« Les fleurs sauvages » de Holly Ringland

Je vous parle aujourd’hui d’un livre qui semble recueillir un certain succès chez les lecteurs depuis quelques temps et dont la couverture, déjà, est une invitation au voyage :

 

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Résumé de l’éditeur :

 

« À cœur vaillant, rien d’impossible

Lorsqu’une tragédie change à jamais sa vie, la jeune Alice Hart, âgée de neuf ans, part vivre chez sa grand-mère qu’elle ne connaît pas. Quittant le bord de l’océan où elle a grandi, elle trouve refuge dans la ferme horticole de June, où celle-ci cultive des fleurs sauvages d’Australie.

Au fil du temps, Alice oublie les démons du passé et apprend à perpétuer la tradition familiale en utilisant le langage des fleurs pour remplacer les mots lorsqu’ils se font trop douloureux.
Mais l’histoire des Hart est hantée par de nombreux secrets que June cache à sa petite-fille.

 Une sorte de fatalité semble accabler les femmes de leur famille, aussi June préfère-t-elle tenir Alice à l’abri de la vérité, quitte à la tenir à distance de l’amour.

Une fois adulte, révoltée par ce silence et trahie par celles qui lui sont le plus chères, Alice se rend compte qu’il y a des histoires que les fleurs seules ne peuvent raconter. Si elle veut être libre, elle doit partir et inventer l’histoire la plus importante de toutes : la sienne…

Traduit de l’anglais (Australie) par Anne Damour

 

 

Ce que j’en pense

 

On fait la connaissance d’Alice Hart, alors qu’elle a autour de neuf ans, vit dans la propriété appartenant à son père, qui cultive la canne à sucre. La petite fille n’a pas le droit de sortir de la propriété et suit sa mère qui cultive son jardin. Même l’école, son père ne veut pas en entendre parler, lui de perdition selon lui. Il règne en véritable tyran sur Agnès, sa femme et sur sa fille, les coups pleuvent dès qu’on ne dit pas comme lui.

« Ce n’est pas un endroit pour une fille, disait son père, tapant du poing sur la table, faisant tressauter assiettes et couverts, chaque fois que la mère d’Alice suggérait de l’envoyer à l’école. Elle est plus en sécurité ici, grondait-il, mettant fin à la conversation. C’était ce que son père savait le mieux faire, mettre fin à tout. »

Un jour, Alice s’échappe et découvre la ville, notamment la bibliothèque municipale, où elle arrive en chemise de nuit, pieds nus et fait ainsi la connaissance de Sally, la bibliothécaire qui comprend vite qu’elle est maltraitée mais n’ose pas trop intervenir, tout le monde ayant peur de Clem Hart. Cette expédition vaut à Alice une pluie de coups. Mais son père finira par l’autoriser à emprunter des livres.

Alice est fascinée par le feu, comme sa mère d’ailleurs, et le pouvoir régénérateur de celui-ci : son père peut-il renaître de ses cendres, meilleur, comme le phénix ? Un jour où elle brave un interdit, pénètre dans l’antre de son père, mais y oublie la lanterne allumée.

Il en résulte un incendie où ses parents meurent et elle, sauvée in extremis, avec une longue hospitalisation et sa grand-mère paternelle, June, dont elle n’a jamais entendu parler, vient la chercher et l’emmène dans sa propriété, à Thornfield, où elle cultive des fleurs, et accueille des jeunes femmes en détresse, qu’elle appelle ses Fleurs.

Pourquoi, Clem a-t-il quitté la maison familiale ? Quels sont les secrets qui rongent cette famille depuis des générations ? June ne parvient pas à en parler, les non-dits s’accumulent, et les mêmes causes ayant les mêmes effets, on assiste à une répétition des scenarii de vie.

Quand on ne parvient pas à parler, on essaie de communiquer autrement, ici par le langage des fleurs, et comme June, on repousse le problème en ayant recours à la fiole de whisky, tout en créant des bijoux avec les fleurs récoltées, les inscrivant ainsi dans le temps.

Chaque chapitre commence par la présentation d’une plante, son nom latin, son nom aborigène, ses caractéristiques, couleurs, action, et apporte une clé pour décrypter, l’histoire.

J’ai adoré ce roman, l’histoire de toutes ces femmes de Thornfield, leurs difficultés, leurs souffrances, est passionnante. outre Alice et June, tous les personnages m’ont plu, notamment la grand-mère June, Ruth qui est à l’origine de la passion familiale pour les fleurs,  de Twig, à qui on enlevé ses enfants pour les confier à des blancs,  et d’autres femmes qu’on découvre tout au long du roman. L’auteure nous propose des portraits de femmes extraordinaires alors que les hommes attirent peu la sympathie, à part certains…

Une scène m’a beaucoup marquée, par exemple : Clem décide d’aller faire de la planche à voile alors qu’il y a énormément de vent, et il prend Alice sur sa planche, l’assied devant lui et elle doit se tenir à ses jambes. Elle n’a que neuf ans, elle a peur et ne se comporte pas comme il veut, alors il la jette à la mer et s’en va sur sa planche sans se soucier de la suite. C’est Agnès, qui va se porte au secours de la fillette qui en réchappe de peu. Et au retour bien-sûr, toutes les deux doivent affronter sa colère, sa violence…

L’écriture est belle, tout autant que l’histoire ; Holly Ringland parle tellement bien de l’Australie, de la mainmise des Blancs, du mépris pour la culture aborigène, pourtant si riche, si proche et si respectueuse de la nature. Elle évoque notamment le parc naturel de Kilipitjara, avec la description d’un cratère où poussent des fleurs splendides, les pois du désert, qui serait selon la légende, le point de chute sur la terre du cœur d’une mère, de l’univers des étoiles, qui aurait laissé tomber son fils sur la terre, dans un moment d’inattention…

C’est le premier roman de Holly Ringland et c’est une belle réussite. Je craignais au départ, qu’il s’agisse d’un roman fleur bleue, c’est le terme qui convient puisqu’on est dans les fleurs, et il n’en est rien. En plus, la couverture est magnifique.

Même la postface est passionnante car l’auteure explique comment elle construit son récit, et quels sont les lieux qui existent réellement et ceux qu’elle inventés.

Je pourrais en parler pendant des heures, car les portes d’entrées dans sont multiples, comme les thèmes abordés, alors un conseil, si vous ne l’avez pas déjà lu, foncez !

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Fayard Mazarine qui m’ont permis de découvrir et de dévorer ce roman.

#LesFleursSauvages #NetGalleyFrance

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L’auteure

 

Holly Ringland a grandi dans le jardin tropical de sa mère, sur la côte est de l’Australie. C’est lors d’un voyage en camping-car de deux ans avec toute sa famille que naît son intérêt pour les autres cultures et leurs légendes alors qu’elle n’a que neuf ans.

À l’âge de vingt ans, Holly travaille pendant quatre ans au sein d’une communauté aborigène perdue dans le désert australien. En 2009, elle déménage en Angleterre et décroche un master d’écriture créative à l’Université de Manchester.

Ses essais et nouvelles ont été publiés dans une multitude de journaux et anthologies. « Les fleurs sauvages » est son premier roman.

 

 

Extraits

 

Alice se souviendrait toujours de cette journée comme de celle qui avait changé irrémédiablement sa vie, même s’il lui faudrait vingt ans pour comprendre : la vie va de l’avant, mais ne se comprend qu’en regardant en arrière. Vous ne pouvez pas voir le paysage qui vous entoure tant que vous êtes à l’intérieur.

 

Certains jours, la mère d’Alice semblait complètement absente.il n’y avait plus ni histoires si promenades au bord de la mer. Elle ne parlait plus aux fleurs. Sa mère restait au lit les rideaux tirés contre la lumière blanche, anéantie, comme si son âme l’avait quittée.

 

Elle avait l’habitude de tenir la barre. Elle semait ses graines et les voyait éclore quand et comme elle s’y attendait. Sa vie avait ses cycles de semailles, croissance et cueillettes, et elle reposait sur ce rythme bien ordonné. Qu’un enfant débarque aujourd’hui dans son existence, alors que son énergie diminuait et qu’elle songeait à la retraite, était particulièrement perturbant.

 

Alice contempla l’arc-en-ciel de couleurs des autres fleurs enchâssées dans les colliers, boucles d’oreilles et bagues. Chacune était à jamais scellée ; figée dans le temps et pourtant colorées à vie. Elle ne noircirait jamais, ne tomberait jamais en poussière. Elle ne mourrait pas.

 

Au temps de la reine Victoria, les gens en Europe parlaient le langage des fleurs. C’est la vérité. Les ancêtres de June – tous tes ancêtres, Alice – des femmes qui ont vécu il y a longtemps, ont emporté cette langue à travers les océans depuis l’Angleterre et l’ont transmise au fil des générations, jusqu’à ce que Ruth Stone l’introduise ici à Thornfield.

 

Tout le monde avait besoin de silence de temps en temps. C’était la magie de Thornfield ; c’était un endroit où il était possible de ridelles choses qu’on ne pouvait pas exprimer.

 

Au pied de l’eucalyptus géant, Ruth s’asseyait et se laissait aller à chanter et pleure. Lire et chanter étaient alors les deux seules occupations qui l’empêchaient de perdre l’esprit. Elle chantait des histoires que sa mère lui avait apprises, qui parlaient de fleurs capables de dire des chose que les mots étaient impuissants à exprimer.

 

June était debout au comptoir de la cuisine avec la bouteille de whisky ouverte devant elle. Elle s’en versa un autre verre. Elle était fatiguée. Lasse de porter le poids d’un passé trop lourd à faire revivre. Elle était lasse des fleurs qui parlaient de choses que les gens n’osaient pas exprimer. De cœurs brisés, de solitudes et de fantômes. Du sentiment d’être incompris.

 

Le passé a une curieuse façon d’engendrer de nouvelles pousses. Si tu ne t’en occupes pas immédiatement, ces histoires se ressèmeront d’elles-mêmes.

 

Mais le remords était une semence étrange ; plus vous l’enterriez, plus il s’escrimait à repousser.

 

Nous ne pouvons pas ignorer le mal que nous avons fait, dit Alice. Même si nous tentons de l’enfouir au plus profond de nous-mêmes.

 

Bien que sa présence apaise les souvenirs douloureux qu’elle voulait oublier, la vie qu’Alice avait laissée derrière elle se glissait dans son cœur comme une plante grimpante, vrille après vrille, feuille après feuille.

 

 

Lu en juin 2019

21 réflexions sur “« Les fleurs sauvages » de Holly Ringland

  1. Ping : #PartageTaVeille | 21/06/2019 – Les miscellanées d'Usva

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