Je vous parle aujourd’hui d’un livre que l’ai découvert grâce à une opération Masse critique de Babelio :
Quatrième de couverture :
Mimmo et Cristofaro sont amis à la vie à la mort, camarades de classe et complices d’école buissonnière. Cristofaro qui, chaque soir, pleure la bière de son père. Mimmo qui aime Celeste, captive du balcon quand Carmela, sa mère, s’agenouille sur le lit pour prier la Vierge tandis que les hommes du quartier se plient au-dessus d’elle. Tous rêvent d’avoir pour père Totò le pickpocket, coureur insaisissable et héros du Borgo Vecchio, qui, s’il détrousse sans vergogne les dames du centre-ville, garde son pistolet dans sa chaussette pour résister plus aisément à la tentation de s’en servir. Un pistolet que Mimmo voudrait bien utiliser contre le père de Cristofaro, pour sauver son ami d’une mort certaine.
L’intrigue est semblable à celle d’un livret d’opéra : violence et beauté, bien et mal se mêlent pour nous tenir en haleine jusqu’au grand final.
Ce que j’en pense
Ce roman nous raconte l’histoire d’un quartier de Palerme, le Borgo Vecchio, et la vie de ses habitants. On entre ainsi dans la vie de deux garçons, Mimmo et Cristofaro qui vont à l’école ensemble, (et font ensemble l’école buissonnière), de Toto, le voleur insaisissable, à l’agilité exemplaire aussi bien dans la manière dont il accomplit ses larcins que dans la vélocité de sa fuite.
Cristofaro subit un véritable martyr tous les soirs, où il est battu par son père « qui pleure la bière », ses hurlements de bête font frémir les voisins, qui préfèrent monter le son de la télévision, pour ne pas intervenir…
Les deux amis rêvent d’avoir un père comme Toto, et Mimmo décide que la seule manière de faire cesser la maltraitance et de tuer le père de Cristofaro, en subtilisant le pistolet que Toto garde caché dans sa chaussette au cas où il aurait besoin de s’en servir un jour.
On fait aussi la connaissance de Carmela, prostituée notoire, qui reçoit ses clients en « position de prière », juste au-dessous du portrait de la Vierge, tandis que sa fille Céleste apprend ses leçons sur le balcon. Au grand dam des bigots bigotes et autres personnes fréquentant l’Église : une fille qui veut étudier, quelle horreur ! cela revient à insulter Dieu !
Bien-sûr, ces trois-là vont devenir très proche, Mimmo étant tombé amoureux de Céleste, et se confiant à Nana, un cheval dont il s’occupe…
Un jour, Toto décide d’épouser Carmela devenant au passage le père de Céleste et les réactions des gens autour de Toto en dit long… comment rester amis, alors qu’un de ses amis, compagnon des vols depuis le premier jour, que l’auteur appelle « le traître » est aussi amoureux de Carmela. L’amitié peut-elle résister lorsque la jalousie piaffe devant la porte.
Une scène particulièrement riche en couleurs : le baptême en grande pompe de Nana
« Ce fut donc dans l’écurie que Toto retrouva le curé avec l’étole de rigueur pour le baptême, la cuvette pour l’eau bénite et l’aspersoir, il était en train d’oindre le cheval afin qu’il partage le destin des chrétiens et Mimmo le caressait tendrement sur le museau pour le consoler de sa peur. Le parrain était Cristofaro et la marraine Céleste, car il suffit des enfants pour baptiser les animaux… »
Ce roman, très court, est d’une puissance telle que j’ai dû faire un break en route, car les scènes de maltraitance sont on ne peut plus réalistes ainsi que la lâcheté des voisins. Cela remue en profondeur, de même que l’obscurantisme environnant. En reprenant la lecture, la poésie de l’écriture de Giosuè Calaciura a fini par m’envoûter : les phrases sont belles, une invitation au voyage dans les ruelles les odeurs, les couleurs du Quartier.
Bref : un roman très particulier, sur fond de misère sociale, où les gens en sont parfois réduits à vendre le peu qu’ils possèdent (par exemple une seule chaussure, l’autre ayant été volée, dans une scène particulièrement triste) … mais la violence omniprésente est oppressante malgré les envolées lyriques.
Voici d’ailleurs ce qu’écrit Jérôme Ferrari à propos de ce roman : « La langue de Giosuè Calaciura est unique, objectivement unique : c’est une langue très belle, dense, poétique, baroque, traversée de constantes inventions métaphoriques. »
Un grand merci à Babelio et aux éditions Notabilia qui m’ont permis de découvrir cet auteur.
L’auteur
Giosuè Calaciura est né à Palerme et il vit et travaille à Rome. Journaliste, il écrit régulièrement pour de nombreux quotidiens et diverses revues. « Borgo Vecchio » est son cinquième roman traduit en français. Il a remporté, lors de sa sortie en Italie, le prix Paolo Volponi.
Extraits :
Au Borgo Vecchio, tout le monde savait que Cristofaro pleurait chaque soir la bière de son père. Après le dîner, assis devant la télévision, les voisins entendaient les hurlements qui couvraient tous les bruits du Quartier. Ils baissaient le volume et écoutaient. Selon les cris, ils pouvaient deviner où il le frappait, à coups de poing secs, précis. A coup de pied aussi, jamais au visage. Le père de Cristofaro tenait à l’honneur de son fils : personne ne devait voie l’outrage des bleus.
Mais Céleste se courba pour offrir le moins de surface possible à la meurtrissure du vent, et elle continua à lire dans son manuel scolaire de fâcheux chapitres concernant les us et coutumes simples des religions païennes qui irritèrent encore plus le Seigneur. Pour la frapper, il fit en sorte que la lumière électrique cesse et il précipita le Quartier tout entier dans l’obscurité des premiers temps.
Mimmo et Cristofaro connaissaient l’histoire et le destin de Toto. Et comme tous les autres gamins du Quartier, ils auraient voulu être ses enfants.
Vous voyez, disait-il en remettant le pistolet dans la gaine de sa chaussette, vous voyez que le pistolet fait plus peur que le couteau, il ne promet ni corps à corps ni discussion, s’il y a le pistolet, il n’y a rien à ajouter.
Les marins qui s’en reviennent de l’amour payant préfèrent la promenade solitaire pour se remettre en mémoire chaque caresse, pour sentir encore le frisson de la peau, et ils réfléchissent silencieusement au mystère de l’excitation, ils répètent chaque geste, ils s’accrochent à l’odeur des draps, avec la salive leur revient à la bouche la douceur des seins, et c’est seulement à la fin qu’ils font le compte, combien de gagné, combien de perdu dans la comptabilité du désir, si le prix était correct, et ils cherchent en eux-mêmes la réponse à leur sensation d’épuisement semblable, par son rythme, à celui de la mer contre les môles du port.
La légende de la rapidité de Toto le voleur, ce sont les passants volés qui la racontaient, quand ils s’apercevaient qu’ils s’étaient faits détrousser le long des avenues touchant le Borgo Vecchio alors que Toto n’était désormais qu’un blouson au bout d’une rue et qu’il était impossible d’imaginer la moindre poursuite ou réaction.
Lu en août 2019
Je suis un peu lasse des histoires sur fond de crasse en Italie. Je préfère les pays nordiques cet été !
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j’ai eu du mal à arriver au bout! je lisais un polar de Thilliez en même temps !!!
j’ai besoin de douceur, je vais faire un petit voyage avec Vincent Van Gogh maintenant 🙂
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Il m’intéresse !
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il est dur, jusqu’au bout!!! il y a une courte période d’accalmie relative
si je n’avais pas fait une pause (8jours d’interruption quand même, cela ne m’arrive pas si souvent,
c’est l’écriture qui m’a fait tenir 🙂
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Une de toutes prochaines lectures… je suis prévenue !!!
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un conseil: prends ton temps pour le lire cela vaut le coup d’aller au bout 🙂
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Merci du conseil !!!
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Je ne pourrais pas lire ce genre de roman en ce moment, encore et toujours une belle analyse
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je te le déconseilles en ce moment, car il faut pouvoir encaisser c’est réaliste dans les descriptions seule la poésie de l’écriture permet de les digérer… 140 pages seulement mais qui marquent 🙂
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Il m’attend ce roman! C’est la recommandation de Jérôme Ferrari qui m’a poussée à l’avoir . Merci de m’avoir prévenue pour les scènes de maltraitance. J’ai d’autres livres avant …le temps de me préparer !
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idem pour moi c’est Jérôme Ferrari qui m’a incité à choisir ce roman.
J’ai lu un autre roman en même temps, il y a une période où je décidais de lire 10 pages à la fois, pas une de plus…
mais contente de l’avoir lu car bien écrit (je me répète…) et il sort de ma zone de confort et de ce que j’ai lu ces derniers temps.
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Oh, là là, suis…un peu inquiète quand même ! 🤔
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peut-être qu’il te secouera moins que moi…
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Merci pour cette découverte.
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un roman intéressant, bien écrit mais assez plombant 🙂
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J’ai eu exactement le même ressenti que toi. Je suis contente d’avoir tenu jusqu’au bout, car il ne faut pas manquer le final, et j’ai admiré l’écriture. Je ne suis pourtant pas très sensible, mais là, c’est l’absence d’espoir qui m’a pesé.
Cela m’a aussi fait pensé au film italien « Dogman » de 2018 : le thème n’a rien à voir, mais il s’agit d’un quartier très pauvre et il n’y a plus d’espoir, pourtant le film n’est pas dénué de poésie, une poésie très sombre. Révélateur d’un pays qui va mal… ?
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c’est précisément ce côté pessimiste,fataliste qui pèse sur la lecture mais la fin est belle quand même…
On ne sort pas indemne de cette lecture comme si la violence était inéluctable…
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Je passe mon tour pour l’instant sur celui-là ! Merci pour ton ressenti
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il est très court mais remue énormément, je ne risque pas de l’oublier 🙂
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