« Guetter l’aurore » de Julie Printzac

Aujourd’hui je vous propose un voyage, en Ariège, département que j’apprécie particulièrement, avec un retour aux années terribles de la seconde guerre mondiale avec ce roman :

Résumé de l’éditeur :

Tumultueuse et pleine d’espoir : une histoire de famille, d’amour et d’amitié pendant la Seconde Guerre mondiale.

Été 1941. Les Brodsky, une famille juive originaire de Russie, ont fui la zone occupée et la menace nazie pour se réfugier dans le sud de la France. Mais, brutalement rattrapés par les nouvelles lois de Vichy, ils se retrouvent en résidence forcée à Saint-Girons, au pied des Pyrénées, dans une grande demeure délabrée.

Peu à peu, la vie s’organise. Esther, l’aînée des enfants de la famille, rencontre Clara. L’heure est à l’adolescence, aux premiers émois et aux grandes amitiés. C’est également le temps de l’engagement dans la Résistance, des luttes pour survivre, mais aussi des rafles… Dans la tourmente, Esther et Clara feront tout pour rester maîtresses de leur destin. Mais c’est compter sans la brutalité de l’Histoire.

Des décennies plus tard, la petite-fille d’Esther, Deborah, surprend sa grand-mère qui, dans un moment d’égarement, crie un prénom : Clara. Mais lorsqu’elle la questionne, Esther se mure dans le silence. Troublée, Deborah va alors tenter par tous les moyens de reconstituer l’histoire de sa famille et de remonter le fil de ce passé si longtemps gardé secret.

Ce que j’en pense :

Deborah, en proie à un chagrin d’amour, ou tout au moins une rupture récente, vient de quitter l’Italie pour revenir à Meudon, chez sa mère et sa grand-mère Esther qu’elle aime énormément. Cette dernière alterne les moments de lucidité où les souvenirs viennent parfois la hanter, alors qu’à d’autres moments, elle semble perdue. Une nuit, dans une de ces phases, elle crie un prénom, Clara que la famille ne semble pas connaître.

Alors que sa mère commence à penser qu’il serait peut-être temps de la placer, car elle est souvent obligée de s’absenter pour son travail.

Deborah, quant à elle, voudrait savoir ce qui est vraiment arrivé à Esther, dans cette famille où les non-dits, les secrets sont omniprésents, et tendent à se répéter de générations en générations.

On va ainsi découvrir l’histoire d’Esther, de la famille Brodsky et de leurs amis pendant la seconde guerre mondiale, avec une alternance passé présent pour entretenir le suspense et rendre le récit moins douloureux.

La famille Brodsky, Mihaïl, et son épouse Leah, a fui les persécutions, les pogroms en Russie, pour faire sa vie en France, « pays de la liberté », dans lequel elle s’est totalement intégrée. Mais, le destin frappe toujours à la porte, quand il s’agit de persécutions et de haine raciale. Il faut fuir Paris occupé pour la zone libre, puis à peine intégré, il faut quitter à nouveau le domicile, car les Juifs ont été recensés, et pour finir parqués à Saint-Girons, au pied des Pyrénées.

De l’autre côté, c’est l’Espagne franquiste, et les Résistants commencent à fuir par les chemins de montagne, avec des passeurs, pour structurer la Résistance, mettant leurs vies en péril, car les collabos veillent…

Ils habitent dans une grande maison, style château en ruines, où il n’y a pas de chauffage, où le seul robinet, dans la cuisine, distribue une eau qui n’est pas potable, donc des kilomètres à pied pour aller en chercher. Malgré la peur, il règne une ambiance chaleureuse. Les amitiés avec d’autres familles sont solides, on partage des repas, des lectures, Leah organise même un club de lectures, grâce au libraire qui se procure, sous le manteau, des livres prohibés.

Esther, pour sa part, dévore les livres de l’immense bibliothèque des propriétaires de la maison, découvrant des classiques, notamment Zola…

Parmi les amis, figurent Clara, la meilleure amie d’Esther jeune rebelle qui s’engage très vite dans la Résistance, distribuant des tracts pour commencer, Marius le premier amour d’Esther, à l’adolescence, l’âge des premiers émois.

Esther ne se sent pas prête à suivre son amie Clara dans la lutte contre les nazis, les miliciens, les collabos, les antisémites de tout poil, toujours prêts à dénoncer… elle est préfère pour l’instant vivre son premier amour… On est frappé dans ce récit par la détermination de ces jeunes gens, qui sont encore au lycée, mais n’hésitent pas à faire des choix et mettre leur vie en danger.

Ce livre m’a beaucoup plu ! Julie Printzac a une manière bien à elle de parler de cette période difficile, où l’amitié, de l’amour dans qui unissent ces familles, laissant toujours une place à l’espoir, le silence dans l’après-guerre, on n’avait pas trop envie d’entendre les témoignages des rescapés, et eux-mêmes choisissant souvent de se taire. Elle évoque les premiers émois, l’envie d’avoir à tout prix des amis, comme Daniel, le frère d’Esther qui se sent attiré par son copain de classe, ce qui va l’entraîner vers le pire. Ce sont des ados qui se cherchent et qui sont terriblement d’actualité.

Le retour aux sources qu’effectue Deborah est tout à fait crédible, on n’est pas dans le pathos ou la mièvrerie, dans la comparaison entre l’époque héroïque de la guerre et la période contemporaine, davantage autocentrées, ce qui est parfois le cas dans ce genre de récit.

Enfin, Julie Printzac rend à la ville de Saint-Girons, dans ce beau département de l’Ariège, baignée par le Salat, ses héros et les autres, les combats pied à pied pour se libérer du joug nazi, son musée du Chemin de la Liberté avec un hommage au passage à Gaston Massat dont elle nous propose un poème : « Voici ma voix » en guise de prélude.

Ce n’est pas un énième roman sur la persécution des Juifs et l’héroïsme des Résistants face aux collabos, mais plutôt l’histoire de familles qui tentent de survivre, de s’entraider alors que les exactions, alors que les lois se durcissent et les rafles s’intensifient, rythmées par les bruits de bottes, l’auteure mettant en évidence, avant tout la montée de la peur au fur et à mesure, que la guerre avance et semble de plus en plus perdue par ceux qui ont semé la terreur et préfèrent tout détruire plutôt que se rendre, ce qui résonne particulièrement depuis l’invasion de l’Ukraine.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure…

#Guetterlaurore #NetGalleyFrance !

9/10

https://www.ville-st-girons.fr/votre-ville/histoire-et-patrimoine

L’auteure :

Éditrice et traductrice, Julie Printzac vit à Paris. Elle a publié en 2017 : La Solitude des femmes qui courent et « Guetter l’aurore » est son deuxième roman.

Extraits :

Ma mère raison, je me sens démunie depuis que je suis chez elle. Outre le désastre de ma vie personnelle, j’ai du mal à accepter qu’Esther s’en aille, qu’elle me quitte ainsi, petit à petit. Je me rends compte que j’en sais si peu surelle et sur ma famille. Pourtant, tout disparaîtra avec elle et d’immenses zones d’ombre demeureront. Alors, il sera trop tard. S’il ne l’est pas déjà.

Ce sont des Juifs étrangers, je crois. Ceux qui sont arrivés en France récemment. Les Français se plaignent qu’à cause de la guerre il y a déjà trop de restrictions, et que l’afflux de réfugiés aggrave les pénuries. Je crois qu’ils veulent tous les renvoyer chez eux, intervint Mihaïl.

Ce soir-là, dans mon lit, je ne trouve pas le sommeil. Jeanne a raison, j’ai envie d’aller à Saint-Girons, envie de trouver des réponses, pour moi, pour comprendre d’où je viens et, peut-être, pour avancer. Je veux y aller pour ma mère, même si elle ne veut rien savoir, parce que je suis certaine que pour elle aussi, cette démarche sera salutaire.

Sur le chemin du retour, Esther repensa à leur conversation. Était-ce mal de sa part de ne pas vouloir rejoindre la Résistance ? Était-ce égoïste de privilégier son amour pour Marius, ses projets d’avenir avec lui ?

Il y a des secrets de famille que l’on aimerait laisser enterrés tant ils sont douloureux. J’ai le cœur brisé pour Daniel, ce gamin empli de culpabilité et manipulé, ce gamin qui a payé si cher la découverte de l’amour.

Je crois que les émotions les plus fortes, les plus violentes, se transmettent de génération en génération, comme un héritage destructeur. Ma grand-mère crevait de peur pendant la guerre et moi je crève de trouille; ma mère aussi à sa manière, elle qui s’est réfugiée toute sa vie dans le travail et a gardé ses distances avec ceux qu’elle aimait… Voilà ce qu’une guerre est capable de faire sur plusieurs générations : détruire l’espoir et la confiance.

Lu en mai 2022

12 réflexions sur “« Guetter l’aurore » de Julie Printzac

    1. il m’a bien plu car on explore d’autres thèmes tel l’engagement des jeunes Juifs dans la Résistance, très tôt ainsi que l’amour et la solidarité qui règnent entre eux, mais cela, c’est plus conventionnel 🙂
      bon week-end à toi 🙂

      Aimé par 1 personne

    1. on ne nage pas dans le romanesque, l’auteure s’est inspirée de personnes ayant existé mais pas de témoignage familial et le poids du secret, du silence sont bien décrits…
      il y a des scènes difficiles

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  1. Je ne suis allée qu’une seule fois en Ariège et j’avais trouvé la région très belle ! J’aime beaucoup les histoires de famille mais aussi le contexte historique de ce roman et je ne connais pas l’auteur, donc je le note mais pas pour tout de suite. Ma pile est impressionnante !

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