« Bitna, sous le ciel de Séoul » de J. M. G. Le Clézio

Je vous parle aujourd’hui d’un roman que j’avais envie de lire depuis assez longtemps, pour retourner une fois de plus dans l’univers de son auteur que je suis régulièrement depuis des années :

Résumé  de l’éditeur :

« Je m’appelle Kim Se-Ri, mais je préfère Salomé, je ne peux plus sortir de chez moi à cause de la maladie. J’attends celui, celle qui viendra me raconter le monde »

Parce que le conte peut faire reculer la mort, Bitna, étudiante coréenne sans un sou, invente des histoires pour Salomé, immobilisée par un mal incurable.

La première lutte contre la pauvreté, la seconde contre la douleur. Ensemble, elles se sauvent dans des récits quotidiens ou fabuleux, et bientôt, la frontière entre réalité et imaginaire disparaît.

Un roman qui souffle ses légendes urbaines sur la rivière Han, les boulevards saturés et les ruelles louches. Sous le ciel de Séoul se lève « le vent de l’envie des fleurs ».

Ce que j’en pense :

On suit l’arrivée à Séoul de Bitna qui va poursuivre ses études universitaires. Elle vient d’un village de pêcheurs du Sud, dans la province de Jeolla-do. Elle est hébergée par sa tante, qui la traite de haut et lui rappelle sans arrêt qu’elle est pauvre et que si elle n’est as contente, elle n’a qu’à retourner dans son village. Elle doit subir les caprices de sa cousine, et elle devient vite l’esclave de la maison.

Elle finit par déménager et par l’entremise d’un libraire qu’elle appelle Mr Pak, (alias Frédérik) elle répond à une annonce qui lui promet une rétribution si elle raconte des histoires à Salomé, une jeune femme atteinte d’une maladie neurologique.

En fait, une relation étrange se noue entre les deux femmes, Bitna pouvant se montrer cruelle avec Salomé qu’elle jalouse, malgré la maladie qui l’handicape, parce qu’elle est riche.

J. M. G. Le Clézio nous raconte une histoire déroutante, où la vérité n’est jamais très loin du mensonge, où l’on peut faire des rencontres étranges dans cette capitale toujours en mouvement.

Les histoires de Bitna nous font rencontrer des êtres malmenés par la vie du policier dont la mère a fui le Nord pendant la guerre avec son enfant sur le dos, qui élève des pigeons voyageurs, à Naomi, l’enfant abandonnée dans un orphelinat, en passant par une jeune chanteuse à la gloire éphémère et destructrice.

J’aime beaucoup que j’ai découvert avec « Étoile errante » il y a fort longtemps , (il n’avait pas encore reçu le Prix Nobel) et j’ai lu une grande partie de ses livres et j’ai retrouvé la poésie de sa plume, mais j’ai un peu moins apprécié ce roman, peut-être à cause de la manipulation et de la cruauté que Bitna exerce sur Salomé, et peut-être aussi parce que la culture coréenne est encore un mystère pour moi .

On est toujours dans la dualité, outre vérité-mensonge, on a la vie et la mort la misère avec les quartiers sordides, (les cafards, les rats) et la richesse, l’opposition campagne grande ville et malgré la poésie, et la magie du conte, on ressent une anxiété, une insécurité durant cette lecture. En tout cas, on sent l’attachement important de l’auteur pour Séoul et la Corée et il leur rend un bel hommage. Cependant j’ai beaucoup mieux apprécié « Alma »

Un grand merci à Lecteurs.com qui m’a permis de découvrir ce roman en version poche et de retrouver un auteur que j’apprécie.

7,5/10

Extraits :

Lorsqu’elle a passé la ligne de démarcation, elle a emmené avec elle un couple de pigeons voyageurs que son père avait élevés, elle les a portés avec son fils sur son dos, dans un petit sac percé de trous pur qu’ils puissent respirer. Elle les emportés afin qu’un jour, ils puissent voler vers leur pays natal et donner des nouvelles à la famille restée de l’autre côté.

Bitna mon étoile ! Et je me souvenais de ce que ma mère m’avait raconté, c’était mon grand-père maternel qui avait choisi mon nom, parce qu’il voulait que je brille dans ma vie, au-dedans et au -dehors.

Tout d’un coup j’ai compris que je détenais un pouvoir sue elle, un peu comme Frederick en avait un sur moi. C’était un sentiment à la fois agréable et venimeux, l’impression de céder à une tentation, à un vice.

Je m’en veux de lui raconter tout cela, de trouble son attente, est-ce pour me venger d’elle, de son monde si douillet et si protégé, malgré sa maladie, ce monde où l’argent ne manque jamais, où les infirmières se succèdent à heures régulières pour son service, et auquel j’appartiens maintenant que je me suis engagée à lui parler ? Ou bien est-ce que je veux la punir d’être comme elle est, sans défense, enveloppée de son odeur de mort ?

Elle voudrait croire que ce n’est pas vrai et en même temps elle espère en savoir plus, parce qu’il y a toujours une vérité cachée dans un mensonge.

C’était la première fois qu’elle ressentait la tristesse qui s’était enracinée dans son corps, qui obstruait sa gorge et nouait son ventre. La voix douce de Nam Gil entrait en elle et défaisait les nœuds un par un, libérait l’eau qu’il y avait dans sa mémoire et l’eau débordait de ses paupières.

Quand on meurt, dit la rumeur, ce qu’on ressent n’est pas douloureux, bien au contraire, c’est doux comme du miel dans la gorge, c’est enivrant comme une fumée parfumée qui emplit la poitrine, et la porte qui s’ouvre au fond du cerveau est pareille à l’entrée du paradis.

Lu en août 2020

13 réflexions sur “« Bitna, sous le ciel de Séoul » de J. M. G. Le Clézio

    1. la plume est magique, il creuse toujours le sujet qu’il aborde… J’essaie de tout lire, mais il m’en reste encore. C’est mon écrivain contemporain préféré, et juste derrières arrive Patrick Modiano…
      dans celui-ci , ma méconnaissance de la Corée m’a un peu gênée 🙂

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  1. C’est un auteur vers lequel je reviens moi aussi régulièrement, mais ce titre m’avait vraiment déçue, je l’ai trouvé terne (je n’ose pas dire « mal écrit »…). Alma est sur ma PAL, j’espère que come toi il me plaira davantage.

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    1. j’ai trouvé celui-ci plus dur, mais la Corée reste hermétique pour moi… la réflexion est intéressante!
      j’ai nettement préféré « Alma »
      j’ai déjà eu une expérience difficile avec « Le procès verbal »

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      1. Je n’est pas encore lu « Désert » je suis tombée sous le charme avec « Étoile errante »
        « le chercheur d’or » et « La quarantaine » font partie d mes meilleurs souvenirs…

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