« Hors d’atteinte » de Frédéric Couderc

Le titre et le résumé du roman dont je vous parle aujourd’hui, ont immédiatement attiré mon attention, d’autant plus que c’est une traque côté allemand, (que je n’ai pas encore bien exploré) :

Résumé de l’éditeur :

De nos jours, à Hambourg. Paul, écrivain à succès, apprend la disparition de son grand-père, Viktor. Sidéré, il découvre alors que de lourds secrets le relient à un officier SS complice de Josef Mengele à Auschwitz.

Dans le Berlin des années 1940, Viktor a vu sa sœur Vera enfermée au château de Sonnenstein. C’est le lieu du programme Aktion T4, visant à « débarrasser » le Troisième Reich de ses Aryens « déficients ».

Derrière le petit-fils, l’écrivain surgit bientôt. Et si son grand-père et ce passé brumeux devenaient le sujet de son prochain livre ?

Le roman de Paul raconte l’histoire de Viktor, du Hambourg de 1947 à aujourd’hui, en passant par le Ghana des années 1960. L’auteur découvre Horst Schumann, ce criminel nazi qui castrait les hommes et stérilisait les femmes à Auschwitz, resté impuni et pourtant recherché par le Mossad. Pourquoi sa traque a-t-elle échoué ? De quelles complicités a-t-il pu bénéficier ?

Tour à tour roman flamboyant, enquête historique, thriller haletant et roman d’amour, ce texte dénonce, éclaire et émeut.

Ce que j’en pense :

Paul est un écrivain à succès et entretient une relation « privilégiée » avec son grand-père Viktor. Un jour ce dernier disparait après avoir reçu une lettre qui le déstabilise complètement. Tout en le cherchant, Paul s’apercevant qu’il ne connaît rien en fait du passé de Viktor se lance dans une quête pour comprendre cette disparition et en savoir davantage sur le passé de Viktor.

Cette recherche, le met du la piste d’un criminel de guerre nazi Horst Schumann qui a sévi à Auschwitz en compagnie de Josef Mengele.

Viktor a été enrôlé vers la fin de la guerre par la SS, et a été affecté dans une unité au Danemark, et quand il revient en Allemagne, dans sa ville, les bombardements ont tout détruit, l’appartement de ses parents pulvérisé, où ils ont trouvé la mort. Mais quid de sa sœur Vera, pianiste ? Elle a été envoyée dans une institution au château de Sonnenstein, qui a été rapidement transformée en chambre à gaz, pour assassiner les personnes dépressives, les déficients mentaux dans une opérations appelée avec  « humour » « La mort miséricordieuse » : après tout, on leur rendait service, ils étaient inutiles…

A son retour du Danemark, en cherchant à retrouver des vivants sous les gravats, il croise Nina, qui est la seule rescapée des camps de concentration de sa famille. Il prend conscience de la Shoah, des méthodes nazis, notamment celles de médecins pour mettre au point la solution finale.

C’est ainsi que Viktor découvre en même temps, que sa sœur, soi-disant décédée d’u typhus a été assassinée et que celui qui officiait était Horst Schumann. Il va alors se lancer, avec obsession, toute sa vie durant, dans une croisade pour retrouver et faire condamner le nazi en fuite, rien n’aura plus d’importance, même son épouse et son fils seront tenus en dehors.

Il gardait Schumann pour lui, Leonore ne pourrait jamais comprendre son désir de vengeance, cette chose qui le tourmentait et dont il sentait venir que ce serait toute sa vie une obsession. Oui, il nouait Vera au plus profond de lui, et souvent Leonore lui trouvait un air triste, un air qu’elle attribuait à sa famille disparue, dont elle ne le ferait bien sûr jamais reproche, d’autant que c’était si poignant, un homme qui avait tout perdu.

J’ai aimé cette quête obsessionnelle qui va l’emmener sur les traces de Schumann, qui a trouvé refuge en Afrique, où on lui a même confié un hôpital de brousse. Le scenario est très crédible et on espère qu’il va réussir à faire (se faire ?) justice. Et pourtant, l’auteur nous a bien mis en garde dans son avant-propos retraçant la vie de Horst Schumann : « j’espère que tout le monde comprend que ceci est une fiction. Les choses ont pu se dérouler ainsi ou (un peu) autrement. »

Touts la partie consacrée à Horst Schumann est extrêmement bien documenté, l’auteur nous fournit des notes, des extraits de jugements des tribunaux, revient sur tous ces nazis zélés (et innocents bien sûr) et leurs expérimentations médicales toutes plus horribles les unes que les autres, la manière dont leur fuite a été protégée, en plus haut lieu.

J’ai beaucoup aimé ce roman, c’est une période de l’Histoire qui me passionne, et comme je ne connaissais pas Horst Schumann, je vais creuser… la relation qui s’établit entre Nina et Viktor est belle, même si chacun fait sa traque à sa manière, Nina respecte les lois, alors que Viktor se transforme en  justicier, étouffé par sa haine et sa colère.

On connaît la fascination de Mengele pour les jumeaux et bien, pour Schumann il s’agit d’irradier les détenus qui arrivent sur la plateforme avec des doses progressives de RX (il valait mieux être dans les premiers à être sélectionnés) avec les brûlures qui pouvaient en résulter, les castrations à vif : on enlève les ovaires, les testicules sans sourciller…

Un livre donc qui fait réfléchir, mêlant fiction et réalité, Histoire et histoire de famille avec en prime une belle écriture. Mais, je mettrai un petit bémol : je trouve le récit un peu déséquilibré, autant l’histoire de Viktor est passionnante autant celle de Paul me laisse un peu dubitative : vouloir faire tout de suite un roman pour parler de ce qu’a vécu son grand-père c’est un peu léger, je sais bien que Paul est écrivain, mais quand même…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur que je découvre avec roman.

8/10

L’auteur :

Écrivain-voyageur, Frédéric Couderc enseigne l’écriture au Labo des histoires à Paris. À la croisée des genres, ses personnages se jouent des époques et des continents. Il a écrit quatorze livres. La série Black Musketeer, prochainement sur Disney+, est librement adaptée de son premier roman.

Extraits :

Je ne sais vraiment pas grand-chose, c’est la génération silencieuse, tu sais. Viktor se contente de bribes de récit, il vient d’une famille d’ouvriers du port. Il s’est retrouvé seul au monde après les bombardements de 1943. J’imagine que ses parents et sa sœur ont été portés disparus. Elle s’appelait Vera, c’est tout ce que je sais d’elle.

Il vivait comme ces tas de gravats. La désolation était imprimée dans sa chair. Depuis qu’il avait retrouvé Hambourg, il avait appris à se soumettre comme se soumet un chien, un cheval, quand son maître lui demande d’obéir. Et ainsi passait 1947.

Les orphelins de guerre erraient partout dans Hambourg. Quarante mille enfants abandonnés, disait-on, certains ne connaissaient pas leur propre nom, échappaient pour toujours aux signalements de disparition.

Parfois, Viktor se cabrait au hasard d’un visage croisé en ville, l’habitude lui faisait reconnaître les criminels de guerre, pas besoin de voir le tatouage qui marquait leur numéro de matricule sous l’aisselle gauche, sur la poitrine, ou sa trace effacée à la flamme d’un briquet…

Nina venait des photos terrifiantes affichées sur les mirs de Hambourg, des tirages effroyables, réalisés à la libération des camps d’extermination, pour que chacun mesure l’étendue des crimes hitlériens, ces hommes qui avaient des loups dans la tête…

Reviennent systématiquement la fuite, l’impunité, la conviction par le personnage et son entourage qu’ils sont innocents, jusqu’au bout…

Ne doutant de rien, il prépare également son dossier pour accéder à une retraite d’Etat et réclame un livret de famille à la municipalité de sa ville natale, Halle-sur-Saale, en RDA. On vérifie ses antécédents ? Les fonctionnaires n’en croient pas leurs yeux et transmettent la copie d’un jugement par contumace pour crimes de guerre aux autorités ouest-allemandes. Plus tard en Afrique, il agira plus prudemment, il ne laissera pas cette paperasse le désigner de nouveau aux policiers…

La médecine est un pilier de l’idéologie raciale du système national-socialiste, je découvre que Himmler s’est entouré d’un aréopage de doktor-tortionnaires pour lesquels les déportés sont juste du matériau à sélectionner, charcuter, mettre à mort.

Nous sommes une longue chaîne d’artisans dans la maison, le public voit la silhouette élégante de l’instrument, mais les plus infimes réglages demeurent secrets. Viktor m’a transmis cet extraordinaire équilibre entre basses, médiums, aigus. Un Steinway c’est presque un orchestre à lui seul.

Comment admettre en une poignée de mois l’assassinat de très exactement treize mille sept cent vingt personnes au bâtiment C16, dit Block de la mort, une « mort miséricordieuse » dont jamais Viktor et sa famille n’avaient entendu parler, la fable du typhus recouvrant tout ?

A défaut d’aveu, personne ne sait s’il est l’un des passagers de ce tapis volant tricoté par le Vatican appelé réseau Odessa. Aucun document ne le relie à Alois Hudal, le recteur du Pontifico Teutonico Santa Maria dell’Anima et à aucun moment il n’a usé d’un laissez-passer, le fameux Red Cross des nazis en cavale…

Il arrive en Italie après les autres, nous sommes en février 1951 et après tout c’est assez tard, Mengele était déjà là en 1949, Eichmann en 1950, quoique Barbie s’en rapproche lui-aussi, mais lui, bénéficie du concours de la CIA.

Terminé en janvier 2023

13 réflexions sur “« Hors d’atteinte » de Frédéric Couderc

      1. j’ai tenté 2 romans mais comme j’étais en retard (je rentre de la balnéo à 19h15!) et qu’ils étaient très demandés…
        c’est dur en ce moment, je paye un peu les efforts de 2022 et la motivation n’est pas encore vraiment au RV pour rédiger mes chroniques 🙂

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