« Automne » d’Ali Smith

Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai choisi pour sa belle couverture et son résumé pour le moins intrigant.

 

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Résumé de l’éditeur :

 

Daniel Gluck, centenaire, ne reçoit pas d’autres visites dans sa maison de retraite que celles d’une jeune femme qui vient lui faire la lecture. Aucun lien familial entre les deux pourtant, mais une amitié profonde qui remonte à l’enfance d’Elisabeth, quand Daniel était son voisin. Elisabeth n’oubliera jamais la générosité de cet homme si gentil et distingué qui l’a éveillée à la littérature, au cinéma et à la peinture.

Les rêves – ceux des gens ordinaires, ou ceux des artistes oubliés – prennent une place importante dans la vie des protagonistes d’Ali Smith, mais le réel de nos sociétés profondément divisées y trouve également un écho. Le référendum sur le Brexit vient d’avoir lieu, et tout un pays se déchire au sujet de son avenir, alors que les deux amis mesurent, chacun à sa manière, le temps qui passe. Comment accompagner le mouvement perpétuel des saisons, entre les souvenirs qui affluent et la vie qui s’en va ?

L’écriture d’Ali Smith explore les fractures de nos démocraties modernes et nous interroge sur le sens de nos existences avec une poésie qui n’appartient qu’à elle, et qui lui a permis de s’imposer comme l’un des écrivains britanniques les plus singuliers, les plus lus dans le monde entier.

Traduit de l’anglais par Laetitia Devaux.

 

 

Ce que j’en pense

 

Ce roman nous entraîne, dans un voyage étrange, au Royaume Uni, dans une période qui s’étend des années soixante au référendum sur le Brexit. Elisabeth s’est liée d’amitié avec Daniel Gluck, un voisin, au grand dam de sa mère (un vieux monsieur, qui s’intéresse à une petite fille c’est forcément louche, il est peut-être gay, voire pire…)

Cet homme étrange va lui faire découvrir la littérature, le pouvoir et la magie des mots, des images ; il a traversé les époques, rencontré tant de gens. Elisabeth construit péniblement sa vie, fait des études d’art, une thèse sur les peintres du pop’art qui prend une direction particulière lorsqu’elle déniche, dans une boutique d’art, un vieux catalogue d’exposition de Pauline Boty, peintre qui est tombée dans l’oubli. Elle décide de changer de sujet de thèse pour se consacrer à son œuvre, estimant que son directeur de thèse ne lui accorde pas la considération qu’elle mérite : c’est une femme, morte jeune, passée à la trappe.

On rencontre une autre femme, au cours de ce roman, en la personne de Christine Keeler, mannequin, danseuse aux seins-nus et qui défrayera la chronique car elle a été présentée comme call-girl à John Profumo, secrétaire d’État à la guerre en 1961…

Le récit alterne les périodes de l’enfance et de l’âge adulte d’Elisabeth, ses relations difficiles avec sa mère, et les visites qu’elle rend alors à Daniel, qui est dans une maison de retraite, où il est le plus souvent plongé dans un profond sommeil.

Ali Smith nous livre une réflexion sur la vie, la mort, le temps qui passe, l’inconstance des actions, avec un coup de patte bien senti au référendum, qui a conduit au Brexit…

Un passage intéressant : Daniel Gluck qui se retrouve dans un arbre, un pin, qui lui sert da moyen de déplacement, peut-être une allusion à la mort, au cercueil…

Ce roman est un OVNI, inclassable… On ne sait jamais si on est dans la réalité ou dans le rêve, tant les frontières sont fragiles. Il est plein de poésie, et c’est très difficile d’en parler, de faire une synthèse, tant on se laisse emporter par l’écriture.

Je ne connaissais pas du tout Ali Smith, mais son style un peu étrange m’a plu son écriture est belle.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.

#Automne #NetGalleyFrance

2 sites intéressants:

http://blog-des-auteurs-libres.over-blog.com/2017/12/disparition-de-christine-keeler.html

https://www.wikiart.org/fr/pauline-boty

Sortie prévue le 4 septembre 2019

 

 

Extraits

 

Les choses se décomposent, il en a toujours été ainsi, c’est dans leur nature. Un homme vieux, très vieux, est rejeté sur le rivage. On dirait un ballon de foot crevé avec des coutures en creux, ces ballons de cuir que frappaient les gens, un siècle plus tôt.

 

Il aurait cru que la mort épure une personne, la débarrasse de toute sa pourriture pourrissante jusqu’à lui donne l’inconsistance d’un nuage.

 

Ah, les jeux de mots : la richesse des pauvres ; ce pauvre vieux John Keats. Pauvre, certainement, mais vieux, non, ça jamais. Lui, le poète de l’automne dans une Italie d’hiver s’était surpris, à quelques jours de sa mort, à faire des jeux de mots comme s’il ne devait pas y avoir de lendemain…

 

Autrefois, on en aurait parlé pendant un an. De nos jours, les nouvelles, c’est comme un troupeau de moutons lancé à pleine allure qui se jette du haut d’une falaise.

 

Il faut toujours être en train de lire, dit-il. Même quand on ne lit pas réellement. Sinon, comment lirions-nous le monde ? Considère ça comme une constante.

 

La langue, c’est comme des coquelicots. Il suffit de retourner la terre, et des mots en sommeil surgissent, tout rouges, tout neufs. Ils éclosent. Puis, leurs péricarpes s’agitent, et les graines tombent. Et de nouveaux mots poussent.

 

On pourrait penser que c’est désagréable d’être coincé à l’intérieur d’un arbre. On pourrait imaginer qu’on s’y ennuie. Néanmoins le parfum adoucit le désespoir. Ça revient à porter une armure, mais c’est bien mieux, parce que c’est une armure façonnée par les années.

 

Il nous reste à espérer, disait Daniel, que les gens qui nous aiment et qui nous connaissent un peu, nous auront, au final, vus tels que nous sommes. A la fin, il n’y a plus que ça ou presque qui compte.

 

Un jour, il a dit quelque chose de très juste. Quand l’Etat ne fait plus son boulot, il a dit. On parlait du référendum à venir, et depuis, j’y ai souvent repensé. Alors les gens deviennent de la chair à canon. C’était un homme sage, votre grand-père. Un homme intelligent.

 

Si j’avais vu avant le référendum cet objet ridicule qui fait office de passeport, dit-elle, j’aurais compris depuis longtemps ce qui s’annonçait.

 

Elisabeth avait grimacé. Chaque matin, elle se réveillait avec l’impression d’avoir été dupée. Sa pensée suivante allait à toutes les personnes qui se réveillaient en ayant l’impression d’avoir été dupées partout dans ce pays, quoi qu’elles aient voté.

 

C’est normal d’oublier, tu sais, dit-il. L’oubli, c’est important. Indispensable. Ça permet d’avoir un peu de repos. Tu comprends ? Il faut oublier, sinon, on ne pourrait jamais dormir.

 

La vie ? C’était ce qu’on s’efforçait d’attraper, le bonheur intense d’un objet qui vous échappait toujours de peu. Peindre ? C’est ce qu’on faisait seule, et là, et c’était son combat ou son moment de grâce, toujours terriblement solitaire.

 

 

Lu en août 2019

18 réflexions sur “« Automne » d’Ali Smith

    1. j’ai aimé sa langue, sa poésie,cela ne ressemble à rien de ce que j’ai pu lire ces derniers temps, tout en racontant une histoire de relation mère-fille et fille -mentor etc. et cela m’a fait un bien fou

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    1. c’est totalement différent de ce que j’ai pu lire cet été, beaucoup de poésie dans l’écriture
      et encore j’ai oublié de parler des péripéties pour pouvoir renouveler son passeport en Grande Bretagne 🙂

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