« Sœurs » de Bernard Minier

Retour aujourd’hui à un auteur que j’aime beaucoup avec ce livre:

 

Soeurs de Bernard Minier

 

Résumé de l’éditeur

 

Pauvres âmes déchues.

Il a fallu que je vous tue…

Mai 1993. Deux sœurs, Alice, 20 ans et Ambre, 21 ans, sont retrouvées mortes en bordure de Garonne. Vêtues de robes de communiantes, elles se font face, attachées à deux troncs d’arbres.

Le jeune Martin Servaz, qui vient d’intégrer la PJ de Toulouse, participe à sa première enquête. Très vite, il s’intéresse à Erik Lang, célèbre auteur de romans policiers à l’œuvre aussi cruelle que dérangeante.

Les deux sœurs n’étaient-elles pas ses fans ? L’un de ses plus grands succès ne s’appelle-t-il pas La communiante ? L’affaire connaît un dénouement inattendu et violent, laissant Servaz rongé par le doute : dans cette enquête, estime-t-il, une pièce manque, une pièce essentielle.

Février 2018. Par une nuit glaciale, l’écrivain Erik Lang découvre sa femme assassinée… elle aussi vêtue en communiante. Vingt-cinq ans après le double crime, Martin Servaz est rattrapé par l’affaire. Le choc réveille ses premières craintes. Jusqu’à l’obsession.

Une épouse, deux sœurs, trois communiantes… et si l’enquête de 1993 s’était trompée de coupable ?

Pour Servaz, le passé, en ressurgissant, va se transformer en cauchemar. Un cauchemar écrit à l’encre noire.

Peur, soumission, mensonges, manipulation.

 

Ce que j’en pense

 

Quel plaisir de retrouver cet auteur dont j’ai adoré « Glacé », « N’éteins pas la lumière » et « Nuit », dévorés pratiquement en apnée… Je me faisais donc un plaisir de retrouver Servaz, dégradé par décision disciplinaire après sa dernière enquête.

Le roman se déroule en deux temps, la première en 1993, où deux sœurs sont découvertes mortes, habillées en communiantes, comme dans un des romans de l’auteur de polar tordu, Erik Lang. Martin Servaz est sur sa première enquête, avec celui qu’il considère comme son mentor. Il assiste alors à des interrogatoires musclés, les baffes pleuvent. Il se rebiffe ce qui ne lui vaut pas que des sympathies. Un des protagonistes se suicide laissant une lettre dans laquelle il s’accuse du crime ; Erik Lang est du coup mis hors de cause.

On le retrouve en 2018 enquêtant sur un nouveau crime : la femme d’Erik Lang est retrouvée assassinée, vêtue elle aussi en communiante… de quoi relancer l’enquête plutôt bâclée en 1993.

L’intrigue est intéressante, pleine de rebondissements et de tensions tels que Bernard Minier sait si bien le faire… Il dresse un portrait au vitriol de l’écrivain tordu, manipulateur, sûr de lui-même, narcissique, qui exerce une véritable emprise sur ses fans.

Au passage l’auteur évoque le problème des fans, qui idolâtrent l’écrivain, achetant tous ses livres, à la minute même où ils paraissent, se faisant photographier avec lui, lors des séances de dédicace (sans en rater une seule, bien-sûr) , allant jusqu’à mette leur vie en danger pour leur idole qui bien-sûr ne peut être qu’innocente et maltraitée par la police…

J’ai retrouvé Martin Servaz avec plaisir, avec ses fêlures, ses relations complexes avec sa fille, exilée à l’autre bout du monde, la manière dont il tente d’apprivoiser son fils, Gustav, victime de cauchemars (normal après tout ce qu’il a vécu avec ce tordu de psychopathe, enfermé en Suisse….

J’aime beaucoup la réflexion de Bernard Minier sur l’époque actuelle : les réseaux sociaux, les gens qui ne sont connectés qu’avec leur smartphone, et ne se parlent plus, ne se voient plus, les « fake-news », les adeptes de la théorie du complot, ceux qui sont persuadés que la Terre est plate. Il est aussi « optimiste » que moi, ceci expliquant cela…

La fin est grandiose, car inattendue, et on se demande si on retrouvera ce brave Martin….

Je l’ai trouvé un petit peu au-dessous des trois précédents, mais la barre avait été mise à une telle hauteur !

Ce n’est pas forcément dû au roman ou à l’auteur, dont l’écriture est toujours aussi belle, car j’ai du mal à fixer mon attention ces derniers temps, submergée par les soucis de santé de mon entourage…

 

Extraits

 

En matière de récits policiers, cependant, il s’était arrêté aux classiques : Poe, Conan Doyle, Gaston Leroux, Chandler et Simenon, en gros. Ses auteurs favoris avaient nom, Tolstoï, Thomas Mann, Dickens, Gombrowicz, Faulkner et Balzac. Comme son père avant lui, il considérait que les meilleurs livres demandent des efforts et que, plus globalement, tout ce qui est obtenu facilement est vain et sans valeur.

 

Les morts ne parlent pas. Les morts ne pensent pas. Les morts ne pleurent pas les vivants. Les morts sont morts, tout simplement. Mais, la seule vraie tombe, c’est l’oubli, songea-t-il.

 

Alice et Ambre étaient-elles cela : des chrysalides devenues papillons et prenant leur essor ? Se cherchant et mettant à l’épreuve les interdits parentaux ? Après tout, sur des esprits aussi avides de nouveauté, les romans d’Erik Lang devaient exercer une attraction puissante.

Au point d’oublier toutes les règles de prudence ? A cet âge, la perception du risque était souvent faible et le diagnostic faussé par un sentiment trompeur de toute-puissance.

 

Que l’humanité fût devenue folle, Servaz n’en doutait pas une seconde. La question était de savoir si elle l’avait toujours été : cinglée, suffisante, autodestructrice – et si elle n’avait eu les moyens de son autodestruction qu’à une date récente.

 

A vingt ans, il s’était rêvé écrivain, mais il serait flic toute sa vie. Même à la retraite, un flic restait un flic. C’est ce qu’il était. Où donc étaient partis ses rêves ? La plupart ne se réaliseraient jamais ; c’était ça la jeunesse, songea-t-il, des rêves, des illusions, la vie présentée comme un chatoyant mirage… une publicité clinquante vendue par une agence de voyages pour un séjour qui se révèlerait très éloigné du prospectus… Et aucun bureau des réclamations en vue.

 

Soudain, il se demanda combien de personnes dans cette ville lisaient en ce moment précis, c’est-à-dire en même temps que lui ? Des centaines ? Des milliers ? Et combien regardaient la télévision ou l’écran de leur téléphone ? Infiniment plus, sans aucun doute. Etaient-ils, eux, lecteurs, comme les Indiens d’Amérique au XIXe siècle : menacés d’extinction par une race nouvelle ? Appartenaient-ils à l’ancien monde en train de disparaître ? 

 

J’aurais dû voir la vérité bien plus tôt : les personnes comme lui ne sont fans de personne. Elles n’aiment qu’elles-mêmes, elles sont trop pénétrées de leur propre importance, trop occupées par leur propre gloire, leur propre vie pour s’intéresser à celle des autres. Nous, les fans, notre amour est à sens unique, il ne sera jamais payé de retour. Les gens comme lui prennent notre adoration, notre amour comme si cela leur était dû. Mais, ils se fichent pas mal de nos petites vies…

 

Lu en août 2019,

13 réflexions sur “« Sœurs » de Bernard Minier

  1. Coucou
    moi aussi , je pense que le niveau reste bon même si tout est relatif, par contre j’attendrai l’année prochaine pour savoir si je continuerai ou pas à lire Minier car j’ai vraiment été déçue par le dernier, très très vulgaire, avec une enquête qui est intéressante mais qui s’enlise au fur et à mesure de la lecture

    Aimé par 1 personne

    1. c’est lequel le dernier? « Une putain d’histoire »?
      il a placé la barre très haut avec la trilogie alors forcément on compare…. et puis un petit break ça fait du bien, à l’époque j’avais enchaîné trop les romans de Thilliez, alors saturation et j’ai découvert les suivants avec un plaisir retrouvé…

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    1. en ce qui me concerne, oui… j’ai eu du mal à adhérer à l’intrigue, quitte à être tordu autant que les personnages soient intéressants (au niveau psychiatrique ou au niveau littéraire…
      Là le héros est imbuvable…

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    1. il est bien mais un cran en dessous de la trilogie… J’en attendais peut-être trop 🙂
      j’ai lu des romans intéressants cet été, dans des domaines extrêmement varié pour me changer les idées…
      objectif atteint car même si c’était léger, certains m’ont faire rire…
      à part « Il suffit d’une balle » : je suis passée complètement à côté 🙂

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