« La femme parfaite » de J. P. Delaney

Place à un thriller psychologique, aujourd’hui, pour respirer un peu entre deux lectures difficiles, je dirais même pour reprendre mon souffle car je suis plongée dans un OVNI « Apeirogon », tellement dense que j’ai besoin de faire une pause de temps en temps, avec ce livre :

Résumé de l’éditeur :

« Ma chérie, il faut que je t’explique quelque chose », dit-il en prenant sa main. « Ce n’était pas un rêve. C’était un téléchargement. »

Lorsqu’Abbie se réveille à l’hôpital, elle ne se souvient de rien. L’homme à son chevet prétend qu’il est son mari. Il est un géant de la tech, le fondateur d’une des startups les plus innovantes de la Silicon Valley. Il lui dit qu’elle est une artiste talentueuse, la mère dévouée de leur jeune fils – et la femme parfaite.

Cinq ans plus tôt, elle aurait eu un grave accident. Son retour à la vie serait un miracle de la science, une révolution technologique dans le domaine de l’intelligence artificielle pour laquelle il a sacrifié dix ans de sa vie.

Mais alors qu’Abbie se souvient petit à petit de son mariage, elle commence à remettre en question les motivations de son mari, et sa version des événements. Doit-elle le croire quand il affirme qu’il veut qu’ils restent ensemble pour toujours ? Et que lui est-il vraiment arrivé cinq ans plus tôt ?

Ce que j’en pense :

Abbie se réveille à l’hôpital, et ne se souvient de rien : page blanche, elle ne sait plus qui elle est, ni ce qui a bien pu lui arriver et cerise sur le gâteau, Tim, son mari, lui apprend qu’elle a été « téléchargée » : elle est devenue un « cobot », un bijou d’intelligence artificielle. Tim lui a donné un « corps » entièrement artificiel, mais splendide, bien-sûr, il suffit de descendre une fermeture éclair pour voir ce dont elle est constituée et il lui a donné des « émotions », en fonction de ce qu’elle était dans sa vie d’avant.

« Le mot cobot est la contraction de « compagnon » et de « robot ». Des études menées avec des prototypes suggèrent qu’un robot peut soulager la douleur due à la disparition d’un être cher en apportant un réconfort, une présence, un soutien émotionnel durant la période de deuil. »

En fait, Abbie a disparu il y a quelques années et son mari fou de chagrin ne parvenant pas à faire son deuil l’a « reconstituée ». A priori, il a agi par amour et pour effacer son chagrin. Il lui « télécharge » régulièrement des « souvenirs ». Tim est un de ces géants de l’informatique et de la robotique avec son entreprise « Scott Robotics »

De retour à la maison, Abbie retrouve son fils Danny, victime d’un syndrome de Heller, un trouble désintégratif de l’enfance : tout allait bien jusqu’à l’âge de deux ans et brusquement il y a une régression, et les parents se retrouvent devant un enfant qu’ils ne reconnaissent plus. Danny semble la reconnaître mais il est chaperonné par Zian, son éducatrice très spéciale…  

A priori, c’était un couple idyllique, Tim le passionné de robotique, et Abbie, l’artiste, un mariage en grande pompe digne d’ Hollywood… En fait, les choses sont beaucoup moins romantiques que prévues, et on découvre peu à peu, la véritable personnalité de Tim, ses relations avec les membres de son équipe, et sa conception de la « femme » fait frémir. Certaines des formules qu’il emploie sont des perles….

Une histoire passionnante sur l’intelligence artificielle, que je ne tiens pas particulièrement dans mon cœur, ce n’est un secret pour personne car les dérives me font peur, sur le milieu Geek, sa misogynie, sur la perversion, en passant par les méthodes de prise en charge de Danny (les décharges électriques utilisées larga manu pour « rééduquer » les comportements non conformes… méthodes qui rappellent celles en cours dans la psychiatrie de l’ex-URSS, (mais ce n’était pas les seuls).

J’ai eu envie de lire ce roman, parce que j’avais apprécié un précédent roman de J.P. Delaney, « Mensonge » et je voulais retrouver son univers. Et je l’ai bien aimé, car l’intrigue est très intéressante ainsi que toutes les réflexions sur les robots et leurs dérives possibles, le milieu sexiste des entreprises de la Silicon Valley où le quota de femmes est impressionnant car elles brillent par leur absence : 5% de dirigeantes, et 10% des codeurs sont des femmes… ou encore le syndrome de Heller ou la place de l’éthique dans ce milieu…

La conception que se fait Tim de la femme est extraordinaire, la mère et la putain : Sigmund aurait beaucoup aimé le faire passer sur le divan, mais évidemment, cet « esprit lumineux » pense que la psychiatrie est une des voies d’exploration de la robotique : c’est sûr on se confiera sans problème à un robot. De toute manière Sigmund ne se plaisait-il pas à dire « le malade guérit avec ou sans thérapeute » …

Un petit mot sur l’idée imparable de Tim pour faire face à l’épuisement des énergies fossiles et aux océans de microplastiques, horizon 2050 :

« Les fermiers robotisés multiplieront la production alimentaire par vingt. Les soignants robotisés offriront à nos seniors une vieillesse digne. Les plongeurs robotisés nettoieront les dépotoirs que sont devenus nos océans. Etc., etc. Mais chaque étape doit être financée par les bénéfices de la précédente… »

On en reste sans voix, on pourrait rajouter « et tu vénèreras un Dieu : le Fric… mais il faudrait peut-être se rappeler que « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » comme le disait à son époque notre ami Rabelais

Bref, j’ai beaucoup apprécié ce roman, thriller psychologique bien construit, que je n’ai plus lâché au bout d’une vingtaine de pages et devinez quoi ? J’avais de plus en plus envie de Abbie, donc l’IA gagne mais ne divulgâchons point !

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Fayard Mazarine qui m’ont permis de découvrir ce roman et de retrouver l’univers de J. P. Delaney dont il faut absolument que je procure « La fille d’avant »!

#Lafemmeparfaite #NetGalleyFrance

8/10

Extraits :

Tim Scott était, ou serait bientôt, à l’intelligence artificielle ce que bill Gates était aux ordinateurs, Steve Jobs aux smartphones et Elon Musk aux voitures électriques. On l’idolâtrait, on le craignait…

Quand un enfant meurt, c’est une tragédie aux yeux du monde entier. Les parents sont accablés par le chagrin, mais le chagrin peut s’estomper tôt ou tard. Le syndrome de Heller, lui, vous prend votre enfant et le remplace par un inconnu, un zombie brisé qui bave et habite son corps. D’une certaine manière, c’est pire que la mort. Car vous continuez à aimer cet inconnu, tout en portant le deuil de l’adorable petite personne que vous avez perdue.

Tu t’aperçois qu’il a tenté de réduire au maximum les différences entre ton nouveau corps et l’ancien. Ta poitrine se soulève et retombe, comme si tu respirais. Quand il fait froid, tu grelottes, et quand il fait chaud, tu dois ôter un vêtement. Le soir, tu vas te coucher dans une chambre d’amis, afin de ne pas déranger Tim, et tu dors, ou plus exactement tu passes en mode faible consommation, pendant lequel tu recharges tes batteries et télécharges d’autres souvenirs.

Quand tu y réfléchis, le travail de thérapeute fait partie des secteurs murs pour l’automatisation. Le but, c’est d’être constant et répétitif. Tout prouve qu’un robot peut accomplir cette tâche bien plus efficacement qu’un humain.

Tu fermes les yeux et laisses l’élixir du souvenir se répandre dans ton organisme, comme l’héroïne dans les veines du drogué.

Plus tu y réfléchissais « sérieusement », plus tu détestais cette idée du mariage. Quelle méthode ingénieuse, depuis toujours, pour contrôler les femmes ! L’épouse se donnait (ou était donnée par son père) à son mari, dont elle devenait la propriété…

Pour la plupart, on avait débarqué dans la Silicon Valley à une époque grisante, où une nouvelle génération semblait posséder enfin les outils et l’intelligence nécessaire pour changer le monde. Les hippies avaient essayé et échoué ; les Yuppies et les banquiers avaient eu leur chance. Maintenant, c’était à nous, les Geeks. On était gonflés à bloc, entreprenants, convaincus de la noblesse de notre mission…

L’idéalisme est simplement du réalisme à long terme.

Monachopsis, l’impression de ne pas se sentir à sa place…

Les gens ne veulent pas que leurs robots aient des sentiments. Parce que si les machines ressentent les mêmes choses que les humains, tôt ou tard, une âme sensible décidera qu’on doit les « traiter » comme des humains. Du coup, tout l’argument économique s’envole.

En fait tu souffrais du… comment on appelle ça ? … Le syndrome de Pangloss. Tout était toujours beau, génial et « parfait » dans ce nouveau monde extraordinaire que vous construisiez ensemble, Tim et toi. Beurk.

C’est pour cette raison qu’il existe si peu de mathématiciennes de premier plan. C’est Darwinien. Les hommes construisent des maisons, les femmes bâtissent le foyer…

Lu en octobre 2020

19 réflexions sur “« La femme parfaite » de J. P. Delaney

    1. en fait il est passionnant car on apprend des choses au passage sur le syndrome de Heller ou Galatée, on ne se cantonne pas à l’informatique, la robotique…
      la personnalité de Tim évolue tout au longe du roman donc on se retrouve très loin de ce qu’on pouvait imaginer au départ. 🙂

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  1. Ah ! Moi aussi je suis dans une série « lectures faciles » et même pas entre deux livres plus complexes ^-^. En plus, j’ai l’impression que cette période va durer un certain temps … Je note donc ce titre + La fille d’avant pour faire bonne mesure.

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    1. c’est une lecture qui détend en apportant des éléments intéressants (il cite des études précises si on veut creuser…) on joint l’utile et l’agréable 🙂
      en ce qui concerne l’OVNI j’ai besoin de lire autre chose en même temps, c’est un peu ce qui m’est arrivé avec « Boussole » il y a quelques années j’ai des notes partout 🙂

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    1. il est agréable à lire et un univers complètement à part donc passionnant…
      « La fille d’avant » est prévu pour mon prochain achat compulsif (de livres bien-sûr, c’est le seul plaisir que je ne me limite pas 🙂

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    1. il est très intéressant et pas seulement l’intrigue elle-même, tout le côté psychologique, et la manière dont l’auteur approfondit l’intelligence artificielle et ce qu’on peut en faire surtout quand c’est dans les mains d’un psychopathe .
      j’ai bien aimé « Mensonge » mais j’ai préféré celui-ci Je viens de me procurer « La fille d’avant »: -)

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