« Les Mangeurs de nuit » de Marie Charrel

Aujourd’hui, je vous emmène au Canada, pour un dépaysement total et une plongée dans une autre époque, avec ce roman qui m’a été vivement conseillé par la bibliothécaire :

Le récit s’ouvre sur une scène particulièrement intense, où une jeune femme est victime de l’attaque d’un ours, et tous deux plongent dans l’eau glacée… Ensuite, les récits vont s’entrecroiser, pour remonter dans le passé, le présent des personnages.

On fait la connaissance d’Hannah, qui vient de trouver devant sa porte la photo d’une jeune femme en kimono, qui n’est autre que sa mère. Comment cette photo a-t-elle bien pu arriver devant chez elle, une maison où elle vit recluse depuis des années ? Cela va faire remonter des souvenirs et nous permettre de connaître son histoire.

Hannah est la fille de Aïka, qui a quitté son Japon natal pour aller épouser un homme en Colombie Britannique, dont elle n’a vu que la photographie. Mais son père ayant perdu beaucoup au jeu, il s’agit de sauver l’honneur perdu et il sera impossible à Aïka de trouver un mari. Elle fait partie de ce que l’on appelle les « Picture Bride » jeunes filles immigrées pour se marier.

Après une traversée difficile, où elle fait la connaissance d’autres jeunes femmes comme elles, elle rencontre enfin son époux, mais on est loin de l’homme jeune et riche : la photo date de quinze ans, et Kuma est pauvre… ils auront un enfant Hannah…

On fait également la connaissance de Jack, dont on apprendra qu’après le décès de sa mère, son père a épousé Elle, une amérindienne, plus exactement une Gitga’at qui l’a élevé ainsi que son petit frère Mark. Jack est un « Creekwalker, il recense les saumons que la surpêche a mis en danger et parcours ainsi forêts, rivières, avec des rencontres souvent agressives.

Marie Charrel nous fait vivre des années 1920, avec l’arrivée de Aïka, première génération de Japonaises arrivant en Colombie Britannique, qu’on appelle les Isseï, la discrimination qui les a accueillies, alors que tous se faisaient discrets, et travaillaient dur, relégués le plus loin possible. Puis la deuxième génération avec Hannah, qu’on appellera les Niseï, pour lesquels ce ne sera pas facile non plus, car la seconde guerre mondiale et Pearl Harbor font encore monter d’un cran (voire plusieurs) l’hostilité envers les « sales jaunes » comme les Blancs les surnomment.

De son côté, Jack subi la même discrimination, car sa belle-mère est amérindienne, et son petit frère Mark va être enlevé pour être confié à un orphelinat pour les christianiser, et où la maltraitance va le traumatiser à vie.

L’auteure nous entraîne dans un univers passionnant, avec un hymne à la Nature sauvage, les mythes et légendes, qu’elles soient japonaises comme les histoires que racontait le père d’Hannah ou les contes et croyances amérindiens Tsimshian notamment le Moksgm’ol, l’ours esprit qui est en fait un ours qui est blanc car il est porteur d’un gène rare, ce qui fait douter de son existence.

J’ai failli oublier : le titre est magique, les Mangeurs de nuit désigne en fait des grosses lucioles, qui éclairent l’obscurité de la nuit.

Je connaissais un peu l’histoire de ces jeunes Japonaises arrivées en Amérique du Nord : au Canada mais aussi aux USA, mais je n’avais jamais abordé la deuxième génération et connaissant la discrimination et le rejet de toutes les communautés par les Blancs, cela ne surprend guère : après avoir exterminé les Amérindiens pour prendre leurs terres, toutes les personnes différentes d’eux ne pouvaient qu’être soumises à représailles.

J’ai vraiment adoré ce roman, l’écriture splendide de Marie Charrel, les termes parfois obscurs qu’elle utilise pour décrire cette nature sauvage, même si parfois les allers et retours à différents époques peuvent désorienter un peu, cela ajoute à la magie du récit. J’aime ce genre de récit qui allie la petite et la grande histoire, les mythes et légendes, la sagesse des autres cultures.

Je remercie infiniment l’équipe de la médiathèque car, si je n’avais pas aperçu ce roman en exposition, je n’aurais peut-être pas été tentée de le découvrir… maintenant que ma curiosité est éveillée, je me laisserais bien tenter par son roman précédent « Les danseurs de l’aube ».

Bref, vous l’aurez compris, il faut se précipiter sur ce roman !

Marie Charrel est journaliste au Monde. « Les Mangeurs de nuit » signe son retour sur la scène littéraire après le remarqué « Les danseurs de l’aube ».

L’étendue de tout ce qu’elle ignore du monde en général et des hommes en particulier la terrorise. Elle n’est soudain plus tellement pressée de débarquer. Affronter ce nouveau pays seule lui semble inimaginable. Quelle folie a-t-elle commise en acceptant cette demande en mariage ?

A Vancouver, à Toronto, les citadins pensent que l’agitation est synonyme de vie alors ils courent, hurlent ; ils confondent la fin et les moyens. Convaincus que le mouvement est fertile, ils se perdent dans leur cavalcade insensée. Ils ont oublié l’harmonie. Celle que Jack recherche chaque fois qu’il remonte un ruisseau ou s’installe sur la rive en compagnie de ses chiens.

Un matin de pluie fine, Jack s’était levé et avait observé le ciel. Des nuages bas formaient une chape grise et opaque. Le vent d’est charriait des effluves d’algues pourrissant sur la batture. Il comprenait, enfin : l’obscurité ne tuait pas la lumière. Elle la révélait. Les souffrances et les deuils, les blessures que lui infligerait la vie, ses propres faiblesse et échecs ne rendraient que plus intense et précieuses l’étincelle qui brûlait en lui.

Là, dans ces quelques rues, les Issei se sentent bien. Ils sont chez eux. Vu de l’extérieur, Powell Street a tout d’un ghetto marmiteux, mais peu importe : ils prennent soin les uns des autres. La solidarité compense les désagréments matériels et le manque de tout. Malgré le déracinement dont ils souffrent, les Issei redoublent d’efforts pour s’intégrer… Vancouver dans les années 1930

Jack n’avait jamais entendu parler de ces pensionnats où l’on internait les jeunes autochtones pour en faire de bons chrétiens. Dans ces écoles qui n’en étaient pas vraiment, le gouvernement prétendait favoriser leur assimilation. Mauvais traitements, solitude, faim.

Les pensionnaires étaient soumis à une discipline de fer. On leur inculquait une nouvelle langue et la religion chrétienne, on dénigrait leur culture, on les humiliait. On les battait. Beaucoup en mouraient. Ceux qui en revenaient étaient marqués à vie. Ravagés.

Le jeune Jack se heurtait pour la première fois à la brutalité du monde. Certains hommes ont le cœur souillé, ils fracassent le bonheur des innocents et s’en retournent sans un mot, laissant derrière eux pleurs et désolation. Il ne savait que faire d’une pareille découverte.

Toutes les Japonaises rêvent de mettre au monde un héritier afin de transmettre le nom de famille paternel, preuve du respect témoigné à la mémoire des ancêtres. La naissance d’une fille est un échec. Hannah ne se fait aucune illusion : sa mère aimera son petit frère bien plus qu’elle.

Regarde les oiseaux, les arbres, les insectes, la pluie, la beauté de chaque chose. La Lune se couchant sur l’océan. Écoute le chant de la cascade offrant sa fraîcheur à la nuit. Savoure les premières baies du printemps, et dis-toi que ton père est en chacune de ces choses. Il te manquera toujours autant, mais ton cœur sera rempli par la chaleur de son souvenir.

« Le parieur » de David Baldacci

Intermède polar, direction la Californie à une autre époque, avec le roman dont je vous parle aujourd’hui :

Après avoir purgé sa peine et sa liberté provisoire, Aloysius Archer se dirige vers l’ouest, plus exactement Bay Town, en Californie, où il a rendez-vous avec un détective privé, Willie Dash avec promesse d’embauche. Lors d’une escale à Reno, il tente sa chance au jeu, ce qui lui réussit et il rencontre Liberty Callahan, qui veut entamer une carrière d’actrice à Hollywood.

Il s’en suit un épisode rocambolesque et musclé, il achète une belle automobile française et les voilà partis tous les deux, direction Bay Town. Le premier entretien avec Willie Dash est étrange : le bureau est dans un quartier « populaire », un liftier l’accepte avec défiance dans l’ascenseur. Il est accueilli par la secrétaire de Dash, son ancienne épouse en fait et il apprend, que le privé était autrefois policier, et qu’il a eu des « périodes difficiles ».

Mais, presque aussitôt, un homme richissime, Douglas Kemper qui brigue la mairie, fait irruption dans le bureau avec son acolyte directeur de campagne, leur offre un contrat juteux pour découvrir qui lui a fait parvenir une lettre anonyme l’accusant d’avoir une aventure extraconjugale, avec une jeune femme qui se produit dans un club de la ville. Douglas est marié à Beth la fille d’un individu peu recommandable obsédé par l’argent, qui n’est pas à une malversation près.

C’est alors que les meutes vont de succéder de façon vertigineuse, en commençant par la vedette du club, et on se retrouve dans un milieu glauque où tous les coups son permis pour arriver à ses fins.

On plonge ainsi dans les USA de l’après-guerre (1949) avec les policiers corrompus, les règlements de compte, l’univers du jeu, la manière dont les jeunes filles en quête d’Hollywood dont traitées comme du gibier etc. j’ai aimé retourner à cette époque, avec des vieux souvenirs des Incorruptibles avec Eliott Ness, que certains ont connu dans ce récit.

Je mettrais un bémol : le récit démarre vraiment très lentement, et j’ai eu de la peine à m’intéresser aux protagonistes, au départ, mais l’auteur sait faire monter le suspense et dévoiler la véritable nature des personnages, et une fois entrée dans le vif du sujet, j’ai beaucoup apprécié ce roman à tel point que j’ai tenté ma chance pour obtenir le précédent: « Une bonne action » pour connaître davantage le passé du héros.

J’ai beaucoup apprécié, entre autres, le dialogue surréaliste entre Archer et Earl, le liftier qui vit dans l’ascenseur où se situe le bureau de Dash.

C’est, encore une fois, ma première incursion dans l’univers de David Baldacci et je prends vraiment le train en marche, car il s’agit de la suite des aventures d’Aloysius Archer mais ce n’est pas gênant, car l’auteur nous livre des éléments du passé au fur et à mesure de l’implication d’Archer auprès de Dash.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Talent qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur

#Leparieur #NetGalleyFrance !

7,5/10

Alors qu’une nouvelle décennie approchait à grands pas, Aloysius Archer se trouvait dans un autocar antédiluvien en route vers l’ouest et la Californie, où il comptait bien faire son possible pour s’organiser une nouvelle vie. Tout ce qu’une personne dans sa situation pouvait raisonnablement espérer consistait en un toit au-dessus de sa tête, trois repas décents par jour, un bon petit verre de temps en temps et un stock de Lucky Strike, ses préférées, pour lui occuper la v bouche et garder ses lèvres bien souples. Et dénicher un boulot, ou plutôt une profession. Il en avait besoin d’une, et vite. C’était comme chercher de l’eau dans le désert, un besoin vital…

L’homme tira sur son cigare pour l’empêcher de s’éteindre. La cabine s’éleva doucement au-dessus du premier étage et se lança à l’assaut du deuxième. « Il était avec les gars de Hoover. C’était un agent spécial avant qu’il parte à Frisco pour être flic, vous le saviez ?

– Non, je l’ignorais.

– c’était l’un des meilleurs. Il a bossé pour Eliott Ness…

Y a rien qui m’surprend, jeune homme. Plus maintenant. Quand on arrive à mon âge et avec la mauvaise couleur de peau par-dessus le marché, la vie n’a plus de surprises en stock. Sauf si c’est pour m’expliquer pourquoi aucun homme blanc m’a pas abattu à un moment donné, sans d’autre raison que ça lui f’sait plaisir, voyez ?

« Terre fragile » de Claire Fuller

Aujourd’hui, je vous propose un petit voyage dans la campagne anglaise avec ce roman :

La scène s’ouvre sur un cottage, à la campagne, dans un petit village anglais, Inkbourne, alors que la neige tombe, recouvrant tout sur son passage. Mais, dans ce cadre idyllique, un drame se produit : Dot est en train de mourir d’un problème vasculaire, sous l’œil vigilant et attristé de la chienne. Tout va basculer, les deux jumeaux de Dot, Julius et Jeanie, qui vivent toujours chez leur mère, à 51 ans vont devoir faire face à une succession de mauvaises nouvelles.

Ils vivaient tous sur le cottage, hébergés gratuitement par le propriétaire du « château » voisin en échange du silence de Dot sur les conditions dramatiques de l’accident mortel de leur père. Accord tacite, non écrit bien sûr auquel la femme du châtelain va mettre brutalement fin en réclamant les arriérés de location.

Alors qu’ils vivaient, en harmonie chichement des produits du cottage (légumes, fruits, œufs…) en s’adonnant à la musique, Julius à la vielle, Jeanie à la guitare (et avant, Dot au banjo) ils vont devoir affronter les dettes, une précarité de plus en plus importante, les secrets qui vont refaire surface et il va falloir faire preuve de ténacité pour aborder tout cela, y compris l’expulsion.

Claire Fuller nous décrit de façon magistrale cette « terre fragile » dans une société où les inégalités sociales sont criantes, la précarité de cette famille, sa marginalité qui s’accentue au fil de révélations, mais également la résilience de Jeanie en particulier, qui fait face à tout, alors que Julius parle mais n’agit pas vraiment. L’amour familial est là malgré tout, et soude les jumeaux. Amour, résilience sont au rendez-vous et la description de cette Angleterre rurale est très belle, laissant des images plein la tête. Je redoutais une romance et fait non, pas du tout…

J’ai beaucoup aimé la manière dont l’auteure décrit la mort de Dot, pleine de douceur avec la seule compagnie de la chienne, et toutes les pensées qui défilent dans sa tête, ainsi que « l’enterrement » : comment payer le cercueil et la cérémonie quand on n’a plus d’argent ?

C’est ma première incursion dans l’univers de Claire Fuller alors qu’un de ses précédents romans « Un mariage anglais » figure en pense-bête dans ma PAL depuis sa sortie…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Stock qui m’ont permis de découvrir ce roman et de découvrir enfin la plume de son auteure

#TerreFragile #NetGalleyFrance !

Le ciel du matin se dégage, la neige tombe sur le cottage. Elle tombe sur le chaume, recouvre la mousse et les trous de souris, lisse les ondulations, comble les creux et les fissures, fond en se posant sur les briques de la cheminée. Elle se dépose sur les plantes et la terre nue du jardin de façade, dessine un monticule parfait, comme moulé sous une tasse, au-dessus du portail moisi. Incipit

Dot s’effondre sur le canapé de la cuisine comme si on l’avait poussée d’une paume fermement plaquée sur la poitrine. La chienne s’assied et pose sa tête sur le genou de Dot, cherchant sa min jusqu’à la déposer entre ses deux oreilles. Alors, toutes ces pensées de poules et d’enfant, de lits et d’anniversaires toutes ces pensées dans tous les sens s’évanouissent et se taisent.

Soixante-dix ans d’inquiétudes – l’argent, l’infidélité, les petites trahisons – cessent d’un coup, et lorsqu’elle regarde sa main, elle n’arrive plus à dire où son corps finit et où commence celui de la chienne. Elles sont une seule et même substance, énorme et libre, de même que le canapé, le sol en pierre, les murs, la porte du cottage, la neige, le ciel. Tout est connecté.

La serre, c’est l’endroit où elles se parlaient entre mère et fille, ou bien l’endroit où elles partageaient un silence serein. C’est l’endroit où elles se tenaient côte à côte tandis que Dot expliquait des choses à Jeanie dans sa jeunesse.

« L’homme sans sommeil » d’Antonio Lanzetta

Aujourd’hui, détour par l’Italie, pour une histoire sombre, dans une époque tout aussi sombre avec :

Nous faisons la connaissance de Bruno, âgé de treize ans, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il vit dans un orphelinat près de Salerne, où il semble avoir été abandonné à la naissance. Il est soumis au harcèlement constant, non seulement de la part de ses camarades mais aussi du personnel : il est régulièrement envoyé dans la cave, battu, privé de nourriture. Un jour, apparaît Nino qui prend sa défense et tente de lui donner confiance en lui-même.

L’été, les enfants sont envoyés dans des fermes ou des ateliers, afin de travailler et cette année-là, par chance, il est choisi, avec Nino, par Gennaro, pour aller travailler à la ferme de la famille Aloïa, où ils sont bien traités et il fait la connaissance de Caterina, une petite fille cloîtrée dans sa chambre durant la journée, terrorisée par celui qu’elle surnomme « L’homme au chapeau »,   et qui lui fait « visiter « parfois les recoins de la grande maison, la nuit. D’autres personnes vivent dans la maison : Gennaro, sorte de régisseur, et sa mère Pia, la cuisinière.

Le maître de maison est féru de littérature, possède une immense bibliothèque et se passionne pour un ouvrage, publié seulement en deux exemplaires et ce livre va servir de fil conducteur au récit. Le « De codex animorum » est chargé d’histoire, un exemplaire a coûté la vie : en 806, l’abbaye d’Iona, aux îles Hébrides, a été incendiée et les moines ont péri. Mystérieusement, ils auteurs de l’incendie n’ont pas pu mettre la main sur le livre.

Tout pourrait sembler merveilleux, car plus de coups, plus de brimades, et pourtant Bruno fait des cauchemars qui le laissent épuisée au réveil. Puis, un jour tout s’emballe, lorsqu’on découvre des cadavres en état de décomposition avancée. Tout aussi étrangement, il y a des statues dans le jardin, comme des totems pour éloigner le mauvais sort.

Ce récit nous entraîne vers un mystère de plus en plus opaque, à la limite de la folie, car on ne sait plus si les personnages sont réels ou issus de l’imagination, Antonio Lanzetta nous fait découvrir certes des cadavres, mais aussi de lourds secrets de famille, de vieilles histoires locales sur fond de rancune. En parallèle, il évoque l’histoire de Bruno, des années plus tard, alors qu’il est devenu grand-père.

J’ai adoré ce récit, l’histoire compliquée de Bruno et des autres membres de la famille Aloïa et les ravages de la rancune voire, de la haine. Comment cet enfant qui n’a jamais reçu la moindre marque de tendresse, a été battu, torturé psychologiquement et physiquement pourra-t-il s’en sortir ? En s’inventant un autre univers ? En plongeant dans la folie ?

L’écriture est belle, pleine de poésie, l’univers de l’auteur est intrigant, certes, mais je m’y suis plongée avec délice et je n’avais pas du tout envie d’en sortir. Antonio Lanzetta livre ici, un roman passionnant, addictif, et mérite bien son surnom de « Stephen King italien ». Ce livre m’a fait penser à un autre roman envoûtant : « Le nom de la rose » d’Umberto Eco.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Mera qui m’ont permis de découvrir ce roman et l’univers de son auteur

#LHOMMESANSSOMMEIL #NetGalleyFrance !

Antonio Lanzetta, surnommé le « Stephen King italien », fait partie du renouveau qui s’amorce dans le thriller italien. Son premier roman, Le mal en soi, traduit et publié en France, au Canada et en Belgique par Bragelonne, est nommé par le Sunday Times comme l’un des cinq meilleurs thrillers étrangers de l’année 2019. Écrivain, musicien, chroniqueur littéraire, Lanzetta alterne les points de vue et les époques avec beaucoup de rythme et un sens affûté de l’intrigue pour mieux semer le doute au cœur d’une Italie rurale, profonde, tour à tour cuite par le soleil et détrempée par la pluie, l’Italie du Sud, où il a grandi et vit aujourd’hui.

Abbaye d’Iona.  Îles Hébrides, 806

La peur. Callum ne peut se retenir de trembler de peur. Il referma l’ouvrage, et s’agenouilla à la lumière de l’unique bougie. Des ombres s’étiraient telles des araignées sur les murs de la pièce, le long des étagères de la bibliothèque qu’il avait construite de ses mains.

Elle parcourut la page du bout des doigts et soupira. Elle connaissait le roman par cœur. Chaque passage, chaque dialogue, chaque description : elle avait pénétré dans le monde que Charlotte Brontë avait bâti et l’avait fait sien. Un monde meilleur dans lequel se réfugier. Jane Eyre était son talisman, l’amulette qui la protégeait des mauvais rêves. 

Il avait ce regard qui donnait toujours à Bruno le sentiment d’être à nu, vulnérable, comme si sa vie en dehors de la cave n’avait aucun sens, et que le froid, la douleur, et le goût du sang étaient tout ce qu’il représentait.

Les aboiements rageurs d’un chien l’avaient entraîné hors de la maison, au milieu des statues, au-delà du portail et des murs tapissés de lierre. Loin de son lit, des ronflements de Nino, et de la musique de monsieur Aloïa, le monde lui semblait infini, et pourtant tout petit, si petit qu’il avait beau marcher et avancer, il restait toujours au même endroit.

Depuis qu’il était entré dans la maison des Aloïa, la nuit représentait pour lui le franchissement d’un seuil invisible qui séparait le monde des vivants de celui de la Mort.

Il repensa à l’orphelinat, aux fissures dans les murs, au sol poussiéreux sous son lit, et à l’erreur qu’il avait commise en croyant que la maison était un endroit sûr où se cacher. Il n’y avait aucun endroit sûr dans ce monde. Il n’y avait que des hommes et le mal qui leur collait à la peau.

Le ciel, sans étoiles, était noir comme de la poix versée dans un puits. La lune elle-même était noirâtre, mais il la distinguait : elle flottait au-dessus de la cime des arbres, telle une sphère aux contours agités d’un tremblement. Elle semblait bouillonner et gargouiller, comme si elle était sur le point d’exploser et de se déverser sur la terre en une pluie de fragments poisseux. Aucune lumière ne filtrait, et pourtant Bruno pouvait voir…

« La maison noire » de Yûsuke Kishi

Aujourd’hui, direction le Japon avec ce roman haletant d’un auteur que j’ai découvert en 2022 avec « La leçon du mal » :

Shinji Wakatsuki travaille dans un cabinet d’assurances où il fait figure d’employé modèle. Méticuleux, rigoureux, il traque sans relâche les incohérences dans les avis de décès à la recherche d’incohérences pour tenter de dépister d’éventuels profiteurs, lesquels ne sont pas dénués d’imagination.

Un jour, il reçoit un appel curieux d’une femme qui lui demande si le suicide est couvert par l’assurance-vie. Pensant qu’elle est sur le point de passer à l’acte il tente de la rassurer et lui démontrer que le suicide n’est pas la meilleure solution, n’hésitant pas à lui parler du suicide de son grand frère, dont il se sent responsable. Pensant l’avoir convaincue il raccroche, en lui laissant son nom.

Quelques jours plus tard, alors qu’il a oublié cette communication, il reçoit l’appel d’un certain Komoda qui le sollicite pour un constat à son domicile, insistant sur le fait que Wakatsuki se n en personne se déplace. Il arrive devant « la maison noire » lugubre, assailli par la puanteur lorsqu’il pénètre et constate que le  fils de Komoda se balance au bout d’une corde. Le premier choc passé, il trouve le comportement du père étrange, comme s’il faisait semblant d’éprouver du chagrin et celui de ma mère, déconcertant.

Wakatsuki va étudier ce dossier de fond en comble pour arriver à prouver qu’il s’agit d’un meurtre, le père ayant déjà sollicité l’assurance après s’être coupé le pouce volontairement (mais jamais prouvé). Ainsi va commencer le cauchemar pour notre ami.

Yûsuke Kishi évoque, au travers d’une analyse sans concession de l’escroquerie à l’assurance, les profiteurs, et surtout les criminels qui tentent d’avancer masqués, sur fond de Yakusa aussi, les personnalités perverses, la difficulté de mettre à jour leurs actes, leur mode de pensée… Il nous entraîne sur un faux rythme au départ, où on s’ennuierait presque, pour faire monter un suspense qui devient de plus en plus insoutenable et addictif, multipliant les fausses pistes, avec un final explosif absolument génial.

Le récit est entrecoupé par les cauchemars récurrents de Wakatsuki, au cours lesquels une araignée géante le poursuit de son agressivité, qui le laisse trempé de sueurs le matin au réveil, et qu’il tente d’analyser avec son amie Negumi, psychologue.

J’ai beaucoup aimé l’opiniâtreté de Wakatsuki, pour rechercher la vérité sur ce qui s’est réellement passé, j’ai aimé sa fragilité apparente, sa culpabilité de ne pas avoir pu sauver son frère, ses relations avec les autres protagonistes.

L’auteur ne se contente pas de proposer une intrigue « policière » (en fait les policiers se désintéressent totalement de ce qui peut arriver) mais il étaye son raisonnement avec une analyse psycho-sociologique de ces personnalités :  psychopathes, enfance maltraitée…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Belfond qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteur.

#YusukeKishi #NetGalleyFrance !

9/10

Apprendre la mort de personnes dont il ne savait même pas qu’elles avaient existé, il y avait plus plaisant comme manière de commencer la journée.

Par le truchement de Negumi, Wakatsuki s’était piqué de curiosité pour la psychologie et avait lu quelques livres. Il ne se sentait pas en mesure d’interpréter ses propres rêves pour autant. Negumi venait de lui rappeler qu’il n’était pas le mieux placé pour se comprendre lui-même. Il attendrait qu’elle se réveille pour lui raconter son cauchemar et lui demander ce qu’elle en pensait.

Dans les affaires de meurtre d’enfant pour obtenir l’argent des assurances, il arrivait souvent que l’un des adultes supprime le rejeton issu d’une précédente union.

Il avait été prouvé que les enfants dont un des parents ou un membre de la famille s’était suicidé sont bien plus nombreux que la moyenne à avoir, plus tard, eux-mêmes recours à cette extrémité. Le suicide était de toute évidence contagieux.

Les sentimentaux se classent en deux catégories totalement opposées. La première, comparable à ce que ressentent les jeunes femmes durant leur crise d’adolescence, ses définit par une sensibilité très vive, où les émotions sont vécues à pleine puissance. La seconde est le résultat d’un endiguement des émotions quotidiennes qui trouve ainsi un exutoire.

Ces personnes ne ressentent pas d’attachement envers leurs propres enfants. Comment pourraient-ils en concevoir envers quiconque ? Les abandonneurs sont des créatures égocentriques dénués d’émotions. Les humains de ce genre n’hésitent pas à commettre tous les crimes pour s’emparer de ce qu’ils désirent.

L’araignée, c’était le monde, le destin, la croissance et la mort, la destruction et la renaissance, mais en particulier, dans les rêves, c’était le symbole de « la Grande Mère » dans l’inconscient collectif. La Grande mère, selon Jung, est une figure maternelle, qui veille sur chacun. Une autorité féminine magique. Une élévation intellectuelle et spirituelle que dépasse la raison, l’impulsion et l’instinct de secourir la miséricorde profonde.

« Grand Seigneur » de Nina Bouraoui

Aujourd’hui, je vais aborder le thème de la fin de vie, en soins palliatifs avec ce livre-témoignage très intime que nous livre l’auteure :

En mai 2022, le père de Nina est admis en soins palliatifs au centre Jeanne-Garnier, dans la chambre 119 ; il est entouré de sa femme et de ses deux filles et il va y séjourner pendant une dizaine de jours.

Cela va induire une réflexion de Nina sur la souffrance, la maladie, la mort, le deuil mais en parallèle les souvenirs d’enfance remontent à la surface. Elle évoque ainsi cet homme brillant et cultivé qu’est son père, l’exil, car il a dû quitter son pays natal, l’Algérie, au moment où sévissait la violence.

Elle évoque aussi ses absences, elle guettait ses retours avec impatience, car comme elle le dit si bien il était « l’homme de sa vie », et ce sera le seul en fait, celui qui l’a aidée à se construire. Elle faisait tout ce qu’elle pouvait dès le plus jeune âge pour qu’il soit fier d’elle, même s’il l’a élevée en garçon.

Nina Bouraoui parle de ce « grand seigneur » avec tendresse et respect, évoquant au passage l’exil, le déracinement, le couple qu’il formait avec sa mère, Bretonne, la double culture, et également son homosexualité et comment il la percevait.

Il reste mon référent masculin, celui que j’ai singé enfant, qui m’accompagne adulte, m’apprenant très jeune dès la parution de mon premier livre, à organiser mes idées, à être la plus claire possible quand tout en moi était obscur.

Elle livre dans ce récit intimiste la progression vers la fin de vie, la manière dont son père est devenu l’ombre de lui-même, rongé par la maladie, ainsi que ses réactions vis-à-vis de la mort qui approche, ainsi que toutes les démarches qui accompagnent : choisir « la tenue » organiser le grand départ.

J’ai été touchée par sa pudeur aussi, quand elle n’ose pas le toucher ou quand elle lui parle, ainsi que la relation qui se noue avec Georges dont la sœur occupe la chambre d’en face et ne veut plus se battre.

Ce récit a fait remonter des souvenirs, car mon père est décédé il y a huit ans, et je confirme, au fil du temps l’absence devient plus présente, au début la sidération et le fait de prendre en charge les formalités administratives repoussent la perception du manque, qui s’installe à pas feutrés, les souvenirs reviennent, surtout les bons étrangement, le deuil a fait son œuvre…

J’ai beaucoup aimé ce livre qui m’a permis de découvrir la plume de Nina Bouraoui et je vais rester dans la même thématique avec « Kaddour » de Rachida Brakni.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions J.C. Lattès qui m’ont permis de découvrir ce livre et la plume de son auteure.

#GrandSeigneur #NetGalleyFrance !

8,5/10

Je sais que garder une peine pour soi, ne pas l’exprimer fait courir le risque qu’elle ressurgisse quelques années après, déroutante car inattendue. La peine a une mémoire et déjà je dois me délester de ces souvenirs en livrant les images que je possède de mon père chez lui et à présent dans cette chambre 119 qui donne sur un jardin.

La fin de vie est une aventure à part entière, elle possède ses rites, ses habitudes, sa géographie et ses personnages, elle fige les aventures passées après les avoir remisées dans une chambre secrète dont on a égaré la clé, deux mondes se mélangent, celui des couchés, celui des debout, aucun langage n’est assez juste pour que ces deux mondes s’entendent et se répondent.

Le cancer dans son œuvre déplace la ligne qui sépare l’amour, la compassion de la pitié, il abuse de son « logeur », l’induit en erreur, le fait douter des siens, ses poissons pilotes pourtant.

L’amour d’un père désordonne le passé de son enfant, peu importe l’âge, une passation de pouvoir s’opère, de l’un à l’autre, de lui à moi qu’il a éduquée comme un garçon ; en agonisant, mon père kidnappe « celui » que j’ai été non pour m’en délier, mais pour m’obliger à ma féminité.

Mon père est le chef de notre tribu, s’il venait à disparaître, je parie sur un éclatement de notre cellule et pressens un désastre, une folie, l’égarement de chacun et le repli déraisonnable dans une peine sans salut.

Il existe une hiérarchie dans la tristesse, ma mère, épouse, veuve en devenir, occupe la première place.

La mort est censée avoir un lien avec la sagesse, le renoncement tout du moins, pour l’accepter quand elle se présente à nous, mais plus elle tourne moins j’accepte le sort de mon père et celui de notre condition humaine.

Sur la table de la salle à manger divers objets qui avaient appartenu à mon père se mélangeaient aux documents administratifs, après la mort physique existait une mort sociale qu’il fallait prouver.

« La vie heureuse » de David Foenkinos

Aujourd’hui, je vous propose une incursion dans l’univers de David Foenkinos, avec son dernier opus : 

« Jamais aucune époque n’a autant été marquée par le désir de changer de vie. Nous voulons tous, à un moment de notre existence, être un autre. »

Éric Kherson commence à ne plus se sentir à l’aise à la direction d’un Décathlon, la motivation s’en va peu à peu, il regarde par la fenêtre, lors des réunions de travail, le moindre mouvement lui coûte une énergie considérable. Sa vie privée suit le même chemin, son couple s’est délité, avec un divorce à la clé, il ne s’est pas battu pour avoir la garde partagée de son fils… Bref, la mélancolie s’installe.

Lorsqu’une ancienne copine de classe, Amélie, qui a rejoint l’équipe d’Emmanuel Macron, qui lui a confié un poste au Secrétariat d’État au commerce extérieur, lui propose d’intégrer son équipe, il n’hésite pas, même si, à vrai dire, il ne se souvient pas vraiment d’elle, avec un salaire inférieur, mais c’est un travailleur, qui connaît ses dossiers à fond….

Il part avec elle à Séoul, pour négocier avec le directeur de Samsung, alors qu’il déteste l’avion, il a tous les éléments du dossier en mémoire et Amélie compte sur lui. Mais, le premier rendez-vous se passe assez mal, on reporte la réunion. Éric commence à ne pas se sentir bien, crise d’angoisse, pour ne pas dire panique… et finit par ne pas se présenter à la réunion, laissant Amélie se débrouiller seule…

Alors qu’il décide d’aller visiter Séoul, pendant son temps libre, il entre dans une « boutique » au nom étrange « Happy Life» qui propose au client de vivre une expérience hors du commun : se laisser enfermer dans un cercueil, après avoir rédiger son épitaphe, choisi une photo…

Éric va vivre cette expérience à fond, nous décrire les différents étapes, son ressenti, et comment elle va changer sa vie, il va revoir ses priorités, travail, vie privée…

David Foenkinos, nous raconte une histoire fascinante, avec sa sensibilité habituelle, des personnages attachants, même si on est parfois au pays des Bisounours. Ce roman est agréable à lire, et je reconnais que l’expérience me tenterait bien…

J’ai été tentée par sa prestation à La Grande Librairie, et ma curiosité habituelle a fait le reste quand je l’ai trouvé à la médiathèque.  Je n’ai lu que « Charlotte » qui m’a plu davantage, et je connais ses autres romans surtout par les adaptations à l’écran, mais un moment de douceur ne se refuse pas.

7/10

Pendant longtemps, il avait été animé par un désir de progresser au sein de Décathlon. Puis une forme de lassitude s’était emparée de lui. Comme un désintérêt général. L’envie de réussir s’était échappée. Lors des réunions importantes, il s’était mis à regarder par la fenêtre. Par ailleurs, il avait l’impression que chaque mouvement lui prenait un temps fou. La mélancolie s’annonce sûrement ainsi, par la lenteur de plus en plus lancinante des gestes à accomplir…

Pourtant, au bout de quatre ou cinq fois, elle avait eu le sentiment d’avoir fait le tour de la question. Avec une rapidité déconcertante, toute cette aventure lui était apparue vaine. Comme tous les conquérants, elle avait la lassitude facile. Elle mit un terme à cette errance, se racontant que tout cela avait été un amusement éphémère Aurélie se savait désirable…

Au fond, cette réunion avec Samsung n’avait aucun intérêt. Il se mentait, il jouait un rôle, rien de ce qu’il vivait n’avait la moindre saveur. Au cœur de cette foule à Séoul, il reconnaissait enfin l’essentiel : il se sentait en décalage avec le reste des humains, et ne trouvait plus la moindre motivation pour enchaîner les jours. Il ne voyait tout simplement le sens de ce qui lui apparaissait comme une épuisante comédie.

Happy Life était l’un de ces centres qui organisent de faux enterrements. C’était un véritable phénomène ici. En approfondissant Éric comprendrait le pourquoi de cet engouement. La Corée du Sud avait, cette année-là le quatrième taux de suicide le plus élevé au monde.

C’était sur ce terreau fertile que prospérait Happy Life, tentative presque mystique de fournir un antidote au désespoir. Le concept reposait sur une constatation simple : être confronté à la mort pouvait vous permettre de retrouver goût de la vie.

En avançant vers son cercueil, Éric n’avait plus le moindre doute. Il devait traverser cette expérience ; étrangement, il avait la vague impression d’avoir toujours attendu ce moment-là. Cela ressemblait à cette émotion particulière, lorsqu’on se sent immédiatement à sa place dans un lieu que l’on découvre ; ou en connivence parfaite avec une personne qu’on rencontre pour la première fois.

En laissant ses sens expérimenter la mort, il ressentait un bonheur proche de la jouissance. Il respirait doucement, se concentrant uniquement sur son souffle. Le néant s’emparait de lui avec douceur, dans ce voyage statique vers l’essentiel.

« Une sale Française » de Romain Slocombe

Aujourd’hui, je vous emmène à nouveau dans une période qui m’intéresse toujours autant, la seconde guerre mondiale, avec l’histoire d’une femme étrange :

Aline Beaucaire, d’origine alsacienne, employée d’hôtel est allée chercher du travail dans les hôtels allemands, où elle fait la connaissance de Louis Cat et d’autres tristes sires, qui travaillent pour le Reich avec un certain Herzog. Elle est rapidement séduite par Cat, beau parleur, qui a de l’argent plein les poches et adhère à son idéologie, son antisémitisme…

Elle va donc le suivre, lorsqu’il parle d’aller en Algérie, en mission. Après une étape dans la famille de Cat, (où elle fait la connaissance de la sœur handicapée par la poliomyélite, aux idées aussi fanatiques que lui) ils vont tenter de passer en zone libre. Cat a un laisser-passer en bonne et due forme fourni par Herzog, mais pour elle c’est plus compliqué.

Ils arrivent enfin à Marseille, première étape, logés dans l’appartement d’un « ami » et mène la belle vie, l’argent coulant toujours mystérieusement à flot, retrouvant la bande constituée en Allemagne, et fricotant avec la mafia locale…

Romain Slocombe, reconstitue pour nous l’histoire d’Aline Beaucaire, traitée de « Sale Française » ou de « sale Boche », selon les lieux qu’elle traverse, alternant les procès-verbaux des interrogatoires, répertoriés avec précision, et le récit que fait Aline à la demande de l’inspecteur. Il revient sur la confusion qui a eu lieu, à la fin de la guerre, entre Aline Beaucaire, et Aline Bockert, alias « la Panthère rouge » qui a collaboré activement avec la Gestapo.

En fait, l’avalanche de procès-verbaux, avec fautes d’orthographe, certaines confusions, ont alourdi la lecture. Déjà, il m’a été difficile d’éprouver de l’empathie pour Aline et encore moins pour les sbires qui l’entourent, et les propos antisémites qui truffent chaque conversation, alors j’ai dû m’accrocher pour arriver au bout de ma lecture.

La démarche de l’auteur est intéressante, car il creuse chaque piste pour aller au plus près de la vérité, en prenant soin de nous prévenir qu’il est parti de faits réels mais en modifiant les patronymes, les lieux.

Finalement, j’ai éprouvé plus de sympathie pour l’héroïne de « Vous ne connaissez rien de moi » de Julie Héraclès dont j’ai parlé il y a quelques temps.

C’est ma première incursion dans l’univers de Romain Slocombe, et je suis restée sur ma faim, je l’avoue. Je tenterai probablement un autre de ses livres pour mieux le cerner.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions du Seuil qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur

#UnesaleFrançaise #NetGalleyFrance !

7/10

Né en 1953 à Paris dans une famille franco-britannique, Romain Slocombe est l’auteur d’une trentaine de romans, dont deux ont figuré sur la sélection du prix Goncourt : Monsieur le Commandant(2011) et L’Affaire Léon Sadorski (2016).

C’est un vieux dossier d’archive que j’ai reçu ce matin sur ma messagerie. Deux femmes y figuraient qui auraient pu n’en faire qu’une seule : elles avaient presque la même date de naissance, le même prénom, Aline, les mêmes initiales, et leurs noms de famille, bien que s’orthographiant différemment, se prononçaient de manière à peu près identique – au point que la police française de l’épuration et la DST les ont confondues… prologue

Je suis une femme sans histoire. J’ai eu un mari, j’ai un enfant, j’ai une profession. Je me nomme Beaucaire, née Hoffert Aline, le 6 février 1911 à Wittelsheim (Haut-Rhin) de Hoffert Aloys et de Muller Émilienne. Je suis de nationalité française et j’ai déjà été condamnée, le 13 octobre 1942, par le tribunal militaire de Marseille à deux ans de prison, confiscation des biens, cinq ans d’interdiction de séjour, pour atteinte à la sûreté extérieure de l’État, en raison de mon rôle supposé dans l’affaire Brancaleoni-Carmas-Spietz-Decroix.

Elles parlaient de quelque chose qui s’appelait le « Kriegstrauung ». Je ne connaissais pas, mais bien sûr j’en comprenais le sens : « les épousailles de guerre ». Cela signifiait, en réalité que les femmes allemandes auraient la possibilité désormais de se marier à titre posthume si leur fiancé était mort au front. On avait déjà le droit, depuis le début de la guerre, de se marier à distance quand le soldat ne bénéficiait pas de permission. Maintenant, on pouvait l’épouser mort.

Il aurait voulu me payer une chambre de luxe au Splendide, au Noailles, au Beauvau, au Napoléon… et se plaignait du nombre de Juifs qui avaient envahi Marseille et la Côte d’Azur. Certes pareille conversation aurait dû me choquer, mais j’étais aveuglée par l’amour…

Tu verras : inutile d’essayer de manger dans un restaurant sans en avoir à ta droite, à ta gauche, devant, derrière. Tout Marseille est plein de Juifs, qui, autant qu’ils le peuvent, s’empiffrent effrontément. Tu n’as pas déjà remarqué en arrivant de la gare ? Ils suintent de tous les coins, fureteurs, baragouineurs… Louis Cat

En ces temps confus, la mode était de croire, coûte que coûte, à l’homme nouveau. Ce modèle nous permettait de nous racheter du désastre de la défaite, du gouffre dans lequel nous étions tombés. L’homme nouveau, comme mon chéri Cat, devait être un chevalier, un militaire, un type propre. Et qui regarderait vers l’avenir.

« Loin du noir océan » d’Astrid Monet

Aujourd’hui, je vous propose un retour dans le passé, les années quatre-vingt et suivantes avec cet excellent livre :

« Dans cette nuit brûlante d’Espagne, au son tragique du flamenco, comme des cris et des pleurs, je sentis un cadenas s’ouvrir en moi. Lentement. Un songe inéluctable. »

1985. Quelques années après sa naissance, le diagnostic tombe : Malone est atteint d’une maladie que la France apprend tout juste à connaître. Alors que ses parents et son frère, Sulyvane, sont démunis, il se bat avec dignité et s’accroche à un rêve : aller à Barcelone.
 
1998. La maladie a vaincu Malone. Sulyvane entreprend alors le voyage dont son frère lui avait tant parlé. Dans la capitale catalane, il va suivre les traces d’une ombre pour se reconstruire.  
 
Percutant autant que poétique, à la fois roman d’initiation et drame social, Loin du noir océan retrace les années sombres consécutives au scandale du sang contaminé.

Malone est né le 11 mai 1981, le lendemain de l’élection de François Mitterrand. C’était un évènement joyeux pour ses parents Caroline et Philippe, et son grand frère Sulyvane. Pourtant, le repas en famille chez les beaux-parents va mal finir, non seulement une roturière a pris leur fils, en plus elle vote à gauche !

Mais, au bout de quelques années, un premier bleu, et c’est forcément de la faute de Sulyvane qui a dû pousser son frère, lais, très vite, les bleus sur le corps au moindre choc ont fini par alerter tout le monde. Il ne s’agissait pas de maltraitance, mais d’une anomalie génétique : Malone était hémophile.

Le diagnostic a causé un premier électrochoc : cette maladie étant transmise par la mère, porteuse saine, mais la maladie chez Malone, apportant le premier combat pour la mère : déjà la famille aristocratique côté du père avait accueilli les dents serrées leur belle-fille, issus d’un milieu ouvrier alors quand le diagnostic est tombé, ils se sont déchaînés : c’était la belle-fille qui avait apporté cette gêne débile voire débilitant, alors ils n’ont plus retenu leurs mépris, les piques…

On suit donc le parcours de la famille pendant cette première phase de la maladie, alors que la mère, rongée par la culpabilité, se met à surprotéger Malone, et à s’éloigner de Sulyvane : c’est l’aîné, il n’est pas malade, donc n’a pas besoin d’elle en gros. Heureusement les deux frères s’tendent très bien, sont très soudés. La mère s’investit à fond, apprend à faire les transfusions, veille à ce qu’il ne lui arrive rien, mais en l’étouffant.

Deuxième coup du sort : un jour, elle remarque pour la première fois, que sur la poche de transfusion figure la mention « sang non chauffé », mais le CTS la rassure, il n’y a pas de danger. Or, nous sommes en 1985, une nouvelle maladie fait son apparition : le SIDA et on connaît tous l’affaire du sang contaminé.

Lors du premier test de dépistage, on n’explique même pas à Caroline, ce qu’est la séropositivité ! Elle est obligée de demander, et on lui affirme que ce n’est pas grave…

La famille va vivre au rythme des dépistages, des informations erronées (à l’époque on sait tellement peut de choses sur ce virus) mais, comment peut réagir une mère qui se culpabilisait déjà d’avoir transmis l’hémophilie ? en se sentant en plus coupable d’avoir contaminé son enfant, car c’était elle qui mettait la transfusion en route…

Au décès de Malone, tout va exploser : Sulyvane s’exile à Barcelone, car Malone avait des brochures sur la ville, pensant peut-être y aller un jour, s’il veut survivre il faut partir, se trouver, tenter de se construire une vie loin de la cellule familiale.

J’ai beaucoup aimé ce livre, car Astrid Monet renvoie le lecteur à une période sombre de notre histoire, avec les procès pour savoir, comprendre, les politiques responsables mais pas coupables (cette phrase m’a fait entrer dans des rages folles à l’époque, il aurait été si simple d’appliquer le processus de précaution !) et qui ne se remettront jamais en question, il y a eu un fusible pour eux : les médecins des CTS, mais eux ? A quoi pensaient -ils ? On délègue… et puis les tests cela coûte cher, c’est connu. Et la vie humaine alors ?

 L’auteure parle très bien de la culpabilité qui emprisonne la mère, et exclut plus ou moins les autres de son combat, sans s’en rendre vraiment compte, mais son acharnement suscite l’admiration, alors que le père est sous l’influence de ses propres parents.

J’ai beaucoup aimé le parcours de Sulyvane, plus réaliste, moins obnubilé que sa mère sur le combat dont il comprend assez vite qu’il n’obtiendra pas les réponses. Après une période d’excès de toute sorte, dans un appartement en colocation avec des Hongrois un peu space, il finit par prendre conscience du chagrin qu’il a enfoui, et de la culpabilité du survivant qu’il éprouve. Il s’accroche dans une nouvelle vie, de nouveaux amis, un nouveau métier, car plus rien ne sera comme avant.

Astrid Monet a su trouver le ton juste, elle n’essaie pas de faire pleurer dans les chaumières, mais analyse la tragédie, à travers les réactions de la famille, la solidarité entre les familles d’enfants contaminés, décédés ou encore en vie, et elle cite aussi des documents de l’époque sur le VIH. Elle évoque aussi les douleurs souvent atroces de ces enfants hémophiles, car le sang s’accumule dans les articulations les empêchant de marcher.

Clin d’œil : Caroline a choisi les prénoms de ses enfants, Malone et Sulyvane car elle a un lointain ancêtre irlandais, entré sans la légende familiale et celui-ci va passer brutalement du statut de légende, à celui de transmetteur de l’anomalie génétique.

Ou encore, la visite du musée Salvador Dali à Figueras, où avec son copain Frantz, ils sont aussi défoncés que pouvait l’être le génie. Ce musée est absolument magnifique, je confirme, j’en suis tombée amoureuse dès la première visite !)

J’ai choisi de parler de ce roman, que j’ai terminé il y a une dizaine de jours, en ce long week-end consacré au Sidaction, car le fléau est toujours là et les gestes barrière, préservatifs, dépistages, sont un peu trop relégués aux oubliettes.

J’ai bien envie de retrouver la plume de l’auteure avec son précédent roman : Soleil de cendres.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Fayard qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.

PS : je vous conseille, au passage, une excellente série britannique: « It’s a sin » consacrée aux années SIDA que j’avais déjà vue sur canal à l’époque.

#Loindunoirocéan #NetGalleyFrance !

9/10

Astrid Monet a enseigné l’allemand et la civilisation allemande à l’université Dauphine et à Panthéon-Assas et est désormais professeure d’histoire-géographie dans le secondaire. Après Soleil de cendres(Agullo, 2020), très remarqué par la critique, Astrid Monet tisse dans ce nouveau roman un univers dans lequel se débattent des personnages aux prises avec une réalité qui les dépasse.

Le point de départ fut une anomalie génétique, un truc auquel on ne pouvait rien, et qui nous a tous malaxés comme de la terre glaise. Coup après coup. Épreuve après épreuve. Nous sommes devenus ce que nous sommes aujourd’hui. La vie m’a façonné à son image.

Bercé par la mélancolie de ce chant, je repensai à ma première soirée chez les Hongrois et au poème de Baudelaire que Janos m’avait demandé de lire. Quel était le « noir océan » que je fuyais ? Est-ce que je cherchais le rêve de Malone ou, à l’inverse, peur de vivre sans lui ? Dans cette nuit brûlante d’Espagne, au son tragique du flamenco, comme des cris et des pleurs, je sentis un cadenas s’ouvrir en moi.

Pour Malone, comme pour beaucoup d’enfants hémophiles, la douleur dans les articulations pouvait être si forte qu’il n’arrivait plus à marcher. Le sang s’y accumulait et la souffrance devenait atroce. Alors Caroline portait son fils sur son dos, se disant qu’elle le porterait encore et encore, même lourd, même grand, même plus tard. Mais, c’était quoi, plus tard ? c’était jusqu’à quand pour eux ?

On n’eut pas besoin de prendre beaucoup de drogue, le Théâtre-musée de Dali était l’endroit le plus planant, le plus fou que j’avais jamais visité. Le musée lui-même était une œuvre d’art surréaliste. Frantz m’expliqua qu’il aimait ce peintre et qu’il aurait adoré le rencontrer.

Ma vie devenait un point d’interrogation, un jour sans lendemain. La vie, finalement était une sacrée mascarade. Ne nous fallait-il pas simplement trouver une occupation pour passer le temps avant la mort ?

Mon frère était malade depuis la naissance et je m’étais enfermé dans une maladie mentale. Souffrance permanente. Culpabilité. Combien de fois me suis-je dit que je voulais prendre sa place ?

Le procès dura six semaines. Les parents vinrent témoigner. On entendit les médecins. Les anciens ministres. La question de la responsabilité fut évoquée, « responsable mais non coupable », cette phrase devint ensuite une petite musique dans la tête des hommes et des femmes assis avec leurs enfants.

L’État mentait. La famille mentait ? Chacun cherche-t-il à faire des silences sa vérité ?

« Toutes ses fautes » d’Andrea Mara

Aujourd’hui, je vous emmène en Irlande, dans la banlieue de Dublin, pour ce thriller palpitant dont la couverture était trop tentante pour résister :  

À Dublin, Marissa Irvine se présente au 14 Tudor Grove avec l’intention d’aller récupérer son jeune fils Milo, 4 ans, qui joue pour la première fois chez un élève de sa nouvelle école. Mais la femme qui lui ouvre n’est pas la mère qu’elle a rencontrée. Ce n’est pas non plus la nounou. Et Milo n’est pas là. Ainsi commence le pire cauchemar de tous les jeunes parents. Alors que la nouvelle de sa disparition fait écho dans la discrète banlieue de Dublin et qu’un suspect inattendu apparaît, des rumeurs se répandent autour des femmes les plus étroitement liées au drame. Car si une seule d’entre elles a pu enlever Milo, elles auraient toutes eu des raisons de le faire…

Alors qu’elle vient rechercher son fils de quatre ans Milo, après un après-midi de jeux chez son copain, Marissa, en sonnant à l’adresse indiquée sur le SMS, se rend compte qu’il a disparu. Ce n’est pas la bonne personne qui ouvre la porte, et cherchant à rappeler le numéro indiqué, le message est clair : le numéro n’est plus attribué.

Ainsi commence la longue attente, l’enquête auprès de l’école, des nounous, des parents des autres enfants, car l’après-midi jeux n’a jamais existé.

Marissa et son mari Peter sont riches ils habitent dans une superbe maison, ce qui attire les convoitises. La nounou de Milo devait partir en week-end avec son petit ami. Les soupçons vont se porter sur Jenny, la mère de son « copain » Jacob,  puis sur leur nounou un peu étrange et les ragots vont aller bon train, alimentés par certains parents d’élèves (le clan des sorcières).

L’auteure va nous faire entrer dans ce milieu bourgeois, où les mères travaillent et délèguent la prise en charge de leur enfant à des nounous et les deux clans ne s’interpénètrent pas lorsque l’heure de la sortie a sonné.

Andrea Mara prend du plaisir à brouiller les pistes, lorsque l’affaire semble proche du dénouement, un autre évènement vient tout remettre en question, et tout n’est pas simple dans ces familles, il y a des secrets sous-jacents, des rancœurs intrafamiliales, des soupçons de malversations, sans oublier une belle-mère qui cherche à séparer le couple de cher fils, pour lui reprendre sous sa coupe…

Comment résiste un couple sans nouvelles de son enfant depuis 1-2-3-5… jours et comment se comporte l’entourage… Mais ne divulgâchons pas !

L’auteure fait défiler le récit, en mettant la lumière sur un des protagonistes, au jours le jour par rapport à l’enlèvement, et propose des flashbacks sur le passé récent ou lointain de chacun et les conséquences sur le présent.

Un clin d’œil au passage à Milo, atteint de synesthésie qui associe par exemple chaque jour à une couleur ou voit les chiffres en couleur…

J’ai beaucoup aimé ce roman que j’ai lu en apnée, car l’intrigue est bien ficelée, le suspense monte graduellement, savamment entretenu, et on s’attache aux personnages, les bons mais aussi les méchants. J’ai découvert, à cette occasion, une maison d’éditions qui vient de faire son entrée sur NetGalley, et j’ai encore deux ouvrages de la maison, en cours de lecture. Auteure à suivre donc…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Mera qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur

#TOUTESSESFAUTES #NetGalleyFrance !

9/10

Andrea Mara est une autrice irlandaise classée parmi les dix meilleures ventes du Sunday Times et de l’Irish Times. Elle a été finaliste de plusieurs prix, dont le prix du roman policier irlandais de l’année, en 2021. Elle vit à Dublin avec son mari et ses trois jeunes enfants, et tient également le blog OfficeMum.ie, consacré à la parentalité et au bien-être, qui a remporté de nombreux prix. Ses romans, publiés au Royaume-Uni et traduits dans plusieurs pays, sont des bestsellers.

Marissa. Vendredi.

Une maison comme les autres, une porte comme les autres. Ordinaire. Un peu quelconque même. Ce n’était pas ce à quoi Marissa s’attendait. Elle appuya sur la sonnette et recula d’un pas. A quoi s’était-elle attendue, au juste ? A une demeure un peu plus pompeuse, sans doute. Jenny avait eu l’air si élégante lors de la fête de l’école. Marissa se rendait compte à présent qu’elle s’était une idée de la vie de Jenny qui ne correspondait en rien à cette maison d’apparence ordinaire, ni à sa porte, tout aussi banale…

… Alors que la femme s’apprêtait à refermer la porte, Marissa fut soudain envahie par un malaise. Comme le week-end dernier, lorsqu’elle avait perdu Milo des yeux sur le terrain de jeux. Il était là quelque part, bien sûr, mais elle n’avait pas pu se détendre avant de l’avoir retrouvé. Ce qui avait été le cas quelques secondes plus tard. Et aujourd’hui, il était de nouveau introuvable. Il était chez Jenny, c’était ce qui avait été convenu, mais la femme qui lui avait ouvert n’était pas Jenny.