« La nostalgie des sentiments » de Hanni Münzer

Aujourd’hui, je vous invite à un voyage dans le temps et l’espace : direction un petit village d’Allemagne, proche de la frontière avec la Pologne, juste après la fin de la première guerre mondiale :

Une famille face à la montée du nazisme

Au milieu des années 1920, Laurenz Sadler rencontre Anne-Marie. Le coup de foudre est immédiat, et réciproque. Le jeune homme ne connaît alors ni le passé mouvementé de la jeune femme, ni son secret.

Laurenz rêvait de devenir musicien ; il se voit contraint de reprendre la ferme familiale. Pourtant, dans ce village allemand à proximité de la frontière polonaise, il connaît le bonheur aux côtés d’Anne-Marie et de leurs deux ­filles, Kathi et Franzi.

Mais le climat politique change. Le national-socialisme gagne du terrain. Au village, le climat se tend, entre farouches partisans et opposants, dont la famille Sadler, qui préfère taire ses opinions pour vivre en paix.

Jusqu’au jour où Kathi, âgée de quinze ans, remporte un concours national de mathématiques et attire sur elle l’attention de Berlin, où les dignitaires nazis voudraient la faire venir pour qu’elle participe à un programme de recherche.

Anne-Marie s’y oppose, déclenchant par sa rébellion une série d’événements dramatiques qui bouleverseront le destin de la famille Sadler…

Le roman s’ouvre sur une scène se déroulant en URSS, en 1928, où une jeune femme est sous surveillance stricte. On ignore de qui il s’agit et ce qui va advenir d’elle et… Je l’ai, d’ailleurs, complétement oubliée en poursuivant ma lecture.

Ensuite, direction Peterdorf, en Silésie, dans la ferme d’August Sadler qui a fait la première guerre mondiale, en est revenu sourd et aveugle et depuis ne quitte plus son siège. La ferme est tenue par son épouse, Charlotte, une femme de caractère et ses deux fils : Alfred décédé lors de la première guerre mondiale, et Kurt qui va la prendre en mains.

 Donc, peu intéressé par le travail à la ferme, Laurenz a pu tenter le concours du conservatoire de Wroclaw, où il rencontre Anne-Marie, dont il tombe amoureux et compose pour elle.

Mais, un jour de 1928, son frère Kurt étant décédé, encorné par un taureau récalcitrant, Charlotte demande à Laurenz de rentrer à Petersdorf pour reprendre la ferme. Adieu, rêve de compositeur… Laurenz et sa femme ne sont pas forcément bien accueillis dans le village, où tout le monde se connaît : Anne-Marie vient de la ville donc elle parle le haut-allemand. Ils vont s’adapter, ainsi que leurs deux filles Kathi et Franzi.

Kathi est brillante, HPI certainement, passionnée de connaissances en tout domaine avec une attirance pour la science. Elle a un ami, Anton, le fils du bourgmestre et de son horrible épouse Lesbelt dont l’occupation principale est d’épier les voisins et les calomnier. On sait dès le début qu’Anne-Marie, cache un lourd secret mais elle ne le révèlera à personne, même à Laurenz. Secret qui finira par surgir comme toujours avec les secrets.

A la ferme, il y a aussi Dorota, la gouvernante polonaise et son Oleg le garçon de ferme. On fait aussi la connaissance du curé, Berthold, la taverne de Klose, où se retrouvent les hommes après la messe. Mais, dans l’ombre, une voix commence à réinterpréter l’Histoire, la défaite de 1918 est due à la traitrise des Juifs, qu’il faut impérativement éloigner de toutes les sphères du pouvoir. Les vociférations du caporal, imprègnent peu à peu les esprits, les nazillons de tout poil déclenchent des bagarres et la taverne de Klose change sérieusement d’ambiance.

Hanni Münzer décrit très bien la montée en puissance du NSDAP, la propagande, la violence, la pensée unique en revisitant les jeux de Berlin, l’épuration des handicapés sous le prétexte d’un séjour en maison spécialisée, les jeux olympiques de la science, organisés dans les collèges pour dénicher les jeunes talents, l’omerta sur les camps, la suspicion, la délation, les mensonges de guerre, la manière dont les hommes sont envoyés à la boucherie, ceux qui se révèlent être des héros, ceux qui trahissent au nom du führer et de son idéologie…

L’auteure a choisi de montrer cette époque, avec les yeux de Katti, son regard affuté ne se laissant endormir par les paroles des adultes. J’ai aimé la manière dont elle conçoit sa fusée, car son désir le plus cher est d’aller sur la lune.

Kathi a participer à ces JO de la science, en a compris l’enjeu, malgré le fait que l’on fasse miroiter les études à Berlin comme récompense ; elle bien essayé de ne pas montrer son intelligence et ses talents en glissant des erreurs dans la résolution des problèmes de mathématiques elle a été sélectionnée quand même…

J’ai bien aimé ce roman, la petite histoire dans la grande, auquel, je reprocherai parfois quelques longueurs qui ne gênent pas la lecture : trop de détails peut rendre une lecture indigeste ce qui n’est pas le cas ici.

Ne cherchez pas Petersdorf sur la carte, ce village a été inventé par l’auteure, un peu comme Leidenstadt avec Jean-Jacques Goldman, une de mes chansons préférées…

J’ai découvert Hanni Münzer, avec Marlène que j’ai beaucoup aimé, j’avais pris le train en marche, car c’était en fait la suite de « Au nom de ma mère » qui attend dans ma PAL alors « La nostalgie des sentiments » ne pouvait pas m’échapper, d’autant plus que j’aime énormément cette période de l’Histoire et j’attends de pied ferme la suite de ce roman…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions de L’Archipel qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur

#Lanostalgiedessentiments #NetGalleyFrance !

8,5/10

Née en Allemagne en 1965, Hanni Münzer conquiert le public avec Au nom de ma mère (Archipoche, 2018), en cours d’adaptation au cinéma. Ses romans, vendus à plus de 2 millions d’exemplaires, ont été traduits dans dix-sept pays.

Anne-Marie était tout à la fois réponse et question ; elle libéra en lui une telle puissance créatrice qu’il écrivit un opéra en quelques semaines. Anne-Marie était sa symphonie devenue réalité. Pour elle Laurenz voulut inventer un pays de lumière et de fleurs, un lieu de rêve pour la femme de ses rêves.

Au premier coup d’œil, Petersdorf n’avait rien de particulier. Au deuxième non plus, d’ailleurs. Mais, pour ses habitants, Petersdorf était le monde entier. Ils y étaient nés et ils y mourraient. Chaque famille possédait une pierre tombale au cimetière local et certains inscriptions presque effacées par les intempéries remontaient même au XIVe siècle…

C’était toujours le peuple qui payait le prix de la guerre. Car, même si on avait tracé de nouvelles frontières, créé de nouveaux pays, l’être humain était resté le même.

J’ai peur des bolchéviques, je peux bien l’avouer. On ne peut pas rendre les gens égaux, ni dans la pauvreté ni dans la richesse. Je vois plutôt là une tentative de nous rendre tous égaux dans la bêtise. Aucun dirigeant ne veut d’un peuple qui pense par lui-même. Ça mettrait en danger sa prétention au pouvoir…

A présent, elle se contentait d’écouter. Mais, souvent, les phrases des adultes paraissaient signifier tout autre chose que les mots qu’elles contenaient. Kathi avait découvert que les mots transportaient souvent des messages cachés…

1936, Berlin, capitale du Reich. Ville sur la Spree, ville des promesses, ville des secrets. Ville des tromperies et des déceptions. Et théâtre des Jeux olympiques de 1936. Le loup national-socialiste se présentait là dans son plus beau costume d’agneau, mettant en scène pour le monde entier l’image mensongère d’une dictature aimable.

C’était peut-être là l’essence du véritable paysan : percevoir sa terre comme un être vivant qui savait de lui-même ce qu’il lui fallait. Ils s’entendaient bien, lui et sa terre.

Les pires rumeurs couraient à propos de ces camps, mais presque personne ne voulait les écouter ou accepter l’évidence. Les gens vivaient selon le principe de Saint Florian : tant qu’un problème ne se produisait pas dans leur propre jardin, c’est qu’il n’existait pas.

4 réflexions sur “« La nostalgie des sentiments » de Hanni Münzer

  1. C’est une découverte pour moi aussi, je ne connaissais pas l’auteur ! Par contre s’il y a une suite je préfère attendre qu’elle soit sortie pour lire les différents opus à la suite, je déteste attendre…Mais je le note !

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