« Nous rêvions juste de liberté » de Henri Lœvenbruck

Je vous parle aujourd’hui d’un livre particulier, une rencontre,  avec :

 

Nous rêvions juste de liberté de Henri Loevenbruck

 

Quatrième de couverture   

 

« Nous avions à peine vingt ans, et nous rêvions juste de liberté. » Ce rêve, la bande d’Hugo va l’exaucer en fuyant la petite ville de Providence pour traverser le pays à moto. Ensemble, ils vont former un clan où l’indépendance et l’amitié règnent en maîtres. Ensemble ils vont, pour le meilleur et pour le pire, découvrir que la liberté se paye cher.

Nous rêvions juste de liberté réussit le tour de force d’être à la fois un roman initiatique, une fable sur l’amitié en même temps que le récit d’une aventure. Avec ce livre d’un nouveau genre, Henri Lœvenbruck met toute la vitalité de son écriture au service de ce road-movie fraternel et exalté.

 

Ce que j’en pense   

 

J’ai longtemps hésité avant de me lancer dans cette lecture ; quand un roman enflamme à ce point les réseaux sociaux et les blogs, je me méfie un peu et ce d’autant plus que la moto et moi, nous sommes aux antipodes…

J’ai fini par tenter l’aventure et je n’ai vraiment pas été déçue de voyage, au propre et au figuré…

« Nous avions à peine vingt ans et nous rêvions juste de liberté »

Voilà, au mot près, la seule phrase que j’ai été foutu de prononcer devant le juge, quand ça a été mon tour de parler. Je m’en faisais une belle image, moi, de la liberté. Un truc sacré, presque, un truc dont on fait des statues. J’ai pensé que ça lui parlerait.  Ainsi commence le roman…

C’est le héros, Hugo, alias Bohem, qui raconte l’histoire, telle qu’elle s’est passée réellement et non la version fournie au juge à la fin du road-movie. Ce garçon est attachant, car son enfance a été marquée par la mort de sa petite sœur Véra, renversée par une moto, alors qu’elle était avec sa mère.

Ce drame va modifier toute la structure familiale, car la mère ne fera jamais le deuil de cette enfant, et surtout comparera toujours Hugo à la sœur parfaite, qui elle aurait donné toutes satisfactions ; sous-entendu, lui n’est que le mal incarné… se sentant mal aimé, il vaut multiplier les provocations dans le collège pour riches où sa mère l’a inscrit pour qu’il rentre dans le droit chemin. Là il rencontre celui qui deviendra son meilleur ami, son frère, Freddy.

Avec lui il découvre la moto et ils finissent par construire leur propre bécane dans le garage du père de Freddy.

Réfugié dans sa cabane au fond du jardin, il refait le monde avec lui mais aussi Alex alias la fouine, Oscar dit le Chinois avec les cigarettes puis le cannabis etc. ce qui va les conduire en prison. A la sortie, Freddy s’est rangé, alors ils partent tous les trois, car plus rein ne les retient.

On voit l’ivresse de rouler pendant des heures, le sentiment de liberté, de ne rien devoir à personne, qui peu à peu va tutoyer la légalité, et conduire à la descente aux enfers, à l’engrenage qui fait que d’un petit délit, partir sans payer l’essence par exemple, va se transformer en vol à mains armées, à la mort…

Je ne connais rien de l’univers de la moto, mais j’ai aimé en apprendre les codes, les couleurs cousues sur les blousons, ou peintes sur l’engin, la nécessité de désigner un chef et des prospects… les bandes rivales qui ne se font pas de cadeaux.

« Il y a quelque chose dans le partage des couleurs qui est difficile à expliquer, comme si ça jouait un rôle d’accélérateur dans les rapports humains, parce que ceux qui en portent, quand ils se croisent, ils savent qu’ils ont forcément pas mal de choses en commun, comme des fêlures qui les rapprochent. » P 213

Mais, commander n’est pas le désir fondamental de Bohem, alors il repart tout seul, épris de liberté, mais le destin nous rattrape toujours. J’ai aimé ce gamin, chez lequel l’absence d’amour parental a déclenché des failles profondes et le désir de fuir. Prêt à tout pour être aimé, il ne pense qu’aux amis, il est sincère, il ne lui vient pas à l’esprit que les autres ne fonctionnent pas comme lui et finiront par le trahir.

Henri Lœvenbruck décrit très bien la manière dont le pouvoir peut modifier l’individu et lui faire tourner le dos à ses principes, si tant est qu’il y ait eu des principes… les personnages sont très bien étudiés, et tous ont leurs failles, leur caractère, leur personnalité ; il y en a qu’on se met à détester très vite, presque instinctivement.

J’ai beaucoup aimé ce roman, contrairement à ce que j’imaginais, en me laissant enfin tenter par l’appel des sirènes. C’est vraiment un beau voyage, les cheveux dans le vent.

Ça n’étonnera personne, mais quand je m’enflamme, j’y vais à fond et j’ai déjà dans mes valises pour l’été prochain, « l’Apothicaire » et « Le syndrome Copernic »

 

L’auteur   

 

Henri Lœvenbruck est né en 1972 à Paris. Il est l’auteur de nombreux polars qui ont rencontré un vif succès, dont « Le syndrome Copernic », « l’Apothicaire » et « Le Mystère Fulcanelli »   

 

Extraits   

 

Le passé, c’est comme un paradis perdu où tout était permis, tout était possible, et puis maintenant, plus rien.

Nous avions à peine vingt ans et nous rêvions juste de liberté. P 11

Nom d’un chien, il n’y a rien de pire que les gosses de riches ! Ils ont cette espèce d’assurance, de force héréditaire, comme si le monde leur appartenait, un monde dans lequel vous pourrez jamais venir les déranger, alors ils ont peur de rien, ces fumiers. Enfin, de presque rien. La seule chose qui fait vraiment peur à un gosse de riche, c’est de se prendre une bonne grosse droite en pleine face. P 16

 

Depuis tout petit, j’ai toujours éprouvé une sorte d’attirance naturelle pour les parias, un peu comme de la reconnaissance. Quand il y a un match de boxe à la télé, c’est plus fort que moi, je suis toujours du côté de celui qui s’en prend plein les gencives. P 17 18

 

Merde, on avait déjà ça en commun : l’envie de mettre les voiles. Il faut pas se mentir : la seule chose qui oblige un mauvais garçon à se lever tôt, c’est le désir de fuir. P 23

 

Parfois, je me demande pourquoi j’ai été, si vite, si entièrement, si viscéralement fasciné par Freddy. Un jour, plus tard, il m’a dit que je me cherchais un frère à cause de ma sœur qui était morte et qui s’appelait Véra, mais c’est des conneries. Après tout, j’étais pas le seul : tout le monde était fasciné par Freddy Cereseto ! … Quand j’étais avec lui, je devenais plus que moi, je devenais un peu lui, et j’aimais vachement ça. P 28

 

Et puis, aussi, il y avait chez Freddy cette haine de l’injustice et cet amour presque religieux de la loyauté et de l’honneur qui lui donnaient des airs de légende. Ça faisait comme un héros dans les vieux films de gangsters, un hors-la-loi du type réglo dans les westerns, un genre de Jesse James. P 29

 

À l’époque, j’aurais sans doute pas pu deviner jusqu’où m’emmènerait cette histoire, mais je savais déjà que je vivais le début de quelque chose de grand, quelque chose de phénoménal, où j’étais enfin heureux d’être moi, d’être quelqu’un, à travers leurs yeux. Jamais je n’avais aimé quiconque autant que je les aimais déjà. Jamais je n’avais eu autant envie de plaire, parce que rien ne m’avait rendu alors aussi fier que de faire partie de la bande à Freddy. Et c’était pas un hasard. Je veux dire : on n’était pas là par hasard. On n’avait pas besoin de se le dire pour savoir qu’on était faits du même bois, un bois un peu pourri, mais un beau bois quand même. P 38

 

Parce qu’en vrai Oscar avait raison, on nageait dans la merde depuis le jour de notre naissance, et il n’y avait pas un seul enfoiré pour nous jeter une bouée de sauvetage, et c’était fatigant, à force, de faire semblant de croire encore à quelque chose. P 73

 

Et après, je pensais aussi à ma petite sœur qui s’appelait Véra et à Papy Galo, et je me disais que peut-être on finit toujours par perdre les gens qu’on aime, et qu’Alex avait sûrement raison de voir seulement la vie en noir, pour pas être déçu. C’est tellement triste quand le bonheur s’arrête que je suis pas sûr qu’il vaille le coup. P 170

 

Dans la vie, je crois qu’il vaut mieux montrer ses vrais défauts que ses fausses qualités. Vaut mieux surprendre que décevoir. P 241

 

 

Lu en octobre 2018

13 réflexions sur “« Nous rêvions juste de liberté » de Henri Lœvenbruck

  1. Je viens de terminé son nouveau livre « J’irai tuer pour vous » qui est là encore un grand livre. J’apprécie son style et il a un sens du rythme assez prodigieux. Je n’ai pas lu celui-ci mais ta belle critique m’incite à combler ce manque. Merci pour ce partage et bon weekend à toi 🙂

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    1. moi aussi, c’est pour cela que j’ai attendu aussi longtemps, mais je me suis laissée emportée par le rythme de l’histoire et la psychologie des personnages. Du coup pas « de jugement de valeur ». Je comprends l’engouement qu’il a suscité….
      Il y a aussi « La route » de Kerouac que je repousse sans cesse…

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