« La vie qui commence » d’Adrien Borne

Il s’est écoulé un certain temps pour passer de la lecture à la chronique du roman dont je vous parle aujourd’hui :

Résumé de l’éditeur :

Cet été-là, Gabriel, douze ans, est seul à la maison. Un bol de glace devant le tour de France, il admire Pantani attaquer l’Alpe d’Huez quand quelqu’un sonne. Planté sur le seuil, le mono au jogging rouge, celui de sa dernière colo. Mais Gabriel ne le fait pas entrer et referme la porte. Le temps de remonter le couloir et c’est comme si rien ne s’était jamais passé.

Vingt ans plus tard, alors qu’il est à Tonnerre pour aider son grand-père à vider sa maison, Gabriel a tout oublié de cet épisode. Pourtant, il y a ses jambes qui fourmillent d’impatience, il y a cette violence qui surgit. Tandis qu’il sonde le passé de son grand-père, c’est sa propre mémoire qui va remonter à la surface…

Avec La vie qui commence, Adrien Borne signe un roman magistral sur les profondeurs obscures de la mémoire et les secrets enfouis. Avec pudeur, poésie et puissance, il dessine un chemin de renaissance pour ceux qui, comme lui, ne peuvent sourire qu’à demi.

Ce que j’en pense :

Gabriel, alors qu’il est en colonie de vacances avec son frère aîné, voit une nuit le moniteur, Yannick se faufiler dans son lit, dans la chambre verte, après une journée de sport. Il ne comprend pas ce qui se passe et alors que le scenario se répète nuit après nuit, il décide de se taire, même lorsque la directrice lui pose des questions. Il choisit de ne rien dire non plus à ses parents, comme s’il était peut-être coupable de quelque chose.

Je ne sais pas si Yannick m’a choisi parce qu’il avait senti que j’avais ça en moi. Pas au point de raconter tout d’un coup, patatras. Je sais toujours pas pourquoi il m’a choisi mais là, ça ne compte pas, tout de suite, là. Si ?

Vingt ans plus tard alors qu’il aide son grand-père à débarrasser sa maison, à Tonnerre (coup de tonnerre dans un ciel serein!) pour aller vivre en EHPAD les souvenirs enfouis remontent…

Adrien Borne a choisi de découper son texte qui est un roman, non un témoignage, en trois parties, donc, pour mettre en évidence l’enfouissement des souvenirs liés au traumatisme, pour arriver à la période actuelle, et les souffrances de Gabi qui évoluent avec le temps. Ce laps de temps est nécessaire mais dérange en même temps par son côté trop abrupt. La troisième partie est surprenante…

Il m’a donc fallu un certain temps pour rédiger ma chronique, une fois le roman refermé. J’ai été touchée par cet adolescent de douze ans, victime d’un moniteur pédophile, compris sa décision de garder le silence. L’enfouissement et la brutale remontée des souvenirs, des années plus tard également.

Par contre, j’ai moins compris son désir de ne pas vouloir de « réparation », car on ne peut pas lui rendre ces années volées, certes, mais la condamnation de l’agresseur est importante à mes yeux. Le style de narration, un peu trop heurté, comme pour tenir le lecteur à distance m’a également laissée désemparée, même si je comprenais la pudeur de Gabriel.

Un livre touchant, qui fait réfléchir en abordant une thématique dure, une vie d’enfant brisée par un criminel, qui tente de s’en sortir malgré tout.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions J.C. Lattès qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur dont le précédent livre « Mémoire de soie » dort hélas encore dans ma liseuse, faute de temps comme toujours… il serait temps de l’en sortir !

#Laviequicommence #NetGalleyFrance !

7,5/10

L’auteur :

Adrien Borne, quarante ans, est journaliste. Il est l’auteur d’un premier roman lauréat du prix Alain Fournier, du prix de la ville d’Angoulême, du prix des lecteurs de Levallois et du festival du premier roman de Chambéry, Mémoire de soie (Lattès, 2020 ; Le Livre de Poche, 2022).

Extraits :

Je serais pas contre la ramener un coup moi aussi, avec des baskets sur coussin d’air. Je sais aussi que ça ne fait pas le sportif. Et puis, je déteste avoir des chaussures neuves aux pieds, j’ai l’impression qu’on ne voit que ça, dans la vie, il faut sentir l’expérience, le vécu, sinon ça ne marche pas.

Prévenir. A l’âge adulte, le cœur en miettes, des années plus tard. Bien sûr, il faudrait prévenir, savoir avant, que l’après jamais plus ne tournera rigolo. Et pourquoi pas un banquet, une fête, sacrifice à l’enfance enfouie…

Il a jamais rien demandé, c’est bien le problème, parce que s’il m’avait demandé depuis le début j’aurais dit ce que je pense, s’il m’avait posé la question, j’aurais dit ce que je pense, je me serais pas dévoré de l’intérieur.

Une question qui aurait entraîné une réponse, peut-être un étonnement, peut-être un doute et ainsi de suite, de maillon en maillon, mon récit, mes mots de petit, tout petits mots de rien du tout qui passeraient au tamis de l’âge accompli pour apparaître dans leur brutalité.

Je ne l’aime jamais autant qu’en homme refermé pour lequel il fut toujours plus important d’inventer des histoires folles pour son petit-fils que de livrer ses secrets. Tout est relatif dans la vérité soudain.

L’amour me fait penser à ces vieux albums photos que les familles ouvrent une fois l’an pour raviver les souvenirs et se rassurer sur leurs sentiments.

Mais, va raconter des choses pareilles. J’ai toujours préféré fermer ma gueule que de ne pas être cru. Après avoir subi ma vérité nouvelle, brutale, je n’ai rien dit. J’ai gardé pour moi dans les silences qui font sans doute les cercueils. J’en étais incapable, comme impuissant.

Ils veulent un coupable et moi, le coupable, je m’en fous. Je sais bien que c’est pas dans l’air du temps de dire ces choses-là. Je sais qu’il faut dénoncer. Mais je veux juste qu’on me rende mes années enfouies et je sais que c’est pas possible.

La souffrance rend cuirassé aux autres.

Lu en février-mars 2022

14 réflexions sur “« La vie qui commence » d’Adrien Borne

    1. je pense qu’il vaut mieux lire son 1er « Mémoire de soie »
      je « sature » aussi avec ce thème ce sont les critiques qui m’ont poussée à le lire, je l’ai apprécié mais j’attendais plus 🙂

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    1. l’idée que ce soit un roman me plaisait mais je suis restée sur ma faim,,finalement je préfère les témoignages…
      un peu la même chose qu’avec »La faussaire » où j’aurais préféré lire la vraie histoire 🙂

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  1. Un auteur que je ne connais pas encore. Malgré tes bémols, j’aime les extraits que tu as choisis et donc je le note, même si le sujet est difficile et les avis mitigés apparemment. Je vais laisser passer un peu de temps, de toute façon ma pile est vertigineuse comme d’habitude. Merci pour ton ressenti

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    1. le sujet est dur et j’ai choisi les extraits de manière à donner envie sans révéler trop de choses .
      l’auteur a choisi le roman c’est une bonne idée mais j’aurais finalement préféré un vrai témoignage…
      J’attends ton avis!
      ah ces PAL qui débordent ! j’ai des tentations en vue partout entre NetGalley, et tous les livres que je découvre chaque année avec le challenge le mois de l’Europe de l’Est 🙂

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    1. je suis restée sur ma faim, il m’a dérangée finalement… par sa construction et la manière dont le personnage réagit 🙂
      je vais me décider à lire « M »moire de soie » pour me faire une idée plus précise 🙂

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