« La mort en échec »: Isabelle Choko et Pierre Marlière

Aujourd’hui, dans le cadre de challenge consacré à l’holocauste, j’ai choisi de vous parler d’un livre témoignage bouleversant :

Résumé de l’éditeur :

En septembre 1939, les Allemands envahissent la Pologne. Izabela Sztrauch, qui survivra et deviendra Isabelle Choko, a 11 ans. Son enfance s’arrête du jour au lendemain lorsqu’elle est envoyée dans le ghetto de Lódz avec ses parents. Elle y perd son père de malnutrition et de mauvais traitements. A 15 ans, elle est déportée à Auschwitz, puis à Waldeslust et Bergen-Belsen.
La peur et la nudité. Le travail forcé, le froid, les coups, la promiscuité, la faim. La maladie et la mort, partout. Mais aussi les quelques moments de grâce et de fraternité. Le courage d’un prisonnier de guerre qui prend tous les risques pour la garder en vie. Et l’amour qu’Izabela porte à sa mère, qu’elle tient dans ses bras jusqu’à son dernier souffle – sur le sol noir de Bergen-Belsen. Elle revient de l’enfer seule. Par une force hors du commun, elle guérit du typhus dans un hospice en Suède et voyage jusqu’en France, avec pour unique bagage, son appétit de vivre, son humour et son intelligence. Défiant le destin, quelques années plus tard, elle est sacrée championne de France d’échecs et fonde une famille.

Aujourd’hui, Isabelle Choko raconte ce qu’elle a connu sous le régime nazi, d’abord dans le ghetto de Lódz en Pologne et puis dans les camps d’extermination – Auschwitz-Birkenau et Bergen-Belsen. Son livre est l’histoire de sa vie, un récit douloureux et passionnant pour que tous nous n’oublions pas ce que fut la Shoah.

Ce que j’en pense :

Chacun connaît ma passion pour la Seconde Guerre Mondiale, surtout la montée du nazisme et sa barbarie, alors ce témoignage ne pouvait m’échapper.

Izabela Sztrauch mène une vie heureuse et insouciante, comme tous les enfants de son âge, ses parents tiennent une pharmacie, mais, lorsque les Allemands envahissent la Pologne son univers bascule. Du jour au lendemain, la famille est jugée « indésirable » et on l’envoie au ghetto de Lódz. Elle n’a que onze ans et elle y restera jusqu’à ses seize ans. La famille survit mas le père d’Izabela va mourir de dénutrition tans les conditions de survie au ghetto sont difficiles.

A seize ans elle est déportée à Auschwitz avec sa mère. Un Français, parmi les prisonniers sur la voie lui conseille de se mettre du bon côté, pour éviter la chambre à gaz, et c’est ainsi qu’avec sa mère elle échappe à l’extermination. « Tu vois là-bas au bout du quai, il y a une sélection. A gauche c’est la vie, à droite c’est la mort, alors n’oublie pas, vas à gauche »

Les conditions de vie, survie plutôt son terrible : à l’arrivée elles sont tondues, et ne se considèrent plus comme des « humains à part entière ». La dénutrition, les mauvais traitements, les lieux de couchage terribles, sans oublier les brimades quotidiennes, vont les fragiliser de plus en plus, épidémies, typhus feront le reste.

Je ne peux m’empêcher de passer les mains sur ma tête … Mes doigts ne rencontrent que la peau rugueuse de mon crâne. Je ne sens plus mes cheveux, c’est une impression indescriptible, je n’ai pas les mots pour le dire, mais à ce moment, dans mon esprit, je cesse d’être une femme.

La mère d’Izabela ne survivra pas et la narratrice sera jusqu’au bout à ses côtés, dans la tendresse, alors que la guerre touche à sa fin et que l’Armée rouge avance.

Je connais bien l’histoire du ghetto de Varsovie, mais très peu celle de Lódz qui a réussi à tenir assez longtemps.

Ce court témoignage est bouleversant, il n’y a jamais de pathos ; le récit est simple, rempli de sagesse, de concision, pour évoquer la barbarie des nazis et les petits gestes entre déportés qui permettent de tenir. Je suis admirative devant le courage de cette jeune fille, qui va résister jusqu’au bout, et finir par changer de nom, et venir s’installer en France, car son père admirait le pays des « Droits de l’Homme ». Ensuite, c’est le silence, comment raconter l’indicible… Plus tard Izabela ira raconter son histoire dans les écoles, lycées, pour que personne n’oublie et que la barbarie ne revienne pas.

Quand on connaît le nombre d’élèves qui pensent que la Shoah n’a pas existé ou qu’elle a été largement surestimée, cela fait froid dans le dos, sans oublier l’antisémitisme qui perdure et a, hélas, de beaux jours devant lui…

Je n’en dirai pas plus, il faut lire ce témoignage bouleversant, et le faire lire autour de vous pour ne pas oublier.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m’ont permis de découvrir ce livre témoignage et la plume de son (ses) auteur(s) et donner l’envie de lire d’autres textes d’Isabelle Choko, « La jeune fille aux yeux bleus »

#Lamortenéchec #NetGalleyFrance !

Extraits :

C’est ce devoir de mémoire envers tous ces gens – ces hommes, ces femmes, ces enfants – qui ne sont pas revenus des camps nazis qui m’a poussée à témoigner dans les lycées, les collèges, à donner des conférences, à écrire un premier livre ; et qui me pousse à raconter à nouveau mon histoire, pour que la voix de ces millions de personnes assassinées ne n’éteigne jamais.

La priorité de mes parents avait toujours été de protéger et d’aider la famille. Ils ne pouvaient pas imaginer ce qui nous attendait, que les nazis déchaîneraient leur haine, que nous étions un peuple en sursis. Personne ne pouvait l’imaginer.

En quatre mois à peine, la guerre avait détruit notre vie, fait de nous des parias. Nous pensions avoir atteint le pire, que le plus dur était passé, que pouvaient-ils nous infliger de plus ? Nous n’avions plus rien. Mais la haine envers les Juifs était trop puissante.

Je sais que j’ai passé plus de quatre années dans le ghetto de Lódz – j’avais onze ans quand j’y suis entrée en février 1940 et presque seize quand je l’ai quitté, à l’été 1944 – pourtant j’ai l’impression que ça a duré à peine un an. J’ai des souvenirs encore nets mais j’ai du mal à reconstituer la trame des évènements, comme si la douleur avait creusé des failles, disloqué le temps.

A la fin du mois d’août 1944, le ghetto n’existe plus. Il aura perduré plus de quatre ans, un cas unique dans l’Europe nazie. Les habitants qui restent ont été déportés aux camps de Chelmno et d’Auschwitz. Environ 900 personnes sont parvenues à échapper à la liquidation, cachées dans les ruines, survivant comme elles le pouvaient jusqu’à l’arrivée de l’armée rouge en janvier 1945. Su la population totale du ghetto, 95% ont péri de malnutrition, de maladie ou dans les chambres à gaz.

A peine quelques heures  se sont écoulées depuis que nous sommes arrivées, et nous voilà déjà transformées, défigurées, comme ces « malades mentales » qu’on avaient aperçues en descendant du train. Nous appartenons à un autre monde, dehors n’existe plus.

J’ai l’impression d’être en enfer, pas celui décrit dans la Bible ou les contes que je lisais quand j’étais petite. Il n’y a pas de démons cornus, ni de créature aux yeux rouges qui crachent des flammes. Juste des êtres humains privés de liberté et affamés. Des morceaux de vie humiliées. Qui luttent, résistent et se débattent pour ne pas mourir. Avec pour seul horizon les barbelés de leur enclos.

On ne guérit jamais complètement des camps, une part de moi est restée dans les baraques de Bergen-Belsen.

Dans la baraque, il y a de plus en plus de cadavres qu’on ne prend même plus la peine de sortir. Nous sommes dans une décharge et les ordures, c’est nous.

Lu en janvier 2023

11 réflexions sur “« La mort en échec »: Isabelle Choko et Pierre Marlière

  1. J’ai beaucoup aimé son interview sur Arte et j’ai noté ce livre pour essayer de le trouver à la médiathèque. Je trouve formidable ce qu’elle fait à son âge dans les établissements scolaires. Une rencontre avec une personne qui a vécu tout cela est bien plus parlante pour nos jeunes qu’un cours d’histoire même donné par un enseignant passionné et pédagogue, c’est ainsi…Merci pour les extraits

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    1. j’ai vraiment eu un coup de cour pendant cet interview, cette femme a une telle aura, elle est tellement lumineuse… j’aimerais beaucoup la rencontrer.
      J’ai apprécié ce challenge, car c’est important de continuer à lire, relire tous ces témoignages pour ne jamais oublier 🙂

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    1. ce livre est magnifique, car il n’y a jamais de pathos, elle décrit simplement et certaines scènes sont dures (j’ai choisi les extraits les moins horribles) et il y a une telle énergie en elle, une volonté de survivre d’abord puis de raconter 🙂

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