocher, à vivre dans des constructions de ce type, les classes finiraient par disparaître. Dieu que j’étais conne !

Dans le nid impérial viennois est un jour né un aigle à deux têtes qui est devenu l’emblème de l’Autriche-Hongrie. Quels choix s’offrent alors à Léopoldine dont chaque ovule perdu représente une chance manquée pour l’empereur d’étendre la puissance de son pays.

Lu en août 2020

« Un assassin parmi nous » de Shari Lapena

Place à un polar, aujourd’hui, avec le dernier livre d’une auteure que j’ai découverte l’an dernier :

Résumé de l’éditeur :

Rien de tel qu’un séjour au Mitchell’s Inn pour se refaire une santé…

Le Mitchell’s Inn est un hôtel de charme perdu au cœur de la forêt. Ses pensionnaires croient avoir choisi la destination idéale pour se détendre au coin du feu, loin de la frénésie new-yorkaise. Là-bas, pas de portables ni d’Internet. Mais la tempête fait rage et, après une coupure d’électricité, on découvre Dana, venue pour une escapade romantique avec son fiancé, morte au pied de l’escalier. Chute accidentelle ? Drame conjugal ? Alors que les conditions météorologiques se dégradent encore et que l’établissement est coupé du monde, un deuxième cadavre est retrouvé. Le doute n’est alors plus permis : l’assassin est dans la place, et pas moyen de lui échapper…

Un huis clos façon murder party qui se lit sans temps mort. Qui est le meurtrier et quelle est sa motivation ? Qui est le prochain sur sa liste ? Écrivaine pleine d’ambition, couple au bord du divorce, héritier richissime, amies de longue date… Tous les protagonistes, clients comme employés, ont quelque chose à cacher !

Ce que j’en pense :

Les uns après les autres les clients arrivent, non sans peine, à l’hôtel Mitchell’s Inn, pour y passer un week-end de détente. C’est un hôtel de charme, loin de tout, sans Internet, Wi-Fi et autres joyeusetés indispensables pour certains… tenu par James et son fils Bradley.

La route est verglacée et déjà, Gwen et son amie Riley se font remarquer : sous l’effet du stress, Gwen perd le contrôle de sa voiture qui se retrouve dans le fossé. Il faut dire que conduire à côté d’une journaliste de terrain qui a été longtemps sur les scènes de guerre, notamment en Afghanistan, dont elle est revenue avec un SSPT pas trop pris en charge…

Parmi les autres clients, David un avocat pénaliste reconnu, dont la femme a été assassinée dans des conditions bizarres. Un couple venu se ressourcer avant le mariage : Matthew, riche famille, sa fiancée Dana beauté qui rend les autres femmes jalouses ; Beverly et Henry dont le couple bat de l’aile depuis que les enfants ont grandi, et enfin, un dernier couple Ian et Lauren.

Tout ce petit monde fait connaissance et semble aller pour le mieux. Une autre cliente, Candice White est dans sa chambre penchée sur son ordinateur pour avancer dans l’écriture de son nouveau roman.

Soudain un cri, Lauren vient de découvrir le corps de la belle Dana au pied de l’escalier, morte. Chute accidentelle ? Meurtre ? C’est ce que pense David qui va tenter de comprendre et décide qu’il faut laisser le corps dans l’escalier, afin que la police puisse procéder à son enquête.

Dehors, règne une magnifique tempête de neige qui va provoquer une panne d’électricité et enfermer tout ce petit monde, incapable de vivre sans être connecté dans un huis-clos féroce, un autre meurtre ne tardant pas à être commis, et avec la météo la police ne risque pas d’arriver rapidement.

En fait, on comprend vite que chacun a un secret enfoui dans le placard, et tout le monde va se mettre à suspecter tout le monde avec, pour pimenter le tout, Riley qui noie son stress post traumatique dans l’alcool et probablement les médicaments et en rajoute une couche avec ses idées délirantes, à l’affut du moindre bruit….

Au début, un peu dubitative, je me suis laissée emporter par l’habilité avec laquelle Shari Lapena fait monter la tension, étoffant l’histoire de chaque protagoniste au fur et à mesure qu’on avance avec un final que je n’ai pas vu venir. C’est la marque de fabrique de l’auteure, il semblerait, de jouer sur le contexte psychologique, alors qu’on a l’impression qu’on n’avance pas : j’ai découvert son style avec « L’étranger dans la nuit » que j’ai plutôt apprécié, mais celui-ci m’a plu davantage.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Presses de la Cité qui m’ont permis de découvrir ce roman et de mieux connaître l’univers de son auteure. Il me reste encore « Le couple d’à côté » qui a eu pas mal de succès.

#Unassassinparminous #NetGalleyFrance

Challenge Tour du monde de l’été.

8/10

L’auteure :

Shari Lapena a travaillé comme avocat et professeur d’anglais avant de se consacrer à l’écriture.

Elle est surtout connue pour son roman à suspense de 2016, « Le couple d’à côté », qui a été un best-seller tant au Canada qu’à l’étranger.

En 2017 paraît « L’étranger dans la maison ».

Elle vit à Toronto.

Extraits :

Riley regarde par la vitre en direction des bois sombres. Une sourde angoisse l’étreint à la pensée qu’à tout instant un soldat pourrait surgir devant leur véhicule et leur ordonner de s’arrêter. Alors, elle serre les poings dans les poches de sa parka et s’efforce de se rappeler qu’elle n’est plus stationnée en Afghanistan mais de retour dans l’état de New-York et parfaitement en sécurité. Rien ne peut plus lui arriver.

Tout cela à cause de la guerre et des horreurs dont elle a été le témoin qui l’ont irrémédiablement brisée, au point qu’elle a du mal à se reconnaître aujourd’hui…

Candice a la nette impression d’avoir perdu sur les deux tableaux. D’abord, elle n’a pas connu le bonheur d’avoir des enfants – un bonheur, cela dit, que ses sœurs ne semblent pas apprécier à sa juste valeur. Mais, en prime, on lui a refourgué la corvée éreintante de démoralisante de veiller sur une personne âgée. (Dépendante celle-ci ne la reconnaît même plus.)

Les clients font mine de se rassembler une nouvelle fois dans le lobby vers 16 heures, l’heure du thé. Ils continuent de faire leur possible pour ignorer le corps au bas des marches, passant rapidement sur le côté pour rejoindre la salle à manger…

Lu en juillet 2020

« L’étranger dans la maison » de Shari Lapena

Petit détour par le polar aujourd’hui avec ce roman :

 

 

Résumé de l’éditeur :

 

« Comment te sens-tu ? » Elle voudrait répondre « terrifiée ». À la place, elle dit, avec un faible sourire : « Heureuse d’être à la maison. »

Mariés depuis deux ans, Karen et Tom ont tout pour être heureux : un train de vie confortable, un pavillon coquet, des projets d’avenir. Un soir, quand Tom rentre à la maison, Karen s’est volatilisée. Alors qu’il commence à paniquer, Tom reçoit une visite de la police : son épouse a été victime d’un grave accident de voiture, dans un quartier malfamé où elle ne met d’ordinaire jamais les pieds. À son réveil à l’hôpital, la jeune femme a tout oublié des circonstances du drame. Les médecins parlent d’amnésie temporaire. En convalescence chez elle, Karen est décidée à reprendre le cours de sa vie. Sauf que quelque chose cloche. Elle sait que, depuis quelques mois, quelqu’un s’introduit en leur absence dans la maison…

Après l’immense succès du Couple d’à côté, la nouvelle reine du thriller domestique revient avec un roman toujours aussi addictif, qui raconte les faux-semblants de la vie conjugale – ou comment, à force de grands secrets ou de petites trahisons, un geste malheureux peut faire voler en éclats un bonheur de façade

 

 

Ce que j’en pense

 

Un quartier sympathique, plutôt du genre huppé, belles maisons, belles voitures, couple uni…

Un jour Tom en rentrant chez lui s’aperçoit que Karen, sa femme, a disparu. Il reçoit la visite de la police qui lui apprend qu’elle a eu un grave accident dans un endroit mal famé de la ville et qu’elle a perdu la mémoire. Que faisait-elle dans ce lieu sordide ?

Quelques heures plus tard on apprend qu’un meurtre a été commis tout près de l’endroit de l’accident. Alors coupable ou pas ? Amnésie ou simulation ?

Le récit démarre tranquillement et peu à peu s’accélère, se corse car Karen n’est pas aussi lisse qu’il ne paraît au premier abord ; en creusant un peu, on s’aperçoit que son passé est obscur, comme si elle n’avait pas eu de vie auparavant. D’autre part, les objets changent de place en son absence, sans explication ; est-ce elle qui les changent, ou une personne entre-t-elle chez elle ?

J’ai lu beaucoup d’éloges sur « Le couple d’à côté » donc j’ai eu envie de tester et je remercie NetGalley et les Presses de la Cité qui m’ont permis de découvrir l’auteure. Je lirai sûrement son premier roman.

Un polar sympathique, avec une voisine hyper-collante, du genre toxique qui espionne derrière sa fenêtre… il se lit facilement, on se laisse emporter par l’histoire et on passe un bon moment, ce qui fait du bien, surtout que ces derniers temps, j’ai fait une consommation importante de thrillers plutôt « hard » en enchaînant les romans de Thilliez (ce sont des pavés, alors quand on est au repos forcé, cela permet de mieux passer le temps) …

#Sharilapena #NetGalleyFrance

 

 

Extraits

 

La maison est située dans une impasse en courbe. Les demeures des alentours sont toutes plus belles les unes que les autres : les habitants sont des gens qui ont réussi. Tout le monde ici se sent un peu supérieur.

 

Une autre idée le trouble : est-il possible qu’elle ne se rappelle vraiment pas le fameux soir ? Ou lui cache-t-elle qu’elle s’en souvient ?

C’est insidieux, le soupçon. Les doutes sont arrivés sur la pointe des pieds, des choses qu’il avait toujours réussi à chasser de ses pensées jusqu’à présent.

 

 

Lu en janvier 2019

« Le chemin des âmes » de Joseph Boyden

Je vous parle aujourd’hui d’un livre, déniché dans les romans étiquetés coup de cœur à la médiathèque :

 Le Chemin des âmes de Joseph Boyden

 

Quatrième de couverture   

 

1919. Nord de l’Ontario. Niska, une vieille Indienne, attend sur un quai de gare le retour d’Elijah, un soldat qui a survécu à la guerre.

A sa grande surprise, l’homme qui descend du train est son neveu Xavier qu’elle croyait mort, ou plutôt son ombre, méconnaissable.

Pendant trois jours, à bord du canoë qui les ramène chez eux, et tandis que sa tante essaie de le maintenir en vie, Xavier revit les heures sombres de son passé : l’engagement dans l’armée canadienne avec Elijah, son meilleur ami, et l’enfer des champs de bataille en France…

 

Ce que j’en pense   

 

J’ai terminé ce roman il y a déjà plusieurs jours, mais j’ai du mal à rédiger cette critique, tans je suis sous le charme de la plume de cet auteur, de l’histoire qu’il a racontée. J’ai envie de rester encore un peu dans son univers magique…

Joseph Boyden nous parle de la tragédie d’un peuple, les Crees, Amérindiens dont le mode de vie a été bouleversé par l’arrivée des Blancs qui les ont colonisés, les obligeant à renoncer à leur mode de vie si proche de la Nature, exterminant les plus récalcitrants, les obligeant à envoyer les enfants dans les écoles catholiques, où la maltraitance physique et morale régnait en maître absolu.

Les Crees chassait le caribou, pour se nourrir et se faire des vêtements, vivaient en harmonie avec les éléments ; le chef savait où se trouver l’animal en observant les bois de l’animal qu’ils avaient tué auparavant, les faisant brûler pour lire comme sur un parchemin, la « carte géographique » de l’endroit où chercher. Le chef avait aussi le pouvoir de voir les « mauvais esprits » et délivrer pour protéger la tribu. Mais les Blancs, les wemistikoshiv , ont imposé leurs propres lois, tuant le chef purement et simplement.

« L’assassinat de mon père avait planté au fond de mon ventre une graine dure et amère ; au fil des ans il en monta la fleur obscure de la colère. Ma mère reconnut ce qui poussait en moi. A sa façon, elle cherchait à m’empêcher d’en user pour le mal, car c’est entrer dans une spirale à laquelle on n’échappe presque jamais. » P 122

Ce chef était le grand-père de notre héros, Xavier Bird, qui était si malheureux à l’école que sa tante Niska, autrefois l’enlever pour vivre avec lui dans la forêt selon les traditions, allant jusqu’à aller chercher plus tard un autre enfant, le seul ami de Xavier : Elijah.

Les deux gamins grandissent ensemble, comme des frères et finissent par s’engager dans l’armée canadienne pour aller combattre sur le front durant la première guerre mondiale. Si Elijah s’adapte très vite devenant un tireur d’élite, Xavier ne se sent pas à sa place, mais suit son ami : ils traquent les Allemands, comme ils traquaient le gibier dans la forêt, ce qui les rend très vite indispensables.

Mais Elijah aime débusquer et tuer, devenant la coqueluche des supérieurs : on les méprise pour leur couleur de peau, comme s’ils étaient des sous-hommes, mais comme ils se comportent en héros, on les accepte mieux. Mais, pour avoir encore plus de sensations fortes, Elijah dérobe de l’héroïne et se pique en cachette…

« Nous aurons passé toute la guerre côte à côte pour nous perdre aux tout derniers jours. Un obus est tombé trop près. Il m’a lancé dans les airs, et soudain j’étais oiseau. Quand je suis redescendu, je n’avais plus ma jambe gauche. J’ai toujours su que les hommes ne sont pas faits pour voler. » P 22

On sait dès le départ, que Xavier revient de la guerre avec une jambe en moins, dépendant lui-aussi de la morphine, et c’est sa tante Niska qui va le maintenir en vie coûte que coûte, lui racontant l’histoire de la famille.

Dans ce roman, Joseph Boyden alterne les récits : ce qui se passe au front, la vie des soldats, leur quotidien, les rivalités, les chefs parfois tellement imbus d’eux-mêmes qu’ils envoient les soldats au casse-pipe alors qu’une autre solution serait possible, la souffrance de ces jeunes gens. Puis, on revient au présent, à Xavier et Niska et ce deuxième combat contre la dépendance à l’héroïne, la souffrance de l’amputation, le refus de continuer à vivre…

L’auteur a choisi de raconter la guerre, à chaque injection que se fait Xavier, pensant que sa tante ne s’en aperçoit pas, comme si la guerre était un « bad trip » ce que j’ai trouvé brillant. Les scènes de guerre, seraient, sinon, très difficiles pour le lecteur. Il en dénonce au passage l’absurdité…

J’ai vraiment eu un coup de cœur pour ce roman, et pourtant j’ai lu peu de livres sur la première guerre mondiale, m’intéressant beaucoup à la guerre suivante. J’ai trouvé des thèmes qui me touchent : les Amérindiens, leur mode de vie en harmonie avec la Nature : ils étaient écologistes avant l’heure, si l’homme blanc n’avait pas détruit toutes les autres civilisations sur son passage…

Cerise sur le gâteau: le titre est excellent…

Si ces thèmes vous touchent, et si vous faites partie des chanceux qui ne l’ont pas encore lu, n’hésitez pas, foncez !

♥ ♥ ♥ ♥ ♥

 

Extraits   

 

Mon père aimait nous taquiner, ma mère, ma petite sœur et moi : il disait que nous avions la couleur de la rivière en été mais que, l’hiver venu, nous devenions pâles comme les marchands de la Baie d’Hudson, et qu’il craignait toujours de nous perdre dans la neige. P 52   

 

La Compagnie de la Baie d’Hudson entretenait chez les Crees une passion féroce pour les fourrures. En conséquence, les bêtes furent presque exterminées et l’heure arriva, pour les gens des bois, où même mes plus aguerris durent affronter un choix difficile : rejoindre les réserves ou se résoudre à mourir de faim. P 122   

 

J’étais jeune alors, et les passions de la jeunesse sont puissantes comme ces courants arctiques qui entraînent le canoë du pêcheur au large de la baie, pour le perdre à jamais. P 213   

 

J’ai remarqué que les wemistikoshiv font toujours les choses par trois.  Ils sont obsédés par ce nombre : lignes de front, de renfort, de réserve n’en sont qu’un exemple parmi tant d’autres. Leurs équipes de travail comptent toujours trois membres… Cette passion du nombre trois se communiquent de ceux qui donnent les ordres à ceux qui les reçoivent.   

 

Parfois, j’assistais aux prières où les wemistikoshiv se rassemblent et dans lesquelles ils invoquent leurs trois manitous : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. C’est peut-être la raison pour laquelle ils font tant de choses par trois. P 311   

 

Pour quelle raison nous envoie-t-on ici ? Voilà ce que je me demande, tout en crapahutant dans la boue avec les autres. J’en arrive au stade où je ne m’explique plus rien, surtout pas les mobiles de ceux qui promènent les troupes d’un endroit à l’autre, leur commandant de courir à leur mort. Je les hais pour ce qu’ils nous font faire, mais je n’en parle pas, je laisse ma haine suppurer, comme le pied des tranchées… P 380   

 

Lu en octobre 2018