« Glory » d’Elizabeth Wetmore

Je vous parle aujourd’hui d’un premier roman prometteur dont le résumé m’a tout de suite attirée, et après avoir quelque peu hésité, vu l’embouteillage massif de ma PAL je me suis lancée : 

Résumé de l’éditeur :

Roman choral puissant et envoûtant, Glory met en scène les retombées d’une terrible agression dans une petite ville du Texas et donne la parole à celles que l’on n’a pas l’habitude d’entendre.

14 février 1976, jour de la Saint-Valentin. Dans la ville pétrolière d’Odessa, à l’ouest du Texas, Gloria Ramirez, quatorze ans, apparaît sur le pas de la porte de Mary Rose Whitehead.
L’adolescente vient d’échapper de justesse à un crime brutal. Dans la petite ville, c’est dans les bars et dans les églises que l’on juge d’un crime avant qu’il ne soit porté devant un tribunal. Et quand la justice se dérobe, une des habitantes va prendre les choses en main, peu importe les conséquences.


Elizabeth Wetmore n’hésite pas à sonder les tréfonds de l’âme humaine et livre un roman dur et âpre à la beauté mordante.

Ce que j’en pense :

Nous sommes donc en 1976, le soir de la Saint Valentin, une jeune fille de quatorze ans, Gloria Ramirez, accepte de monter dans la voiture d’un homme âgé de quelques années de plus. Il va en profiter pour la violer pendant une partie de la nuit, sous l’effet des amphétamines et de l’alcool, répétant sans cesse son prénom, Gloria, qu’elle va prendre en horreur par la suite et se fera appeler Glory.

Elle arrive à s’enfuir pieds nus dans ce désert de pétrole et parviendra à frapper à la porte de Mary-Rose qui habite une ferme isolée, perdue dans ce coin désertique. Mais, son violeur arrive à retrouver la maison, tentant de persuader Mary-Rose que c’est sa copine mais celle-ci ne s’en laisse pas compter, le menaçant avec son fusil…

Que vaut la vie d’une jeune latino, « une basanée » comme ils disent, elle était forcément consentante et bien-sûr ces filles-là sont adultes à quatorze ans ! même si le visage est tuméfié, si on a dû lui enlever la rate, tellement elle avait reçu de coups dans le ventre…

J’ai bien aimé la manière dont l’auteure structure son récit : elle nous présente le viol de Glory, mais le laisse en trame de fond, préférant mêler à ce drame, l’histoire d’autres femmes de la petite ville d’Odessa, chacune ayant une vie plus ou moins compliquée, comme pour atténuer la violence et la rendre plus supportable.

Elizabeth Wetmore va nous entraîner avec brio dans ce Texas des années soixante-dix, où le machisme et le racisme, le suprémacisme blanc règnent en maîtres (est-ce que cela a vraiment changé dans l’Amérique de Trump ?), où l’on n’hésite pas à harceler les témoins d’un viol au téléphone : « quoi, bousiller la vie d’une honnête jeune homme blanc plein d’avenir pour une basanée ? »

Superbe roman choral, où l’on rencontre des personnages féminins bien trempés, des hommes, qui veulent rester les maîtres du jeu, ou parfois, une femme préfère partir tenter sa chance ailleurs, sur une terre marquée par le passé esclavagiste… et en même temps, l’auteure raconte les dégâts des forages, sur la nature, les concessionnaires rachetant les terres aux paysans ruinés, par la sécheresse…

L’image qui m’a touchée : Debra-Ann, quatorze ans, qui cherche à aider Jesse, ancien militaire, en dérobant des aliments à l’une, une couverture à l’autre, parle de livre et qui tient la maison propre depuis que sa mère est partie :

« Lorsque Ginny reviendra, Debra-Ann ne veut pas que la maison soit sens dessus dessous. Sa mère pourrait tourner les talons et repartir aussi sec… »

Elizabeth Wetmore nous cite au passage quelques blagues du coin, telle celle-ci :

« Pourquoi les filles d’Odessa ne jouent-elles pas à cache-cache ? Parce que personne n’irait les chercher. » ou encore : « Quelle est la différence entre un seau de merde et Odessa ? Le seau. »

Bref, pour un premier roman, c’est une belle réussite et il m’a beaucoup plu, tout comme l’écriture de son auteure.

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Les Escales qui m’ont permis de découvrir ce roman puissant, portrait au vitriol ou presque, d’une certaine Amérique ainsi que son auteure, dont je vais attendre le prochain livre avec impatience.

#Glory #NetGalleyFrance

8,5/10

L’auteure :

Née aux USA à Odessa, Elizabeth Wetmore a suivi des cours d’écriture et obtenu des bourses d’études au sein de plusieurs programmes universitaires prestigieux. « Glory » est son premier roman.

Extraits :

Il y a au moins un truc bien dans chaque livre, explique-t-elle à Jesse, car elle est quasiment certaine qu’il ne sait pas lire, pas vraiment. Les histoires d’amour, les mauvaises nouvelles, les génies maléfiques, les intrigues impénétrables, les endroits et les gens qu’elle aimerait tellement connaître dans la vraie vie, ou les mots dont la beauté et la musique lui donnent envie de pleurer chaque fois qu’elle les prononce à haute voix.

Autrefois, un homme élevait des vaches laitières sur une terre où il vivait aussi avec une femme et leurs trois enfants. Durant la sécheresse de 1934, le prix du bétail était tombé à douze dollars par tête, même pas ce que coûtait le transport jusqu’aux enclos de Fort Worth. Ils leur tiraient une balle dans le front, expliquait grand-mère…

Quelle femme abandonne son mari et sa fille ? Celle qui comprend que l’homme qui partage son lit est, et restera à jamais, le gamin qui l’a engrossée. Celle qui ne supporte pas l’idée d’affirmer un jour à sa propre fille : tout cela est bien assez pour toi. Celle qui croit qu’elle reviendra quand elle aura trouvé un endroit où se poser.

Certes elle déteste le pétrole, mais elle aime la chaleur et le paysage, cette beauté aride, cette lumière inépuisable. C’était quelque chose qui la reliait à  sa  grand-mère, tout comme le donut au chocolat et la tasse de café qu’elle aimait s’octroyer en guise de dîner.

Mais la cinquantaine d’hommes de tous âges debout autour de l’installation de forage ne regardent ni les herbes, ni les animaux, ni la terre elle-même. Ils fixent le ciel, l’air subjugué. Ça va tuer toute la vie déclare Viola…

… Cette odeur, souffle-t-elle. C’est comme si toutes les vaches de l’ouest du Texas avaient pété en même temps. Et nos arbres, pleure-t-elle, fixant un bosquet de jeunes pacaniers se trouvant pile sue le chemin d’une rivière de pétrole. Qu’est-ce qu’ils vont devenir ?

Un bassin grand comme une maison se forme en quelques heures et déborde très vite ensuite, le pétrole dévastant tout sur son passage. Plus de trente mille barils de pétrole sont déversée dans la nature avant que les hommes reprennent le contrôle de la situation…

Et ensuite, vous êtes tous rentrés (de la guerre), vous les hommes, et on n’a plu eu d’autres choix que de tomber enceinte aussi vite que possible et filer en cuisine comme un brave troupeau de vieilles vaches qu’on renvoie à l’étable.

Nos arrière-grands-pères contraignaient des hommes à sortir de leurs lits avec des fouets et des torches, ils tiraient des enfants par les pieds pour les obliger à voir leurs mères se faire traîner par les cheveux dans les champs. Certains de nos pères et de nos frères possèdent encore un fouet à bestiaux sous le siège avant de leur pick-up.

Les gens croient que les champs pétrolifères pullulent de serpents et de scorpions, mais diable, ce ne sont pas eux les plus dangereux du comté. Au moins, les serpents à sonnette préviennent lorsqu’ils arrivent, enfin, la plupart du temps.

Lu en septembre 2020

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