« Aquitania » par Eva Garcia Saenz de Urturi

Je vous propose aujourd’hui, un retour dans le passé, une période que j’affectionne particulièrement puisqu’elle me permet de retrouver Aliénor d’Aquitaine, (et oui, cela faisait longtemps, je vois certains sourire …) :

Résumé de l’éditeur :

Compostelle, 1137. Le duc d’Aquitaine – convoitée par la France pour ses richesses – est retrouvé mort, le corps bleu et portant la marque de l’« aigle de sang », une effroyable torture normande. La jeune Aliénor, portée par sa soif de vengeance, épouse alors le fils de celui qu’elle croit être le meurtrier de son père – Louis VI le Gros, roi de France. Son objectif : décimer la lignée des Capétiens et imposer le sang aquitain. Mais, le jour des noces, Louis VI est assassiné à son tour.

Aliénor et Louis VII devront apprendre à se connaître pour infiltrer le royaume de France et démasquer l’instigateur de cette machination. Quel qu’en soit le prix à payer…

Un roman historique captivant qui traverse un siècle rythmé par la loi du Talion, l’inceste et les batailles, et nous fait découvrir les vies de celles et ceux qui vont forger la France d’aujourd’hui.

Ce que j’en pense :

De tout temps, l’Aquitaine a fait de l’ombre au Royaume de France, car elle était plus puissante et à la mort du père d’Aliénor, Guillaume X, en 1137, dans des conditions plus que louche sur le chemin de Compostelle, les appétits se sont aiguisés. Elle est l’héritière, petite fille du redoutable Guillaume le Troubadour et nièce de Raymond de Poitiers.

Le roi de France Louis VI le Gros, a envoyé des parents (à sa place) pour violer Aliénor qui n’est encore qu’une enfant pour pouvoir mettre le grappin sur ses possessions sans passer par le mariage. Son oncle Raymond a fait justice en les exécutant.

Aliénor décide de se venger en épousant le roi de France, Louis le Jeune, pour lui faire des enfants et ainsi perturber la lignée ; pour cela, il faut prouver que c’était la volonté de son père. A cette époque, un testament doit être tatouer sur la peau du défunt.  Qu’à cela ne tienne, elle fait réaliser un faux testament par un taxidermiste avec le sceau Semper Sursum (toujours viser plus haut), deus S entrelacés.

Tout au long du récit, on suit les traces des espions du duché d’Aquitaine, qu’on appelle les chats aquitains qui veillent ainsi sur Aliénor, sur les inimitiés, voire les haines qui l’entourent à la cours de France, de l’Abbé Suger au Troubadour qui mettra fin à sa première grossesse, sur la dévotion de Louis qui frise à l’idolâtrie, avec ses bains de sel pour nettoyer les fautes dont il se sent coupable, et aussi sur les liens qui unissent Louis et Aliénor qui ne se détestent pas autant qu’on ne pourrait le penser.

J’ai beaucoup aimé suivre à nouveau les traces de ma chère Aliénor, sa relation incestueuse, avec son oncle Raymond de Poitiers, prince d’Antioche, qu’elle vénère et qui lui sert de mentor, dans ses déplacements « sous haute surveillance » comme on dit, de nos jours, dans des marchés, plus ou moins nets, se renseignant sur les poisons, en quête de la vérité sur l’assassinat de son père.

Eva Garcia Saenz de Urturi donne la parole, tour à tour, à Aliénor ou a Louis, fait des allers et retours entre le présent et le passé, ce qui permet de bien cerner la psychologie des personnages, et ce qui les a poussé à commettre telle ou telle action.

L’auteure nous propose au passage une réflexion sur la vengeance, la loi du Talion, les rancunes tenaces, nous conduisant sur le chemin des croisades. Tout son récit est vivant, haletant ; elle réussit aussi bien dans le domaine du roman historique, où entre parenthèses, on ne l’attendait pas que dans ses polars historiques ou mythologiques, dont je vous rabats les oreilles depuis quelques temps : j’ai découvert Eva Garcia Saenz de Urturi avec Le Secret de la ville blanche et je suis tombée sous le charme à tel point, que dès qu’on me propose un titre de l’auteure je fonce, sans même lire le résumé.

S’il fallait choisir un évènement en particulier, j’opterai pour l’enlèvement d’Aliénor par le traitre Galeran, ou encore la culpabilité de Louis VII après la tragédie de Vitry-le-Brûlé qu’il a conquise mais près de 1500 personnes vont mourir brûlées dans l’église, où elles s’étaient réfugiées, drame qui va le hanter durant toute sa vie, malgré flagellations, silice, bains de sel qu’il va s’imposer pour expier…

Un grand merci à NetGalley et aux Fleuve éditions qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver la plume de son auteure dont j’attends avec impatience le prochain opus.

#Aquitania #NetGalleyFrance

Eva García Sáenz de Urturi est née à Vitoria en 1972 et vit à Alicante depuis l’âge de quinze ans. En 2016, Le Secret de la ville blanche, un thriller passionnant se déroulant dans sa ville natale, devient un best-seller avec plus de 200 000 exemplaires vendus en Espagne. Depuis, les droits de traduction ont été cédés dans de nombreux pays et une adaptation cinématographique a été réalisée. Elle a remporté en 2020 le prix Planeta.

Extraits :

J’ai cru mourir quand ils me déchirèrent les entrailles. Sous ce pont, j’ai appris que la chair d’une enfant doit céder parce que la détermination d’un homme à y pénétrer, elle, ne fléchit jamais. Ce fut un acte de guerre et le champ de bataille – lâches ! – le corps d’une fillette.  

Mon grand-père fut un formidable duc d’Aquitaine, qui n’avait cependant jamais craint, de son vivant, de rabaisser son propre fils. A présent que tous deux avaient disparu, je comptais bien rendre justice à mon père.

Voici ma confession, dis-je. Je vais éliminer les Capétiens. Je vais épouser le veule petit roi.

Entraînés dès leur plus tendre enfance, ils (les chats aquitains) étaient bien plus que les espions des ducs d’Aquitaine. Passés maîtres en matière de surveillance, de traque, de filature, ces filles et ces garçons gauchers, étaient sélectionnés pour leur discrétion et leurs qualités d’improvisation dans des situations complexes…

Nul n’est invulnérable, répondit Louis. Tuer quelqu’un ne pose aucune difficulté. Pour peu qu’on le veuille, il suffit d’un peu d’imagination, d’une occasion, de quelques sous… Il n’y a aucun mérite à tuer, à faire souffrir. Nous en sommes tous capables. Le mérite consiste au contraire à avoir de bonnes raisons de le faire, mais s’en abstenir. C’est cette force-là que j’admire, mais je crains fort d’être le seul.

Nous vîmes tout ce qu’il y avait à voir ? des corps raides comme le bois, les bras agrippant le vide. Des corps de toutes tailles, hommes et femmes, jeunes et vieux mêlés, sans vêtement ni chevelure pour les distinguer. Des corps chauves, nus, calcinés. C’est donc cela, la guerre, dis-je. Ce n’est pas ce que l’on voit au Conseil royal…

Si au lieu de la moitié de mes hommes, j’avais envoyé toutes les troupes au puits, peut-être aurions-nous peu éteindre le feu avant que… Non. Voilà qu’elles revenaient, ces ruminations. Les pensées répétitives, sans début ni fin. Par milliers, jour après jour. Toujours les mêmes. Encore. Ce soir encore je ne dînerai pas.

Héraclite disait qu’on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve, car il s’écoule et change constamment. Il en va de même pour le temps. Le passé ne se répète jamais, du moins jamais exactement de la même façon, et si les évènements venaient à se reproduire, ils ne concerneraient pas la même personne, mais une autre, plus âgée, dans des circonstances différentes.

« Aquitaine ». Le pays des eaux. Ces eaux qui fertilisaient nos champs. Loire et Garonne fécondaient nos récoltes, comme des dieux volages répandant, çà et là, leur semence…

Lu en octobre 2022

11 réflexions sur “« Aquitania » par Eva Garcia Saenz de Urturi

  1. Tu es une passionnée et ça fait plaisir de te lire !! Comme tu le sais je le suis moins mais je n’ai pas dit mon dernier mot, d’ailleurs tu me tentes avec tes extraits et ta chronique, je le note du coup car en plus je ne connais pas encore l’auteur…

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    1. pour te faire une idée je te conseille de commencer par « Le secret de la ville blanche que j’ai dévoré au sens littéral du terme et je suis devenue accro elle pourrait me parler de n’importe quel sujet même les plus rébarbatifs (du style l’importance de la ménopause chez les gastéropodes !) ne foncerais sans la moindre hésitation 🙂

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