« Les racines des ombres » de François Rabes

Je vous parle aujourd’hui d’un livre d’un polar, premier opus de son auteur, dont la couverture m’a tapé dans l’oeil, et qui m’a tenue en haleine du début à la fin :

Résumé de l’éditeur :

Les Vosges.

Une profanation de cercueil réveille la mémoire d’un terrible fait divers survenu quarante ans plus tôt. L’enquête est confiée à Claire, jeune substitut du procureur. Des zones d’ombres apparaissent bientôt et viennent éclairer l’affaire sous un autre jour. Entre un capitaine de gendarmerie hostile et une famille de forains dans le viseur de la justice, ses premiers pas sur le terrain vont s’avérer plus complexes que prévus. Simultanément, un couple et leur petite fille de six ans emménagent dans une vieille maison à rénover. Mais ce qui devait être un nouveau départ pour Michel, fils d’un puissant industriel de la région, sonne bientôt comme une plongée dans les méandres d’un épisode tragique qu’il croyait oublié. Une peur tenace revient le hanter et va le conduire sur les traces de son passé.

Et si quelque chose ou quelqu’un reliait les deux événements ? Et si l’ombre qui plane sur Michel depuis son enfance prenait racine au cœur des investigations menées par Claire ?

La vérité les attend. Mais pour l’atteindre, ils devront l’un et l‘autre braver leurs propres démons.

Ce que j’en pense :

Cap sur les Vosges donc, avec une histoire passionnante ! En faisant des travaux sur l’ancien cimetière de la commune, les ouvriers mettent à jour une tombe profanée. Il s’agit de celle d’une jeune fille assassinée il y a près de quarante ans, meurtre sordide pour lequel un jeune gitan a été jugé coupable, de manière expéditive et condamné à la prison.

Il vient de sortir, après avoir purgé sa peine, mais évidemment les soupçons vont se porter sur lui. L’enquête sur la profanation est menée à charge, une nouvelle fois par le capitaine de gendarmerie, malgré l’opiniâtreté de Claire, substitut du procureur. Autrefois l’enquête a été menée par Jacques qui s’est recyclé en puissant industriel, directeur d’une scierie, qui règne en maître absolu sur son entreprise et sur sa famille, notamment son fils Michel qui a vécu une expérience traumatisante quand il était âgé de six ans…

L’intrigue m’a beaucoup plu, avec de nombreux tiroirs, rebondissements, des manipulations en tous genres, avec des intrications avec le passé. Les personnalités des protagonistes sont vraiment approfondies, notamment celles de Michel et de son père Jacques. Certains sont carrément machiavéliques et nous offrent des surprises, qui vont nous tenir en haleine jusqu’à la dernière phrase, car le final est grandiose !

François Rabes nous propose, au passage, une réflexion amère sur la société d’aujourd’hui, son côté autocentré, où seuls les puissants sont intéressants (et dignes de vivre selon Jacques !)

Je mettrais un bémol, qui m’a gâché (un peu ) le plaisir : un capitaine de gendarmerie, imbu de lui-même se croyant au-dessus des lois, d’une misogynie effroyable, pervers, blessant, traitant Madame la substitut du procureur de manière abominable : du harcèlement en grandes largeurs, et de surcroît raciste, appelant Dario, le gitan forain, « le romanichel » avec le mépris le plus complet pour tout ce qui ne pense pas comme lui, n’est pas un Blanc suant la testostérone comme lui…

Un roman qui, en plus de tenir le lecteur en haleine, surfe de belle manière sur les dangers de nos sociétés modernes, la difficile réinsertion à la sortie de prison, la vie et les illusions spoliées à tout jamais, par une erreur judiciaire…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Hugo Poche Suspense qui m’ont permis de découvrir ce roman très prometteur, le premier de François Rabes dont je vais surveiller les prochaines parutions.

#Lesracinesdesombres #NetGalleyFrance !

8/10

L’auteur :

Réalisateur et scénariste, auteur de courts métrages multi-primés, clips musicaux et autres réclames (comme dirait Jean-Pierre Jeunet dont il fut le stagiaire après lui avoir adressé un courrier sous forme de Story- Board) François Rabes signe son premier roman avec Les racines des ombres et remporte le concours Les Lieux Noirs, organisé par Fyctia et les éditions Hugo & Cie.

Extraits :

Le charisme n’est pas toujours héréditaire. Michel en était la preuve vivante. Sa posture, sa manière de croiser les mains dans le dos, d’être légèrement voûté en dansant d’un pied sur l’autre, le rangeait d’emblée dans le tiroir des dos ronds, ceux qui écoutent mais ne l’ouvrent pas, ou rarement. Pas vraiment porté par la spiritualité, Michel ne savait pas que « vivre, c’est apprendre à danser sous la pluie »

Dario avait assisté impuissant à cette mutation radicale et violente au cours des quinze dernières années. Les méthodes d’hier, le respect de certaines règles et des aînés, étaient bonnes pour la casse. La répartition des territoires était devenue fragile, même après accord entre familles. Le moindre petit voyou d’aujourd’hui voulait tout, tout de suite.

Jacques avait l’impression d’être poussé en fauteuil roulant. Il lui prenait alors l’envie de distribuer des baffes à tous ces petits singes savants donneurs de leçons et de conseils, cette génération nivelée vers le bas et autocentrée, persuadée d’incarner le monde par le seul fait d’exister.

Le fatalisme n’existait pas dans son mode de pensée et d’action. Autrement dit, le triomphe des uns provoquait forcément la défaite des autres. Car oui, le monde des affaires ne se traitait pas autrement. Et ceux qui vous disaient le contraire étaient des ratés, des perdants de l’histoire.

Les signes de faiblesse, il avait toujours laissé cela aux autres. On ne tend pas la main à ceux qui souffrent, on les évite, on s’en éloigne. C’était cela la vérité. Et Jacques n’avait jamais laissé personne le prendre en pitié ou lui tourner le dos…

De nos jours, tout le monde était expert et s’arrogeait le droit de répandre sa vérité, son émotion, son ressenti. Que ce soit sur les réseaux sociaux ou sur les plateaux télé où de soi-disant spécialistes venaient régulièrement débattre en boucle sur les mêmes sujets, mais surtout s’écouter parler…

Michel appartenait à cette génération qui ne cherchait pas à bâtir. L’idée de socle, de pérennité, de vouloir marquer son passage ne signifiait rien pour ces troupeaux désabusés, pour ne pas dire désespérés. Une relève qui se plaignait constamment d’avoir hérité de sociétés malades dirigées par des politicards véreux. Mais depuis quand devait-on hériter de quoique ce soit ? Personne ne lui avait jamais rien donné, à lui…

Lu en février 2022

13 réflexions sur “« Les racines des ombres » de François Rabes

    1. je me suis posé la question à l’heure de me too notamment et j’avoue que j’ai des doutes… il n’y a qu’à voir le cas de certains policiers devant les violences conjugales par exemple…
      Dans une ville moyenne proche de la mienne, les policiers refusaient de prendre les plaintes de femmes ayant subi des violences conjugales(une de mes copines s’est fait remballée et elle a dû aller au commissariat de G… il n’y a pas si longtemps 🙂

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