« L’hiver de Solweig » de Reine Andrieu

Passons aux choses sérieuses, avec le roman dont je vous parle aujourd’hui, choisi sur NetGalley pour son résumé et parce qu’il se déroule en partie dans une période de l’Histoire qui m’intéresse toujours autant :

Résumé de l’éditeur :

Été 1940. Dans la France occupée par les Allemands, les habitants sont contraints de donner gîte et couvert à l’ennemi. À Lignon, paisible bourg du Bordelais, les Lenoir, une famille de notables, doivent héberger Günter Kohler. Passée sa répulsion première, Noémie, la jeune épouse, éprouve une violente attirance pour l’adjudant qui vit désormais sous leur toit.


Printemps 1946. La guerre est terminée, mais elle a laissé derrière elle son lot de malheurs, et de nombreux déplacés. Parmi eux, une fillette, retrouvée assise sur un banc, dans un village non loin de Bordeaux. Qui est-elle ? d’où vient-elle ? et pourquoi semble-t-elle avoir tout oublié ? Justin, un gendarme de vingt-quatre ans, décide de la prendre sous son aile et de percer le mystère qui l’entoure.

Ce que j’en pense :

Mi-mai 1946, une petite fille court dans la forêt, se sentant en danger, mais après une chute dans un ravin (ou un choc psychologique ?) elle se retrouve amnésique. Elle ne sait pas d’où elle vient combien de kilomètres elle a pu parcourir, ni bien sûr qui elle est. Un jeune gendarme, Justin la prend en charge avec opiniâtreté (comme un chien qui cherche un os dit-il). Ainsi démarre l’histoire.

Ce roman nous raconte l’histoire d’une famille, à Lignon, pas loin de Bordeaux, pendant la seconde guerre mondiale : le père, Armand Lenoir, médecin, son épouse Noémie et ses deux enfants : Solweig, dix ans, curieuse de tout et Valentin sept ans dont la santé est fragile.

Ils vont être obligés de partager leur manoir avec un sous-officier allemand, Günter Kohler, cohabitation difficile on le devine. Dans la maison, il y a la bonne, Ernestine et la cuisinière Cosima, et le jardin est entretenu par Germain.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la défaite de la France et le comportement du Maréchal Pétain ne plaît pas à tout le monde, certains, surtout parmi les notables de la ville, étant à fond pour le Maréchal, alors que d’autres n’accepte pas la soumissions à l’Allemagne nazie, alors l’arrivée de Günter n’enchante personne, tout le monde se méfiant de tout le monde.

Reine Andrieu alterne les périodes : la guerre jusqu’à l’armistice, l’année 1946 avec l’histoire de la petite fille amnésique que l’on va prénommer Angèle, en attendant qu’elle retrouve la mémoire, et une période plus récente, avec l’histoire de Solweig en 2011 et elle donne la parole tout à tour, à tous les protagonistes, qui vont pouvoir exprimer leurs peurs, leur ressenti.

Günter, surnommé « l’indé » indésirable, est attiré par Noémie, qui se sent un peu délaissée par son époux, pas souvent là se partageant entre ses patients et sa famille, alors quand Günter est victime d’un accident assez grave, c’est Noémie qui va faire office d’infirmière, Ernestine refusant de s’en occuper.

Voilà pour la trame du roman. On va suivre ainsi, la vie de tous les jours d’une famille ordinaire ou presque, à qui on a imposé d’héberger un officier allemand, la Résistance qui s’organise, avec des groupes en rivalité, la mise en place du STO, les lois de Nuremberg, l’amour qui peut surgir avec un homme de la nation ennemie, alors qu’on est farouchement anti-allemand, mais aussi ce que peuvent endurer ces soldats, loin de leur famille, qui ont laissé une fiancé, ou une femme voire des enfants, pour participer à une guerre, une Occupation qu’ils n’ont pas forcément souhaiter, ainsi que le problème des « Mischling », ces hommes dont le père est Allemand (sous-entendu Aryen) et la mère juive.

Et précisément, Günter est un Mischling mais il ne l’a dit à personne. Le Reich veut bien d’eux pendant la guerre, pour servir de chair à canon mais au fur et à mesure que l’extermination des juifs se planifie, la Wehrmacht finit par savoir qu’il a menti, ce qui va avoir beaucoup de conséquences sur tout le monde… De surcroît, sa fiancée est de confession juive et il est sans nouvelle d’elle, ni de sa famille depuis longtemps.

Ce qui fait la force de ce récit, c’est le fait que les personnages actuels comme ceux qui traversent la guerre, ou ceux qui entourent Justin pour tenter d’identifier la fillette et de retrouver sa famille, sans oublier le Débarquement des Alliés après Pearl Harbor et le comportement des GI avec les femmes françaises. Ou encore l’amitié qui lie Solweig et Sylvette depuis près de quarante ans.

J’ai bien aimé ce roman de Reine Andrieu,, le deuxième après « Le chant des Amazones » en 2018 qui ne tombe pas dans le pathos, reste au plus près des faits, des ambiguïtés, car tout n’est pas noir ou blanc, il y a toutes les nuances de gris.

L’écriture est belle, donc ce roman se dévore, malgré des scènes difficiles (torture des Résistants arrêtés, ou dénonciations, rivalités, affirmations arbitraires, (les notables sont forcément Pétainistes, les ouvriers ou classe populaire forcément Résistants) …

Une séquence m’a bien plu : Noémie sur son vélo, qui passer la frontière avec la zone libre, munie de son Ausweis, pour aller récupérer dans médicaments chez un pharmacien mieux achalandé, et qui transporte en fait un message pour un membre de la Résistance… Ou encore l’amour profond d’Angèle pour Justin son sauveur, qu’elle confond avec l’amour véritable…

Un immense merci à NetGalley et aux éditions Préludes qui m’ont permis de découvrir ce beau roman et son auteure dont j’aurai du plaisir à retrouver la prose. Je suis passée assez près du coup de cœur. Vues les déceptions avec deux lectures récentes, je vais essayer de ne pas faire de comparaison et rester pour l’instant à la note que je lui ai attribuée.

#LHiverdeSolveig #NetGalleyFrance

9/10

L’auteure :

Reine Andrieu naît en 1967. Initialement diplômée d’une école de commerce, elle reprend des études universitaires pour devenir bibliothécaire, métier qu’elle exerce pendant treize ans. 

L’Hiver de Solveig est, en fait, son deuxième roman, car elle a publié Le chant des Amazones en 2018 

Extraits :

Dès lors, ce n’est pas que je me sois senti investi d’une mission, mais je me suis promis d’être digne de la confiance que la petite plaçait en moi. Et quand on fait ce métier et qu’on se trouve dans ma situation, on a envie de faire comme le chien qui cherche un os…

Il faut comprendre, Armand et moi faisons partie de la France anti-allemande, celle qui ne veut pas renoncer à sa liberté. Nous éprouvons une aversion sans réserve pour tous les citoyens de la nation ennemie, tous. Ils ne forment qu’un bloc, une masse, dont nous devons débarrasser le territoire au plus vite…

Tenir un livre dans les mains est un geste familier pour moi. Et ça ne me donne pas de mauvaises idées, mais tout le contraire. J’ai l’impression que ça m’aide à penser. C’est comme si le monde entier arrivait jusqu’à moi.

Qui suis-je ? J’ai l’impression de flotter, comme un bateau au milieu d’un océan bien trop grand pour lui, sans point de repère. Un tout petit bateau qui ne sait pas dans quelle direction il doit aller.

Je me garde bien de leur dire que moi-aussi, j’ai des origines juives. Par mes grands-parents maternels. Ce qui fait de moi un Mischling du premier degré. Ou un métis demi-juif, disons. Mon père, lui, est aryen. Mes parents se sont mariés en 1913, une époque où des nombreux mariages mixtes étaient célébrés, sans préjugés. Aujourd’hui, ils sont plutôt athées…

Ce métissage fait de nous, les Mischlinge, des parias, détestés des juifs dont nous ne fréquentons pas la communauté, et des nazis, pour être quand même à moitié juifs.

La musique nous offrait une bulle en dehors du temps et des outrages du monde extérieur à la maison. Elle nous aspirait dans une dimension dont nous ressortions apaisés et plus forts, comme transcendés.

Pour cette pauvre femme, policier égale collabo. Néanmoins, il faut reconnaître que les gens adorent las classifications. Ranger métiers et classes sociales dans des petites cases en dépit de la vraie nature des gens est rassurant. Quoi qu’il en soit, ces raisonnements à l’emporte-pièce sont bien pratiques. Cela nous procure pour l’heure une bonne couverture.

Lu en avril 2021

18 réflexions sur “« L’hiver de Solweig » de Reine Andrieu

    1. je ne la connaissais pas du tout, j’ai flashé sur le résumé et la période de l’Histoire.
      Le fait de donner la parole à chacun des protagonistes et d’alterner les époques avec des personnages qui sont en fait tous en lien c’est une très belle idée.
      J’ai beaucoup aimé le sous-officier Günter par exemple et pas du tout certains résistants
      je croyais que c’était son 1er roman avant de chercher dans sa bio pour trouver « Le chant des amazones »
      bonne pioche que je recommande 🙂

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    1. je l’ai beaucoup aimé j’aime cette période de l’Histoire mais ce n’est pour autant que j’apprécie des navets de ladite période. L’alternance des époques, et la parole donnée à chacun, quelque soit son bord le tout dans une belle écriture, cela vaut le coup vraiment… Il suffi de peu pour passer à côté d’un bon livre ou d’en choisir un qui semble prometteur !!!!
      la gamine est très attachante, elle s’intéresse à tout, rien ne lui échappe, y compris la culpabilité d’être responsable du sort de ses parents via son amnésie 🙂

      J’aime

    1. j’ai passé un très bon moment car tout m’a plu dans ce roman (ce n’est pas une histoire qui s’est réellement passée, elle l’a créée en se basant sur des évènements historiques : les maquis de la région, les collabo les résistants…
      Une lecture qui va compter 🙂

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    1. un plaisir immense et je me suis aperçue que c’était en fait son second livre et qu’il avait été auto-publié sous un autre titre…
      Il y a tellement de livres qui sortent que je ne suis plus le rythme…
      Je suis en train de me faire une pause polar et ça me fait un bien fou…
      une nouvelle sympa cette semaine: Anthony Hopkins un comédien que j’adore a eu un Oscar et Florian Zeller aussi cocorico 🙂

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  1. J’ai commencé à lire ta note en me disant  » bof, encore un livre sur la deuxième guerre mondiale » … Et je termine la lecture en me disant qu’il a l’air drôlement bien ! La construction me tente bien et la variété des thèmes, aussi.

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