« La chambre des dupes » de Camille Pascal

Petit détour par l’histoire aujourd’hui avec ce roman qui nous entraîne à la cour de Louis XV :

Résumé de l’éditeur :

Après « L’Été des quatre rois« , couronné par le Grand Prix du roman de l’Académie française, Camille Pascal nous fait entrer cette fois de plain-pied dans le Versailles de Louis XV pour y surprendre ses amours passionnés avec la duchesse de Châteauroux. Subjugué par cette femme qui se refuse pour mieux le séduire, le jeune roi lui cède tout jusqu’à offrir à sa maîtresse une place qu’aucune favorite n’avait encore occupée sous son règne. Leur histoire d’amour ne serait qu’une sorte de perpétuel conte de fées si Louis XV, parti à la guerre, ne tombait gravement malade à Metz…

La belle Marie-Anne – adorée du roi, jalousée par la Cour, crainte des ministres et haïe par le peuple – devra-t-elle plier brusquement le genou face à l’Église et se soumettre à la raison d’État ?

Dans ce roman de la Cour, Camille Pascal plonge le lecteur dans les intrigues amoureuses, les cabales d’étiquette et les complots politiques d’un monde qui vacille. 

Ce que j’en pense :

J’ai choisi ce roman, car j’aime beaucoup l’écriture de Camille Pascal, c’est une friandise qui se déguste, lentement… Et en plus, je connaissais mal Louis XV, son illustre bisaïeul m’ayant beaucoup plus intéressée, il convenait donc de réparer un peu cette méconnaissance…

On s’intéresse ici à une période très courte (entre le 08/09 1741 et le 3 avril 1746), du règne du Bien-aimé, qui vient de perdre sa maîtresse, Pauline de Vintimille, morte après son accouchement, tandis que sa sœur Marie-Anne piaffe d’impatience pour prendre la suite. Il est vrai que la famille Mailly-Nesle a bien fourni le Roi en maîtresses ; avant la duchesse, il y a eu Louise de Mailly, que Marie-Anne va faire chasser purement et simplement du palais tandis que la quatrième sœur, Hortense de La Tournelle est en alerte aussi…

Camille Pascal raconte avec beaucoup de verve, tout ce qui se trame autour du Louis XV, les clans qui se forment parmi les courtisans, car le Cardinal de Fleury prend de l’âge, et parmi les impatients, on note l’oncle de Marie-Anne, le Duc de richelieu (descendant du Cardinal) libertin qui saute sur tout ce qui bouge… Évidemment, on va avoir des complots contre Marie-Anne qui sait se faire courtiser, pour attiser l’amour royal… et suivre les clans qui s’affrontent Maurepas et les siens d’un côté, Richelieu de l’autre, c’est passionnant…

Ce qui frappe, c’est la manière dont Louis XV se laisse gouverner par ses pulsions sexuelles, (ou par la chasse d’ailleurs, il aime traquer tous les gibiers !) et sa belle Marie-Anne, rêve de le voir en « héros de guerre » ce qui risque d’avoir des conséquences… et veut à tout prix un titre de duchesse mais il faut lui trouver une terre et ce sera… Châteauroux (elle ne sait même pas où ça se trouve !)

Quoi qu’il en soit, la belle est quand même intéressante, quand elle se mêle de politique, il faut le reconnaître, alors que Marie Leszczynska est tellement effacée noyée dans sa bigoterie. Camille Pascal nous propose au passage des lettres échangées entre Marie-Anne et Richelieu assez truculentes, parfois même osées, très explicites en tout cas, persuadée qu’elle ne risquait rien…  

La médecine de l’époque fait froid dans le dos, le Roi a tellement reçu de « saignées » lorsqu’il a été malade à Metz qu’il a failli y laisser sa vie, augmentant d’autant plus les trahisons, coups bas… on croise au passage M. de la Peyronie, chirurgien du roi, ou encore deux médecins venant de l’illustre faculté de médecine de Montpellier qui s’expriment en patois occitan pour ne pas être compris ce qui augmente la suspicion à leur égard…

J’ai beaucoup apprécié la langue : on se sent catapulté au siècle de Louis XV avec des   expressions de l’époque, une manière coquine de parler de sexe autant que de nourriture, entre deux tasses de chocolat. On ne dira jamais assez les vertus du chocolat!

Un petit clin d’œil en passant au titre savoureux qui fait penser bien-sûr à la journée des dupes sous le règne de Louis XIII…

Vous l’aurez compris, j’ai adoré ce livre et la verve de Camille Pascal dont j’ai déjà beaucoup aimé le précédent roman historique : « L’été des quatre rois » et il m’a donné envie de creuser un peu le règne de Louis XV, ma pauvre PAL va se mettre en grève, une fois de plus !

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Plon qui m’ont permis de découvrir en avant-première ce livre et de retrouver un auteur que j’apprécie beaucoup. (Sortie 28/08/2020)

#rentreelitteraire2020 #NetGalleyFrance

9,5/10

Extraits :

Seule la grande saignée au pied permettrait d’évacuer les humeurs dont l’accumulation provoquait cette forte fièvre et les violentes convulsions qui secouaient la jeune accouchée comme un pantin de la foire Saint-Germain.

A cause d’elle (la reine Marie Leszczynska), le règne des maîtresses royales recommençait, et Dieu savait ce que ces sangsues putassières coûtaient au peuple. Les miséreux étaient de plus en plus nombreux dans la ville, où l’on ne comptait pas moins de cinq cents familles d’indigents sur la paroisse Notre-Dame.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il (Richelieu) aimait la fréquentation du pouvoir car, avec lui, ce qui était prévu n’arrivait jamais et l’imprévu, au contraire, était toujours certain. Versailles se réduisait à un immense tapis vert où chacun misait quotidiennement son existence dans l’espoir de tirer un jour la bonne carte.

Cet homme habitué depuis l’enfance à être le centre de tous les hommages et de toutes les attentions n’imaginait pas qu’une femme qui prétendait l’aimer puisse s’inquiéter d’autre chose que de lui-même.

Les Anglais, dont la perfidie n’était pas qu’une figure de style, travaillaient à ressusciter contre l’arrière-petit-fils la formidable coalition qui, trente ans plus tôt, avait bien failli emporter la puissance du roi Louis XIV et transpercer la France de part en part.

La place du cardinal de Fleury n’avait pas été pourvue, elle était donc à prendre car ils savaient que le roi s’ennuyait déjà à gouverner par lui-même. Depuis six mais, ils s’observaient, se tendaient des chausse-trappes pour essayer de prendre l’avantage dans l’esprit du roi…

… Partout Maurepas voyait des mains de femmes agissant contre lui, et derrière celles de Richelieu se glissant jusqu’au roi à travers les caresses de La Tournelle. Comment se battre contre des putains qui ne disaient pas leur nom ? pensa-t-il. C’était là toute l’injustice du combat qu’il devait mener.

Cette idée était devenue une sorte de marotte et, entre deux tasses de chocolat, Marie-Anne ne pensait qu’à cette seule chose, rêvant du moment où son Louis XV se cuirasserait pour la guerre avec autant d’entrain qu’il en avait pour l’amour.

Aujourd’hui, alors que la camarde l’avait effleuré de sa faux, il voulait de la vie, de l’esprit et de la joie. Il était bien sot d’avoir imaginer trouver un peu d’ivresse au fond d’un vieux flacon déformé par tant de grossesse et empli d’une dévotion toute polonaise. Après tout il n’avait jamais demandé à régner sur la France, et si Dieu lui avait fait la mauvaise plaisanterie de le mettre à ce poste, cela valait bien, n’en déplaise à tous les évêques de France et au pape lui-même, quelques compensations.

Elle voulait, par cette nouvelle journée des dupes, effacer la honte et punir plus durement que par l’exil tous ceux qui l’avait chassée de la chambre du roi, comme une fille perdue. Elle ! La duchesse de Châteauroux !

Lu en août 2020

19 réflexions sur “« La chambre des dupes » de Camille Pascal

    1. c’est lecture passionnante se retrouver dans l’intimité de Louis XV : truculent, il se laissait gouverner par ses désirs …
      Marie-Anne et Richelieu sont terribles dans leurs manigances mais tellement attachants 🙂
      je ne résisterai jamais à un livre de Camille Pascal que je n’ai découvert qu’avec « L’été des quatre rois » 🙂

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    1. c’est une lecture passionnante et qui fait du bien en plus… Regarder sous les jupes des filles euh de Marie-Anne et se balader dans les antichambres, passages secrets de Versailles et d’autres châteaux
      j’ai adoré et appris des choses donc ça fait du bien 🙂

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  1. J’ai beaucoup aimé L »année des quatre rois, et comme j’adore les histoires de magouilles royales ‘ surtout bien racontées comme l’auteur l’a fait dans le premier roman sur les intrigues magistrales autour de Charles X. Période pourtant à priori moins glamour que celle de Louis XV …

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    1. il est aussi passionnant que « L’été des quatre rois » et pourtant c’est une période très courte de la vie du roi mais les intrigues sont passionnantes, et quel plaisir de retrouver la verve de Camille Pascal 🙂
      en plus comme je connaissais mal Louis XV il m’a donné l’envie d’en savoir plus 🙂

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    1. la plume de Camille Pascal est extraordinaire, verve un peu d’humour au passage… Je crois qu’il ferait aimer l’histoire aux plus réfractaires tant il sait bien raconter! je vais le suivre de près maintenant que j’y ai goûté 🙂

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    1. c’est vraiment un auteur à découvrir, il me ferait aimer n’importe quel personnage historique…. on entre de l’intimité de Louis XV et il faut reconnaître que Marie-Anne a une personnalité lors du commun et elle est assez fine sur le plan politique 🙂
      il a été la plume de Nicolas Sarkozy, entre autres 🙂

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