« La Juive de Shanghai » de Marek Halter

Aujourd’hui, je vous parle d’un roman dont le titre a immédiatement attiré mon attention, ainsi que l’envie de retrouver la plume de son auteur :  

Résumé de l’éditeur :

Un roman vrai sur un incroyable exode oublié

Berlin, 1937. Ruth, juive et talentueuse couturière de 22 ans, se lie d’amitié avec Clara, jeune résistante allemande. Pourchassées, elles décident de rejoindre une destination inattendue : Shanghai, où des milliers de juifs se sont réfugiés.

Clara est la première à partir pour la Chine. Ruth, elle, doit traverser l’Europe entière… jusqu’en Sibérie. Grâce au consul japonais de Lituanie, elle obtient un visa pour Kōbe, le grand port du pays du soleil‑levant. Parvenue enfin à Shanghai – ville bouillonnante où se côtoie un monde interlope d’espions, de trafiquants d’opium et de résistants –, elle y retrouve miraculeusement Clara, devenue agente des communistes.

La suite ? C’est Bo Xiao Nao, la fille de Ruth, qui la raconte. Orpheline, elle tombe sur un carnet tenu par sa mère. En le feuilletant, elle découvre, bouleversée, le destin fascinant de celle qu’on appellera à jamais la Juive de Shanghai…

Une œuvre magistrale de Marek Halter.

Ce que j’en pense :

A Berlin, en 1937, Ruth travaille comme couturière chez Frau Opel. Elle est très talentueuse, mais elle a un « défaut » majeur en cette époque troublée : elle est Juive. Sa patronne le sait, mais lui procure des papiers : Ruth Rotstein devient Ruttie Roth. Un jour en rentrant chez elle, elle rencontre Clara, militante et résistante tombée dans une embuscade et lui sauve la vie. C’est le début d’une belle et forte amitié.  

Elles décident de fuir l’Allemagne nazie, et de partir vers la Chine. C’est relativement facile pour Clara, mais Ruth a des scrupules et retourne dans son pays, à Varsovie, où elle n’est pas très bien accueillie par la nouvelle femme de son père. Le voyage sera plus dur pour elle car c’est dur de quitter la famille ; elle va tenter sa chance par l’intermédiaire du consul du Japon en Lituanie et traverser la Sibérie, en train direction Kobé avant de mettre le cap sur Shanghai où elle finira par retrouver Clara.

Mark Halter nous raconte cette belle amitié entre les deux femmes, les destins qui s’entremêlent, la dureté du voyage, de l’exil, confiant la narration à Bo Xiao Nao, la fille de Ruth. Ce texte est magnifique et repose sur des faits ayant vraiment existé, et par conséquent on apprend beaucoup de choses au passage, notamment la fuite des Juifs vers la Chine. Et quel plaisir de retrouver la prose de Mark Halter dont je n’avais rien lu depuis longtemps, trop longtemps. Tout est soigné, ciselé dans ce roman et la couverture est très belle…

Une scène, en particulier, m’a touchée : Ruth dessine et réalise un ensemble pour le défilé que tient à organiser malgré le contexte Frau Opel, et Eva Braun tombe sous le charme de ce vêtement, l’achète pour plaire à son cher Adolf qui trouve cela dégénéré, contraire aux bonnes mœurs selon le Reich et fait fermer la boutique purement et simplement…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions XO qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteur.

#LaJuivedeShanghai #NetGalleyFrance

D’autres avis sur ce roman:

Ma voix au chapitre: https://mavoixauchapitre.home.blog/2022/11/21/la-juive-de-shanghai/

Matatoune: https://vagabondageautourdesoi.com/2022/10/28/marek-halter/

L’auteur :

L’œuvre – immense – de Marek Halter a été traduite en plus de vingt langues et s’est vendue à des millions d’exemplaires à travers le monde. Depuis plus de dix ans, il explore dans des romans-événements la place des grandes figures féminines dans les religions monothéistes. Les Éditions Robert Laffont ont publié Les Femmes de la Bible (Sarah, 2003, Tsippora, 2003, Lilah, 2004), Marie(2006), La Reine de Saba (2008) et Les Femmes de l’Islam (Khadija, 2014, Fatima, 2015, Aïcha, 2015) et Où allons-nous mes amis? (2017) qui appelle à l’apaisement et à la réconciliation dans une France toujours plus exposée aux tensions religieuses.

Son précédent livre, Je rêvais de changer le monde (2018, Robert Laffont / XO éditions) nous invitait à revisiter, à travers son propre « voyage », presque un siècle d’Histoire.

Extraits :

La guerre. Jamais encore je n’ai écrit ce mot. Tous les jours, on le lit dans les journaux, pourtant, jusqu’à ce soir, ce n’étaient que des lettres mille fois répétées sur le papier.

Les lieux nous ont tant entendus nous plaindre et nous réjouir qu’ils en sont fatigués et ne peuvent plus rien nous enseigner de l’avenir.

L’article était signé Hugo Rotstein. Il s’achevait en assurant que la ruine de la Tchécoslovaquie était pour les nazis le modeste apéritif du festin à venir : le dépeçage de la Pologne et l’élimination du peuple juif. Qui peut croire que la sonnerie de Rosh Hashana, qui a retenti nier soir dans la grande synagogue de Varsovie, annonce autre chose que notre extermination ? Il est temps de nous préparer à survivre, concluait Hugo.

Je n’aime plus nos fêtes… Il y en a trop. Et bonnes à quoi ? Je m’y sens très mal à l’aise. J’ai l’impression que nous y perdons notre temps. Que nous nous contentons d’entretenir nos faiblesses au lieu de nous endurcir et de rassembler nos forces…

C’était comme une très, très vieille maladie du peuple juif. Elle courait sous la peau sans qu’on puisse jamais en guérir : la menace, la peur, la valise.

Nos valises à nous ne pèsent plus grand-chose. C’est tout ce qui est à, l’intérieur de nous qui est épuisant à transporter…

Le colonel Meisinger, l’homme de la SS en Asie, avait suggéré au gouvernement de régler la question des Juifs de Shanghai de manière plus efficace et plus économique : réquisitionner la multitude de jonques et de barques délabrées du Wangpoo, y entasser les Juifs et les tirer jusqu’à l’embouchure du Yangtsé. Les bateaux ne résisteraient pas longtemps à la haute mer. « Les youpins pourraient même considérer cela comme un rappel de la colère de Dieu avant le Déluge » avait conclu Meisinger.

Il n’est qu’une façon de survivre aujourd’hui en ce monde : croire en l’impossible de toutes ses forces.

Ressentir la peur, c’est le signe qu’on ne vit plus avec des fantômes.

Il est une chose dont je suis certaine aujourd’hui : la guerre n’existe que pour séparer ceux qui s’aiment. De la jalousie et rien d’autre. Rendre le monde si obscur qu’on ne puisse plus voir où on va, que le bonheur ne brille plus nulle part pour nous guider. Simplement cette cruauté-là.

Lu en novembre- décembre 2022

10 réflexions sur “« La Juive de Shanghai » de Marek Halter

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