« Une famille comme il faut » de Rosa Ventrella

Je vous parle aujourd’hui d’un livre découvert grâce à NetGalley et aux éditions Les Escales que je remercie vivement :

 

 

Résumé de l’éditeur

 

Dans la ville de Bari, au sud de l’Italie, tout le monde connaît Maria sous le nom de « Malacarne » (mauvaise chair), un surnom que lui a donné sa grand-mère en raison de sa peau foncée et de sa nature impulsive qui la distinguent des filles de son âge. En 1984, Maria a neuf ans et grandit dans une famille pauvre, entourée de sa mère douce mais effacée et de son père violent et autoritaire.

C’est auprès de son ami Michele, lui aussi en retrait de la vie de son quartier, qu’elle trouve refuge. Entre vieilles rancunes familiales et déterminisme social, Maria va devoir se battre pour s’affranchir et réaliser ses rêves.

 

Ce que j’en pense

 

C’est l’histoire d’une famille pauvre, dans un quartier tout aussi pauvre de Bari. Le père, pêcheur est violent, la mère effacée, alors qu’elle a été autrefois une belle femme.

Le fils aîné, Guiseppe trouve un équilibre en restant à distance, alors que Viccenzo, le deuxième fils, rebelle va mal tourner, frappé par son père qui désire le « redresser », comme il dit.

La fille la plus jeune, Maria, brillante à l’école, que l’on surnomme Malacarna (mauvaise graine) ; c’est sa grand-mère qui l’a affublée de ce surnom alors qu’elle n’avait que neuf ans et personne n’a rien dit ; son père était plus chanceux, on l’appelait « Tony Curtis », lui trouvant une vague ressemblance avec l’acteur !

L’instituteur est sans pitié avec ces gamins, surlignant leurs surnoms pendant la classe, se moquant d’eux, de leurs travers… Maria va se lier à Michele, moqué aussi par cet instituteur, devant tous ses camarades, et ce lien va leur permettre à tous les deux d’avancer.

Le thème abordé par l’auteur est : comment se sortir de la pauvreté, de sa condition d’origine, ou tout est-il déjà écrit d’avance, alors que les maffieux règnent sans partage ? et pour s’en sortir, faut-il partir, trahir ?

Rosa Ventrella n’est pas tendre avec ses personnages, les affublant de surnoms plutôt terribles, dès l’enfance. Elle ne l’est pas non plus quand elle raconte la violence et l’intolérance, notamment le comportement des autres vis-à-vis de Mezzafemmna » jeune travesti insulté, maltraité, pour le seul fait qu’il s’estime sexuellement différent.

Ce qui frappe, ce sont les secrets, les non-dits dans la famille, les surnoms terribles qui collent à la peau dès l’enfance, au point d’en oublier les noms de famille.

Enlisant ce roman, j’ai beaucoup pensé à Eléna Ferrante et « L’amie prodigieuse » : même contexte social, mafia, mais l’époque est différente Maria alias Malacarna est beaucoup plus de rebelle que Lenù, et c’est ce qui lui permet de s’opposer, de s’affirmer quand il le faut.

Finalement, je me suis laissée porter par l’écriture, bien plus tonique, et par la puissance des personnages de Rosa Ventrella.

Une belle découverte

#UneFamilleCommeIlFaut #NetGalleyFrance

 

 

Extraits

 

J’avais honte, ma robe deux tailles trop grande – parce que c’était ainsi que me les cousait maman, pour qu’elles durent plusieurs saisons – encore collée à mon corps, mes pieds claquant dans mes sabots mouillés. J’avais mal au ventre, la nausée et le vertige rendaient chaque pas difficile et me brouillaient la vue. J’entendais cent abeilles bourdonner dans ma tête.

 

« Toi, t’as le sang froid, comme les lézards, dit-elle avec un filet de voix. Comme les poulpes même. T’es une mauvaise graine, ça oui, une mala carne, répéta-t-elle pour elle-même. »

Maman acquiesçait, comme si elle était d’accord mais qu’elle n’avait pas eu le courage de le dire à haute voix.

 

Je m’appelle Maria. Maria De Santis. Je suis née petite et brune, comme une prune mûre. Mes traits sauvages se sont accentués en grandissant, ce qui m’a différenciée des autres fillettes du quartier, pour le meilleur et pour le pire.

 

Il employait une langue recherchée que peu de vieux du quartier comprenaient. Quand il achetait le pain ou saluait les commères, ces mots compliqués suscitaient respect et admiration. Tout le monde approuvait quand le docteur parlait, même s’ils ne comprenaient pas du tout et ils levaient les yeux au ciel pour signifier que l’instruction, c’est vraiment une belle chose. Il aurait pu se payer la tête des gens du quartier, ils lui auraient fait la révérence.

 

Toutefois, j’évitai de contredire ma mère et me tus, accueillant avec mansuétude son invitation à me trouver un bon garçon, quand je serai grande, et à me marier, parce que c’était le but ultime de la vie d’une femme.

 

Penser à ma différence, c’était comme sentir les dents d’un chien se planter dans mon cerveau, dans mes yeux. Elles mordaient, blessaient, me faisaient saigner…

 

Les enfants grandissent sans apprendre la langue de notre pays. Étrangers dans leur patrie.

 

Pour moi, l’argent était privé de substance, qu’on en ait ou pas. Mais, maintenant, tout semblait soudain transparent.

C’est sans doute ce matin-là que germa dans mon esprit l’idée de travailler le mieux possible à l’école. Encore mieux que le frère de Maddalena. C’était la seule façon de m’en sortir.

 

J’avais pris l’habitude de me mettre à la fenêtre pour regarder papa rentrer. J’essayais de deviner son humeur. Je savais que tout dépendait de cela, qu’il représentait le pivot autour duquel tournaient nos vies, nos journées grises comme nos moments ensoleillés.

 

J’avais souvent rêvé devant Sofia Loren, imaginant devenir un jour comme elle, pas seulement dans son aspect, que tout le monde lui enviait, mais aussi dans ses manières, dans les rôles qu’elle interprétait, des femmes fortes et sanguines qui se laissaient pas dominer par les hommes. Un autre modèle que celui auquel la vie de tous les jours m’entraînait.

 

 

Lu en janvier 2019

8 réflexions sur “« Une famille comme il faut » de Rosa Ventrella

  1. Encore une belle découverte ! J’aime beaucoup les auteurs italiens et je ne connais pas du tout Rosa Ventralla. Il faudra juste que je termine la saga de l’ami prodigieuse avant car je n’ai toujours lu que les deux premiers tomes 🙂 Repose-toi bien

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