« Le libraire de Cologne » de Catherine Ganz-Muller

Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai eu la chance de recevoir via une opération masse critique spéciale de Babelio et dont la couverture est splendide :

Quatrième de couverture :

Quand l’amour des livres et plus fort du la haine…

Cologne, Allemagne, 1934.

Poussé à l’exil par les lois anti-juives, le libraire Alexander Mendel est obligé de partir vivre en France avec sa famille. Il confie se Librairie à son jeune employé : Hans Schreiber.

Par fidélité à son mentor et par haine du régime nazi, Hans décide de se battre pour que la Librairie survive dans cette période tragique, malgré les menaces et les bombes.

Le combat d’un libraire, héros d’un pays où règnent la haine et la terreur, qui tente de faire triompher les livres… et la liberté.

Ce que j’en pense :

Nous sommes le trente-et-un décembre 1933 à Cologne. Ludwig Brodski arrive en retard au réveillon chez son oncle Alexander Mendel et sa tante Clara. Il doit y retrouver tous les membres de la famille, sa mère Martha, la sœur d’Alexander comme tous les ans. Mais cette année, l’ambiance n’est pas à la fête, même si Clara a mitonné un bon repas.

Hitler a été nommé chancelier, son parti étant arrivé en tête (42% des voix) et la propagande nazie bat son plein via son ministre Goebbels et l’antisémitisme aussi.

La discussion s’installe : doit-on rester en Allemagne et résister, ou se résoudre à l’exil, Paris, la Palestine, l’Amérique… une chose est sûre, chacun sent bien que c’est le dernier réveillon en famille.

Alexandre finit par vendre sa Librairie à son employé, Hans Schreiber, à qui il a enseigné depuis des années, la littérature : il lui a fait connaître toutes sortes de livres, et partagé son amour des auteurs de tous les pays, de l’Antiquité à ce jour. Dans sa Librairie, il avait installé une partie bibliothèque, une collection de livres anciens protégée sous clés. Tout avait été conçu pour que tout le monde puisse lire…

Il sait que Hans fera tout son possible pour préserver la Librairie. Celui-ci les accompagne jusqu’au train qui les emmène vers la France, le pays des droits de l’homme et de la liberté… Leur fille Liese va entretenir une relation épistolaire avec lui, afin de ne pas perdre le lien précieux qui les unit.

Mais, même si Hans n’est pas juif, la Librairie est vue d’un mauvais œil par les nazis : pour eux, c’est un magasin juif et on lui n’épargnera rien : les descentes pour confisquer tous les livres qui ne plaisent pas au régime, pour saccager tout.

Ce roman nous livre le combat d’un homme pour sauver, au péril de sa vie, la Librairie, les livres, et à travers eux, la liberté de penser, dans un régime où la propagande lobotomise tout le monde (enfin beaucoup de personnes) et entretient la haine via la désinformation.

Il y a des passages très forts sur la nuit de cristal : comment Hitler a manipulé les gens pour qu’ils aillent tout briser. Hans a été un résistant aux nazis, comme son voisin de palier, Herr Becker, un vieux professeur de français, avec qui il pouvait parler, échanger en écoutant en douce la BBC, ou le vendeur de glaces. Des gens ont tenté de résister, tel Ludwig Brodski, par exemple, et malgré la clandestinité….

Catherine Ganz-Muller, s’adresse aux adolescents, et montre de très belle manière la désinformation, la réécriture de l’Histoire, car la perte de la guerre en 1918 a traumatisé beaucoup d’Allemands, ainsi que la crise économique. Elle a construit son récit de manière chronologique pour que les ados comprennent bien comment les faits se sont enchaînés, comment l’antisémitisme a gagné les cerveaux : c’est tellement plus simple de désigner un coupable et c’est toujours en vogue…

Elle évoque la vie des Colonais, dans toutes les périodes : l’euphorie des nazillons, les oriflammes qui tapissent la ville, mais aussi les retombées quand le régime commence à battre de l’aile, les bombardements de Cologne, le refuge dans les abris.

Catherine Ganz-Muller évoque aussi tous les auteurs chers au cœur du libraire et à celui du lecteur : Herman Hesse, Thomas Mann, Tolstoï, Balzac, Stendhal, Dostoïevski et bien d’autres… et les lettres échangées entre Liese et Hans sont des moments plus légers pour permettre au lecteur de reprendre son souffle et de continuer à espérer.

A la fin du roman, elle fait un récapitulatif de la chronologie de l’arrivée des nazis au pouvoir jusqu’à la fin de la guerre et elle propose un glossaire, où elle revient sur des thèmes qu’il faut hélas encore marteler de nos jours : autodafés, pogroms, Shoah, déportation, camps…

Cette Librairie a bien existé et le nom de Hans a été modifié, bien-sûr mais certains personnages ont existé, tel Herr Denker, le marchand de glaces qui aide Hans à transporter ses livres pour éviter leur destruction. Et côté français, la vie ne sera pas rose non plus pour Alexander…

Passionnée par cette période de l’Histoire, ce livre me tendait les bras. Bien-sûr, je n’ai rien appris de plus sur les évènements tragiques, mais j’ignorais l’existence de cette Librairie et j’ai eu beaucoup de plaisir à le lire.

Un immense merci à Babelio, et aux éditions Scrineo qui m’ont permis de découvrir ce roman lors qu’en opération masse critique spéciale, roman qui mérite d’être lu par un maximum d’ados pour ne jamais oublier…

Un petit mot sur les éditions Scrineo, que je découvre avec ce roman et qui propose des titres très intéressants parmi lesquels :

« Un ado nommé Churchill », et « Pour qui meurt Guernica de Sophie Doudet, « L’enfant d’Oradour » de Régis Delpeuch ou encore « Rosa Parks, elle a dit non au racisme » de Florence Lamy par exemple pour expliquer l’Histoire et les personnalités qui l’ont marquée, aux ados. Une collection mythologie est en cours…

https://www.scrineo.fr/

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L’auteure :

Après des études de lettres, Catherine Ganz-Muller devient monteuse dans le cinéma.
Passionnée de littérature, elle ouvre une librairie à Paris puis se tourne vers le métier de bibliothécaire. Elle a écrit des articles pour des magazines, des nouvelles, des romans pour les adolescents, un roman pour enfant lauréat du Prix Chronos 2010, et des romans pour adultes.

http://www.catherineganzmuller.fr/

Extraits :

Aussi loin qu’il remonte dans son enfance, les souvenirs, bons ou mauvais, sont toujours accompagnés des siens, comme ils sont encore là dans sa vie de jeune homme. Ludwig ne peut concevoir un avenir sans cette famille, rassemblée ce soir de réveillon dans l’appartement de la Budengasse.

En fait, beaucoup d’Allemands, déçus par la défaite de 1918, puis victimes de la crise, se sont sentis abandonnés par le gouvernement Hindenburg. Ils se sont tournés vers le national-socialisme qui leur a fait croire qu’il serait un régime fort, capable de résoudre tous leurs problèmes. Ils sont maintenant à leur merci.

Ils fuient. La famille Mendel fuit devant les lois promulguées par l’état nazi. Les Mendel sont aussi peu pratiquants d’une religion que le sont bien des Allemands. Mais pour Hitler, avant d’être Allemands, ils sont juifs.

Hans a du mal à maîtriser son émotion. Le cœur serré, les larmes aux yeux, il traverse une ville qui a changé de visage. Il lui semble qu’elle est devenue totalement grise, écorchée par la seule couleur qui émerge comme autant de balafres : le rouge des oriflammes nazis. Le cœur de Hans bat de plus en plus vite. Des images de la librairie saccagée brouillent sa vue.

La chaussée n’est plus qu’un cimetière de vies brisées. La police tente de faire circuler les véhicules dans un dédale d’objets hétéroclites. Hans entend tout au long de son parcours les commentaires haineux à l’encontre des juifs. Beaucoup ont été arrêtés et déportés dans des camps.

Deux jours plus tard, la presse appellera cette nuit du 9 novembre, la « nuit de cristal », Reichkristallnacht. Jusqu’à ce jour, le cristal était pour Hans un verre pur et limpide, donnant un son mélodieux. Il n’ose pas croire que l’épuration de tant de juifs soit associée à la pureté dans l’esprit des nazis !

« L’homme ne vit pas seulement sa vie personnelle comme individu, mais consciemment ou inconsciemment, il participe aussi à celle de son époque et de ses contemporains » Thomas Mann dans la montagne magique.

Que suis-je au milieu de tout cela ? se demande-t-il. Un jeune libraire qui tente de sauver quelques livres pour l’amour d’un homme qui n’est même pas mon père. Pour la passion de la littérature, de cette liberté incomparable qu’elle offre aux lecteurs. Et pour tenir tête aux nazis.

Le quartier est en feu. Hans se précipite dans un abri avec les autres locataires de son immeuble. Transis de peur, ils y passent une nuit d’angoisse. Le silence qui règne entre les réfugiés de cet espace souterrain est plus terrifiant encore que le vacarme du dehors. « Ce silence, pense Hans c’est celui du déshonneur, celui de la fin d’une Allemagne qui s’est vendue au nazisme »

Le silence inonde les vestiges de la ville. Hans est sur le seuil de la Librairie. « Vivre sans espoir, c’est cesser de vivre ». Cette citation de Dostoïevski lui revient en mémoire en regardant les Colonais reprendre leur vie en main…

Lu en février 2020

12 réflexions sur “« Le libraire de Cologne » de Catherine Ganz-Muller

    1. c’est un livre que j’ai lu pour le plaisiiiiiiiiiiiir! à part le fait que la librairie a vraiment existé et son histoire, je connais tous les faits depuis longtemps, mais présenté comme ça c’est vraiment bien
      une belle lecture et un livre « didactique » pour les ados, il devrait leur plaire et leur donner envie de creuser 🙂
      cette maison d’éditions me plaît beaucoup 🙂

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    1. Il est très intéressant et l’auteure est douée pour raconter et expliquer sans se prendre au sérieux.
      J’ai trouvé le catalogue des éditions Skineo très alléchant, je vais les suivre de près…
      Pour qui meurt Guernica » et « un ado nommé Churchill  » (qui étudie son parcours sous l’angle de ses relations avec un père hyper-exigeant » me tentent beaucoup 🙂

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    1. tu me diras ce qu’ils en pensent?
      l’auteure a abordé son sujet de manière suffisamment captivante pour qu’on ne lâche pas le roman
      le catalogue Skineo est bourré de tentations et dire que je ne connaissais même pas cette maison d’éditions! 🙂

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  1. Encore une fois un livre qui me tente beaucoup, car en plus c’est la seule période de l’histoire ou presque que je lis avec plaisir même si parfois c’est douloureux aussi. En plus ça parle de livres et du combat d’un libraire, alors forcément je suis conquise 🙂 Merci pour ton ressenti

    Aimé par 1 personne

    1. ce roman recoupe tout ce que j’aime!!!
      il y a beaucoup de personnages dont je n’ai pas parler pour ne pas divulgâcher: les clients de la Librairie (sympathisants ou espions) ce qui est arrivé aux membres de la famille d’Alexander Mendel restée en Allemagne, l’auteure a exploré toutes les éventualités possibles de l’époque…
      🙂

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