« L’été des quatre rois » de Camille Pascal

Place à l’Histoire aujourd’hui avec ce roman qui m’a tapé dans l’oeil dès sa parution et je remercie NetGalley et les éditions Plon qui m’ont permis de le lire:

 

 

Résumé de l’éditeur

 

Camille Pascal nous plonge au cœur d’un été inédit dans l’histoire de France : celui où quatre rois se sont succédé sur le trône.

  » Il y avait ce matin-là beaucoup de monde à Saint-Cloud, la Cour bien-sûr, mais aussi les ministres, il jurait même que monsieur de Talleyrand avait fait sonner dès la première heure son pied bot cerclé de fer sur les marbres de l’escalier d’honneur. La galerie d’Apollon n’avait jamais été aussi peuplée, et les jardins s’animaient de femmes heureuses d’y promener leurs traînes. Legrand lever serait long, et l’on entreprenait déjà le premier gentilhomme de la chambre pour obtenir les entrées. À l’évocation de son grand chambellan,le roi sourit : si même le diable boiteux courait à Saint-Cloud lui présenter ses hommages de gentilhomme et prendre sa place de courtisan, alors la France était prête. »

Ainsi commence L’Été des quatre rois. Juillet-août 1830, la France a connu deux mois uniques dans son histoire avec la succession sur le trône de Charles X, Louis XIX, Henri V et Louis-Philippe.

 Dans cette fresque foisonnante, à l’écriture ciselée, tandis que le peuple de Paris s’enflamme, Hugo, Stendhal, Dumas, Lafayette, Thiers, Chateaubriand, la duchesse de Berry, Madame Royale assistent à l’effondrement d’un monde. 

 Des »Trois Glorieuses » à l’avènement de la monarchie de Juillet, Camille Pascal nous plonge dans le roman vrai de la révolution de 1830.

 

Ce que j’en pense

 

Camille Pascal nous raconte avec un tel enthousiasme ces journées de juillet 1830 qui resteront dans l’Histoire comme « les trois glorieuses » qu’on se laisse porter par le rythme ! j’ai eu souvent l’impression,non seulement suivre les protagonistes mais de faire partie de l’Histoire, du scénario : on devient acteur, l’auteur ne nous laisse pas lecteur assis confortablement dans son fauteuil !

 La description des émeutes est minutieuse, l’auteur nous donne tous les détails,presque minute par minute sans jamais devenir soporifique. On voit monter en puissance la colère du peuple, soulevée par les ordonnances, l’atteinte à la liberté de la presse, la réduction du rôle du Parlement.

Après une période où tout se déroulait bien dans son règne, respectant les libertés,le roi s’est senti menacé dans son pouvoir et sous l’influence des ultras,notamment son premier ministre, le duc de Polignac, veut reprendre les choses en mains et faire taire les journalistes, notamment Thiers qui va publier dans son journal un manifeste où tous les noms des signataires seront imprimés.

La violence augmente de plus en plus, on arrache les pavés, on s’attaque aux Tuileries emblème du régime, on détruit tout, (comportement bien français que l’on retrouve régulièrement aux cours de l’Histoire !) et le roi envoie l’armée pour mater la foule…

Les soldats font de leur mieux mais c’est l’été, et surtout la canicule sévit sur Paris,ils ont faim et soif car on ne pense pas à leur distribuer des vivres. Ils tentent de calmer les émeutes le ventre vide parfois depuis plus d’une journée.

On veut la fin des Bourbons, la république, mais très vite, les espoirs se tournent vers la branche des Orléans, cousins du roi, et Louis-Philippe monte en puissance, on le nomme lieutenant général :

« Si la Chambre ne pouvait pas faire Louis-Philippe roi de France, elle pouvait au regard des circonstances exceptionnelles le faire lieutenant général du royaume. Ce titre était une vieillerie gothique héritée de la guerre de Cent Ans qui avait sauvé plusieurs fois la France du chaos et par laquelle un prince, ou à défaut un grand qui n’était pas le roi, se voyait investi de la réalité du pouvoir royal. »

On entre dans l’intimité de Charles X, roi dévot pour ne pas dire bigot, qui prie très souvent, ne rate pas une messe. Il ne voit rien venir, reste accroché à on pouvoir. Dans ces moments graves, il pense à ce qu’a subi son frère, Louis XVI, à son fils le duc de Berry, ce fils préféré sur lequel reposait tous ses espoirs,mort brutalement, alors que son second fils, le duc d’Angoulême ne lui apporte que désillusions : il est plein de tics, incapable de se contenir(était-il épileptique ?)

Charles X ne le supporte guère, et ne se gêne pas pour le lui faire savoir. On est frappé de voir la manière dont il réagit ou plutôt ne réagit pas, ne changeant rien à ses rituels quotidiens, même lors de sa fuite. Durant la première journée, il ne pense qu’à la chasse :

« L’émeute pouvait s’emparer de Paris à tout moment, et le roi de France s’amusait avec ses chiens en forêt de Rambouillet. »

Par contre, il est à l’aise dans son rôle de grand-père et sa relation notamment avec son petit-fils est presque touchante, il reporte sur lui les espoirs qu’il  avait mis dans le père de l’enfant et le petit duc de Bordeaux est attachant.

En quelques heures le destin de la France va évoluer à grande vitesse : Charles X consent à abdiquer, au profit de son petit-fils, court-circuitant ainsi le duc d’Angoulême qui ne se rebiffe même pas : Louis XIX est roi pendant une demi-journée et le duc de Bordeaux devient Henri V (il restera le représentant des Légitimistes) sous la protection de Louis-Philippe, régent…

Camille Pascal nous offre aussi des portraits sans concession des autres protagonistes : Thiers, journaliste raillé pour son accent méridional et qui sent qu’il peut jouer un rôle politique, Talleyrand qui tire toujours aussi bien les ficelles, Marmont, duc de Raguse maréchal quia trahi Napoléon en 1814 pour rester fidèle à la monarchie et qui traînera ette trahison toute sa vie :

« Lui, élevé par l’Empereur jusqu’à sa propre gloire et qui s’était ruiné et perdu de réputation pour servir les Bourbons. Lui, Marmont, dont le nom était devenu synonyme de trahison aux yeux des demi-soldes à cause de cette triste affaire,à la suite de laquelle les mauvaises langues avaient forgé le méchant mot de« ragusade » pour l’exprimer »…

Les écrivains n’ont pas la part belle, avec Chateaubriand en ultra, Stendhal qui court les jupons, passant à côté de ce qui se joue, Vigny militaire endurci… les protagonistes sont nombreux, donc il est difficile de parler de tous et certains étaient sortis de ma mémoire depuis longtemps, alors au début, je me suis un peu égarée dans les titres de certains…

Le titre est bien choisi : quatre rois vont se succéder, certains pour quelques heures, au cours de cet été caniculaire : Charles X, Louis XIX, Henri V et Louis-Philippe qui remportera la mise.

J’ai beaucoup aimé ce livre, pavé de 672 pages, que j’ai dévoré ! je connaissais mal l’histoire de Charles X et j’avais oublié beaucoup de choses apprises il y a fort longtemps. Il me restait des souvenirs des trois glorieuses et les dates clés, la succession des différents monarques, mais tout le reste était loin. Évidemment, je me suis retrouvée plongée dans les bouquins, surfant sur internet pour atténuer mes lacunes !

Fan d’Histoire ou pas, foncez ! ce livre se lit comme un polar !

#L’étédesQuatreRois #NetGalleyFrance

 

 

 

L’auteur

Haut fonctionnaire, Camille Pascal est agrégé d’Histoire. Après avoir enseigné en Sorbonne et à l’EHESS, il a été le collaborateur de plusieurs ministres et le conseiller du président de la République Nicolas Sarkozy. Il est notamment l’auteur de Scènes de la vie quotidienne à l’Élysée, des Derniers Mondains et de Ainsi,  Dieu choisit la France.

 

Extraits

 

Au moment de l’élévation, le roi se prosterna, priant à nouveau pour la France, pour ce frère martyrisé qui lui avait laissé une couronne tachée du sang de Saint Louis et pour son fils poignardé un soir de fête. Sa Majesté n’aimait pas à penser mais se plaisait à prier. Sur la recommandation de son directeur de conscience, il associa à ses prières sa pauvre femme morte depuis des lustres et dont il ne parvenait pas à se rappeler exactement son visage, tant il l’avait peu regardée de son vivant.

 

L’esprit de la révolution n’a jamais abandonné une partie de la population. C’est à la monarchie qu’on en veut. Si je cédais, ils me traiteraient comme ils ont traité mon malheureux frère. Sa première reculade a été le signal de sa perte…

 

L’Histoire finirait-elle par entrouvrir une porte à sa génération ? Pour ceux qui n’avaient connu ni la grande aventure révolutionnaire ni les champs de bataille de l’épopée impériale, l’heure était venue, il en était convaincu, et si la bêtise d’un ministre dévot et l’aveuglement d’un vieillard couronné leur ouvraient la porte, il fallait s’y engouffrer. Thiers dans son journal s’apprêtant à publier une tribune contre les ordonnances 

 

Devenant euphorique devant des dames qui l’entouraient, Stendhal plaisanta de plus belle en décrivant la foule d’ouvriers et de boutiquiers qui, sous ses fenêtres, s’amusait à tirer sur les lanternes avec de vieilles pétoires et à marcher sans savoir où elle allait, ni même ce qu’elle voulait…

… A son avis, il n’existait aucune comparaison possible entre les héros du 14 juillet et ces ouvriers au chômage juste capables de briser des vitres mais qu’un coup de canon suffirait à faire décamper de Montmartre.

 

Thiers s’était fait une raison politique. L’émeute avait besoin d’un chef sans quoi elle tournerait à la révolution et la révolution à l’anarchie sanglante…

… La république dont son ami Carrel rêvait tout éveillé, n’était qu’une chimère inaccessible à un peuple enfantin livré à ses plaisirs, à ses peurs et à ses émotions. Dans ces conditions il ne pouvait y avoir de place, à ce moment de l’histoire de France, que pour une révolution à l’anglaise.

 

 Il était l’heure pour le fils de Philippe Égalité d’entrer en scène, mais encore fallait-il lui parler et l’en convaincre, et le temps pressait car, lorsque l’Histoire chausse ses bottes de sept lieues, il n’est pas d’autres choix que de courir à son rythme, au risque de se retrouver distancé à jamais et massacré par l’arrière-garde des temps nouveaux. Thiers

 

Partout, l’on montait des barricades, partout le peuple, partout les trois couleurs aux fenêtres, partout la haine des Bourbons. Paris était déjà entré en révolution et, si l’on n’y prenait garde, cette crue aussi soudaine que violente emporterait tout, le roi et ses ministres, mais l’État et la paix civile ensuite. Un matin, ils se réveilleraient, mais il serait trop tard, et alors il leur faudrait subir le sort des Girondins et s’offrir en holocauste au rasoir national.

 

Paris n’avait jamais compris l’intérêt, pour ne pas dire l’affection, que le prince de Talleyrand, qui savait manier le mépris comme un fouet et l’esprit comme une cravache, témoignait à ce Provençal sans naissance et qui, selon certains, sentait encore l’huile d’olive, mais, c’était un fait, le journaliste pouvait se présenter à toute heure du jour et de la nuit chez le grand chambellan de la Cour, il serait aussitôt reçu en ami.

 

Sa Majesté rêvait mal. Un même cauchemar revenait toujours. Son frère l’appelait au secours de l’autre côté de la rive, mais il lui était impossible de franchir la mer qui les séparait car, chaque fois qu’il cherchait à s’en approcher, elle se teintait de sang et il reculait aussitôt, de peur de gâter son bel habit de drap d’argent. Il s’en faisait toujours le reproche au réveil, mais son costume de cérémonie de l’ordre du Saint-Esprit paraissait dans son rêve une chose bien plus précieuse à sauvegarder que la vie de son propre frère. Tout cela n’avait bien sûr aucun sens et apportait la preuve que les rois, eux aussi, font des rêves idiots.

 

Le pouvoir quittait inexorablement l’Hôtel de Ville pour le Palais-Royal et le Palais-Bourbon. La commune de 1830 avait vécu et Thiers se chargeait déjà de ficher et de faire intimider les partisans de la république pendant que son journal chantait sur ordre les glorieuses journées de juillet.

 

Quel crime, lui et son frère, Louis XVI, avaient-ils donc commis sinon d’aimer et d’admirer cette statue équestre vivante qui écrasait de Sa Magnificence royale leurs premières années ? La mort de son frère et celle de son fils Berry n’avaient-elles pas suffi ? Fallait-il aussi la sienne ? lundi 2 août 1830

 

Louis-Philippe, qui voulait simplement se laisser glisser sur le trône de ses cousins comme par accident, restait attaché à la Charte concédée par Louis XVIII en 1814, mais les députés républicains, Bérard en tête, ne l’entendaient pas de cette oreille. Si le tour de passe-passe dynastique sauvait la monarchie, du moins exigeaient-ils qu’elle soit établie sur une Constitution républicaine. Vendredi 6 août 1830

 

Comment distribuer alors les places d’honneur autour d’une table ronde qui n’avait ni côté droit ni côté gauche ? Jamais Sa Majesté ne consentirait à se rendre complice d’un tel désordre des rangs qui porterait l’atteinte la plus grave à la dignité royale depuis que l’on avait contraint son frère le roi Louis XVI à lever son verre à la santé de la nation.

 

 

Lu en novembre 2018

11 réflexions sur “« L’été des quatre rois » de Camille Pascal

  1. Tu me donnes envie de le découvrir. Il a l’ai passionnant et jusqu’à présent je n’en avais pas entendu parler. C’est vrai que je ne suis pas une grande fan des romans historiques mais puisque tu me dis qu’il se lit comme un polar 🙂 Et en plus tes extraits donnent bien une idée du style pour moi qui n’aie encore jamais rien lu de l’auteur. Merci

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    1. je suis fan d’Histoire :un grand merci à ma prof d’Histoire-Géo de terminale qui nous a appris à considérer l’Histoire comme de la politique, réfléchir et cesser d’apprendre par cœur 🙂
      c’est un peu le même style d’écriture que « Les rois maudits » de Druon mais condensé sur un été donc si tu les as aimés, cela devrait te plaire.
      Il faut une centaine de pages pour se mettre tous les personnages dans la tête après c’est autoroute

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