« Ces orages-là » de Sandrine Collette

Déçue d’avoir dû abandonner la version audio de ce roman, j’ai décidé de lui donner une seconde chance avec la version papier :

Résumé de l’éditeur :

C’est une maison petite et laide. Pourtant en y entrant, Clémence n’a vu que le jardin, sa profusion minuscule, un mouchoir de poche grand comme le monde. Au fond, un bassin de pierre, dans lequel nagent quatre poissons rouges et demi.

Quatre et demi, parce que le cinquième est à moitié mangé. Boursouflé, abîmé, meurtri : mais guéri. Clémence l’a regardé un long moment.

C’est un jardin où même mutilé, on peut vivre.

Clémence s’y est installée. Elle a tout abandonné derrière elle en espérant ne pas laisser de traces. Elle voudrait dresser un mur invisible entre elle et celui qu’elle a quitté, celui auquel elle échappe. Mais il est là tout le temps. Thomas. Et ses orages.

Clémence n’est pas partie, elle s’est enfuie.

Avec Ces orages-là, Sandrine Collette se fait la voix de l’intime et nous offre un roman brut somptueux sur les ravages de l’obsession, servi par cette écriture au cordeau qui la distingue.

Ce que j’en pense :

Clémence a trouvé le courage de quitter Thomas son compagnon, pervers, manipulateur, tortionnaire au bout de trois années de vie commune.

Elle a tout subi de sa part, en particulier les jeux au cours desquels il détient tous les pouvoirs, même s’il lui promet qu’elle aura une chance. Le plus pervers de tous étant, celui où il lui dit de courir la nuit, dans la forêt près de sa maison de famille, forêt qu’elle ne connaît pas, en lui promettant de lui laisser une chance de lui échapper. Elle a trois heures pour cela, elle court, elle court, à perdre haleine (et la raison) mais ne respectant pas la règle qu’il lui impose, il la rattrape évidemment, et si elle refuse de courir, le châtiment tombe comme un couperet…

Elle a réussi à emménager dans une vieille maison, à retrouver un travail dans une boulangerie, où elle pétrit la pâte en compagnie de Flo qui rêve d’ouvrir sa propre boulangerie. Elle aperçoit les clients, derrière la vitre, son seul « contact » avec l’extérieur.

Elle a vaincu la peur du partir, soutenue par Manon, l’amie d’enfance qui est toujours là, prête à l’aider…

Il faut franchir l’étape suivante : couper la dépendance au tortionnaire et récupérer un peu d’estime d’elle-même. Mais la peur est là, chevillée au corps, elle scrute la rue lorsqu’elle part à l’aube en vélo pour la boulangerie.

Les étapes conduisant à la libération sont certes bien décrites, mais Clémence m’est restée étrangère de bout en bout de ma lecture ; je n’ai pas réussi à éprouver de l’empathie pour elle et la chute a fini de me conforter dans ce ressenti…

J’ai bien aimé Gabriel, le voisin malentendant de Clémence, dont le fils s’est suicidé il y a quelques années : il avait entendu sonner le téléphone, mais entre la « surdité » et les numéros masqués, il n’était pas arrivé à temps… lui aussi est un écorché vif, mais il est d’emblée sympathique et c’est grâce à lui que j’ai réussi à terminer le roman. C’était ma deuxième tentative, n’ayant pas pu m’intéresser suffisamment à la version audio…

En fait, j’aurais dû me contenter de lire le résumé et ne pas insister, mais je suis, hélas, du genre à persister…

6/10

Extraits :

Elle a trente ans, elle vient de naître. Il ne lui reste à peu près rien. C’est comme regarder une maison éboulée après une secousse ou une inondation : à présent, il faut repartir à zéro. Clémence ne sait pas construire, tout au plus recoller les morceaux d’un mur brisé. Clémence est le mur…

Mais, pas seulement beau, le jardin dans lequel elle ose à peine marcher à présent. Dans la beauté, il y a de la force ; dans la force, il y a de la violence.

Clémence s’oblige à tracer quelques mots pour se donner de l’élan, le crayon glisse sur la page. Il n’y a pas de mots. Juste un trait qui ne veut rien dire. L’ampleur de ce qui l’attend l’effraie, elle ne sait plus être avec les autres, n’a plus confiance. Elle voudrait repartir de zéro, être quelqu’un d’autre.

Cela fait des années que cette colère grandit, silencieuse, sourde au fond du ventre et de la gorge de Clémence. Chaque humiliation minuscule s’agrège aux autres, créant un enchevêtrement de pensées mauvaises, un tas qui croît inexorablement à la façon des décharges au faîte desquelles des grues déversent les unes après les autres des milliers d’immondices et de saloperies.

Clémence a déménagé, changé de travail, elle a déplacé son espace. Elle pensait que le temps ferait de même. Comme quoi l’espace-temps est une notion discutable : l’un peut se modifier sans que l’autre bouge.

Quand on a saccagé l’amour, le retrouver a forcément une saveur particulière. C’est la perte qui donne conscience de la valeur d’une chose : tant qu’on l’a, tout paraît normal. Il faut un choc. Il faut la peur – pour se rendre compte que rien ne va de soi, et rien n’est éternel.

Lu en novembre 2021

26 réflexions sur “« Ces orages-là » de Sandrine Collette

    1. je l’ai choisi pour le thème et le côté encensé par les critiques! et aussi pour ne pas rester sur l’échec (relatif) de la tentative audio… Mais quand ça ne veut pas…
      je ne suis plus trop sûre de lire un autre de ses romans et pourtant j’en ai au moins deux dans ma PAL 🙂

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    1. je l’ai choisi pour le thème et la manière dont elle l’abordait et j’ai été vraiment déçue… La fin en particulier alors que je la sentais venir. Je vais arrêter le frais,d’habitude je laisse une2e chance, là je ne suis même pas sûre d’en avoir envie 🙂

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  1. C’est une romancière que j’adore mais ses romans sont souvent très durs. J’ai commencé par « Des noeuds d’acier », un véritable uppercut !
    Je n’ai pas encore lu celui-ci. Quant aux livres audio, je n’y adhère pas, je n’arrive pas à entrer dans l’histoire.
    Bises ! 😘

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    1. le thème me plaisait mais je n’ai pas apprécié sa manière de l’aborder…
      « Des nœuds d’acier » est dans ma PAL depuis des lustres… Je tenterai de le lire quand ma PAL sera un peu plus légère pour ne pas avoir de regrets…
      pour les livres audio, je suis bien déterminée à ne pas retenter l’expérience… Déficit de l’attention très rapidement 🙂

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  2. J’ai adoré tous les livres de cet auteur que j’ai lu (j’en présente 5 sur mon blog). Ce qui est amusant c’est que je l’ai découvert un peu par hasard, c’est après que j’ai su qu’elle avait autant de succès ! Ce sont des livres très durs dont on ne sort pas indemne, c’est vrai, mais c’est cela que j’aime, qu’elle nous fasse sortir de notre zone de confort. Par contre il faut choisir les moments où on la lit. Mon préféré est « Il reste la poussière »…et celui qui m’a le plus dérangé c’est « Animal » d’ailleurs depuis j’ai décidé de faire un break…Merci pour ton ressenti, quand la rencontre ne se fait pas il ne faut pas insister…nous avons tellement de livres en attendre dans nos PAL

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    1. je n’ai pas dû commencer par le bon!!! il m’a dérangée alors que le thème me plaisait, mais la manière de le traiter et en particulier la fin ne m’ont pas plu 🙂
      j’ai décidé de lire « Des nœuds d’acier » dans ma PAL depuis longtemps et plus si affinité 🙂

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