« La conjuration des imbéciles » de John Kennedy Toole

 

Je vous parle aujourd’hui d’un livre un peu particulier, dont l’auteur a mis fin à ses jours à l’âge de trente et un ans, persuadé qu’il était un écrivain raté. Ce roman, qui avait été refusé, a finalement été édité grâce à la mère de l’auteur, et obtenu le prix Pulitzer.

 

La conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole

 

Quatrième de couverture    

 

À trente ans passés, Ignatius habite encore chez sa mère, à La Nouvelle-Orléans. C’est un être à part, qui vit cloîtré dans sa chambre, dans des conditions d’hygiène lamentables ; il a fait des études supérieures et écrit dans ses cahiers ce qui se passe dans sa vie.

Sa mère le traite un peu comme un enfant, se désespère de le voir ainsi et finit par l’obliger à chercher du travail… mais, quand on est obèse, se déplaçant avec une casquette verte à oreilles, comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, que peut-il arriver ?

 

Ce que j’en pense   

 

Ce roman m’a donné du fil à retordre, les flatulences, l’anneau pylorique d’Ignatius qui se bloque à la moindre contrariété, ou la moindre angoisse, ce qui lui permet de fuir la réalité, et la saleté dans laquelle il vit, ont été un répulsif. Entre les rots, la bouffe, j’ai été servie…

J’ai persisté car ce livre a été encensé et je me suis mis un objectif : tenir cent pages. J’ai lu parfois en diagonale, je l’avoue mais je suis arrivée au bout.

Certes, l’auteur nous propose une critique de la société de l’époque, la Nouvelle Orléans, le statut des Noirs, la chasse aux communistes, le milieu homosexuel, la pornographie… et nous fait découvrir une foule de personnages bien caricaturaux.

On a donc Ignatius, obèse, lettré, influencé par Boèce, hypochondriaque, limite psychotique, car se sent victime des autres, de complots, rien n’est jamais de sa faute ce qui entraîne des quiproquos. Des années d’université, (on se demande comment il a pu obtenir son diplôme !), il garde une correspondance avec une amie, Myrna Minkoff, babacool, toujours en quête d’un nouveau combat à mener (sexualité, religion…).

La mère d’Ignatius, Irène, veuve totalement dévouée à son fils au départ, se désespère en voyant qu’il n’arrive à rien, trouvant le réconfort dans la consommation de Muscatel ; mais grâce à sa nouvelle amie Santa, elle découvre les joies du « bouligne », malgré son « arthurite », et commence à ruer dans les brancards, se demandant s’il ne vaudrait pas mieux le faire interner.

On découvre au passage, les pantalons Levy, où Ignatius est embauché pour trier les dossiers, avec un contremaître dépassé, une secrétaire gâteuse à qui on refuse la retraite… ou un établissement louche, les Folles Nuits, où règne une patronne qui fait des petits trafics, un portier noir exploité, Mancuso, un policier qui cherche absolument à arrêter quelqu’un, un Dorian, homosexuel qui organise des soirées farfelues…

La langue utilisée par l’auteur est crue, argotique alors que ce qu’Ignatius écrit dans ses cahiers d’écolier est totalement différente, presque littéraire.

On rencontre des expressions drôles : le bouligne, le sonne automne, la bombe nucleyère, les matchs de foute…

Si on aime l’humour noir, on est servi. Certains parlent de don Quichotte moderne. J’ai mis du temps pour arriver au bout de ce roman, et je suis incapable de dire si je l’ai aimé ou non ! j’étais curieuse de savoir comment cela allait finir en fait et j’ai fini par me laisser prendre au jeu, sans plus.

Bonne nouvelle, il ne me narguera plus dans ma PAL !

 

Extraits   

 

Il faudra imposer un gouvernement fort à notre pays avant qu’il ne se détruise lui-même. Les États-Unis ont besoin d’un peu de théologie et de géométrie, d’un peu de goût et de décence. Je crains que nous ne soyons en train de tituber au bord du gouffre. P 69   

 

Soyons francs l’un avec l’autre, Ignatius.  Je n’ai pas cru un seul mot de ce que tu m’as écrit. Mais, j’ai peur – peur pour toi. Ton fantasme d’arrestation présente toutes les caractéristiques du délire paranoïaque classique. Et, tu n’es évidemment pas sans savoir que Freud a établi le lien entre les paranoïas et les tendances homosexuelles. P 119   

 

Myrna croyait, voyez-vous, que tous les être humains à l’ouest et au sud de l’Hudson étaient des coboilles illettrés ou, pis encore, des protestants blancs, groupe humain collectivement spécialisés dans l’ignorance, la cruauté et la torture. (Je ne souhaite pas prendre ici la défense des protestants blancs que je tiens moi-même en assez piètre estime). P 179    

 

Il est déjà fini, vot’plancher. Chuis en train d’dev’nir un vrai expert, question plancher. J’pense que les Noirs ont ça dans l’sang, vous voyez, l’balayage ! ça vient tout seul. C’est comme becter ou respirer, pour un nègre, balayer. J’vous parie qu’si vous r’filez un balai à un moutard d’un an, y s’mettra à balayer comme un fou, l’négrillon ! Oua-ho ! P 232   

 

… Si chuis sûr qu’y a une clientèle pour ces bestiaux-là ? Mais bien sûr ! Les Blancs se baladent tous avec des perruches et des canes à riz ! Alors tu penses ! quand ils verront le genre de zoizeau qu’on leur propose ici, aux » Folles Nuits » !  Y aura bientôt un chasseur en uniforme devant c’te porte, c’est mézigue qui vous l’dis ! Vous allez avoir toute la haute, ici ! Oua-ho ! P 238   

 

Vous commencerez par les derniers Romains, au premier rang desquels Boèce, bien sûr. Puis, vous vous plongerez dans l’étude relativement exhaustive des penseurs du début du Moyen Age. Vous pourrez sauter sans mal la Renaissance et les Lumières. C’est surtout de la propagande dangereuse. Et, pendant que j’y suis, vous feriez mieux de sauter les Romantiques et les Victoriens. Pour l’époque contemporaine, un choix de bandes dessinées et d’illustrés. P 349

 

 

Lu en septembre 2018

14 réflexions sur “« La conjuration des imbéciles » de John Kennedy Toole

  1. J’en ai entendu parler mais je n’ai pas été tentée pour l’instant et ce que tu m’en dis ne me donne pas envie…J’ai tellement d’auteurs à découvrir. De plus en général quand je commence un livre j’essaie de me forcer à le finir…avant de donner mon avis ! J’ai constaté qu’en ce moment je n’ai pas toujours envie d’une telle contrainte. Merci pour ton ressenti

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    1. cela m’étonne aussi,peut-être le contexte a-t-il joué un rôle (roman refusé au départ, suicide de l’auteur…) en tout cas je suis restée sur ma faim. Il en a écrit un deuxième mais je n’ai pas envie de tenter 🙂

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  2. Ping : Blogoclub : Mon chien stupide, de John Fante. | Le livre d'après

    1. c’est une expérience, si je ne l’avais pas lu, j’aurais eu des regrets. il faut tenir 100 pages, après ça va mais les borborygmes, la manière dont il « baffre », et dont il traite sa mère, c’est pénible… psychose bien rendue, c’est sûr.
      J’attends ton avis avec impatience:-)

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