J’avais raté ce roman lorsqu’il a été proposé la première fois sur NetGalley, mais les diverses chroniques qui lui étaient consacrées m’avaient laissée avec beaucoup de regrets alors quand il est revenu dans la version livre de poche, plus question d’hésiter :

Résumé de l’éditeur :
Petitesannonces.fr : Jeune homme de 26 ans, condamné à une espérance de vie de deux ans par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) pour partager avec moi ce dernier périple.
Émile a décidé de fuir l’hôpital, la compassion de sa famille et de ses amis. À son propre étonnement, il reçoit une réponse à cette annonce. Trois jours plus tard, devant le camping-car acheté secrètement, il retrouve Joanne, une jeune femme coiffée d’un grand chapeau noir qui a pour seul bagage un sac à dos, et qui ne donne aucune explication sur sa présence.
Ainsi commence un voyage stupéfiant de beauté. À chaque détour de ce périple naissent, à travers la rencontre avec les autres et la découverte de soi, la joie, la peur, l’amitié, l’amour qui peu à peu percent la carapace de douleurs d’Émile.
Ce que j’en pense :
Émile a vingt-six ans et on vient de lui diagnostiquer une forme précoce de la maladie d’Alzheimer. On lui propose un protocole thérapeutique, mais cela ne débouchera pas sur un traitement, il s’agit seulement d’une étude clinique. Ses parents et sa sœur Marjorie veulent qu’il s’inscrive bien-sûr, mais Émile, lui ne tient pas à servir de cobaye, les médecins lui ayant dit qu’il allait perdre la mémoire et que l’issue serait fatale d’ici deux ans.
Sa compagne Laura l’a largué purement et simplement quelques mois auparavant sous le prétexte qu’il avait tardé à vouloir un enfant avec elle. En fait, elle a une personnalité autoritaire et il lui faut tout, tout de suite, quand elle l’a décidé, après c’est trop tard et elle passe à autre chose.
Ses parents le considèrent déjà comme un être handicapé, le couve et surtout veulent décider de tout à sa place. Son ami d’enfance, marié et père d’un bébé le comprend et devine de façon intuitive qu’il va se passer quelque chose.
En effet, Émile décide d’acheter un camping-car et de partir sur les routes comme il en rêve depuis longtemps, mais ne veut pas partir seul alors il passe une annonce au libellé savoureux, pour trouver une compagne de route. Contre toute attente, Joanne répond à son annonce et accepte de l’accompagner et de s’occuper de lui. Et c’est parti pour l’aventure, le voyage initiatique plutôt.
« Jeune homme de 26 ans, condamné à une espérance de vie de deux ans par un Alzheimer précoce, souhaite prendre le large pour un ultime voyage. Recherche compagnon(ne) pour partager avec moi ce dernier périple. »
Pour être sûr que l’aventure se poursuive, ils éteignent leur portable et Émile décide qu’il enverra des cartes postales de temps en temps à ses parents, à sa sœur et à son ami.
Comme les crises de confusion et les pertes de mémoire deviennent plus fréquente Joanne lui achète un carnet pour qu’il note ses impressions de voyage au jour le jour, comme elle le fait elle-même. On comprend très vite que Joanne a vécu un gros traumatisme et qu’elle fuit aussi les lieux qui lui rappellent sa souffrance.
J’ai beaucoup aimé suivre ce duo, la manière dont ils se découvrent et s’apprivoisent au fur et à mesure du périple, les marches sur les sentiers des Pyrénées, les lacs, les nuits à la belle étoile, la beauté de sites, mais aussi les dangers avec les chutes, les malaises qui nécessitent parfois un avis médical.
Le voyage sur des chemins parfois improbables, les périodes de confusions, la maladie qui progresse, tout est bien abordé dans ce roman. Joanne, qui pratique la méditation de la pleine conscience essaie d’apprendre à Émile pour que les crises de panique soient moins violentes, elle lui parle de son père, un être plein de sagesse qui écrivait des citations sur les murs de la maison.
On rencontre aussi dans ce roman un petit garçon autiste, qui aime peindre, toujours la même couleur, le bleu, mais à vous de le découvrir !
Ce roman raconte aussi l’évolution d’Émile, obnubilé au départ par le départ de Laura, autocentré et qui au fur et à mesure que le voyage se déroule se transforme, tant au contact des autres que du fait de sa maladie. On rencontre des personnages intéressants au cours du voyage qui est aussi un hommage à la nature, à la terre.
Parfois, on est un peu trop dans la romance et les citations de Paulo Coelho reviennent trop souvent mais ce roman est bien construit et aborde des thèmes importants : comment faire pour éviter à tout prix l’acharnement thérapeutique, ou choisir la manière dont on veut vivre les derniers mois de sa vie comme on l’entend réellement ou encore comment désigner un garant qui respectera les volontés du patient sans avoir des problèmes avec la famille…
Des sujets très forts auxquels j’ai beaucoup réfléchi de mon côté, surtout dans un pays où les mots euthanasie, suicide assisté sont tabous, à tel point qu’on est obligé de partir en Belgique ou en Suisse pour faire respecter ses volontés… Mais, c’est difficile de trouver une personne qui pourrait accepter le contrat et les responsabilités qui en découlent, comme Joanne l’a fait avec Émile…
La couverture est belle, le camping-car m’a rappelé ma jeunesse, quand on parcourait les routes dans une vieille estafette Renault !
Une très jolie histoire, dont la fin n’est pas un suspense puisqu’on connaît l’échéance mais qui réserve des surprises quand même. Je redoutais un peu de me retrouver devant un « feel good », genre littéraire qui ne me plaît pas beaucoup en général, mais ce pavé m’a emmenée très loin, de temps en temps la larme à l’œil, et j’ai passé un très bon moment de lecture.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Le Livre de Poche qui m’ont permis de lire enfin ce roman et de découvrir son auteure.
#Toutlebleuduciel #NetGalleyFrance
9/10
L’auteure :
Mélissa Da Costa est une romancière française, chargée de communication dans le domaine de l’énergie et du climat.
Elle suit également des formations en aromathérapie, naturopathie et sophrologie.
« Tout le bleu du ciel » (2019), est son premier roman. On lui doit également « Je revenais de loin » et « Les douleurs fantômes ».
Elle a publié « Les lendemains » en 2020.
Extraits :
Depuis qu’on lui a annoncé le verdict médical, il voit sa mère pleurer et son père serrer les mâchoires. Il voit sa sœur dépérir, le visage mangé par les cernes. Lui non. Il a pris la nouvelle avec une lucidité totale. Une forme d’Alzheimer précoce lui a-t-on dit…
Il n’en a pas parlé. A personne. Il sait qu’on l’en empêcherait. Ses parents et sa sœur se sont empressés de l’inscrire à l’essai clinique. Le médecin a bien précisé portant : il ne s’agit pas de la guérir ou de le soigner, simplement d’en apprendre un peu plus sur sa maladie orpheline. Aucun intérêt pour lui.
Lui-même a du mal à s’expliquer son propre départ. Est-ce que c’est toujours comme ça quand on quitte les gens ? Est-ce qu’on a du mal à comprendre les raisons qui vous y poussent ?
Elle prononce cette phrase d’une voix étrange : « Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir d’autres yeux » (phrase de Proust)
« Le plus grand voyageur est celui qui a su faire une fois le tour de lui-même » c’est de Confucius…
Quelque part, il a de la chance de savoir qu’il va mourir très bientôt. Sans ça, il n’aurait jamais pris le temps de partir, de voyager au cœur de lui-même, de voir les choses avec de nouveaux yeux. Il n’a jamais ressenti ça, ce sentiment de plénitude et de gratitude envers l’Univers.
Il a arrêté de se formaliser de son silence, de son manque d’expression. Il a compris qu’elle était ainsi, que ce n’était pas contre lui.
Joanne est délicate comme le coucher de soleil et lui est pragmatique comme une boîte de maquereaux.
Si on se marie, je deviendrai légalement responsable de toi… Je… Je pourrai m’assurer qu’on ne te ramène pas au centre ou chez tes parents.
La vie n’en a jamais terminé. Il l’a bien compris. Tant qu’il décidera qu’il n’est pas mort, elle continuera de lui jouer de drôles de tours. Et il n’est pas encore mort. Au contraire, il ne s’est jamais senti aussi vivant.
L’esprit a un pouvoir énorme sur le corps, sur l’évolution de la maladie. Il en prend conscience aujourd’hui, adossé à la façade brûlante d’un bâtiment. Comme ces mourants qui sont capables de tenir des jours et des jours avant l’arrivée de leurs proches pour s’éteindre dans leurs bras.
C’est Joseph qui lui a appris cet exercice. « Quand tu as l’impression que la vie t’éparpille en mille morceaux, quand tous tes repères s’envolent, alors transforme-toi en arbre. » Cela fait trop longtemps qu’elle n’a pas pris le temps de s’asseoir et de ressentir…
Lu en mai 2020
