« La faute de l’abbé Mouret »: Émile Zola

Retour aux « Rougon Macquart » avec ce cinquième tome :

 La faute de l'abbé Mouret Emile Zola

 

Résumé  

Frais émoulu du séminaire, l’abbé Mouret arrive dans son église, une grange pratiquement en ruine, prend ses marques dans ce hameau des Arthauds où tous sont des paysans issus d’un ancêtre ayant migré : un mélange de consanguinité, de filles légères, de tares…. Il a emmené avec lui sa sœur Désirée, puisque ses parents sont morts dans des conditions tragiques.

Il prend ses marques, s’abîme dans des méditations, des prières interminables, dit sa messe dans son église vide, assisté par un enfant de cœur et sa bonne la Teuse, ; autour d’eux gravite le Frère Archangias… Désirée aménage les lieux en élevant des animaux. Un jour, il est pris de fièvre et son oncle, le Docteur Pascal l’emmène se reposer dans une propriété proche, le Paradou….

 

Ce que j’en pense  

Nouvelle présentation dans ce roman : il est conçu en trois parties, de seize à dix-sept chapitres chacun.

Dans la première, l’abbé s’installe. Il a choisi ce lieu perdu par vocation, avec des paysans rudes qui s’intéressent peu à la religion. Qu’importe, il tient à son sacerdoce et pense les amener vers lui. Zola nous décrit son adoration pour la vierge, qui est particulière, il en est amoureux, en parle comme d’une amante, on est plus dans le délire mystique que dans la foi.

Dans la deuxième, on assiste à sa renaissance dans la maison de Jeanbernat, soigné par la nièce de celui-ci. L’auteur nous propose une idée intéressante : l’abbé a tout oublié et il va sortir de la maladie, grâce aux soins d’Albine : une véritable renaissance, puis l’abbé, Serge, va passer par tous les stades du développement de nourrisson à adulte, enfance qu’il n’a pas dû vivre de façon heureuse (cf. « La conquête de Plassans »). Il fait connaissance avec la nature, les arbres, les fleurs, lui qui n’était que dans la prière.

Dans la troisième partie la religion reprend sa place, avec un abandon de son culte pour la Vierge, (l’opposition Albine et la Vierge est truculente !) et alors s’installe une nouvelle dévotion, toute aussi folle, pour Jésus et sa souffrance sur la croix : il tombe dans l’autoflagellation, pour se nettoyer de sa faute.

L’idée est intéressante, tout comme le fait d’appeler le domaine de Jeanbernat « le Paradou » : paradis, évoquant le jardin d’Éden, le fruit défendu, la femme tentatrice qui pousse l’homme vers la faute. Il y a une conception de la femme qui me hérisse : elle n’existe que pour tenter l’homme. Le Frère Archangias a des mots horribles pour parler d’elle :

« Elles (les femmes) ont la damnation dans leurs jupes. Des créatures bonnes à jeter au fumier, avec leurs saletés qui empoisonnent ! ça serait un fameux débarras si l’on étranglait toutes les filles à leur naissance. » P 45

Je me suis demandée ce que Zola voulait prouver en opposant, souvent, Dieu et le soleil, qui illumine l’église de ses rayons, alors que la messe est finie : il occupe le terrain donc. Le soleil revient très souvent, ainsi que les saisons, le printemps comme naissance… La nature est-elle plus digne d’amour ?

Cette lecture a été un véritable pensum pour moi. Son Paradou m’a exaspérée. On croule sous les détails avec des espèces de fleurs, de fruits, d’arbres qu’il est impossible de les retenir, ni même de les lire. J’avoue, j’ai sauté des pages, trop de lyrisme tue le lyrisme… et que dire du Frère Archangias… et puis des fruits qui arrivent à maturité tous en même temps, il n’y a qu’au Paradou qu’on peut voir cela : dans mon jardin, les cerises les pêches, les raisins (etc.) ne sont pas bons à manger à la même époque !

À la fin je comptais les pages : allez un challenge, trente pages par jour, « Son Excellence Eugène Rougon » va arriver… J’ai fini par entamer un polar en même temps…

Je me suis demandée ce que Zola voulait faire, avec ce roman ; à part une descente en flèche de la religion et des hommes d’Église, ce tome, qui nous noie sous les détails, nous enivre de fleurs était-il indispensable ? Ou, au moins, n’aurait-il pas été plus digeste avec cent pages de moins ?

Je trouve le style trop chirurgical : Zola veut nous prouver sa théorie, sans concession avec un luxe de protagonistes, les paysans en prennent pour leur grade aussi. Le Naturalisme me heurte quand même pas mal…

Je voulais enchaîner les vingt volumes, mais si le cinquième est dans le même style, je ferai une pause après « L’assommoir » que j’ai tellement aimé à l’adolescence.

Challenge XIXe siècle

 

Extraits  

Il passait ses journées dans l’existence intérieure qu’il s’était faite, ayant tout quitté pour se donner entier. Il fermait la porte de ses sens, cherchait à s’affranchir des nécessités du corps, n’était plus qu’une âme ravie par la contemplation. La nature ne lui présentait que pièges, qu’ordures ; il mettait sa gloire à lui faire violence, à la mépriser, à se dégager de sa boue humaine. P 38  

 

… il apercevait, au milieu des vignes, de grands vieillards noueux qui le saluaient… C’étaient des fronts suants apparaissant derrière les buissons, des poitrines haletantes se redressant lentement, un effort ardent de fécondation, au milieu duquel il marchait de son pas si calme d’ignorance.  P 47   

 

Sans doute, ce fut sa pauvreté d’esprit qui la rapprochât des animaux. Elle n’était à l’aise qu’en leur compagnie, entendait mieux leur langage que celui des hommes, les soignait avec des attendrissements maternels. Elle avait, à défaut de raisonnement suivi, un instinct qui la mettait de plain-pied avec eux. P 78  

 

Souvent, le Frère lui reprochait cette dévotion particulière à la Vierge, qu’il disait être un véritable vol fait à la dévotion de Dieu. Selon lui, cela amollissait les âmes, enjuponnait la religion créait toute une sensiblerie pieuse indigne des forts. P 106  

 

… Il la nommait « ma chère maîtresse », manquant de mots, arrivant à un babillage d’enfant et d’amant, n’ayant plus que le souffle entrecoupé de sa passion. Elle était la Bienheureuse, la Reine du ciel célébrée par les neuf chœurs des anges, la mère de la belle dilection, le  Trésor du Seigneur… P 108  

 

… La vérité est qu’il la voyait toutes les nuits… Elle avait une robe de fiancée, avec des fleurs blanches dans les cheveux… S’il veillait si tard à prier dans l’église, c’était avec l’idée folle que la grande Vierge dorée finirait par descendre… P 115  

 

J’ai prié, j’ai corrigé ma chair, j’ai dormi sous votre garde, j’ai vécu chaste ; et je pleure, en voyant aujourd’hui que je ne suis pas encore assez fort à ce monde, pour être votre fiancé. Ô Marie, Vierge adorable, que n’ai-je cinq ans, sue ne suis-je resté l’enfant qui collait ses lèvres sur vos images ! je vous prendrais sur mon cœur, je vous coucherais à mon côté, je vous embrasserais comme une amie, comme une fille de mon âge…  P 139   

 

Il restait replié sur lui-même, encore trop pauvre de sang pour se dépenser au-dehors, tenant au sol, laissant boire toute la sève à son corps. C’était une seconde conception, une lente éclosion dans l’œuf chaud du printemps… P 165

  

Lu en juillet 2018

14 réflexions sur “« La faute de l’abbé Mouret »: Émile Zola

  1. Je ne sais pas si celui-ci j’aurai envie de le relire, et je te trouve bien courageuse 🙂 Mais je ne dis pas que je ne le ferai jamais. Pour l’instant c’est plutôt Giono que j’ai envie de relire…Merci pour ton ressenti, ainsi tu nous fais réviser nos classiques !!

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    1. Cela n’a pas été une lecture facile, j’ai entamé un polar pour tenir c’est vrai, en tout cas je suis sûre de ne jamais le relire… « SE Eugène Rougon » arrive… après je pense que je vais espacer du moins lire un autre roman entre chaque 🙂

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  2. J’en suis à L’oeuvre dans ma découverte des Rougon- Macquart et de mémoire La faute de l’abbé Mouret m’avait aussi donné envie de zapper quelques pages, mais je l’ai plutôt apprécié, par Son excellence Eugène Rougon est pour l’instant celui qui m’a le moins plu, je n’ai pour ainsi dire quasiment rien compris!!

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