« L’amour au temps des éléphants » d’Ariane Bois

Je vous parle aujourd’hui d’un livre que j’ai découvert grâce à une opération « masse critique spéciale » organisée par Babelio et qui va occuper une place à part dans mon cœur et ma mémoire :

Quatrième de couverture :

Ils ne se connaissent pas et pourtant, en cette journée caniculaire de septembre 1916 dans une petite ville du Sud des États-Unis, ils assistent parmi la foule au même effroyable spectacle : l’exécution par pendaison d’une éléphante de cirque, Mary, coupable d’avoir tué un homme. Cette vision bouleversera la vie d’Arabella, de Kid et de Jeremy.


De l’Amérique qui entre en guerre au Paris tourbillonnant des années 1920, des champs de bataille de l’Est de la France aux cabarets de jazz, des pistes du cirque jusqu’au Kenya dissolu des colons anglais, ces trois êtres devenus inséparables vont se lancer sur la trace des éléphants au cours d’une prodigieuse expédition de sauvetage.


Dans cette éblouissante saga, une jeunesse éprise de nature et d’absolu livre son plus beau combat pour la liberté des animaux et celle des hommes.

Il n’y a pas d’hommes libres sans animaux libres.

Ce que j’en pense :

Le 13 septembre 1916, à Erwin, petite ville du Tennessee, une foule immense trépigne d’impatience, on a même amené les enfants, pour assister à la pendaison de Mary une éléphante qui a piétiné et tué son soigneur, maltraitant bien-sûr, mais quelle importance ?

Trois jeunes gens assistent avec répulsion à cette scène barbare : Arabella, Jeremy qui se sont déjà rencontrés lors du procès, et Kid, jeune Noir qui a voulu assister à la pendaison.

Arabella Cox est la fille d’un pasteur adventiste, rigide, où pratiquement tout est interdit à part la lecture de la bible, alors elle ne peut que tenter de désobéir quitte à recevoir des coups. Un jour où elle a fait le mur, elle a failli être violée et son père l’a mise dehors.

Jeremy Parkman est l’héritier d’une famille arrivée à bord du Mayflower, qui s’est enrichie dans le commerce, et il refuse de prendre la suite de son père, préférant le journalisme.

William Vernon, alias Kid, a assisté aussi à la pendaison de Mary, mais en tant que Noir, da présence était loin d’être souhaitée, et en rentrant chez lui, il bouscule par mégarde une femme blanche, qui hurle à l’agression, ce qui lui vaut une bastonnade dont il réussit à s’échapper, mais les Blancs racistes ne veulent pas en rester là et lui régler son compte ; ils ont été bien échauffer avec la pendaison de Mary alors la soif de sang et de mort est toujours là. Il réussit à quitter la ville direction la Capitale avec son clarinette om son talent pourra s’exprimer, c’est l’époque du jazz.

Tous les trois vont s’engager activement dans la guerre : Kid comme soldat dans les Harlem Hellfighters, Jeremy comme reporter de guerre et Arabella comme infirmière, et des horreurs se dérouleront sous leur yeux…  Arabella et Jeremy se retrouveront par hasard le jour de l’armistice, et Kid les rejoindra plus tard. Les horreurs de la guerre vont modifier leur vie, Kid en sortant libre alors que Jeremy, blessé à la jambe va être envahi par l’angoisse (SSPT) et fragilisé.

Toujours est-il qu’aucun des trois ne désirent rentrer aux USA où règnent, le Ku Klux Klan et la prohibition alors qu’à Paris flotte un vent de liberté et notre trio va ainsi côtoyer Hemingway, James Joyce, Sylvia Beach qui possède la librairie Shakespeare & Company et Adrienne Monnier, sa compagne, ou encore le couple Fitzgerald ou Joséphine Baker

Mais, revoilà le cirque, les éléphants maltraités et un jour va naître un projet fou, libérer une éléphante de ses chaînes, la ramener en Afrique et lui rendre sa liberté. Ainsi commence le nouveau voyage, en route vers le Kenya…

J’ai adoré toute la partie du roman concernant la jeunesse des trois héros, la guerre et la manière dont ils en sortent, coupant ou non le cordon ombilical, de même que la période parisienne après l’armistice.

J’ai un peu moins aimé leur périple au Kenya, parmi ces Anglais, aristos au pas qui ne pensent qu’à ne rien faire, à part la fait, boire comme des trous et se livrer à une sexualité débridée, avec toujours leur morgue vis-à-vis du personnel africain, leurs laquais, une autre forme d’esclavage, sur leur propre terre.

J’ai retrouvé la magie de ce pays dont je suis tombée sous le charme lors d’un voyage, il a longtemps, les Masaïs les Kikuyus chers à Karen Blixen dont j’ai tant aimé « La ferme africaine« , mais aussi « Out of Africa »  bien-sûr. Je serais bien restée à la Masaï Mara à l’époque, donc je comprends bien ce qui se passe dans la tête d’Arabella et de Kid…

Comme Ariane Bois, je suis fascinée par les éléphants, j’ai passé des heures à les regarder, notamment lors d’une nuit où on pouvait les observer derrière d’immenses baies, sans tain pour ne pas les déranger. Je suis tombée amoureuse de ces animaux extraordinaires, leur corpulence ne les empêchant pas de se livrer à un ballet nocturne, leurs trompes fouillant le sol pour y trouver du sel…un spectacle magique, mes yeux en brillent encore…

J’ai découvert Ariane Bois avec « Sans oublier » que j’ai beaucoup aimé et j’ai été très heureuse de retrouver sa plume. J’ai encore quelques-uns de ses romans à découvrir, en particulier « Dakota Song ». Ce voyage du Tennessee, aux tranchées de la Marne, puis au Kenya m’a fait un bien fou, en parcourant l’Histoire, les artistes de l’époque, le jazz, le gospel, le blues, toutes ces musiques que j’adore. En période de confinement, couvre-feu, cela donne du punch.

La couverture est très belle et j’aurais bien aimé être enroulée ainsi, lovée dans la trompe d’un éléphant…

Un grand merci à Babelio et aux éditions Belfond qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver une auteure que j’apprécie.

9/10

L’auteure :

Romancière, grand reporter et critique littéraire, Ariane Bois est l’auteure récompensée par 9 prix de : « Et le jour pour eux sera comme la nuit », « Le monde d’Hannah , « Sans oublier »,  » Le gardien de nos frères », « Dakota Song » .

Après « L’île aux enfants « , finaliste du prix Maison de la Presse, « L’amour au temps des éléphants » est son septième roman.

Extraits :

Devenu comptable, il aimait son métier, mais plaçait Dieu au-dessus de tout et vivait selon sa dure loi. Pas de loisirs, à part la lecture de la Bible, pas de médicaments en cas de maladie, jamais d’achats de plaisir ou flattant la vanité. Arabella abhorrait ces préceptes d’un autre temps et n’en faisait qu’à sa tête, quitte à en subir les conséquences.

Les éléphants nous ressemblaient tellement, contrairement à ce que l’on pouvait croire ! Joyeux ou tristes, attentifs à leur progéniture et à leurs congénères, intelligents drôles, effrayants parfois, sans parler de leur mémoire biographique, ils n’avaient rien à nous envier.

Là encore, la jeune fille contredisait son père. Joseph Cox ne voyait aucun inconvénient à ce que les Européens s’entre-tuent, du moment que l’or provenant de France et d’Angleterre emplissait les coffres des banques américaines. L’Amérique n’était pas menacée sur son territoire, c’était le principal. Quel aveuglement !

Il revoit l’attroupement à Erwin, les bouches tordues qui lui crachent au visage, la pieuvre de bras et de pieds qui cherche à l’atteindre, et il imagine la suite : la ronde des fantômes en cagoules blanches du Ku Klux Klan. Ces gens-là pouvaient brûler vifs des gamins accusés des pires turpitudes, tirer de leurs cellules des pauvres gars et les traîner dans toute la ville derrière une carriole, la police s’en lavait les mains.

Arabella s’était retenue d’éclater de rire. Le monde était à feu et à sang et sa mère se souciait de sa virginité ! Cocasse et dérisoire…

Il appréciait spécialement Harlem, ce village d’immigrants venus des Antilles, de Chine et d’ailleurs, où les Bancs résistaient encore à l’installation progressive des Noirs. Sur les trottoirs flottait l’odeur de patate douce de son enfance. Et cette musique qui entrait partout sans prévenir, dans le gospel des églises, le blues, le ragtime, le jazz…

Notre musique ne ressemble à rien de connu, explique Big Jim. J’ai basé mon succès sur la musique qui fait partie de notre être, à nous les Noirs. C’est un produit de notre âme. Chacun doit savoir jouer de plusieurs instruments. Il faut être musicien, mais aussi danseur, comédien.

Lui, le gamin qui marchait pieds nus, l’enfant d’esclaves, le gibier du Ku Klux Klan. Il vit désormais à Harlem, capitale noire des États-Unis, et il se sait appartenir à ce monde. Il suivra Jim Europe partout où il ira. Il s’est trouvé une autre famille.

… Arabelle ronge son frein. Elle ne s’attendait pas à traverser l’Atlantique pour jouer les dames de compagnie et materner des boys traumatisés. Quand le sol vibre et que les fusées déchirent le ciel, comment engager une conversation avec des hommes qui ne seront peut-être plus demain matin que des cadavres entassés sur une charrette ?

Les Français découvrent avec étonnement les soldats noirs américains, ceux qu’on va appeler les Harlem Hellfighters. Des enfants réclament chocolat et cigarettes. Soudain, sous es ordres de Big Jim, La Marseillaise éclate dans les rues de la cité bretonne. Très allègre, elle déroute le public…

Entre l’essor du Ku Klux Klan et la loi sur la prohibition votée en janvier 1920, un vent mauvais souffle sur l’Amérique. Personne ne souhaité rentrer et se priver de l’air de liberté surréaliste que l’on respire à Paris.

Silencieuse, Arabella songe aux éléphants, à leur prééminence dans l’ordre des espèces. Ils foulaient la surface de la Terre bien avant les hommes. Pourquoi leur confisquer la beauté du monde ? Elle ne peut attendre qu’un jour l’humanité entende la voix du cœur.

Jeremy avait découvert l’angoisse, elle avait fait son lit en lui et le tenaillait encore la nuit, plus lancinante que sa douleur à la jambe. La guerre avait en quelque sorte affranchi Kid de sa généalogie d’esclaves, elle l’avait libéré.

Lu en janvier 2021

https://mesechappeeslivresques.wordpress.com/2021/01/19/lamour-au-temps-des-elephants-ariane-bois/.

33 réflexions sur “« L’amour au temps des éléphants » d’Ariane Bois

    1. J’ai découvert Ariane Bois grâce masse critique également il y a quelques années avec « Sans oublier » qui m’avait bien plu alors pas d’hésitation… Juste la peur de ne pas l’avoir 🙂
      c’est une belle histoire et la 2e partie a son charme aussi 🙂

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    1. Je suis passée près du coup de cœur, il y a juste un petit bémol pour le dernier quart car l’évolution d’un des personnages est troublante… mais les éléphants, ont largement compensé !
      J’ai beaucoup de mal à résister aux livres de Belfond!!!
      j’ai hésité pour le romande Chris Kraus dont j’ai adoré « La fabrique des salauds » j’ai peut-être tort…

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    1. l’histoire est belle et les 3 personnages ont une personnalité affirmée (plus ou moins selon certains…) et la manière dont ils se lancent dans la guerre m’a fait découvrir (ou presque!) les Harlem Hellfigthers et la manière dont ils ont été traités…

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    1. c’est un très belle histoire avec un tableau de l’Amérique peu flatteur mais hélas, c’est toujours d’actualité… K.K.K. a disparu officiellement mais les Noirs sont toujours aussi « bien traités »…
      j’ai bien aimé cet engagement la guerre, flirter avec le jazz, les artistes de l’après-guerre…. E t mes éléphants adorés, comme le Kenya 🙂
      j’aime bien le style d’Ariane Bois que j’ai découvert avec « Sans oublier » masse critique déjà donc je n’ai pas hésité un quart de seconde 🙂

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      1. un seul inconvénient : il n’a que 252 pages donc vite lu 🙂
        je viens de faire un achat « compulsif » de livres d’occasion chez Gibert Joseph mais pas de culpabilisation du tout ce sont les soldes, et je préfère acheter des livres 🙂

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    1. c’est mélange intéressant : la ségrégation, la société américaine et ces trois jeunes gens qui préfèrent aller se battre chacun à sa manière… La partie kényane est parfois un peu trop merveilleuse par moment mais la magie des éléphants comble aisément les petits excès.
      Le Kenya est un pays fabuleux, du moins quand j’y suis allée maintenant avec tout ce qui se passe sur ce continent j’hésiterais 🙂 mais c’est partout pareil si on réfléchit bien 🙂

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      1. Quelle chance d’avoir visitée l’Afrique « berceau de l’humanité ». J’en rêve ! Oui totalement, le risque est toujours présent mais ça doit être fabuleux. Je rêve aussi d’Egypte et de pyramides, vallées des rois etc.. mais le climat n’est pas propice à ces voyages surtout en ce moment. Je te souhaite un beau weekend Eve 🙂

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      2. je n’ai visité que le Kenya et c’était magique, je serais bien restée avec le Masai… 10 jours, c’est court je rêvais d’y retourner…
        L’Égypte me tente depuis toujours, mais là idem avec tout ce qui s’y passe…

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