« Nous, les Allemands » d’Alexander Starritt

Quand j’ai vu ce livre et sa belle couverture sur NetGalley, je me suis dit, immédiatement qu’il m’était destiné et j’en aurais probablement fait un drame, si l’éditeur n’avait pas accédé à ma demande. Il s’agit de :

Résumé de l’éditeur :

Lauréat du Dayton Literary Peace Prize, un court roman stupéfiant d’intensité, un texte riche, souvent dérangeant, sur un passé qui n’en finit pas de résonner.

Longtemps, les questions posées par Callum à son grand-père allemand sur la guerre sont restées sans réponse. Et puis, un jour, Meissner s’est décidé à raconter.

Sa vie de soldat sur le front de l’Est, les débuts triomphants, l’esprit de corps, l’ivresse des batailles, et puis le froid, la faim, la misère. Et surtout l’année 1944 quand lui et ses camarades ont compris que la guerre était perdue ; que tout ce en quoi ils avaient cru, tout ce qui les faisait tenir, l’appartenance à une nation, l’espoir d’une guerre rapide, les rêves de retour, tout était en train de s’écrouler ; que dans la déroute, les hommes ne sont plus des hommes ; que le désespoir vous fait accomplir le pire et que rien, jamais, ne permettra d’expier la faute de tout un peuple.

« Je n’ai pas été un nazi. Ce que je veux te raconter ne concerne ni des atrocités, ni un génocide. Je n’ai pas vu les camps de la mort et je ne suis pas qualifié pour en dire un seul mot. J’ai lu le livre de Primo Levi sur ce sujet, comme tout le monde. Sauf qu’en le lisant, nous, les Allemands, nous sommes obligés de penser : Nous avons commis cela. »

Ce que j’en pense :

Opa Meissner, dont on ne saura jamais le prénom, après avoir longtemps refusé de parler de son passé pendant la deuxième guerre mondiale, (il a éludé les questions de sa fille) mais confronté à son petit-fils, Callum, il finit par répondre, sous forme de lettres que ce dernier trouvera après sa mort. (En fait, sa narration commence en 1944).

Il alterne les descriptions des évènements, la lutte pour survivre, les combats avec les Russes, la faim, le froid, et ses états d’âme, son questionnement : est-il un homme bon, se sent-il coupable, culpabilité individuelle et collective, mérite -t-on d’être aimé après tout cela ? et le récit s’accompagne des légendes sur lesquelles s’est bâti le Reich, Nibelungen, la chevauchée des Walkyries de Wagner, légendes et musiques qui ont servi de propagande.

Les compagnons de cavale du grand-père de Callum sont intéressants chacun à leur manière : le poney Ferdinand, Lüttke, nazi caricatural, antisémite, antibolchévique, qui voue une haine en fait à tout ce qui n’est pas aryen, et hitlérien, Jansen, le plus sensible donc le plus sujet à la culpabilité, qui s’inquiète pour sa mère et qui finit par disparaître dans la forêt, Ottermann, Himmelsbach etc… ils sont sur le front de l’Est à défendre un Reich qui est parti en fumée, avec les suicidés de Bunker, mais ils n’en savent rien et tentent survivre, en luttant contre les Russes qui n’ont rien aux nazis au combat, barbarie quand tu nous tiens… les échanges entre eux ne manquent pas de piquant, car comment supporter Lüttke et ses diatribes ?

Opa évoque la honte, tellement différente de la culpabilité, avec des phrases magnifiques. Il raconte son internement dans les camps bolchéviques, comment il a résisté, et ensuite rencontré celle qui a redonné un sens à sa vie, et son installation comme pharmacien, mais peut-on vivre paisiblement après cela ?

Le récit est entrecoupé d’interventions de Callum, qui se demande si on peut continuer à aimer un grand-père qui a fait partie de la Wehrmacht, contre son gré en fait car c’était un étudiant consciencieux, fils de pasteur, qui était programmé pour obéir.

J’ai aimé l’utilisation de l’anaphore « nous, les Allemands », leitmotiv qui constitue la trame du récit, la base de la réflexion, opposant le particulier au collectif.

J’ai beaucoup aimé la couverture, ce loup qui hurle, appelant sa meute, qui illustre ce que l’effet meute déclenche chez un individu qui seul n’est pas violent à la base, pour aboutir aux chemises brunes qui défilent au pas de l’oie…

Qu’est-ce que nous aurions fait, si nous avions été à leur place ? On est toujours tenté de penser qu’on aurait été des héros, mais ce n’est pas si simple. Je vous renvoie, une fois de plus vers une de mes chansons préférées de Jean-Jacques Goldman, si j’étais né en 17 à…

Ce livre m’a bousculée, car comment ne pas faire le rapprochement avec la guerre en Ukraine, avec un peuple russe dont le cerveau a été lavé, essoré par la propagande du chef du Kremlin ? Le froid, la neige, la destruction de toutes les infrastructures d’un pays pour l’affamer, le faire crever de froid, cela ne peut que résonner dans notre esprit, en même temps que notre sentiment d’impuissance et notre révolte.

Hier j’ai tué une demi-douzaine d’Ukrainiens d’un obus ciblé avec professionnalisme ; aujourd’hui, je vais au ravitaillement. Voilà pourquoi tout le monde s’accorde à dire que les guerres sont une calamité. Et prendre des choses à des gens qui ne veulent pas les donner, telle est bien la réalité de la guerre.

J’ai beaucoup aimé ce livre, qui fait réfléchir, qui montre un autre visage des Allemands, car j’ai lu beaucoup de choses sur les bourreaux nazis, l’Holocauste, mais très peu sur ce qu’ont vécu ceux qui ont survécu, ont été internés à l’Est… comme toujours, quand un livre me touche profondément, je n’en parle pas forcément très bien, mais s’il vous tente, un conseil, foncez !

C’est presque un coup de cœur, en tout cas, c’est un monumental uppercut qui m’a laissée un peu sur le carreau!

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Belfond qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur.

 #NouslesAllemands #NetGalleyFrance

9,5/10

Pour en savoir davantage: « Nous, les Allemands » : apocalypse sur le front de l’Est | Les Echos

ou encore: http://Nous, les Allemands, d’Alexander Starritt : la honte ne s’expie pas (en-attendant-nadeau.fr)

Né en 1985 d’un père écossais et d’une mère allemande, Alexander Starritt a grandi au Nord de l’Écosse et vit désormais à Londres. Journaliste pour des parutions aussi diverses que NewsweekThe GuardianThe Daily Mail ou le Times Literary Supplement, il est aussi traducteur de l’Allemand, notamment de Kafka et de Stefan Zweig. Après The Beast (non traduit) paru en Angleterre en 2017, Nous, les Allemands est son deuxième roman, le premier à paraître en France.

Extraits :

Mais même si j’avais voulu te donner une réponse digne de ce nom quand tu étais ici, je n’en aurais pas été capable. Il faut que tu le comprennes : même des expériences aussi extrêmes ne restent pas distinctes dans notre mémoire à jamais.

Nous qui avons vécu cette époque, quand nous l’évoquons, et cela nous arrive de plus en plus souvent avec l’âge, nous parlons de Hitler et de l’histoire mondiale au lieu de parler de nous.

Donc, je me suis « battu », oui, mais principalement en creusant des trous, en déchargeant mon fusil, en utilisant mon expérience pour améliorer l’agencement de nos positions. Je restais pratique. Au lycée, j’avais souvent été premier de ma classe ; toute mon éducation me prédisposait à être diligent, appliqué, à ne pas me contenter du travail imposé, mais à consacrer un peu de réflexion à la manière de le faire au mieux.

Nul n’a jamais la pleine responsabilité de son propre équilibre moral. Et l’impitoyable vérité, la dure et antique vérité, c’est que vous pouvez être coupable qu’une chose qui ne dépendait pas de vous. Et moi, à titre personnel ? Telle est la question à laquelle je m’efforce ici de répondre.

Donc, pour ce qui est de savoir si mon grand-père était ou non un homme bon, vous êtes prévenus ; je suis son petit-fils et je l’adorais. Et pourtant, il s’est battu pour les nazis. Il a porté l’uniforme, il a tué des gens. Il a accompli les actes dont je vous parle ici. Je l’adorais tellement que je me demande si je lui aurai pardonné n’importe quoi. Probablement pas n’importe quoi, bien que je me sente triste rien qu’à le dire.

Nous, les Allemands, avons toujours été plus susceptibles. Et, après avoir été les nouveaux maîtres de l’Europe, nous étions devenus ces Allemands haïs, ces « salauds d’Allemands » comme disaient les Russes. Or, être haï tant qu’on gagne est une chose ; c’en est une autre dès lors qu’on perd.

Mais, nous, les Allemands, nous savons dans notre chair – et les Polonais, les Ukrainiens, les Juifs et les Russes le savent aussi – que la guerre à l’Est était la seule vraie : nue, impitoyable, affranchie de toute loi, exempte de toute compassion, une pure affaire de haine et d’annihilation. Sur huit soldats allemands tués, sept l’ont été à l’Est…

La honte, ce n’est pas comme la culpabilité ; elle n’admet pas de réparation. Les Juifs dont je parle sont morts. Ceux qui avaient mon âge à l’époque n’auront jamais donné le jour à des enfants, à des petits-enfants. La honte ne s’expie pas ; elle est une dette impossible à acquitter…

Une des raisons qui faisaient que nous nous attachions tant aux animaux, c’est qu’ils ne savaient pas que nous étions en guerre.

Chacun de nous se dit : Ce n’est pas moi qui ai fondé le parti nazi ; je n’ai déclaré la guerre à personne, moi, je n’ai envoyé personne dans les camps. Mais, nous l’avons fait.

J’avais besoin, moi, de régler ma vie sur quelque chose, et de savoir si je pouvais me considérer comme un homme bon. J’ai retourné cette question dans ma tête pendant l’essentiel de ma vie…

… Et peut-on vraiment mal agir sans en avoir l’intention ? Ce sont des questions à laisser aux prêtres et aux philosophes. Et il m’est arrivé de me dire, pendant des années d’affilée : j’étais jeune, c’est tout ; je faisais mon devoir, aujourd’hui, je m’occupe de mes enfants, de ma femme et je paye mes impôts, en quoi serais-je un homme mauvais ?

Je porte une marque d’infamie. Avec les années, j’ai compris qu’au lieu d’essayer de la laver, je devais me contenter de la porter, encore et encore…

Lu en octobre 2022

« Une terrible délicatesse » de Joe Browning Wroe

Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai choisi pour son titre, sa couverture, son résumé et l’engouement qu’il a suscité au Royaume Uni :

Résumé de l’éditeur :

L’événement littéraire de 2022 au Royaume-Uni. Un roman bouleversant et plein d’espoir sur la résilience, le pardon et la fragilité du bonheur.

Octobre 1966. William Lavery, dix-neuf ans, vient de recevoir son diplôme. Il va rejoindre, comme son père et son grand-père avant lui, l’entreprise de pompes funèbres familiale. Mais alors que la soirée de remise des diplômes bat son plein, un télégramme annonce une terrible nouvelle : un glissement de terrain dans la petite ville minière d’Aberfan a enseveli une école. William se porte immédiatement volontaire pour prêter main-forte aux autres embaumeurs.

Sa vie sera irrémédiablement bouleversée par cette tragédie qui jette une lumière aveuglante sur les secrets enfouis de son passé. Pourquoi William a-t-il arrêté de chanter, lui qui est doué d’une voix exceptionnelle ? Pourquoi ne parle-t-il plus à sa mère, ni à son meilleur ami ? Le jeune homme, à l’aube de sa vie d’adulte, apprendra que la compassion peut avoir des conséquences surprenantes et que porter secours aux autres est peut-être une autre manière de guérir soi-même.

Ce que j’en pense :

Le roman s’ouvre, en 1966, sur la brillante réussite de William à son examen d’embaumeur alors que se produit la catastrophe d’Aberfan : un glissement de terre dans une petite ville minière vient achever sa course sur une école et quelques maisons avec des dégâts considérables, des enfants morts en grand nombre.

William s’apprêtait à entrer dans l’entreprise familiale de Pompes funèbres, son destin était tracé, mais en entendant la terrible nouvelle il décide de se porter volontaire, malgré les efforts de son oncle Robert, pour aller prêter mainforte aux embaumeurs déjà sur place.

Ceci va changer complétement sa vie : il met un point d’honneur à rendre hommage à ces enfants, qu’il est parfois difficile même d’identifier, en faisant son travail le mieux possible, avec des rencontres avec les mères, parfois à la limite du supportable : comment fait-on face à la mort d’un enfant, alors qu’il n’y a même pas de nom pour qualifier ce qui leur arrive. Il décide de se rendre ensuite aux obsèques, caché dans les collines, par peur d’être considéré comme un voyeur mais lorsqu’un hélicoptère survole les lieux des funérailles c’en est trop, il se met à chanter pour un dernier hommage et lutter contre ce bruit sacrilège.

Au retour, rien ne sera plus pareil, il prend ses distances, notamment avec Gloria sa fiancée qu’il envisage même de quitter car pour lui il est impossible désormais d’envisager d’être père un jour.

Dans un constant voyage entre passé et futur comme je les aime, Joe Browning Wroe va nous entraîner en 1957 au chœur de l’internant de Cambridge, où William doté d’une voix magnifique vient d’être admis, avec la vie difficile dans ces établissements à l’époque : châtiments corporels, douche glacée le matin, discipline de fer, sur fond de « discrimination » certains ont tendance à snober cet enfant boursier, qui ne vient pas comme eux d’un milieu aisé. Seul Martin veille sur lui et deviendra son ami.

On comprend très vite qu’il s’est passé quelque chose de grave à l’internat mais l’auteur nous le révèlera en temps voulu.

Ce roman nous parle des difficultés de l’adolescence, du deuil, William ayant perdu son père alors qu’il avait seulement quatre ans, et sa mère Evelyn qui supporte mal de voir Robert le frère jumeau de son époux, et le couple homosexuel qu’il forme avec Howard. Comment se construire quand on a besoin des deux : de sa mère et de son oncle, le seul à pourvoir lui parler de son père…

Evelyn veut l’éloigner à tout prix pour qu’il ne rejoigne pas plus tard l’entreprise familiale. Donc une enfance sur fond de conflits, de non-dits qui le pousse à choisir un camp malgré lui. Alors quand survient à l’âge adulte la tragédie d’Aberfan, William va faire ce qu’il sait faire pour tenter de se protéger : fuir, ne pas parler pour oublier, pour mieux se fuir soi-même…

Joe Browning Wroe nous parle de fort belle manière de reconstruction, de résilience, de choc post traumatique avec les terribles cauchemars de William, les accès de panique ainsi que des bienfaits de la musicothérapie, avec le retour vers le chant.  Elle parle très bien de l’importance du pardon, de l’effet dévastateur des brouilles familiales, et du droit de chacun au bonheur : on a le droit de vouloir être heureux alors qu’on se sent coupable d’être vivant quand des enfants sont morts tragiquement.

La manière dont l’auteure nous livre les éléments à la manière d’un puzzle est très intéressante car elle permet au lecteur de laisser libre cours à son imagination, entretenant un peu de suspense et construisant au passage la personnalité du héros.

Joe Browning Wroe décrit très justement le métier d’embaumeur, qu’elle connaît bien, ayant grandi elle-même dans un crématorium et  auquel elle rend hommage avec ce roman.

La description de la morgue d’Aberfan est très forte, ainsi que certaines scènes notamment l’évocation de la résilience avec le Chœur du Minuit que Martin anime avec des hommes qui ont beaucoup souffert… l’image de cette mère qui se réjouit quand William lui montre le bras de son enfant, car elle sait enfin à quoi s’en tenir.

Ce roman m’a énormément touchée, car il traite de thèmes que j’apprécie particulièrement et je pense qu’il est impossible de ne pas finir en larmes de certaines évocations. J’ai beaucoup aimé la sensibilité et la justesse du ton de l’auteure qui ne tombe jamais dans le pathos.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et la plume prometteuse de son auteure.

#Uneterribledélicatesse #NetGalleyFrance !

Jo Browning Wroe a grandi dans un crématorium à Birmingham, en Angleterre. Elle est titulaire d’une maîtrise en écriture créative de l’Université d’East Anglia et est maintenant superviseure de l’écriture créative au Lucy Cavendish College de Cambridge.  Une terrible délicatesse est son premier roman.

Extraits :

Il s’est passé quelque chose de terrible hier, au Pays de Galles, mais c’était le jour de la remise des diplômes, alors William n’y a guère prêté attention. Il vient de terminer sa formation au Thames College of Embalming avec des résultats exceptionnels, du jamais vu.

Au moment où les mineurs ont vu les masses de terre commencer à s’effondrer, les villageois n’avaient pas la moindre idée qu’un mur de douze mètres de débris dévalait dans leur direction à une vitesse de quatre-vingt kilomètres à l’heure. Après avoir dévasté une ligne de chemin de fer, un canal désaffecté et une ferme, l’avalanche et venue s’arrête sur l’école primaire Pantglas et deux rangées de maisons.

William comprend le réconfort et le soulagement qu’il y a à enfin savoir où est son enfant, et qu’il ne peut plus lui arriver aucun mal. Quel est ce monde affreux où les chanceux sont ceux qui réussissent à identifier le cadavre de leur petit ?

Dans les moments où il craint d’oublier, la simple idée qu’oncle Robert existe sert à la réconforter. Non seulement parce que Robert et son père étaient frères et meilleurs amis, mais également parce qu’ils étaient jumeaux et se ressemblaient comme deux gouttes d’eau.

William comprend combien ce doit être dur pour sa mère de se retrouver face à un homme qui est e portrait vivant de son défunt mari, mais il est triste lorsqu’elle donne l’impression de ne pas aimer Robert. Ni Howard.

Les meilleurs souvenirs, le prêtre ne les connaît pas, et puis William n’est pas certain de savoir ce que c’est un « meilleur souvenir » ; tout est un mélange de bon et de mauvais, de chaud et de froid…

« Tu ne te dis pas, des fois, que ça peut être douloureux pour eux ? De chanter l’amour, et que le monde est beau ? » William est adossé au mur tandis que Martin ferme la salle.

Ce n’est pas parce qu’ils ont tout perdu qu’ils ne sont plus humains. Je pense que la plupart ont été un jour amoureux. La plupart ont dû aussi penser un jour que le monde était beau. Selon moi, chanter ces choses-là les aide à rester en lien avec ceux qu’ils ont été, sont, pourraient être…

Lu en août 2022

« L’invité(e) de trop » de Lucy Foley

Je vous propose aujourd’hui un intermède polar pour me remettre de ma précédent lecture avec ce livre :

Résumé de l’éditeur :

Un mariage sélect. Treize invités. Un cadavre.

RSVP… À vos risques et périls !

Un mariage au large de l’Irlande, sur une île belle et sauvage. Julia, à la tête d’un magazine, est déterminée et ambitieuse ; Will une étoile montante de la télé-réalité. La fête se doit d’être à l’image de leur insolente réussite : tenues de créateur, décor somptueux et hôtes triés sur le volet. Le réseau mobile est peut-être capricieux et la mer agitée, pourtant chaque détail a été planifié d’une main experte par la wedding planner.

Mais la perfection est toute théorique, les invités bien trop humains. Au fur et à mesure que le champagne coule, le ressentiment et l’envie remplacent la joie et les vœux de bonheur. Et après un black-out, voilà qu’on crie au meurtre…

Enfin publié en France, L’Invité(e) de trop s’est déjà vendu à plus d’un million d’exemplaires au Royaume-Uni, et est en cours de traduction dans 39 pays. 

Ce que j’en pense :

Bienvenue sur Inis an Amphora, alias l’île du Cormoran, où l’on s’apprête à célébrer le mariage de Julia qui règne sur un magazine, et Will qui s’est fait connaître grâce à une émission de téléréalité. Tous les deux sont beaux et riches, on l’aura compris vue l’ampleur des festivités et le lieu choisi. Le décor est somptueux mais la tempête se lève, accompagnée de coupures d’électricité, des crispations, car les témoins du marié ont fêté l’enterrement de la vie de garçon quelques jours auparavant de manière étrange.

On fait ainsi la connaissance de Johnno, le témoin de Will, Femi, Angus, Duncan et Peter, avec l’alcool qui coule à flots. Et du côté de la mariée, Olivia, sa demi-sœur, Charlie son « meilleur ami » et son épouse Hannah…

Les garçons se sont, pour la plupart rencontrés dans un collège où ils étaient internes, collège dirigé d’une main de fer par le père de Will. On comprend très vite qu’il s’est passé quelque chose de grave à l’époque que cela pourrait bien exploser à tout moment. Mais qu’est ce qui peut bien réunir toutes ces personnes différentes ?

Certains personnages m’ont plus comme, Aoife, la wedding planner, ça sonne plus exotique qu’organisatrice de mariage, mais pas d’anglicisme et son époux qui fait office de cuisinier, ou encore Olivia, la demi-sœur de Julia, traumatisée par une rupture sentimentale ainsi que Hannah, mariée très jeune à Charlie cet ami si proche (trop ?) de Julia … j’ai adoré en haïr d’autres, notamment Will bien sûr, mais Julia également trop parfaite, trop sûre d’elle, qui écrase tout le monde et qui veut tout le monde à ses pieds.. Et cette île magique m’attire beaucoup par son côté sauvage imprégné de mystères et de légendes.

J’ai aimé la manière de présenter l’histoire, avec alternance passé récent ou ancien et présent, découvrir peu à peu la personnalité de chacun, mais j’aurais aimé plus de suspense…

Très bon moment de lecture donc, qui tombait à pic après avoir refermé « Real life », mais j’aurais aimé une fin plus grandiose, du style « Le crime de l’Orient Express » d’Agatha Christie.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Presses de la Cité qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure

#Linvitéedetrop #NetGalleyFrance !

7/10

Autrefois éditrice de fiction, Lucy Foley vit désormais de sa plume à Londres. Auteure de romans historiques et de thrillers, elle enchaîne les best-sellers. L’Invité(e) de trop est le premier à être publié en France et a été traduit dans 39 pays.

Extraits :

Les lumières s’éteignent. En un clin d’œil, tout est plongé dans le noir. La musique s’arrête. Sous le barnum, les invités poussent des cris et s’agrippent les uns aux autres… Impossible de voir et d’entendre quoi que ce soit ; le vent s’emporte et rugit en couvrant les voix.

Dans ce métier, aucun secret ne nous échappe. On voit ce à quoi personne d’autre n’a accès – les convives seraient sans doute prêts à tuer pour de tels ragots. Lorsque l’on organise un mariage, on ne peut pas se permettre d’ignorer quoi que ce soit. Je dois composer avec les plus petits détails, guetter sous la surface les plus infimes remous, ceux qui pourraient se changer en tourbillons et emporter mes préparatifs si je n’y prends pas garde.

Un mariage est une portion de temps, soigneusement découpée, dont je peux faire quelque chose d’abouti, de parfait, un souvenir à chérir une vie durant, une perle conservée d’un collier brisé.

Inis an Amphora, ou l’île du Cormoran, s’étend sur 3 kilomètres, plus longue que large. Elle est constituée d’un bloc de granit émergeant « majestueusement » de l’Atlantique, à quelques kilomètres des côtes du Connemara. Elle est presque entièrement recouverte de tourbe…

Mais ainsi va la nostalgie ; ainsi nous tyrannisent ces souvenirs d’enfance, si parfaits dans leur halo doré.

En levant les yeux, je l’aperçois : un gros cormoran perché au sommet de la chapelle en ruine, ses ailes noires ouvertes pour sécher, comme un parapluie cassé. Un cormoran sur la flèche d’une église : mauvais présage. L’oiseau du diable c’est comme ça qu’on l’appelle, par ici. Cailleach dhubh, « la sombre mégère », le porteur de mort. Espérons que les mariés ne sont pas au courant… ou qu’ils ne sont pas du genre superstitieux.

Lu en août 2022

« Le premier jour du printemps » de Nancy Tucker

Je vous parle aujourd’hui d’un livre bouleversant que j’ai découvert grâce à Ceciloule Palmolico :

Résumé de l’éditeur :

« Alors donc, j’ai pensé, y avait que ça à faire, et ça suffisait pour que j’aie l’impression d’avoir tout le pouvoir du monde. Un matin, un instant, un petit garçon aux cheveux jaunes. En fait, c’était pas grand-chose. »

Peut-on pardonner l’impardonnable ?

Chrissie est une enfant solitaire qui grandit dans une banlieue anglaise sordide. Délaissée par un père absent et une mère démissionnaire qui fait tout pour ne plus avoir à s’occuper d’elle, son quotidien est violent et misérable. La seule chose qui donne à Chrissie l’impression d’être vivante, c’est son secret. Et rien que d’y penser, elle en a des papillons dans le ventre.

Le premier jour du printemps, elle a tué un petit garçon.

Quinze ans plus tard, Chrissie s’appelle Julia. Elle cache sa véritable identité et tente d’être une bonne mère pour Molly, sa fille de cinq ans, malgré ses nombreuses inquiétudes. Va-t-elle pouvoir subvenir aux besoins de sa fille ? Réussir à lui donner ce qu’elle n’a jamais reçu ? Quand, un soir, elle commence à recevoir de mystérieux appels, elle craint que son passé ne refasse surface. Et que sa plus grande peur, celle de se voir retirer Molly, ne soit sur le point de se réaliser.

Ce que j’en pense :

On fait la connaissance de Chrissie, dont l’enfance est tout sauf joyeuse : son père constamment absent, a tel point qu’elle pense chaque fois qu’il est mort, tandis que sa mère ne s’occupe pas d’elle. Elle a une énorme carence affective car non seulement sa mère ne lui manifeste aucun intérêt, constamment au fond de son lit ou sortie, elle ne pense même pas à lui faire à manger.

Chrissie crève de faim, dans tous les sens du terme, essayant de trouver quelques miettes dans le réfrigérateur ou les placards, s’invitant parfois chez les voisins ou à l’église s’il y a un buffet, sinon il ne lui reste plus qu’à jeûner ou aller chercher quelques bonbons chez la commerçante suspicieuse qui ne l’aime pas.

Elle se conduit parfois brutalement avec les copines d’école, verbalement ou physiquement prête à tout pour exister, être vue, ne plus être ignorée. Elle vit dans un quartier pauvre, mais il y a encore plus pauvre qu’elle. Un jour, le premier jour du printemps, alors qu’elle a huit ans elle va commettre l’irréparable : étrangler Steven, le petit frère de son amie, âgé de deux ans et laisser le corps dans une maison isolée.

On la retrouve des années plus tard : elle a une nouvelle identité, est devenue Julia et a une fille Molly. On a bien compris que la justice l’avait rattrapée, après une enquête compliquée, un passage par le Foyer de Haverleigh.

Nancy Tucker décortique avec minutie, détails, la manière dont la misère affective de cette petite fille, qui ne s’est jamais sentie aimée, ce qui peut la conduire à ce geste, certes odieux, mais en retraçant la souffrance de la petite fille qui ne se rend pas forcément compte de ce que représenta la mort, et surtout son côté inéluctable : comme son père est censé être mort pendant ses absences, elle pense que Steven va « revenir ».

Enfin bref, voilà comment je savais qu’être mort, c’était pas pour toujours. Pas définitif. Les gens disaient le contraire, soit ils mentaient, soit ils étaient bêtes, parce que moi, je connaissais deux personnes qui étaient vraiment revenues de chez les morts. Le premier c’était mon papa, le deuxième, c’était Jésus.

On comprend aussi l’évolution de Chrissie devenue Julia en état mère à son tour : comment être une bonne mère quand on n’a pas été aimée par la sienne, durant l’enfance : sa mère a même cherché à la faire adopter ! mais Chrissie était trop grande, et comme chacun sait, la plupart du temps, les parents adoptifs préfèrent des bébés, donc encore un rejet !

J’ai aimé la manière dont l’auteure a structuré son récit, la petite fille qui devient mère, et se sent illégitime, redoutant toujours que les services sociaux lui enlèvent Molly, car elle n’est pas à la hauteur. Notamment lorsque cette dernière fait une chute, et sa casse le poignet et que mystérieusement le téléphone se met à sonner de manière intempestive. Elle ne peut évoquer que le pire : être accusée de maltraitance.

Nancy Tucker, qui travaille en unité psychiatrique, connaît suffisamment son sujet pour que son roman soit crédible, étoffé et durant la lecture, on ne juge jamais Chrissie, on essaie de comprendre le pourquoi du comment, en espérant qu’elle va s’en sortir : elle n’avait que huit ans, au moment des faits, elle a payé sa dette même si ce n’est jamais assez pour la famille des victimes, car la perte d’un enfant dépasse tout ce qu’on peut imaginer, il n’y a d’ailleurs pas de terme pour désigner cet état : on parle d’orphelin quand ce sont les parents qui décèdent mais curieusement il n’y a aucun mot pour un parent dont l’enfant est décédé.

L’auteure, aborde aussi la capacité de résilience de l’individu : ce n’est pas parce qu’on a commis un acte grave, qu’on n’est pas capable d’évoluer, de devenir quelqu’un de respectable. L’enfermement dans un Foyer ne conduit pas forcément à un comportement encore plus violent, la prison n’est pas forcément l’école du crime. L’auteure nous livre cette phrase ô combien significative sur le Foyer avec majuscule ou minuscule :

« Haverleigh était certes un « Foyer », mais du genre qui prend une majuscule et que borde une haute clôture – un endroit réservé aux enfants trop méchants pour qu’on les laisse dans leur « foyer » avec une minuscule… »

Ce roman, le premier de l’auteure, est bien écrit, les phrases sont percutantes, incisives (comme les actes des protagonistes), précises et il va rester longtemps dans ma mémoire car c’est un uppercut et c’est assez difficile de traduire en mots, toutes les émotions qui m’ont envahie. Vous l’aurez certainement compris, je pourrais en parler pendant des heures. J’espère vous avoir donné envie de le lire malgré la dureté du vécu de cette petite fille car ce livre est particulièrement réussi.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et la plume de son auteure qu’on retrouvera bientôt j’espère.

#LePremierJourduprintemps #NetGalleyFrance

9/10

Autres avis : https://pamolico.wordpress.com/2022/03/16/le-premier-jour-du-printemps-nancy-tucker/

L’auteure :

Diplômée de l’université d’Oxford en psychologie expérimentale, Nancy Tucker travaille au sein d’une unité de soins psychiatriques au Royaume-Uni. Le Premier Jour du printemps est son premier roman. À la sortie de l’école, elle écrit son premier livre, The time in between (Icon, 2015) qui explore son expérience des troubles alimentaires et du rétablissement. Son deuxième livre, C’était quand les gens commençaient à s’inquiéter (Icon, 2018), traitait plus largement de la maladie mentale chez les jeunes femmes. 

Extraits :

Quand la gardienne est revenue pour nous ouvrir le portail, nous avions été rejointes par une armée de mères et de gamins, ce qui m’a rappelé pourquoi j’avais mis en place le plan anti-mères. Elles se regroupaient les unes contre les autres, parlaient à toute vitesse, éclataient de rires qui me vrillaient les oreilles. J’éprouvais toujours la même sensation en me retrouvant au milieu d’elles : celle d’être déguisée, et d’appartenir en réalité à une autre espèce…

Maintenant, les maisons des pauvres, on les détruisait l’une après l’autre, et les familles, elles avaient plus d’endroit pour vivre. Après qu’elles seraient toutes démolies, on allait construire de grands immeubles tout neufs, qui ressembleraient à des boîtes empilées les unes sur les autres, mais les familles pauvres, elles pourraient pas vivre dedans parce que ça coûterait trop cher.

Il y avait des années qu’ils voulaient me prendre Molly, mais ils n’avaient jamais trouvé de motif valable, sauf qu’à présent, ils en tenaient un. Un gros, bien anguleux et couvert de dessins au feutre.

Maman, elle en avait toujours autant marre de moi, mais elle a pas réessayé de me donner à adopter. En général, elle était pas là quand je rentrais de l’école ou après avoir joué dehors, ou alors elle était dans la chambre, avec la porte et la lumière fermées. On allait toujours à la messe tous les dimanches. Maman aimait bien Dieu, même si moi, elle ne m’aimait pas.

La naissance de Molly n’avait pas mis fin à ce besoin que j’éprouvais ; au contraire, j’avais encore plus besoin de ma mère. Pendant neuf mois, Molly avait été mon second cœur, mais quand la sage-femme me l’a arrachée, je n’ai pas songé à mon corps, soudain privé de son pendule. J’ai pensé : « il y a vingt ans j’étais Molly. Il y a vingt ans, maman, c’était moi » et je me suis sentie plus proche d’elle que jamais, même à l’époque où nous vivions dans la maison et respirions le même air.

Mon ventre se crispait en pensant à cette cage aux barrières si hautes, dans laquelle je me déplaçais sans baisser la tête, où je me tenais droite sans avoir à me faire toute petite, parce que la liberté, ce n’était pas la même chose que la sensation d’être libre.

J’aurais voulu lui dire combien la faim m’avait façonnée, fabriquée, parce qu’elle était immense et que j’étais si petite, qu’elle était toujours là, comme une présence constante, qui toujours me rongeait. Il aurait été extrême de conclure que j’avais tué parce que j’étais affamée, seulement cette faim était une forme de folie. Elle était la cause de tant de choses que j’avais faites à l’époque.

Parfois, je me demande si je l’ai jamais  réellement vue telle qu’elle est vraiment, parce que ce n’est pas son visage que je vois en regardant Molly. Je vois un visage auquel on a ôté la vie. Mais, il y a des moments où j’oublie, lorsqu’elle éclate de rire par exemple, alors je me surprends à prendre du plaisir, et puis je me rappelle que je ne peux pas. Parce que j’ai enlevé ça à d’autres gens, et ils n’ont pas pu profiter de leur enfant quand il riait, quand il souriait, tandis qu’il grandissait. Plus jamais.

Pendant des années, je m’étais accrochée à maman, parce que votre maman, c’est la personne qui est censée vous réconforter quand vous vous sentez vie, seulement la mienne n’avait jamais fait ça pour moi. Elle m’avait donné des miettes de chaleur, et maintenant que je l’avais revue je comprenais qu’elle n’était pas capable de faire plus – sauf que ça n’était pas suffisant. Jamais elle ne pourrait me donner assez.

Lu en avril 2022

« Les oiseaux chanteurs » de Christy Lefteri

Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai découvert grâce à une opération « masse critique spéciale » organisée par Babelio : 

Quatrième de couverture :

Chypre, 2016. Petra Loizides est inquiète, la nourrice de sa fille s’est évaporée sans laisser de trace. Yiannis, le locataire qui occupe le premier étage de sa maison, est lui aussi bouleversé : se serait-elle enfuie suite à sa demande en mariage la veille ? Mais la jeune femme sri-lankaise a laissé derrière elle son passeport et la mèche de cheveux de sa propre fille restée au pays.

Petra signale sa disparition à la police, mais celle-ci ne réagit pas. Impuissant, Yiannis continue de son côté ses activités illégales : ancien banquier, ruiné par la crise de 2008, il vit du braconnage des oiseaux, prisonnier d’un réseau mafieux puissant et dangereux.

Ensemble Petra et Yannis vont enquêter auprès de nombreuses femmes invisibles comme Nisha et découvrir la facette sombre d’un pays gangréné par la corruption et les trafics en tous genres.

Ce que j’en pense :

Bienvenue à Chypre : un jour Petra commence s’inquiéter car Nisha, la nourrice de sa fille Aliki a semble-t-il disparu, alors que la veille elles étaient parties faire une balade en montagne. Nisha voulait que sa patronne l’autorise à sortir le soir pour quelque chose d’urgent mais Petra avait dit non, sans même lui demander de quoi il s’agissait !

Nisha occupe une chambre dans la maison, mais elle est vide. Dans l’appartement au-dessus vit Iannis, locataire de Petra qui, commence lui-aussi à s’inquiéter de la disparition de la jeune femme. Il l’a demandée en mariage la veille, alors a-t-elle seulement voulu fuir ou est-ce plus compliqué ?

Petra a perdu son mari d’un cancer alors qu’elle était enceinte d’Aliki, ce qui l’a plongée dans une dépression sévère. Plongée dans son deuil, elle a tenu le bébé, puis la fillette à distance, la confiant tout de suite à Nisha qui venait à peine d’arriver. Elle se rend compte qu’elle ne s’est jamais intéressée à la vie et aux drames vécus par la jeune femme. Au début, ce qui la gêne dans cette disparition, c’est uniquement personnel : comment gérer Aliki, faire la cuisine, tenir la maison alors qu’elle est accaparée par son travail d’opticienne.

Les raisons de Iannis sont différentes : il est amoureux et veut faire sa vie avec elle, il connaît tout d’elle. Seule ombre au tableau : il braconne, pose des filets japonais, piège à glu pour capturer les milliers d’oiseaux (protégés !) lors que leur migration et les revendre à des restaurateurs peu scrupuleux. Il est conscient que c’est mal agir, mais il s’agit du vrai réseau mafieux dont il est difficile de sortir.

La police ne moque éperdument de la disparition de la jeune femme, pour eux toutes ces domestiques n’ont pas d’existence légale, ce sont des parasites, des meubles pratiquement alors à quoi bon dépenser l’argent des contribuables à les rechercher quand l’une d’elles disparaît, elle est forcément partie, sans « reconnaissance » pour les bourgeois qui les ont accueillies !

On apprend beaucoup de choses sur le sort de ces femmes, qui triment 12 ou 15 heures par jour voire plus, certaines étant battues, violées parfois. Elles ont quitté leur pays d’origine à cause de la misère, où elles ont une famille à entretenir doivent rembourser l’agence qui les a fait venir et sont considérées comme des moins que rien.

L’auteure nous montre la prise de conscience de Petra : trop préoccupée d’elle-même, elle ne sait rien de l’histoire de Nisha, de la place qu’elle occupe dans le cœur de sa fille ou celle de Iannis (dont elle ne sait guère plus !)

J’ai eu du mal avec les descriptions de la chasse à la glu et je n’ai vraiment lu que la première, pour les autres scènes la concernant, j’ai lu en travers, car la nausée s’était installée. Ce sont des choses qui existent et il est important de le savoir, surtout quand ces procédés permettent avant tout la survie des braconniers. Et surtout, on connait la lente agonie de ces oiseaux…

C’est une belle histoire, racontée avec beaucoup de délicatesse, qui permet de découvrir la culture de Chypre, comme celle du Sri Lanka. L’intrigue monte en puissance, d’autres personnes entre en scène : « domestiques » amies de Nisha en particulier qui ont toutes une personnalité différente, attachante, ou des personnes qui les aident et qui contrairement à la police s’intéressent à leur disparition ou simplement leurs difficultés. Sans oublier Aliki, petite fille âgée de 9 ans seulement sur le charme de laquelle je suis tombée immédiatement.

La couverture est superbe !

Encore un roman qui ne se lâche pas, alors qu’on a envie de faire durer le plaisir en ralentissant la lecture pour faire durer le plaisir.

Un grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure dont j’avais noté déjà le précédent roman « L’apiculteur d’Alep » mais vu l’état de ma PAL, il est toujours à l’état de projet…

8/10

L’auteure :

Christy Lefteri est née à Londres de parents chypriotes. « L’apiculteur d’Alep », son deuxième roman, immense succès international, lui a été inspiré de son travail de bénévole dans un camp de migrants à Athènes. Avec « Les oiseaux chanteurs », situé à Chypre, elle abord, cette fois, le sujet du trafic humain et du braconnage, avec toujours beaucoup d’humanité.

Extraits :

Un jour, Nisha a disparu et elle s’est transformée en or. Elle s’est transformée en or dans les yeux de la créature qui se tenait devant moi. Elle s’est transformée en or dans le ciel matinal et le chœur des oiseaux. Plus tard, je l’ai reconnue dans la mélodie chatoyante de la domestique vietnamienne qui chantait chez Théo. Et puis dans les visages et les voix de toutes les femmes de ménage qui ont déferlé dans les rues, exigeant d’être vues et entendues.

Parfois, la terre nous parle. Elle nous transmet un message. Encore faut-il être capable de la regarder et de l’écouter avec notre âme d’enfant. Mon grand-père m’avait appris à déchiffrer son langage.

Toutes ces questions me ramenaient à Nisha. Je me rendais compte que je n’avais jamais pensé à elle en ces termes, que j’avais refusé de voir qu’elle était un être humain avec ses peines et ses espoirs. Je le savais, mais cela restait très théorique et très lointain. Je ne l’avais jamais ressenti dans mon cœur.

Elle venait d’une île ravagée par une guerre interminable, elle aussi, une île longtemps colonisée. L’île et ses habitants avaient souffert. De telles expériences ne s’effaçaient pas facilement, elles perduraient en silence. Pourquoi était-elle partie si loin de chez elle ? Pour sauver sa fille… Du quoi ? Petra

Je me sentais proche d’elle, dans ces moments-là. Il y avait cette histoire partagée, l’occupation britannique, quelque chose que nous comprenions tous les deux : les récits transmis d’une génération à l’autre, la culture et la terre volées, la lutte acharnée pour la liberté, l’identité.

Elle avait dix ans quand elle est morte. Elle est née avec le cœur brisé. C’est ce que disait ma mère : certains bébés naissent avec le cœur brisé, parce qu’ils ont éprouvé un grand chagrin dans une vie antérieure et qu’ils ne sont pas prêts à se réincarner.

Si c’était une Chypriote qui avait disparu, ils remueraient ciel et terre pour la retrouver. Ils ne se soucient pas de ces femmes. Pourquoi ? Parce qu’elles sont étrangères. Elles ne sont pas Chypriotes, elles ne sont pas citoyennes. Elles ne comptent pas.

Elles étaient censées être ici pour travailler et, même pendant leurs heures de repos, elles restaient notre propriété. C’était la règle tacite.

Lu en avril 2022

« Mort sur le Nil » : Agatha Christie

Je vous parle aujourd’hui d’un livre qui m’avait beaucoup plu à l’adolescence et que j’ai eu envie de relire dans cette nouvelle traduction :

Résumé de l’éditeur :

Quoi de plus reposant et tranquille qu’une croisière sur le Nil ? Sauf quand on retrouve à bord le corps de Linnet Ridgeway tuée d’une balle dans la tête. Linnet avait tout pour elle, jeunesse, beauté, richesse… tout jusqu’à ce qu’elle perde la vie ! 

 Parmi les passagers, tous sous le choc d’une telle découverte, se trouve Hercule Poirot, le célèbre détective belge. Et voilà que justement il se rappelle avoir entendu un homme dire au sujet de la victime : « Je poserai bien mon pistolet contre sa tempe et j’appuierai sur la gâchette ! »   Mais cette déclaration, si elle n’est pas anodine, ne fait pas forcément de vous le coupable idéal. 

Ce que j’en pense :

Hercule Poirot est en train de dîner dans un restaurant lorsque son attention est attirée par un jeune couple qui occupe une table voisine. Il constate d’emblée que, si ces deux-là sont amoureux, la jeune femme semble plus éprise que son compagnon qui comme il se le formule intérieurement, se contente de se laisser aimer. Il s’agit de Jacqueline de Bellefort et Simon Doyle.

Quelques mois plus tard alors qu’il effectue une croisière sur le Nil dont il rêvait depuis longtemps, il constate que Simon a épousé une riche héritière : Linnet Ridgeway, par ailleurs l’amie de Jacqueline qui lui avait demandé d’embaucher Simon. Tous deux ont choisi cette croisière comme voyage de noces…

Jacqueline, pleine de colère après cette trahison, s’est invitée à la croisière et empoisonne la vie du jeune couple, affirmant au passage à Hercule Poirot son envie de « tirer une balle dans la tête » de Linnet… Bien sûr celle-ci est retrouvée morte, mais Jacqueline a un alibi : elle a tiré sur Simon le blessant au genou après avoir abusé des cocktails au bar. On l’accompagne « en état de choc.

Linnet ne s’est fait que des ami(e)s, elle n’a que 18 ans lorsqu’elle se marie donc tous ceux qui « géraient sa fortune » n’apprécie guère, elle a racheté le manoir Wode Hall à un homme ruiné, elle est belle donc attise curiosité, jalousie… Tenues somptueuses, bijoux qui le sont tout autant…

Ce livre m’a beaucoup plu à l’adolescence et j’ai eu envie de le relire, dans cette nouvelle traduction. Je me rappelais parfaitement qui avait tué qui et comment, mais j’avais oublié les autres personnages, intrigues et morts brutales. Et bien, force est de reconnaître que le charme a parfaitement fonctionné en deuxième lecture.

La couverture est très belle, nettement plus tentante que ma vieille édition en jaune et noir. J’avais prévu de comparer les deux traductions mais je n’ai réussi à remettre la main sur le premier…

J’ai lu plusieurs romans de la Reine du polar, à l’époque, souvent lors de la préparation des examens, en alternance avec une aventure d’Astérix selon les époques et j’ai retrouvé avec plaisir le style d’Agatha Christie, la manière dont Hercule Poirot fait fonctionner ses petites cellules grises comme il se plaît à le dire, en prenant bien soin de multiplier les indices pour mieux égarer le lecteur.

Mon préféré reste quand même « Le crime de l’Orient Express » que j’ai relu en version BD il y a quelques temps et vu les adaptations au cinéma.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions J.C. Lattès qui m’ont permis de redécouvrir ce roman et ainsi retrouver la plume de son auteure.

#MortsurleNilNouvelletraductionrévisée #NetGalleyFrance

8/10

Extraits :

Nu-tête, vêtue d’une robe qui avait l’air tout simple – mais qui en avait l’air seulement – une fille était descendue de la voiture. Une fille aux cheveux d’or, au visage régulier, à la silhouette parfaite. Une fille qui ne semblait pas du genre à se laisser impressionner… Une fille comme on n’en voyait guère à Malton-under-Wode.

On dit parfois que l’homme a été obligé d’inventer le travail pour éviter de penser, et c’est bien vrai.

Il y avait de la sauvagerie dans ce plan d’eau qui s’étendait devant eux, dans ces escarpements de rochers dénudés qui semblaient l’enclore, dans ces vestiges de maisons englouties par la montée des eaux consécutives à l’endiguement du fleuve. Le paysage tout entier respirait la mélancolie et dégageait une manière de charme quasi maléfique…

Il y avait de la sauvagerie dans ce plan d’eau qui s’étendait devant eux, dans ces escarpements de rochers dénudés qui semblaient l’enclore, dans ces vestiges de maisons englouties par la montée des eaux consécutives à l’endiguement du fleuve. Le paysage tout entier respirait la mélancolie et dégageait une manière de charme quasi maléfique…

Lu en avril 2022

« Revenir à Berlin » de Jonathan Lichtenstein

Je vous parle aujourd’hui d’un livre percutant dont la  couverture m’a attirée tout autant que le résumé :

Résumé de l’éditeur :

1939. Hans, le père de Jonathan Lichtenstein, arrive en Grande-Bretagne après avoir échappé à l’Allemagne nazie grâce au dernier convoi du Kindertransport. Presque tous les membres de sa famille étant morts durant l’Holocauste, il reste en Angleterre, où il tourne le dos à sa culture juive allemande. Toute sa vie, Jonathan peine à comprendre ce père taiseux, au comportement erratique.

À l’aube de ses quatre-vingts ans, Hans accepte d’affronter les démons de son passé. Le père et le fils entreprennent alors le voyage inverse jusqu’à Berlin et abordent les questions trop longtemps laissées en suspens.

Entre road trip, souvenirs d’enfance et secrets de famille, Revenir à Berlin offre une leçon de mémoire tout en explorant ces traumatismes qui se transmettent de génération en génération. Une œuvre singulière, édifiante et poignante.

Ce que j’en pense :

Nous allons donc Hans Lichtenstein, qui a décidé de revenir, en compagnie de son fils Jonathan, sur les traces de ce qui fut son périple de Berlin jusqu’en Grande Bretagne en 1940, à bord du dernier Kindertransport, alors qu’il était âgé de douze ans, laissant derrière  lui une grande partie de sa famille, tel un voyage à l’envers.

Hans n’a jamais voulu évoquer son passé en famille, on sait quelques bribes : Ruth la mère de Hans a survécu à la guerre et vivait à Berlin-Est, donc ne pouvait pas franchir le mur. Les grands-parents maternels de Hans étaient décédés avant les deux ans de Jonathan. C’est à peu près tout.

Lorsque j’étais petit, mon père n’évoquait jamais ouvertement son enfance, ni ce qui avait trait à ses origines allemandes. C’était presque comme s’il n’avait pas été jeune. Il ne disait rien à propos de don père, de sa mère, de ses grands-parents, pas plus qu’il ne mentionnait des amis, les endroits où il avait joué ou habité, les écoles qu’il avait fréquentées…

Hans n’a vu Ruth que trois fois, une à Berlin et les deux autres lorsqu’elle est venue leur rendre visite (ce qui n’a laissé un bon souvenir à personne, étant donné son autoritarisme !)

Devant le silence obstiné de son père, Jonathan va sombrer dans l’apathie, le dégoût de vivre, l’anorexie… Face à ce père, médecin apprécié de tous, bouillonnant d’énergie, il se sent à peine de droit d’exister, comme un éternel enfant.

Hans a mis un point d’honneur à réussir sa vie familiale et professionnelle, ne laissant rien filtrer de son enfance dans l’Allemagne nazie, qui se manifeste dans sa haine des voitures allemandes, Volkswagen, Mercedes, qu’il dénigre constamment et pour cause, il s’achètera uniquement des Mini, dans lesquelles il conduira sa famille assez nombreuse (5 enfants) en prenant des risques insensés sur les routes terrorisant les siens.

Malgré cette relation dure et conflictuelle, le père ne tolérant aucun signe de faiblesse, il décide de l’accompagner dans ce voyage à l’envers : retour vers Berlin, en suivant les mêmes lieux que le train a utilisé : le ferry vers le Pays-Bas, le train, en visitant les sites témoins, le musée du peuple juif de Berlin, cimetière juif, la boutique que tenait son père et qui a été détruite lors de la Nuit de Cristal.

Certains souvenirs remontent, même ceux qui semblent les plus insignifiants, telles les pancartes sur le trajet les arrêts en cours de route, sur fond de pâtisseries et de café partagés avec son fils, dans les fameuses Konditorei. Il y a un pèlerinage sur le trajet du Kindertransport (dont il fit partie du dernier convoi) et un retour sur les plaisirs de son enfance. Force est de constater qu’il se souvient de beaucoup de choses alors qu’il n’était âgé que de 12 ans.

Même, si tout cela lui remue les tripes, au propre comme au figuré, il met un point d’honneur à rester stoïque alors que son fils fait des crises de panique, obligé de se coucher à plat-ventre sur le sol et embrasser la terre ou le béton, en apnée… ce voyage n’est pas de tout repos car Hans ne perd pas son habitude d’adresser sans cesse des reproches, des critiques à son fils. Ils vont se découvrir un peu plus, mais ce qui ne s’est pas constitué pendant l’enfance sur le plan affectif, peut-il se rattraper, rien n’est moins sûr.

Une scène difficile : quand Hans veut entrer dans l’immeuble où a habité son père, alors qu’une octogénaire lui dit que « on ne peut pas laisser entrer les gens comme vous » (sic)

J’ai beaucoup aimé ce récit, témoignage d’une histoire que je ne connaissais pas, ces Kindertransport qui ont permis à des enfants d’échapper au pire et d’avoir accès à une autre vie, même si ce qui a été détruit l’est pour toujours, et témoignage aussi d’une relation père-fils qui a eu du mal à se construire, avec tous les non-dits, le poids des disparus.

Jonathan Lichtenstein a une écriture sobre, pas de lace pour le pathos, mais pour la souffrance, oui par contre. Il choisit d’alterner le présent et le passé, les étapes du voyage et les évènements qui ont jalonné la vie de la famille que Hans s’est construite au Pays de Galles.

Je l’ai terminé il y a plus d’une semaine, mais j’ai pris le temps pour rédiger ma chronique, temps nécessaire pour « digérer » ce voyage initiatique, pour ne pas laisser l’émotion me submerger, car certains passages sont très forts. Pour un premier livre, c’est vraiment réussi, car l’auteur sait très bien raconter.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions JC Lattes qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur.

#ReveniràBerlin #NetGalleyFrance !

9/10

L’auteur :

Jonathan Lichtenstein est dramaturge et professeur d’art dramatique à l’université d’Essex en Angleterre.

Ses pièces ont été jouées en particulier à Londres, Édimbourg, New York, Berlin, Chicago, Sydney, Dresde, Cardiff.


« Revenir à Berlin » est son premier roman.

Extraits :

Les Kindertransport (transport d’enfants), est l’opération humanitaire grâce à laquelle des enfants non accompagnées furent acheminés en Grande-Bretagne entre 1938 et 1940. Environ dix mille jeunes réfugiés, juifs pour la plupart, partirent d’Allemagne, de Pologne, d’Autriche, des Pays-Bas et de Tchécoslovaquie. L’un d’eux accomplit ce voyage seul à l’âge de12 ans : Hans Lichtenstein.

Il avait refusé que ses enfants apprennent l’allemand à l’école, interdit les livres sur la seconde Guerre mondiale à la maison, ne prononçait jamais le mot Hitler, ne faisait pas d’allusions à la Shoah et nous incitait régulièrement à éviter les foules.

L’absence de ma grand-mère et le silence de mon père sur ces sujets eurent pour conséquence que, par la force des choses, notre famille a longtemps vécu dans un monde énigmatique, indéchiffrable, peuplé de silences et de deuils inexprimés.

J’ai mis des décennies à me faire une idée de ce qu’il avait vécu. Je m’y suis efforcé car je voulais mesurer l’impact que son enfance avait eu sur la mienne, savoir pourquoi j’avais une conduite d’échec, pourquoi je ne réussissais rien, pourquoi je ne voulais pas parler aux gens, pourquoi le monde me paraissait souvent haïssable…

L’énergie de mon père est si bouillonnante qu’une fois qu’il n’est plus là, je m’aperçois que j’étais en apnée, incapable d’aspirer suffisamment d’oxygène pour empêcher mon cerveau de partir en vrille comme il le fait toujours…

Mon père n’était pas disponible pour moi, je ne l’étais pas pour lui, et bien que cela ait pesé sur mes épaules dès mon plus jeune âge et que je me sois efforcé de remédier à nos mutismes respectifs, c’était ainsi…

Ses activités incessantes – courir, pédaler, nager, jardiner, travailler – sont des objectifs atteints, des actes accomplis. Toutes ses aventures confirment ce qu’il a perpétuellement besoin de se remémorer : qu’il est vivant… L’immobilité est inenvisageable.

J’ai absorbé une partie de son passé. Pourquoi, je l’ignore. C’est devenu le fantôme noir qui m’habite. Contre lequel je lutte mais qui s’accroche à moi. C’est la paroi de mon cœur.

Le silence que nous partageons est à la fois lourd et familier. Il me rappelle une fois de plus que je dois me tenir à distance de mon père. Ses reproches incessants empêchent toute intimité entre nous.

Quelque chose lui a été dérobé au cours de son voyage en train, qui ne reviendra pas. Ceux qui survivent à ce à quoi il a survécu, s’ils réchappent à la mort de leur vie antérieure, sont néanmoins contraints de la conserver en eux.

Par un acte de volonté suprême, mon père s’est reconstruit tout en gardant au fond lui son « extinction partielle ». Il est devenu son propre parent, s’est reconstitué et s’en est sorti. C’est pour cela qu’il ne regarde jamais en arrière, ne sollicite pas sa mémoire, ne revient pas sur son passé, ne nous régale pas de récits de son enfance, ne parle de rien qui ait un rapport avec l’Allemagne.

Lu en février 2022

« Bain de minuit à Buckingham » de S.J. Bennett

Je vous parle aujourd’hui d’un livre fort sympathique, véritable friandise dans ces moments de sinistrose que nous traversons ; il s’agit du deuxième tome de la série « Sa Majesté mène l’enquête » dont j’avais découvert le premier il y a quelques mois :

Résumé de l’éditeur :

Après un démarrage majestueux, le deuxième volume de la royale série de cosy mysteries « Sa majesté mène l’enquête ».

L’année 2016, marquée par le référendum sur le Brexit, s’annonce difficile pour Elizabeth II : l’un de ses tableaux préférés, mystérieusement disparu de sa collection privée des années plus tôt, réapparaît dans une exposition. La reine confie à Rozie, sa secrétaire particulière adjointe, la mission de le récupérer, de préférence avec des explications. Pour couronner le tout, l’ambiance au palais de Buckingham est gangrenée par une vague de lettre anonymes.

Lorsque l’une de ses femmes de chambre est retrouvée morte, exsangue, au bord de la piscine, c’en est trop pour la souveraine, qui décide d’intervenir. Tremblez corbeaux, meurtriers, voleurs et autres pourfendeurs de la royauté : Sa Majesté mène l’enquête !

Ce que j’en pense :

Sir Simon, secrétaire particulier de Sa Gracieuse Majesté a décidé de soigner son apparence en se rendant à la piscine pour faire quelques longueurs. Une surprise l’attend : il tombe sur le corps complètement exsangue d’une femme de chambre fort peu appréciée de ses collègues. Accident ? Meurtre ? « Shocking ! »  Sa Majesté doute…

Retour quelques mois en arrière : un tableau représentant le Brittania, le yacht de la Reine, au bord duquel elle a vécu tant de belles choses, tableau de piètre qualité en fait mais ô combien riche sur le plan émotionnel, figure dans une exposition où il n’aurait jamais dû être puisqu’il appartient au domaine privé.

Rozie, la secrétaire particulière adjointe se voit confier la mission d’enquêter sur cette mystérieuse disparition par la Reine, tout en appelant en renfort un inspecteur.

J’ai beaucoup aimé retrouver Sa Gracieuse Majesté, son époux Philip dont j’apprécie toujours autant l’humour pince sans rire, et les surnoms originaux dont il affuble son épouse ainsi que Rozie et son efficacité coutumière, sur fond de trafic d’objets, de lettres anonymes en tout genre, voire de racisme le tout sur fond de Brexit qui irrite au plus haut point le Prince, qui se « console » en ironisant sur les tailleurs de Teresa May et ses chaussures en léopard.

Il y a beaucoup de plaisir à observer la Reine mener l’enquête, sans se mettre en avant, se promenant dans le palais et les autres résidences, ses Corgis sur les talons, la suivre dans ses entretiens avec les Chefs-d’Etat étrangers et leurs exigences parfois risibles, sans jamais élever un sourcil, tandis que les élections américaines s’acheminent vers l’impensable…

J’aime bien la manière dont les membres de son personnel, notamment Sir Simon et Rozie, essaie de lui cacher les choses, en lui affirmant que tout est sous contrôle, petite phrase qu’elle déteste comme si elle avait besoin qu’on la traite comme une chose fragile.

L’enquête est plus lente que la précédente mais c’est un plaisir, et un dépaysement total, dans les jardins comme dans les immenses pièces qui se délabrent… un polar à part, friandise qui se consomme sans modération. J’attends le prochain tome avec impatience et plaisir, même si je sais que Philip ne sera plus là…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Presse de la Cité qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume et la pétillance de son auteure.

#BaindeminuitàBuckingham #NetGalleyFrance !

8/10

Extraits :

La reine se doutait que l’article du Daily Telegraph devait traiter du Brexit, d’où l’humeur de Philip, plus irritable que d’habitude. Adieu Cameron. Le parti en déroute. Tout ce travail de sagouin… à côté de ça, un malheureux tableau peint par un artiste médiocre bien avant l’entrée de la Grande Bretagne dans le marché commun ne semblait pas bien important.

Elle représentait une source de fascination, et elle était observée depuis si longtemps qu’elle avait l’habitude que ses observateurs soient eux-mêmes observés.

Comme temps passait vite. Ou pas. Parfois, on se demandait comment on allait tenir jusqu’à l’heure du thé. D’autres fois, en un clin d’œil, une décennie s’était écoulée.

Qu’allons-nous bien pouvoir faire avec une première ministre pour qui le comble de l’humour, c’est de porter des chaussures léopard ?

Parfois, c’était vraiment usant de constater que même des individus supposément sensés s’attendaient à ce qu’elle s’exprime comme une princesse médiévale dans sa tour d’ivoire. Surtout que les princesses médiévales devaient connaître le sujet aussi.

Le palais était tel un cygne sur un lac : glissant avec grâce en surface, moulinant comme un dératé en profondeur.

Les fondements mêmes de la démocratie semblaient affaiblis comme jamais depuis la guerre, c’est-à-dire avant la naissance de la plupart de ses sujets. Elle sentait que, à l’orée de quelque chose qu’ils ne comprenaient pas pleinement, tous s’accrochaient à leurs valeurs en priant pour qu’elles résistent.

Lu en février 2022

« Double aveugle » d’Edward St Aubyn

Je vous parle aujourd’hui d’un livre choisi sur NetGalley pour sa couverture autant que son résumé et un certain nombre de critiques sympathiques :

Résumé de l’éditeur :

Olivia, une jeune Londonienne, vient de rencontrer Francis. Elle se surprend à être séduite par ce naturaliste qui ne jure que par la vie à la campagne. Au même moment, elle s’apprête à publier son premier livre sur son domaine de recherche, l’épigénétique, et à accueillir sa meilleure amie Lucy qui rentre des États-Unis après une longue absence. Olivia est ravie de lui présenter Francis et de partager avec elle ses découvertes scientifiques.

Mais les retrouvailles ne se passent pas comme prévu, car Lucy doit faire face à un diagnostic terrible : elle souffre d’une tumeur au cerveau potentiellement fatale. Son patron Hunter, un milliardaire américain qui a investi dans les biotechnologies, va se révéler d’un grand secours dans cette situation, et les quatre trentenaires – dont la vie se déroule entre Londres, la campagne anglaise, Big Sur en Californie et le Cap d’Antibes – vont affronter ensemble cette épreuve autant que les autres questions existentielles qui les préoccupent. Leurs interrogations intimes de transmission et d’héritage familial croisent alors des travaux scientifiques plus larges ; chacun en sortira transformé.

St Aubyn joue en virtuose avec des sujets contemporains tels que l’écologie, les nouvelles technologies, la génétique et la psychanalyse. Son empathie pour ses protagonistes lui permet de nous toucher au cœur, et son art consommé de la narration nous fait vibrer au rythme d’un récit haut en couleurs, tour à tour drôle et dramatique.

Ce que j’en pense :

On fait la connaissance dans un premier temps d’Olivia, spécialiste en épigénétique qui vient de rencontrer Francis, qui s’est investi dans la nature et se livre à des expériences de ré ensauvagement. Il habite à la campagne et nos deux tourtereaux vont faire plus ample connaissance durant un week-end dans sa propriété.

L’amie d’Olivia, Lucy, arrive des USA, après une longue période d’absence, après avoir laissé son amoureux, pour changer de vie, de travail, et vient d’être embauchée par Hunter, milliardaire américain qui a investi dans les nouvelles technologies et fait main basse plus ou moins honnêtement sur toutes les start-ups qui foisonnent. Lors de l’entretien d’embauche, il tombe sous le charme de Lucy.

On se promène ainsi des USA en Grande Bretagne, de la Californie en passant par Antibes, pour suivre les pérégrinations des quatre personnages principaux, en traversant la génétique, la neuro-imagerie, la psychanalyse, l’écologie, la science versus la création divine du monde, monde qui est en train de voler en éclats, tant la planète souffre.

Chacun est au départ très égocentré, passionné par l’argent pour les uns, la science pour d’autres, mais très vite, les choses vont évoluer car on a diagnostiqué à Lucy une tumeur cérébrale, alors les priorités du début changent, donner un sens à la vie est peut-être plus important, tout cela sur fond de consommation de drogues pour rester constamment hyper-vigilant, hyperactif, hyper-réactif (en mode Leonardo di Caprio dans le loup de Wall Street).

On fait la connaissance des parents d’Olivia, parents adoptifs, comme on l’apprend dès le début du roman, ce qui donne une réflexion intéressante sur l’adoption, la quête de la mère biologique, des racines.

Edward St-Aubyn décrit très bien le côté fugace de l’existence, l’impermanence, et comment on croit tenir les rênes de son destin tandis que la maladie entre en scène et vient rebattre les cartes, tout comme le côté immatériel des start-ups face au désastre de la planète.

En parlant de planète, j’ai apprécié la motivation de Francis dans la mise en place du ré-ensauvagement et son épopée californienne dans le ranch de Hunter, nouvellement converti et l’engagement des voisins de ce dernier : un rancher qui veut bien se remettre en question et Hope, hippie sur le retour, plus ou moins nymphomane, pratiquant le yoga, ce qui donne des scènes drôles.

J’ai beaucoup aimé Martin, le père d’Olivia, psychiatre, s’est lancé dans la psychanalyse d’un patient schizophrène, ce qui laisse admiratif, et leurs échanges sont savoureux.

Si j’’avais peu apprécié un de ses romans précédents « Dunbar et ses filles » que j’avais totalement oublié d’ailleurs, j’avoue que celui-ci m’a plu et permis de passer un bon moment. L’intérêt d’Edward St-Aubyn pour la psychanalyse s’explique par son propre parcours qui a été particulièrement difficile.

Dernier plus : la couverture est très belle, avec ces papillons multicolores, qui évoquent le côté éphémère de l’existence tout comme l’effet du même nom, alias effet domino avec son corollaire, la loi de Murphy… Le titre fait référence aux études en double aveugle contre placébos avec comme argument : le placebo a ses propres effets secondaires comme si propres effets positifs…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver son auteur.

#Doubleaveugle #NetGalleyFrance !

8/10

L’auteur :

Edward St Aubyn (ou Saint-Aubyn) est un écrivain britannique. Descendant d’une famille de la noblesse anglaise, il a grandi à Londres et en France.

Durant son enfance, de 5 à 8 ans, Edward a été sexuellement abusé par son père avec la complicité de sa mère. Cela se passait dans un château en Provence, une maison de famille dans le Var. A 16 ans, il s’enfonce dans la drogue.

Hanté par sa jeunesse douloureuse et surtout par son père, il tente tant bien que mal de survivre à ses traumatismes en se réfugiant dans toutes formes de drogues. Dépendant de l’héroïne, il entame une psychothérapie à l’âge de 25 ans. Pour s’en sortir, il a romancé sa vie.

Extraits :

Il appartenait, comme Olivia, à une génération qui avait la sensation d’être née sur une planète irrévocablement endommagée par l’avidité et l’ignorance des hommes. La génération précédente avait certes été préoccupée par la menace de l’annihilation nucléaire, mais pour Francis, qui n’avait que cinq ans à la chute du mur de Berlin, il n’y avait clairement pas besoin d’une guerre pour dévaster la biosphère ; il suffisait tout simplement de continuer comme ça…

Une fois établi le séquençage du génome humain, il s’était avéré que celui-ci contenait vingt-trois mille gènes, à peu près autant qu’un oursin, mais beaucoup moins que les quarante mille gènes du riz.

Aux yeux d’une étrangère, il y a tellement de philanthropie en Amérique, et si peu de charité. La plupart des gens doivent se saigner aux quatre veines pour prouver qu’ils méritent la bonté la plus élémentaire, tandis qu’un tout petit groupe de personnes n’arrêtent pas de fanfaronner sur l’immense générosité dont ils font preuve – tant elle est fiscalement déductible…

De la même manière que le fameux droit de tout citoyen américain à la « poursuite du bonheur » était en réalité une garantie de malheur, puisqu’un individu ne peut poursuivre que ce qui lui manque, lui-même devait s’abandonner à la pure conscience, tel un homme allongé dans l’herbe, plutôt que la poursuivre comme qui se lèverait de l’herbe pour chercher un endroit pour s’allonger…

Quelle zone du cerveau s’illumine-t-elle lorsque le lecteur rencontre pour la première fois Mr Darcy et son odieuse fierté ? La critique littéraire peut-elle se permettre d’ignorer ce qui se passe dans le complexe amygdalien du lecteur quand Elizabeth Bennet rejette sa première demande en mariage ? C’est une vérité universellement reconnue : tout sujet désireux d’acquérir une réputation de sérieux doit nécessairement faire appel à la neuro-imagerie…

Sa (Hunter) peur de l’infarctus, de la psychose et des autres notes de bas-de-page dissuasives de son mode de vie gargantuesque semblait triviale comparée à l’effroi que lui inspirait l’idée de faire quoi que ce soit d’ordinaire.

C’était une profession (neurochirurgien) où semblaient fusionner compassion et brutalité, sans qu’il soit besoin de révéler lequel de ces deux élans dominait le praticien, tant qu’ils s’accompagnaient de précision…

N’y avait-il pas moyen de parvenir à un accord avec sa tumeur, qui leur aurait permis de poursuivre leur chemin à tous les deux, comme on trouve un arrangement avec un maître-chanteur ? La tumeur s’était arrangé un nid dans son cerveau sans rien lui demander, mais à présent, il était temps de négocier…

Lu en décembre 2021

« Ni vu, ni connu » de Jeffrey Archer

Petit intermède polar entre deux lectures fortes qui m’ont particulièrement marquée ces derniers jours avec le livre dont je vous parle aujourd’hui :

Résumé de l’éditeur :

Le nouveau roman de Jeffrey Archer, « conteur de la trempe d’Alexandre Dumas » selon le New York Times.

William Warwick a été promu et intègre la brigade des stupéfiants. Ses membres ont pour objectif prioritaire d’appréhender Assem Rashidi, le fameux baron de la drogue du sud de Londres, connu sous le nom de La Vipère.

Alors que l’enquête progresse, William va devoir faire face à des adversaires redoutables tout droit revenus de son passé. Son ennemi juré, Miles Faulkner, est toujours libre, mais une erreur de jugement de sa part pourrait bien le voir partir en prison. William et sa fiancée, Beth, s’occupent des préparatifs de leur mariage sans se douter qu’une mauvaise surprise les attend à l’autel.

William devra ruser pour traduire en justice Miles Faulkner et Assem Rashidi en élaborant un stratagème qu’aucun des deux hommes ne pourra prévoir, un piège caché à la vue de tous…

Ce que j’en pense :

William Warwick, qui vient d’être nommé brigadier à la brigade des stups, est en plein préparatif de son mariage avec Beth qui travaille dans le domaine de l’art. en même temps, son vieil ennemi, le baron de la drogue Miles Faulkner qu’il s’agit de prendre la main dans le sac.

Un ancien copain de collège, consommateur, avec lequel il a eu autrefois des démêlés, va être recruter comme « taupe » en échange d’une fuite au Brésil avec sa dulcinée. Devenu témoin protégé, il va devoir raconter comment fonctionne le trafiquant. Mais, est-il fiable ?

Un autre baron de la drogue, Assem Rashidi, alias la Vipère, fait également l’objet d’une surveillance, et William participe au plan mis en œuvre par l’équipe.

L’enquête policière est sympathique, sur fond de mariage, voyage de noces à Rome, pour William et Beth, et de divorce tonitruant (allez, j’ose, abracadabrantesque !) avec argent sale, tableaux de grands maîtres, notamment Vermeer pour Faulkner.

J’ai lu ce livre d’une traite car je voulais respirer entre deux romans forts de cette rentrée. J’ai aimé les relations entre les membres de la famille Warwick : Sir John, le père, avocat représentant la Couronne, sa fille qui doit prouver qu’elle est douée aussi, et William qui a choisi la police au grand dam de son père, après avoir entamé des études d’art.

J’ai aimé l’humour, « so british », mais l’histoire en elle-même n’est pas vraiment trépidante. C’était mon premier « contact » avec Jeffrey Archer et je suis restée sur ma faim. L’auteur nous propose un récit drôle et des réflexions sur le monde des dealers intéressantes mais, on les connaît, ce n’est pas mieux chez nous… il faut dire aussi qu’après avoir refermer « Berlin Requiem » c’était ce polar partait avec un sérieux handicap…

Lectures en cours, entre autres, : « S’adapter » « La carte postale » et « Enfant de salaud », ce qui explique le besoin d’humour…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et découvrir son auteur.

#Nivuniconnu #NetGalleyFrance

Sortie le 06/10/2021

6,5/10

L’auteur :

Né en Angleterre en 1940, sir Jeffrey Archer fait ses études à l’université d’Oxford avant de se tourner vers la politique. Il démissionne de la Chambre des communes en 1974 pour se consacrer à l’écriture. Il est aujourd’hui traduit dans une trentaine de langues et ses livres se sont écoulés à plus de 270 millions d’exemplaires.

Extraits :

Le trafic de drogue est désormais une industrie internationale, au même titre que le pétrole, la finance ou l’acier. Si certains des plus gros cartels devaient déclarer leurs revenus, non seulement ils se retrouveraient dans la liste des cent entreprises les plus cotées en bourses, mais surtout le ministère de finances pourrait récupérer des milliards en impôts.

Il (Michel Ange et le plafond de la chapelle Sixtine) y a travaillé sans relâche de 1508 à 1512, répondit William. Le pauvre homme a passé presque tout ce temps allongé sur le dos au somment d’un échafaudage grossièrement monté. Quand il a eu terminé, il était presque infirme. Et en plus, le pape Jules ne l’a pas payé dans les délais voulus.

La drogue tue sans distinction les jeunes et les plus vulnérables, pendant qu’un petit groupe d’individus sans pitié se remplit les poches, sans aucune considération pour la souffrance humaine qu’ils causent et gonflés de l’arrogance d’être au-dessus des lois.

Il n’aurait pas cru pouvoir encore être surpris après ce à quoi il venait d’assister mais la vue de tant d’argent, sûrement le résultat d’une seule journée, lui rappela pourquoi les criminels modernes ne se fatiguaient plus à dévalise les banques puisque leurs victimes leur remettaient volontairement leurs économies.

Lu en août 2021