Ayant beaucoup aimé « Au revoir là-haut », le livre comme le film, il était évident que je ne résisterais pas (et je n’ai même pas essayé d’ailleurs !) à me plonger dans son dernier opus :

Quatrième de couverture :
Trois histoires d’amour, un lanceur d’alerte, une adolescente égarée, deux processions, Bouddha et Confucius, un journaliste ambitieux, une mort tragique, le chat Joseph, une épouse impossible, un sale trafic, une actrice incognito, une descente aux enfers, cet imbécile de Doueiri, un accent mystérieux, la postière de Lamberghem, grosse promotion sur le linge de maison, le retour du passé, un parfum d’exotisme, une passion soudaine et irrésistible. Et quelques meurtres.
Ce que j’en pense :
Cette saga familiale commence en mars 1948 à Beyrouth : la famille Pelletier défile au grand complet sur le boulevard, en direction de la savonnerie familiale, comme tous les ans. Il s’agit de montrer à la population que la famille a réussi sur le plan social, étalant sa richesse, son pouvoir et par la même occasion sa progéniture.
On voit donc défiler dans l’ordre Louis, le patriarche, son épouse Angèle qui cette année traîne des pieds, discutant avec Étienne, son troisième fils, comme si elle suivait son propre enterrement, le fils aîné Jean dit Bouboule avec son épouse Geneviève, le deuxième enfant François et la jeune sœur Hélène.
Après avoir raconté pour la énième fois l’histoire de la savonnerie, le nom des différentes cuves (ce sont en fait des noms de demi-mondaines, Mr Pelletier ne manquant pas d’humour !) on assistera au traditionnel repas familial.
En fait la dynastie semble avoir un peu de plomb dans l’aile : François est parti pour Paris pour faire des études universitaires, Jean Bouboule, après un mariage calamiteux avec la fille du postier, a brillé par son inefficacité en reprenant contre son gré la savonnerie, et finit par rejoindre son frère à Paris (pour un travail pistonné par papa).
Étienne, sans nouvelle de l’amour de sa vie, Raymond disparu en Indochine pour combattre dans une guerre qui ne dit pas encore son nom, quitte à son tour le giron familial pour un poste à Saïgon à l’hôtel des monnaies (merci Papa encore une fois !). Il ne reste plus qu’Hélène qui ne pense qu’a partir aussi.
On va suivre cette famille jusqu’à l’automne 1948, traversant ainsi Saïgon, sur les pas d’Étienne, les magouilles politiques, l’enrichissement personnel, les tortures des soldats par les communistes, les méthodes dignes de la mafia, et le pouvoir des clans, des sectes : on ne sait jamais à qui faire confiance.
à Paris, François lâche les études pour devenir reporter (rubrique des faits divers) lorsque le meurtre d’une jeune star de cinéma lors de la projection de son dernier film va le propulser sur le devant de la scène et du journal, car il était sur place au moment des faits.
J’ai beaucoup aimé toute la partie consacrée à Étienne, les difficultés de l’homosexualité à l’époque, sa ténacité pour savoir ce qui était vraiment arrivé à Raymond et la description du Saïgon de l’époque. L’enquête de François, les amourettes et le côté rebelle d’Hélène ou le couple Louis Angèle confronté au départ des enfants, la vieillesse…
Par contre le couple Bouboule-Geneviève m’a vraiment horripilée surtout elle d’ailleurs, car elle n’a pas grand-chose dans la tête sauf quand il s’agit d’argent ou de nuire aux autres… Elle ment comme elle respire et finit pas croire en ses mensonges, tandis que son époux, le pauvre type par excellence trouve ce qu’il peut pour évacuer sa colère et sa haine…
Pierre Lemaître nous décrit avec brio tous ces personnages, y compris le chat Joseph car son comportement nous le rend immédiatement sympathique, avec des descriptions détaillées, documentées de la société de l’époque, du rôle des femmes, des années d’après-guerre, « les trente glorieuses » et leurs difficultés, avant de plonger dans une autre guerre avec les conséquences que l’on sait. Il nous réserve une révélation surprise au cours du récit et une fin plus qu’intéressante. C’est le portrait d’une époque, d’un journal avec ses difficultés, et d’une famille.
Pour une fois, la quatrième de couverture est tellement hermétique qu’elle ne révèle rien du tout, ne faisant qu’attiser l’envie d’en savoir plus chez le lecteur.
J’ai retrouvé ce que j’avais aimé dans « Au revoir là-haut », un récit haut en couleurs, une écriture rapide, élégante, pleine de punch, ce qui fait que j’ai dévoré les presque 600 pages en un week-end, impossible en effet de reposer le livre, sauf pour les besoins vitaux… Cela m’a rappelé l’époque où je dévorais les livres d’Henri Troyat, me précipitant chez le libraire pour acheter le tome suivant, dès que j’avais entamé une nouvelle saga.
C’est donc un « page-turner » passionnant mais un petit degré en-dessous du premier opus de la trilogie précédente. J’attends néanmoins la suite de pied ferme ! Pierre Lemaître nous ayant bien prévenus qu’il s’agissait d’une tétralogie.
C’est le genre de roman à emporter dans ses valises pour les vacances, ou à entamer par un temps morose, au coin du feu ou simplement dans un fauteuil confortable…
9/10
Extraits :
Au fil des années, la procession familiale qui empruntait l’avenue des Français avait connu bien des variantes, mais jamais encore elle n’avait pris l’allure d’un cortège funèbre. Au détail près qu’elle était bien vivante, il semblait, cette année, qu’on emmenait Mme Pelletier à sa dernière demeure. Son mari, lui, comme à son habitude, marchait en tête d’un pas d’autant plus solennel que son épouse se traînait loin derrière et ne cessait de s’arrêter pour adresser à son fils Etienne le regard d’une agonisante qui supplie qu’on l’achève
Derrière eux, Jean dit Bouboule, en digne aîné, avançait d’un pas raide, sa petite épouse Geneviève trottinant à son bras. François fermait la marche en compagnie d’Hélène.
A l’avant du cortège, M. Pelletier saluait en souriant les marchands ambulants de pastèques et de concombres, adressait un signe de la main aux cireurs de chaussures, on aurait juré un homme marchant vers son couronnement, ce qui n’était pas loin de la réalité.
Les Jaunes, tu verras, c’est une race très spéciale. Superstitieux comme tout. Besoin de croyances, depuis toujours. Alors, il y a des sectes partout, dans toutes les régions d’Indochine. Une secte, ça tient du culte, de la bande armée, de la mafia, du gang et, du coup, ça ratisse large, ça devient une vraie puissance…
Ici, on ne dit pas « la guerre », on dit « la pacification », nuance !
Dans l’imagination d’Étienne, c’était de nouveau Raymond, là-bas, assiégé dans une tourelle en bambou, les soldats du Viêt-Minh attaquaient de toutes parts ; à cause de la nuit, on ne les découvrait que lorsqu’ils surgissaient devant vous.
Ça semble sans fin, lâcha Jeantet, et pourtant, il y aura une fin. Cette guerre ne peut pas être gagnée. Le gouvernement le sait, tout le monde le sait. En attendant on fait comme si.
Mais, au contraire, vieux ! L’économie française a besoin de cette guerre ! La guerre rapporte trois fois ce qu’elle coûte. C’est une arme, la piastre ! C’est grâce à elle que nous parvenons à convaincre ceux qui pourraient se ranger aux côtés des communistes.
En attendant le médecin, Louis Pelletier se laissa aller à une de ces méditations silencieuses comme cela lui arrivait en regardant, hypnotisé, bouillonner le savon dans les cuves de la fabrique. Il avait proposé à Angèle de s’allonger et lui tapotait la main. Tous deux restaient silencieux, songeant à la nouveauté de cette situation qui, bien que prévisible, les prenait pourtant au dépourvu. Tous les enfants étaient maintenant partis ? Devaient-ils devenir vieux ? Quelle femme Angèle allait-elle devenir ? Et lui, quel vieux mari serait-il ?
Tandis qu’il goûtait son vin sous l’œil patient et sûr de soi du serveur, Hélène eut l’impression de découvrir quel homme son père avait été dans sa jeunesse et elle le trouva non pas beau, mais mieux que cela, émouvant. Elle eut le sentiment fugitif, pénible et rassurant que, tant que son père serait là, il ne pourrait rien lui arriver.
Je l’ai acheté tout récemment et me réjouis de le lire!
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il est très intéressant, tous les personnages sont bien étudiés et on s’attache même aux pires 🙂
à part quelques scènes à Saïgon, c’était jubilatoire comme lecture 🙂
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La 4è de couv’ ne m’attirait pas vraiment même si j’aime l’auteur. Mais là, j’ai très envie !
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j’ai un peu hésité au début, d’autant plus que je n’ai pas encore lu le T3 de sa trilogie précédente, mais c’était trop tentant et je ne regrette vraiment pas, je l’ai dévoré, c’était jouissif, je n’ai même pas vu le temps qu’il faisait dehors 🙂
j’aime son écriture, la manière dont il creuse les thèmes qu’il aborde (et la manière dont il en parle!)
la 4e de couv est nulle je trouve, hermétique elle ne dévoile rien mais ne donne pas la moindre idée de ce qui va se passer,de quoi il s’agit 🙂
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A la bibli, mais emprunté bien sûr! je le guette, tranquillement. Une tétralogie? Encore plus de plaisir en perspective!
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je l’ai emprunté à la bibli moi aussi mais liste d’attente raisonnable pour une fois 🙂
je l’ai dévoré (au propre et au figuré!!!) j’avais besoin d’une histoire familiale avec ses forces et faiblesses ces derniers temps alors tombé à pic 🙂
la tétralogie devrait s’étendre sur 20 ans environ…
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J’avoue avoir bien envie de le découvrir 🙂
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jubilatoire et addictive cette lecture, elle m’a fait un bien fou tout en apprenant des choses, sur l’époque les lieux… J’attends la suite avec impatience 🙂
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J’ai du mal avec les sagas….. J’avais beaucoup aimé Au-revoir là haut et le deuxième opus mais je ne suis pas allée plus loin et pour l’instant cette nouvelle série ne m’attire pas 🙂
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c’est une famille qu’on a de plus en plus envie de connaître, avec alternance des lieux, des thèmes… Jubilatoire oui, oui je me répète, ce n’est pas du gâtisme j’ai hâte de les retrouver 🙂
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Ravie qu’il t’ai plu ! Pour moi, ♥️
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tout m’a plu dans ce roman qui a quand même frôlé le coup de cœur, et c’était ce qu’il me fallait…
Je n’exagère pas en disant que je n’ai pratiquement pas émergé du week-end je n’ai rien fait d’autre, scotchée au fauteuil et au livre 🙂
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À chaque fois que je le vois passer sur les blogs, j’ai honte de ne pas avoir lu cet auteur. Il faudra que je m’y mette ! 😉
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il est vraiment bien, presque un coup de cœur en fait, et les 600 pages ne sont pas un frein: il se dévore 🙂
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J’ai hâte de le lire !
Merci Eve, bonne soirée.
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bon moment garanti !!! cette famille est attachante avec ses défauts, ses qualités, (Saïgon et le Liban aussi) maintenant il va falloir attendre la suite 🙂
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J’ai adoré la première Trilogie de Lemaître, alors je lirai celle-ci, quand elle sera entièrement parue en livres audio, format de ma découverte de la première trilogie. Non seulement Lemaitre est un conteur hors pair, mais il est aussi un excellent lecteur !
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il a un talent de conteur incroyable alors la lecture devient vite addictive 🙂
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j’ai du mal avec les formats audio… Peut-être qu’avec la voix de Lemaître cela marcherait..
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J’adore ta remarque « impossible de le lâcher, sauf pour les besoins vitaux » … C’est vrai qu’il est jubilatoire ce titre ! Comme la trilogie précédente d’ailleurs ( je te conseille vivement de lire le troisième, en plus cela fera passer le temps en attendant la suite des aventures de la famille Pelletier et tu découvriras un sacré clin d’oeil de l’auteur entre les deux séries.) Et moi, j’adore la Grande Méchante Geneviève !
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il y a longtemps que je n’avais pas lu un pavé aussi vite 🙂
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Comme toi, j’ai adoré ce premier volet de la tétralogie.
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presque un coup de cœur! je suis difficile en ce moment 🙂
il faut que je lise « Miroir de nos peines » cela me fera patienter en attendant le T2 🙂
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Je vais très certainement le découvrir en audio, hâte de retrouver la superbe plume de Pierre Lemaître !
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il est vraiment bien (comme la trilogie ) je l’ai dévoré 600pages en un week-end, impossible de le poser bien longtemps…
La version audio est lu par Lemaître lui-même donc cela doit être une sacrée expérience, (pour moi qui n’arrive pas à m’accrocher avec ce support ce serait peut-être intéressant de tenter 🙂
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