Aujourd’hui, je vous emmène dans un voyage un peu particulier aux USA, avec ce roman :

Résumé de l’éditeur :
Effacer toute sa vie, jusqu’à son nom, pour tout recommencer. Un homme fuit son passé pour vivre au plus près de sa vérité.
Sans nom ni visage, un homme fuit son passé avec 168 548 dollars cachés dans sa voiture. Son but : une vie plus simple, loin de tous les privilèges qui ont construit son identité.
Arrivé dans une ville inconnue, il loue un studio auprès d’Autumn, une femme étrange. Chacune de leurs rencontres est marquée par une méfiance mutuelle. Petit à petit, l’argent, comme un sablier qui s’égrène, se tarit.
Réflexion sur le monde moderne et ses dérives, Sugar Street peut se lire comme une réécriture urbaine de Walden de Thoreau.
Ce que j’en pense :
Un homme a décidé de fuir sa vie, tout quitter famille, travail pour recommencer ailleurs. Pour cela, il décide de ne rien emporter qui permettrait de le « pister » : exit téléphone portable, carte bancaire, tout ce qui permet de retrouver un individu en fuite, et rouler, mettre le plus de distance possible, au volant d’une voiture sans GPS, payant toutes les factures en espèces.
Lorsqu’il arriva à l’endroit (loin de tout) où il a projeté d’aller, il trouve une location miteuse, chez une femme étrange Autumn, qui moyennant six mois de loyers d’avance en liquide de pose pas de question. Bienvenue à Sugar Street !
Bien sûr, on sait dès le départ qu’il a une grosse somme d’argent dans sa voiture : 168 548 dollars, mais comment peut-il l’utiliser sans attirer l’attention ? est-ce que cela peut vraiment le rendre libre…
Que fuit-il ? une situation gênante, une famille ? A -t-il commis quelque délit ? Ou se fuit-il lui- même ? A qui peut-on faire confiance ? Comment brouiller les pistes ? C’est ce que l’auteur va tenter de nous expliquer tout au long du livre, dans cette Amérique profonde, raciste où tout étranger est un danger potentiel.
Ce livre me tentait et m’intriguait à la fois, car qui n’a pas eu envie de tout quitter un jour, pour fuir ce monde cruel ?
Ce roman est agréable à lire, mais je suis restée sur ma faim, car j’ai eu du mal à éprouver de la sympathie pour le héros. Il est plutôt bien écrit. Je découvre Jonathan Dee avec ce roman et cette lecture va peut-être me décider à sortir « Les privilèges » le premier roman sorti en France et plus si affinités.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur.
#SugarStreet #NetGalleyFrance !
7/10
L’auteur :
Jonathan Dee est un écrivain américain qui écrit pour le New York Times Magazine, la revue Harper’s et la Paris Review et enseigne l’écriture créative à l’Université Columbia.
On lui doit notamment « Les Privilèges » en 2010, le premier publié en France. Il a reçu le Prix Scott Fitzgerald, le 26/05/2011ainsi que « La fabrique des illusions » en 2012, puis « Mille Excuses » (2013) et « Ceux d’ici » (2017).
Extraits :
J’ai fait du mal. J’ai blessé des gens. Et je l’ai fait en estimant être quelqu’un de bien, de généreux, une bonne personne, ce qui est grave, puisque ça laisse entendre le peu de conscience que j’ai, le caractère irréaliste de ma démarche, la vanité de mon objectif. J’ai laissé les choses pires qu’elles n’étaient quand je les ai trouvées. J’ai commis quelques crimes.
Encore deux nuits à quitter la ville pour dormir dans la voiture. La seule chose que je puisse affirmer avec certitude à ce stade, c’est qu’il ne s’agit pas d’une épreuve, d’une expérience. Il n’y a pas de retour en arrière possible. J’y ai veillé. Je ne peux qu’aller de l’avant. Voilà, c’est ma vie maintenant, jusqu’à son terme.
Les possessions sont des chaînes, ce sont des pièges. Ça ressemble à une idée religieuse ou monastique mais il se trouve qu’elle s’applique aussi à l’existence d’un hors-la-loi.
Quoi qu’il en soit, j’ai fait ce que j’ai entrepris de faire : je suis hors radar. J’ai cessé d’émettre. On ne peut pas me localiser.
L’âme de la radio est d’une profonde noirceur. Autrefois, elle s’adressait à tout le monde, avec un réalisme collectif, sans aspérité, mais la technologie a avancé, et ce qui reste à la traîne se résume en grande partie à la rage lancée dans le vide. Quelque chose de laid finit toujours par se libérer quand on parle sans interruption sans savoir qui écoute. Une sorte de version Cro-Magnon de l’Internet…
Je me rappelle avoir lu que quelque part aux alentours de 2045, les Blancs seront devenus une minorité aux États-Unis. Seigneur, quel jour glorieux ce sera ! Je veux dire en théorie ; en pratique, ce sera la guerre. J’espère seulement ne pas être là pour voir ça. Si les Blancs avaient une épitaphe, ce serait : « Ils n’ont reculé devant rien. »
Privé de technologie, vous êtes renvoyé à vos sens et vos sens, direz-vous, n’ont qu’une capacité de stockage limitée. C’est incroyable, la quantité de choses que je savais – sur les célébrités, la politique, la culture – des choses sans aucun lien avec moi. Il suffit de se déconnecter, direz-vous, si vous êtes encore le genre de personne à dire ce genre de conneries.
C’est pourquoi tous les efforts pour changer le monde échouent, sont condamnés à échouer tant que les gens sont partie prenante. Car les gens sont des monstres. Tout système reposant sur l’hypothèse que l’homme est né bon est une blague.
Mais les gens, les êtres humains, là est la vraie laideur. Vous la voyez sur leurs visages, surtout quand ils vous surprennent en train de les regarder. Ont-ils été déshumanisés par leur environnement, ou ont-ils construit un monde dont l’absence de beauté a fini, le temps aidant, à refléter le mépris qu’ils ont pour lui ?
Ces derniers temps, je me réfugie dans les souvenirs, parce que les souvenirs offrent un moyen de tenir l’avenir à distance.