« Nos mains dans la nuit » de Juliette Adam

J’ai choisi le livre dont je vous parle aujourd’hui, dans un premier temps pour sa couverture et le nom de l’auteure avant même de lire le résumé proposé par l’éditeur :

Résumé de l’éditeur :

« Le secret, c’est de s’inquiéter pour quelqu’un. » Entre Raphaël, son frère abîmé, sa mère, qui semble lui cacher quelque chose d’essentiel, et son père, avec qui elle n’est jamais parvenue à communiquer, Zoé ne manque pas de sujets de tourments. Travaillant le temps d’un été dans la ville côtière où elle a grandi, elle tente tant bien que mal de rassembler les éléments disparates de son existence. Mais c’est la réapparition d’Émilie, la fille étrange qui l’a toujours fascinée et l’obsède encore, qui va créer un véritable séisme dans sa vie. La jeune femme sera-t-elle capable, cette fois, de retenir celle qui n’a jamais cessé de lui échapper?
 
Avec Nos mains dans la nuit, Juliette Adam signe un roman poignant sur l’entrée dans l’âge adulte, où les projets sont suspendus aux souvenirs, et la confiance dans l’avenir à l’élucidation du passé.

Ce que j’en pense :

Au départ, tout fonctionne à merveille entre la famille de Zoé et celle d’Émilie, leurs mères, Lisa et Morgane sont les meilleures amies du monde et ce depuis leur rencontre. Elles ont tout vécu ensemble, jusqu’à leur grossesse, donnant parfois l’impression que leur amitié presque amoureuse tant elle est fusionnelle flirte avec la toxicité.

Le père de Zoé est marin, donc souvent absent, son frère Raphaël dont elle fut proche durant l’enfance a brusquement pris ses distances, avant de se perdre dans les amitiés dangereuses, la petite délinquance…

Émilie n’a pas connu son père, elle ne sait même pas de qui il s’agit. Elle est « différente » comme on dit, hypersensible, elle ne supporte pas qu’on la touche, elle est harcelée à l’école, car elle fait des rêves prémonitoires qui poussent les autres à la traiter de sorcière. Brave petit soldat Zoé veille.

Tout ce fragile équilibre explose un jour, sans crier gare Émilie et sa mère sont parties sans laisser d’adresse. Zoé a très bien compris qu’il s’est passé quelque chose de grave entre leurs mères, mais c’est l’omerta avec tous les dégâts que cela engendre. Peu à peu elle va rejeter cette mère qu’elle juge coupable.

Alors qu’elle était très bonne élève, sociable, aimée de tous, elle est tellement désorientée par ce départ, qu’elle devient l’ombre d’elle-même, se lancera dans des études de théâtre sans conviction, vivant de petits boulots ; seul son ami Tristan arrive à la maintenir en vie (mode survie plutôt) en lui proposant même de jouer dans le court-métrage qu’il commence à tourner.

Lorsqu’elles se revoient quelques années plus tard, travaillant dans le même café-restaurant, Émilie est réticente, néanmoins, des liens se retissent mais il est hors de question que Zoé en parle à sa mère.

Juliette Adam nous raconte une très belle histoire d’amitié, sur fond de secrets, de vies bouleversées, de liens familiaux qui se tendent jusqu’à l’extrême. Elle analyse avec beaucoup de sensibilité les liens entre les deux jeunes filles, les différences, l’hypersensibilité de l’une, l’autre qui se transforme en mère Térésa, hyper-protectrice avec les autres, se négligeant elle-même, la présence symbolique ou physique du père, les couples trop fusionnels, sur fond de dépression…

Elle parle également avec finesse de la fascination de Zoé pour la mère d’Émilie, tellement plus flamboyante que sa propre mère, et des difficultés que cela peut entraîner, tant pour se construire que pour la possibilité de pardonner.

J’ai beaucoup aimé ce roman, les personnages sont bien analysés, ont de la profondeur, l’auteure ne sombre jamais dans la mièvrerie, ou la romance. Juliette Adam parle très bien de la fragilité des êtres, de leurs fêlures, qui finalement viennent faire écho aux nôtres, dans ce monde moderne si compliqué.

Je n’ai pas lu son premier roman, car j’étais un peu réticente, je méfie toujours un peu des filles ou fils de… et il se trouve que j’aime bien le style d’Olivier Adam dont j’ai lu plusieurs romans, et je n’ai pas eu le réflexe de comparer, je me suis laissée porter par le récit et j’ai passé un bon moment.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Fayard qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure.

#Nosmainsdanslanuit #NetGalleyFrance !

8/10

L’auteure :

Juliette Adam est étudiante en Lettres et Arts à l’Université de Paris. Chez Fayard, elle a publié Tout va me manquer (2020).

Extraits :

Morgane a toujours représenté à mes yeux ce que la vie pouvait avoir de plus étincelant. Bien plus que ma mère. Elle portait une telle lumière en elle. J’avais l’impression qu’elle pouvait venir à bout des ténèbres les plus tenaces, éclairer les profondeurs, tenir à distance la noirceur.

Bien sûr que je l’aimais, ma mère. Je le jure. Mais elle, elle n’avait pas cet éclat. J’ai bien essayé de la voir autrement. Mais je crois que ma mère a toujours été ce mystère que je n’ai jamais pris la peine d’élucider. Je crois que c’est un peu de votre faute si je ne l’ai jamais admirée. Vous étiez tout pour moi. Absolument tout.

On ne parlait pas des absences de mon père. De son statut d’inconnu pour moi, même quand il était à la maison. On ne parlait pas de nos blessures. On ne parlait pas de nos morts. Mais je n’ai jamais cessé d’espérer le retrouver ton père. Pendant un temps. Et puis, comme nous tous, j’ai fini par l’oublier.

J’ai vrillé dès le jour de ton départ. Je suis passée de la petite fille parfaite à la Zoé solitaire qui ne sait pas ce qu’elle veut faire de sa vie, qui bafouille devant les gens de son âge, qui se réfugie sur les falaises pour pouvoir se sentir apaisée.

J’écrivais des poèmes idiots sur la solitude sans comprendre ce que c’était. Je ne savais même pas ce que cela faisait. Je ne pensais pas devenir celle qui errerait sur les plages les week-ends d’hiver. Je ne pensais pas m’éloigner autant de toi.

Mon père est impassible. Je n’arrive pas à lire en lui. Absolument rien. Mon père est comme une œuvre abstraite que j’ai fini par laisser tomber, en me disant que ce genre d’art, ce n’était pas pour moi.

Je me demande si elle (mère) a pu retrouver mon père. S’il a su trouver les mots pour la consoler. Je crois que je peux lui faire confiance sur ce point-là. Être là pour redonner le sourire à ma mère est la seule chose que mon père sache faire pour cette famille.

Lu en février 2022

13 réflexions sur “« Nos mains dans la nuit » de Juliette Adam

    1. son premier roman ne me tentait pas, par contre le thème de celui-ci me convenait, et c’est une heureuse surprise c’est sûr elle a hérité du côté un peu « noir » de son père comme en témoigne la fin.
      elle a du talent c’est certain 🙂

      J’aime

    1. il m’a plu et ce n’était pas gagné d’avance car il y a des moments dans l’histoire qui sont durs, et je ne savais pas trop à quoi m’attendre alors c’est une bonne surprise, on n’est pas dans le mélo…
      le précédent ne me tentait pas par contre 🙂

      Aimé par 1 personne

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