« Survivre » de Vincent Hauuy

Petit détour par l’uchronie, aujourd’hui, avec ce roman :

Résumé de l’éditeur :

2035. La Terre est en sursis : les catastrophes climatiques se multiplient, les sociétés sont en ébullition et les réserves d’eau potable se raréfient. Le survivalisme prend de l’ampleur. Survivre devient à la fois un défi et une obsession. C’est aussi le thème et le nom du grand jeu télévisé que lance le milliardaire Alejandro Perez, magnat des intelligences artificielles.

Dans l’énorme complexe construit ad hoc dans l’Idaho, le lancement de Survivre s’annonce spectaculaire. Mais lorsqu’un agent de la DGSE infiltré dans l’organisation de Perez disparaît, son frère, l’ex-journaliste Florian Starck, se décide à intégrer l’émission.

Et découvre un envers du décor aussi mystérieux que terrifiant.

Car la promesse d’un grand divertissement dissimule un objectif beaucoup plus sombre.

Dès la première épreuve, le compte à rebours commence.

Pour les candidats.

Pour Florian Starck.

Et pour nous tous.

Ce que j’en pense :

Florian Starck, ancien journaliste qui donnait des conférences partout dans le monde sur le réchauffement climatique a tout laissé tomber quand un ouragan a coûté la vie à sa femme et à sa fille alors qu’il n’était pas avec elles. Rongé par la culpabilité et le chagrin il a quitté Paris, la « civilisation » pour se transformer en ermite dans les Alpes, où il vit en autarcie, chasseur-cueilleur dans sa cabane dans les arbres.

Sa sœur, ministre de l’Intérieur, le convoque car leur frère Pierrick qui travaillait comme conseiller auprès d’un magnat de l’Intelligence Artificielle, Alejandro Perez qui a d’ailleurs reçu le prix Nobel pour ses travaux, a brusquement disparu. Ils étaient de mettre au point une sorte de jeu, téléréalité « Survivre ». Elle tente de le convaincre d’aller enquêter…

Dans un premier temps, il refuse et retourne dans son havre de paix. Mais les pillards rodent, détruisant tout sur son passage et sa cabane, son potager ont été mis à sac, et un meurtre a même été commis dans le camp de réfugiés climatique, tout près.

Il s’envole pour l’Idaho, rencontre Perez, est observé, questionné sous toutes les coutures par Chloé, Intelligence Artificielle pour être recruté comme coach dans le jeu. Et on lui adjoint comme concurrente à former Zoé…

Le centre est ultra-sécurisé, des drones partout, abris de survie, aux USA dont le président Johnson est encore plus irresponsable que Trump, comme quoi on peut toujours faire mieux dans la connerie humaine :

« … j’ai du mal à considérer la destitution de Johnson comme une mauvaise nouvelle. Ce type est l’enfant maudit de Trump et Bolsonaro… »

A l’extérieur, les ouragans, les catastrophes climatiques se multiplient, les glaciers ont fondu, le niveau des océans monté donc englouti des pans entiers des côtes. Dans ce chaos où règne en maître l’IA les groupement religieux, sectes anti-robots se multiplient dans le but de tout détruire au nom de la lutte contre le progrès. Ils sont armés jusqu’au dents, avec des armes sophistiquées (connectées, on est contre mais on en profite !), sans parler des attentats, des querelles, voire guerres entre pays : exemple une guerre de l’eau entre USA et Canada…

Fidèle à mon obsession de ne pas divulgâcher, je ne dirai rien de l’intrigue qui m’a bien plu, alors que je lis peu d’uchronies, et en fait je me rends compte que j’aime finalement bien ce style de littérature. Les personnages sont intéressants, chacun ayant une personnalité bien campée, le suspense est présent…

J’ai beaucoup aimé ce voyage en 2035 parmi tous les cataclysmes, les collapsologues, survivalistes de tous bords, les enragés de l’Intelligence Artificielle, les robots auxquels certains tentent d’inculquer l’empathie, les interfaces et tant d’autres choses qui pourraient nous tomber sur la tête « incessamment sous peu ».

Excellent moment de lecture donc car j’ai dévoré ce roman qui m’a donné envie de connaître davantage l’univers de Vincent Hauuy.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Hugo Thriller (que j’aime bien !) qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur.

#Survivre #NetGalleyFrance

9/10

L’auteur :

Né à Nancy, Vincent Hauuy est un concepteur de jeux vidéo, romancier et scénariste.

« Le tricycle rouge », son premier roman, a obtenu le Prix VSD-RTL du meilleur thriller français 2017. Il publie ensuite « Le brasier » en 2018 et « Dans la toile » en 2019.

Extraits :

Quand on tout perdu, la perspective de la mort n’est plus un frein.

J’ai croisé des silhouettes aux démarches flegmatiques, des visages peinés, résignés. Comme si tous espéraient un miracle et s’accrochaient du mieux possible en attendant la prochaine vague, la dernière. Une ambiance de fin du monde. J’adorais cette ville (Paris). Pourtant, je n’avais qu’une envie : repartir le plus loin possible, le plus vite possible…

Je ne pouvais m’empêcher de voir dans ce ciel féérique une fresque de fin de monde. Une élégie célébrant l’extinction de l’humanité. Et plus j’observais l’horizon, plus une question grandissait : combien de matinées comme celles-là, avant que nous ne disparaissions tous ?

Les collapsologues américains spéculaient sur l’imminence d’une éruption du super volcan de Yellowstone ou l’avènement du Big One. Pour ma part, je pensais qu’il n’y avait pas besoin d’un super volcan ni d’un tremblement de terre dévastateur pour achever l’humanité. Elle y parvenait très bien toute seule et je craignais plus la montée en puissance des groupes religieux militarisés et autres sectes…

En fait, depuis que vous êtes entré, vous avez été observé et étudié. Votre démarche, votre ton, vos expressions faciales, le choix de vos mots. Tout cela a été transmis à Chloé qui l’a analysé et m’a fourni un profil psychologique…

J’ai beaucoup d’ennemis. Les sectes religieuses anti-IA (Intelligence Artificielle) ont pris énormément d’importance ces cinq dernières années. Certains hommes politiques les soutiennent, et elles ont recruté à tour de bras parmi les nombreuses victimes de l’impact climatique. Comment les blâmer ? Que nous reste-t-il quand nous n’avons plus à manger ni à boire ?

L’empathie des IA me posait une colle. Ce concept revenait en boucle dans ma tête. Était-ce pour analyser le comportement humain ? Pour mieux l’imiter ? Les deux ?

Après avoir conçu des drones-soldats (le premier véritable humanoïde avait été présenté en 2025 par Boston Dynamics), nos scientifiques étaient tout à fait capables de fabriquer de faux animaux ou de faux insectes, et de leur programmer des routines.

L’être humain aime son confort et il est incapable de pense à long terme. C’est aussi simple que ça.

Quand je regarde ce lever de soleil, je me dis qu’on a vraiment merdé quelque part. on avait tout, pourtant. Mais non, il a fallu qu’on finisse par scier la branche sur laquelle on avait posé notre cul.

Lu en mai 2020

« Les fleurs de l’ombre » de Tatiana de Rosnay

Petit détour par l’uchronie aujourd’hui avec :

Résumé de l’éditeur :

Une résidence pour artistes flambant neuve. Un appartement ultramoderne, au 8e étage, avec vue sur tout Paris. Un rêve pour une romancière en quête de tranquillité. Rêve, ou cauchemar ? Depuis qu’elle a emménagé, Clarissa Katsef éprouve un malaise diffus, le sentiment d’être observée. Et le doute s’immisce. Qui se cache derrière CASA ? Clarissa a-t-elle raison de se méfier ou cède-t-elle à la paranoïa, victime d’une imagination trop fertile ?

Fidèle à ses thèmes de prédilection – l’empreinte des lieux, le poids des secrets –, Tatiana de Rosnay tisse une intrigue au suspense diabolique pour explorer les menaces qui pèsent sur ce bien si précieux, notre intimité.

Ce que j’en pense :

Clarissa Katsef vient de quitter son mari après avoir découvert qu’il avait une double vie. Elle en a l’habitude mais cette fois, il semblerait que ce soit plus grave, puisqu’elle décide de faire ses valises illico presto et se met à la recherche d’un appartement. Lors d’une réception, quelqu’un lui parle d’une résidence flambant neuve réservée aux artistes. Étant elle-même écrivain, elle tente sa chance et après un « interrogatoire orienté » sa candidature est acceptée alors qu’elle n’y croyait guère.

Il faut dire que nous sommes dans un pays dévasté par des attentats commis par des drones, alors que les jeux olympiques de 2024 allaient commencer. Des immeubles, ont été éventrés ainsi que la tour Eiffel qui est toujours en chantier. La résidence CASA a été construite sur une zone particulièrement touchée et le but est de faire revenir les gens, dans des conditions de surveillance extrêmes : tout est verrouillé, tenu par des robots et autres joyeusetés : on ouvre la porte avec son empreinte oculaire, dans la salle de bain, sur le miroir, une plaque où Clarissa doit poser sa main tous les jours pour évaluer son état de santé, et cerise sur le gâteau, une « voix » (le style des voix d’un GPS mais cent fois plus sophistiquée car paramétrée après un interrogatoire non moins rigoureux.

Passionnée par Romain Gary et Virginia Woolf, Clarissa a visité leurs maisons car elle est attirée par les lieux et leur mémoire ainsi que leur influence sur ceux qui les occupent, surtout quand il s’agit d’écrivains qui ont choisi d’y mettre fin à leurs jours.

En hommage, elle a choisi comme pseudonyme le nom de Clarissa Katsev et appelé son robot Mrs Dalloway.

« Elle avait hésité au début entre Mrs Danvers et Mrs Dalloway, avant que sa vénération pour Virginia Woolf ne prenne le dessus. »

Très vite, elle se sent mal dans cet appartement luxueux mais déshumanisé, avec l’impression d’être épiée en permanence, et finit pas dépérir. Il y a des disparitions mystérieuses, des bruits inexpliqués, une psy férue d’informatique qui joue les garde-chiourmes, big brother n’est pas loin…

En fait, je n’avais pas tellement envie de lire ce roman car les chroniques ne semblaient guère enthousiastes et surtout ce thème me fait peur (la surveillance via les e-mails les applications, l’intelligence artificielle, les réseaux sociaux et leurs dérives ne m’inspirent que méfiance et cette lecture ne va arranger ma confiance. Mais, je voulais me faire ma propre opinion, et les romans que j’ai lus pendant le confinement sont assez éloignés de ce qui me plaît d’habitude.

Cette uchronie tient la route, et au passage tient plutôt en haleine et on a envie de savoir le fin mot de l’histoire : délire ou réalité ? et Clarissa empêtrée dans ses mariages, ses relations familiales compliquées et ceux qui doutent de sa santé mentale, c’est plutôt amusant.

En fait, je me suis beaucoup plus intéressée à tout ce qui concerne  Virginia Woolf et Romain Gary que j’aime beaucoup, leurs citations servant de trame au récit, les relations familiales complexes de Clarissa, le deuil qu’elle a subi, ses mariages, et surtout son bilinguisme et la manière dont Tatiana de Rosnay a construit son intrigue sur ce thème, ainsi que les allusions au Brexit,  à l’Europe qui se décompose, au dérèglement climatique qui a fait disparaître les plages, les canicules, bref ce qui nous attend si on continue « à regarder ailleurs pendant que la maison brûle ».

Le miel qui coûte aussi cher que le caviar car introuvable, ou encore les fleurs qui sont toutes artificielles car la végétation a tiré sa révérence, même les arbres sont synthétiques, cela fait froid dans le dos…

Petit bémol : j’avoue une certaine ambivalence comme je l’ai dit, car l’auteure accorde beaucoup de place aux derniers moments de ces deux auteurs qu’elle aime, au détriment de l’histoire en elle-même, (je me suis rendue compte que j’ai surtout souligné essentiellement leurs citations !) et cela ne suffit pas pour emporter le lecteur, par contre, cela donne envie de lire les biographies qui leur sont consacrées.

Dans l’ensemble, ce roman m’a quand même plu, même si l’intrigue me laisse sur ma faim, il m’a surtout donné une furieuse envie de commencer enfin à lire l’œuvre de Virginia Woolf que je remets depuis des années au lendemain (la procrastination est très difficile à soigner chez moi !) et je ne sais pas si c’était le but de l’auteure… J’ai l’impression de tourner en rond en rédigeant cette chronique, j’en suis désolée…

Il y a longtemps que je n’avais pas lu un roman de Tatiana de Rosnay, depuis « Elle s’appelait Sarah » en fait, car il y avait toujours une certaine frustration, je trouvais les sujets trop « faciles » avec parfois une impression de romance qui me laissait sur ma faim, donc je n’en ai pas lu beaucoup…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Robert Laffont qui m’ont permis de découvrir ce roman qui tranche complètement avec les livres précédents de Tatiana de Rosnay.

#LesFleursdelombre #NetGalleyFrance

7/10

Extraits :

Mrs Dalloway n’apparaissait jamais. Elle n’était qu’une voix. Mais Clarissa savait qu’elle avait des yeux et des oreilles dans chaque pièce. Elle se demandait souvent à quoi Mrs Dalloway aurait ressemblé si elle avait vraiment existé.

Ils (les éditeurs) faisaient face à ce problème encore plus inquiétant qu’elle voyait se propager comme une tumeur sournoise : la désaffection à l’égard de la lecture. Non, les livres ne faisaient plus rêver. On les achetait de moins en moins. La place phénoménale qu’avaient grignotée les réseaux sociaux dans la vie quotidienne de tout un chacun était certainement une des causes de cet abandon.

Votre clef, ce sera votre rétine pour le portique du rez-de-chaussée, puis votre index droit pour la porte de votre atelier. Les clefs, les badges, c’est fini. C’est du passé. Bienvenue chez CASA, madame Katsev.

Elle ne croyait pas aux fantômes ; elle croyait à la mémoire des murs, elle avait la conviction que les lieux captaient les émotions du passé.

Elles marchaient toutes les deux vers la Seine, le long de l’ancien tracé du Champs-de-Mars. Aujourd’hui, des immeubles se dressaient là, modernes, lumineux. Les arbres artificiels faisaient leur effet. Quelques véhicules électriques circulaient sans faire de bruit. C’était un endroit calme et agréable…

Cette femme était au pouvoir depuis deux mandats. La lente désintégration de l’Europe, son naufrage inéluctable, et surtout la violence inouïe de l’attentat qui avait frappé Paris dix ans plus tôt avaient offert un boulevard à la jeune candidate au visage déterminé et à la voix grave. Clarissa avait prié de toutes ses forces pour qu’elle ne soit pas réélue. Mais, elle l’avait été, à une large majorité…

Livre après livre, la plume de Gary avait agi sur elle comme une drogue. Elle avait été séduite par ce mélange étonnant de délicatesse et de puissance. De poésie et de brutalité.

Elle écrivait pour faire entendre une voix, même frêle, assourdie ; elle écrivait pour laisser une trace, même si elle ignorait qui la recueillerait. Elle écrirait.

Lu en mai 2020