« American Dirt » de Jeanine Cummings

J’ai noté ce roman sur mes tablettes lors de sa sortie, mais vue l’ampleur de ma PAL j’avais remis à plus tard, mais quand les éditions 10/18 l’ont proposé sur NetGalley je me suis dit que c’’était le moment de tenter ma chance :

Résumé de l’éditeur :

Libraire à Acapulco au Mexique, Lydia mène une vie calme avec son mari journaliste Sebastián et leur famille, malgré les tensions causées dans la ville par les puissants cartels de la drogue. Jusqu’au jour où Sebastián, s’apprêtant à révéler dans la presse l’identité du chef du principal cartel, apprend à Lydia que celui-ci n’est autre que Javier, un client érudit avec qui elle s’est liée dans sa librairie… La parution de son article, quelques jours plus tard, bouleverse leur destin à tous.

Contrainte de prendre la fuite avec Luca, son fils de huit ans, Lydia se sait suivie par les hommes de Javier. Tous deux vont alors rejoindre le flot de migrants en provenance du sud du continent, en route vers les États-Unis, devront voyager clandestinement à bord de la redoutable Bestia, le train qui fonce vers le Nord, seront dépouillés par des policiers corrompus, et menacés par les tueurs du cartel…

Porté par une écriture électrique, American Dirt raconte le quotidien de ces femmes et de ces hommes qui ont pour seul bagage une farouche volonté d’avancer vers la frontière.

Ce que j’en pense :

On fait la connaissance de Lydia qui s’investit à fond dans sa librairie, discutant avec ses clients pour les conseiller au mieux et leur faire découvrir les livres et les auteurs qu’elle aime. Son mari Sebastian est journaliste et travaille sur les cartels, dénonçant les meurtres, les enquêtes qui n’aboutissent pas. Ils ont un fils Luca et vivent en harmonie avec leur famille, donc tout va bien pour eux pourrait-on dire.

Un homme devient un client assidu de la librairie et surtout de la libraire ; ils échangent sur les auteurs qui leur plaisent. Et Lydia tombe sous le charme de cet homme qui évoque sa famille, l’amour qu’il porte à sa fille… Mais, il s’avère que cet homme, séducteur, manipulateur de grande classe n’est autre que Javier, chef du nouveau cartel et Lydia découvre que Sebastian enquête sur lui. Lorsque l’article sur Javier est publié, c’est le carnage lors d’une fête de famille.

Lydia parvient à rester en vie et à sauver son fils et c’est l’exode qui commence avec toutes les souffrances qui l’accompagnent, alors que la tête de Lydia est mise à prix. Elle devient un « migrante » comme tant d’autres.

Elle apprend à se tenir sur ses gardes à sauter sur le toit des wagons de marchandise en marche, au risque de tomber, se fracasser le corps, et même y laisser la vie, et d’encourager Luca à faire de même alors qu’elle était une mère poule à peine quelques jours auparavant. Une fois parvenu sur le toit, il faut ensuite s’attacher solidement, attacher le sac de voyage pour ne pas tomber, ne pas bouger surtout si un tunnel approche. Ce fameux train que les migrants ont surnommé la Bestia

Les différentes façons de mourir à bord de la Bestia sont plus épouvantables les unes que les autres ; vous pouvez être écrasé entre deux wagons quand le train emprunte une courbe. Vous pouvez vous endormir, tomber du toit, être aspiré sous les roues, avoir les jambes sectionnées…

Ce livre nous permet de découvrir le long calvaire des migrants sur les routes de l’exil, la nécessité de se cacher, d’être constamment sur la défensive pour ne pas être reconnus, pour Lydia, comment on peut devenir un « migrante » du jour au lendemain alors qu’on menait une vie agréable. On découvre aussi la manière dont les flics pourris de tous bords rançonnent prennent jusqu’au dernier sous le peu d’argent qu’ils ont emporté avec eux pour payer les passeurs, les viols notamment quand dans le cortège il y a de jolies (trop jolie) jeunes filles et comment elles sont traumatisées à vie.

Je connaissais bien le sort des migrants qui fuient le Honduras, le Venezuela, entre autres pour fuir la misère sociale la pauvreté, ainsi que les méthodes des cartels au Mexique qui tuent en toute impunité, chacun se souvient des étudiants qui ont disparus sans laisser de traces il y a quelques années à peine, mais c’est autre chose de suivre une famille traquée, de marcher avec elle la nuit, la peur au ventre, parfois sous une pluie diluvienne pour échapper à la police des frontières la Migra, aux narcotrafiquants, repentis ou non, qui infiltrent les groupes de migrants, puis le mur trumpien et les cow-boys suprématistes blancs qui vont à la chasse aux migrants la nuit…

On apprend également beaucoup de choses sur les tatouages des narcotrafiquants, leur signification, ce qui permet de les identifier.

Ce livre est bien écrit, de la manipulation du chef de cartel, pervers narcissique, pour séduire une femme lettrée et se faufiler vers son époux journaliste, en passant par les familles qui cherchent leurs disparus pour pouvoir enfin faire leur deuil, en passant par la route elle-même car on se la représente vraiment très bien en mettant nos pas dans les leurs.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions 10/18 qui m’ont permis de découvrir ce roman et de découvrir la plume de son auteure.

#AmericanDirt #NetGalleyFrance !

9/10

Jeanine Cummins vit à New-York avec son mari et leurs trois enfants. Elle est l’auteure de trois romans, dont American Dirt est le premier traduit en français.

Extraits :

… ces conflits restent purement symboliques. Le taux d’affaires criminelles non résolues au Mexique dépasse les quatre-vingt-dix pour cent. L’existence d’une Policia en tenue constitue un contrepoids illusoire à l’impunité réelle du cartel.

Mais, à présent, les cartels assassinaient un journaliste mexicain presque chaque semaine, et Lydia jugeait plus sévèrement l’intégrité de son mari. Elle lui trouvait un côté moralisateur égoïste. Sebastian vivant lui importait plus que ses solides principes.

Il faudra organiser une cérémonie funéraire dès qu’ils seront en sécurité. Luca aura besoin de ce rituel, une méthode pour modeler son chagrin en quelque chose sur quoi il pourra exercer une certaine maitrise. Elle contemple l’étendue de cette tâche, mais pour le moment, elle doit s’en tenir à son mantra : n’y pense pas, n’y pense pas, n’y pense pas.

Bien calée dans sa chaise, Lydia observe son fils, perdu dans la contemplation d’une silhouette pourpre allongée qui plane sur le mur au-dessus d’eux. Migrant. Comment lui appliquer ce mot ? Pourtant c’est ce qu’ils sont, c’est ainsi que ça arrive. Ils ne sont pas les premiers à partir. Acapulco se vide de ses habitants.

Dans les trains, les uniformes représentent rarement ce qu’ils sont censés représenter. La moitié des gens qui se prétendent migrants, coyotes, ingénieurs des chemins de fer, policiers, ou membres de la migra, (police migratoire) travaille pour le cartel. Tout le monde touche des pots-de-vin.

Un an avant le meurtre de Sebastian, le Mexique était devenu le pays le plus mortel pour les journalistes, autant qu’une zone de guerre. Autant que la Syrie ou l’Irak.

Dans les mois à venir, Luca regrettera parfois d’avoir, les premiers jours, gaspillé son chagrin, de ne pas s’être laissé davantage abattre. Parce que, au fur et à mesure que l’oubli s’ancrera en lui, il aura l’impression de commettre une trahison.

En écoutant Rebecca lui révéler ces bribes d’histoires qu’elle connaît, Luca commence à comprendre que, si tous les migrants partagent une chose, c’est la solidarité qui existe entre eux bien qu’ils viennent de pays différents que leurs situations sociales soient différentes, qu’ils soient pauvres ou bourgeois, cultivés ou illettrés…

Ils voyageront ensemble tous les quatre, Lydia, Luca, Rebecca et Soledad, aussi longtemps que ce sera possible. Tant de choses se sont passées que chaque heure de ce voyage semble valoir une année mais il y a plus encore. Ce qui les unit, c’est le partage d’une expérience indescriptible. Quoi qu’il arrive, personne d’autre qu’eux ne comprendra totalement l’épreuve qu’a représenté ce pèlerinage, les individus qu’ils ont rencontrés, la peur qui les accompagne, le chagrin et la fatigue qui les dévorent.

Assis dos à dois avec Mami, Luca a tout le temps de réfléchir à cette situation étrange qui fait qu’un migrante passe plus de temps à l’arrêt qu’à marcher. Leurs vies sont devenues un cycle erratique de mouvement et de paralysie.

Lu en août 2022

18 réflexions sur “« American Dirt » de Jeanine Cummings

    1. les descriptions des cartels de l’immigration et ses dangers sont très bien faites.
      Un seul regret je n’ai pas réussi àéprouver beaucoup d’empathie pour Lydia par contre Luca et les deux jeunes filles m’ont vraiment touchée…
      Une lecture que je ne risque pas d’oublier 🙂

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    1. le récit m’a beaucoup touchée car je connaissais tout cela en théorie mais lire l’histoire d’êtres de chair et de sang cela remue beaucoup 🙂
      un seul regret ne pas avoir réussi à éprouver davantage d’empathie pour Lydia 🙂

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    1. c’est un récit perturbant car on croit pouvoir imaginer le sort de ces personnes migrants, mais aussi victimes des cartels, mais quand on se heurte à leur vécu c’est autre chose… on se demande toujours si on serait capable de faire ce voyage et résister à de telles épreuves 🙂

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  1. Et bien je vois que tu n’as pas regretté ta lecture. J’en avais entendu parler à sa sortie et je l’ai oublié…il faut dire aussi que nous avons pas mal de livres sur ce sujet. Mais puisque c’est bien écrit, et vu tes extraits choisis, je le note car c’est l’occasion de découvrir l’auteur 🙂 Merci pour ton ressenti

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    1. je voulais le lire car c’est un sujet qui me touche (mon mari a fui la dictature de Salazar) et je n’ai pas été déçue il y a des scènes violentes mais je ne les ai pas citées dans les extraits que j’ai choisis… C’est tellement d’actualité en plus et ça n’indigne bientôt plus personne 🙂

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  2. Une partie du commentaire que j’avais écrit: « Un roman que j’ai eu beaucoup de plaisir à lire, bien écrit dans un style simple et direct, avec beaucoup de rythme et un suspens constant. Un roman écrit avec une sensibilité toute féminine et qui fait la part belle aux femmes, il y a Lydia, l’héroïne principale mais aussi deux adolescentes honduriennes Soledad et Rebecca , entre elles va naître une belle solidarité et une belle complicité. L’auteure s’intéresse à l’histoire intime de ses personnages sans jamais tomber dans le mélo, sans jamais lasser le lecteur, quelques invraisemblances ne ternissent pas le récit. »

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    1. j’ai aimé ce livre pour les mêmes raisons et l’auteure m’a fait prendre conscience du fossé qui existe entre ce qu’on imagine le parcours des migrants (comme les guerres des cartels) et le vrai vécu des personnes.
      J’ai été plus touchée par les jeunes Luca et les filles dont j’ai peu parlé car c’était dur
      je me répète, mais ce livre va hanter longtemps ma mémoire 🙂

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