« Loup et les hommes »: Emmanuelle Pirotte

Il y a une éternité que j’ai envie de parler de ce roman, mais j’ai promis d’attendre sa sortie en librairie…

 

Loup et les Hommes de Emmanuelle Pirotte

 

 

Quatrième de couverture :  

 

Hiver 1663. Armand, marquis de Canilhac, est prêt à tout pour retrouver le saphir entrevu au cou de cette jeune Amérindienne, croisée dans un salon parisien. Il a reconnu la pierre que portait son frère Loup. Loup, trahi par Armand vingt ans plus tôt, condamné aux galères, et que tout le monde croit mort.

Hanté par son passé, le marquis embarque avec son fidèle Valère pour la Nouvelle-France. Le vent gonfle les voiles, et les images du Gévaudan natal ressurgissent : Loup, enfant trouvé, adopté… Loup, trop beau, trop brave, trop vivant.

Entre la France et l’Iroquoisie barbare se tisse le destin d’un homme hors du commun, dont le portrait se précise lentement, et dont l’ombre plane, de plus en plus palpable, sur ceux qui le cherchent.
Et si Loup avait trouvé un destin à sa mesure au pays des Sauvages ?

 

Ce que j’en pense :  

 

Dépaysement total avec ce beau roman !

Armand ronronnait dans sa vie médiocre, lorsqu’un saphir, entre-aperçu lors d’une soirée, vient heurter sa mémoire et déclencher la remontée des souvenirs. Il connaît cette pierre, elle appartenait à son frère Loup et elle est portée par une belle et mystérieuse jeune femme qu’il n’a fait qu’apercevoir elle-aussi. Par sa faute son frère a été condamné aux galères et il le croyait mort.

Alors, rongé par le remords, il décide de partir à sa rechercher, accompagné de Valère, son domestique. Su le bateau, se trouve une jeune femme Antoinette qui fait le voyage en même temps que lui : « Le navire transporte en Nouvelle France quelques Filles du roi, ces orphelines destinées à épouser des colons et à peupler le pays. » P 19

C’est une belle histoire de jalousie entre deux frères, Loup et Armand, l’un légitime, l’autre non, l’un brillant, l’autre en retrait et doit se contenter d’être dans l’ombre de celui qui prend toute la lumière, l’un chouchou des parents, l’autre devant se contenter des miettes. De quoi entretenir rancune et jalousie et aboutir à la trahison pour récupérer des terres et un titre de noblesse.

Après une traversée mémorable, Armand découvre le nouveau continent. Ensuite, le roman aborde celui qu’on nomme « Vieille Epée », un blanc qui vit comme les Amérindiens, en harmonie avec la Nature. On a vite compris qui il était vraiment…

Dans ce roman, Emmanuelle Pirotte évoque de fort belle manière la jalousie entre frères, les vieilles rancunes dans les familles, les secrets, la trahison et aussi la culpabilité, le remords, le désir de se racheter. Et il se déroule dans des contrées, des paysages fabuleux, immenses, où les Français, les Anglais, les Hollandais se disputent pour mettre la main dessus et détruisant la civilisation amérindienne.

L’Église en prend aussi pour son grade.

Tous les personnages sont attachants, (presque tous), en particulier Valère, le valet surnommé par les Indiens « Celui-qui-n’aime-pas-les-Robes-Noires » et plus tard Héron Pensif et ses relations avec Armand. Personnage truculent, sensible, attiré par les hommes dont il admire le corps parfait, par rapport à ceux du Vieux Continent. « Ils étaient d’une beauté ébouriffante aux yeux de Valère. »

En parallèle, l’auteure évoque le destin de ces femmes, les Filles du Roi, des orphelines qu’on envoie pour épouser des émigrés, pour mettre encore mieux la main sur le pays. On ne peut pas dire qu’elles auront un destin simple et heureux ! elle choisit d’aborder ce thème à travers le personnage d’Antoinette, une battante, pleine d’énergie et fort sympathique.

« Nous autres, Filles du roi, ne sommes ici qu’en tant que ventres sur pattes, destinés à porter de quoi peupler ce continent. Il ne s’agit pas de romances ni de carte du Tendre, voyez-vous » P 65 

Emmanuelle Pirotte explore aussi la différence des cultures, des coutumes, la manière de considérer la Nature, la colonisation par l’homme blanc. J’ai adoré leurs noms : « Croisée des Chemins », « Œil Eclair », « Loutre Opulente », « Feuille d’Erable » qui sont en eux-mêmes des invitations au voyage.

Les descriptions sont splendides, entraînent le lecteur, le font rêver.  Durant cette lecture, j’ai beaucoup pensé au « Comte de Montecristo » de Dumas, pour la réflexion sur la jalousie et la vengeance, mais aussi à Jack London… L’écriture est belle, le rythme rapide…

Bref, j’ai fait un beau voyage avec une belle histoire, et si vous voulez passer un très bon moment, foncez ! ce pavé de 602 pages se dévore avec enthousiasme !

Merci à la FNAC, qui m’a permis de découvrir un beau roman et une auteure dont le style m’a beaucoup plu !

♥ ♥ ♥ ♥  

 

L’auteur :  

 

Historienne, puis scénariste, Emmanuelle Pirotte, de nationalité belge, rencontre en 2015 un succès international avec son premier roman, « Today, me live » traduit en quinze langues et couronné par le prix Edmée de la Rochefoucauld, le prix Historia, et le prix des Lycéens (Belgique).

Son deuxième livre, « De Profundis » est publié au cherche midi en 2016.

 

Extraits :      

Armand espérait que les indigènes seraient aussi chaleureux. Mais, de cela il doutait sincèrement, car les hommes ont à jamais perdu l’innocence qui se loge parfois dans l’âme pure des animaux et des jeunes enfants. Ne dit-on pas que les Sauvages ne sont pas tout à fait aussi humains que les gens du Vieux Continent ? P 67

 

Valère était vaincu. Ces coquins d’hommes en soutane parvenaient d’un regard à vous accabler de culpabilité. En leur dissimulant des choses, vous aviez l’impression que c’était à Dieu que vous faisiez des cachotteries. Cela faisait des siècles qu’ils faisaient danser le pauvre monde et ce n’était pas encore aujourd’hui que cela allait cesser. P 106

 

Les innombrables cas d’abandons d’enfants ne suscitaient jamais la moindre curiosité. Ces être étaient les fruits du péché, de la misère, et portaient le poids de cette mauvaise fortune leur vie entière. Quelle folie aveugle s’était un jour emparée de ce couple pour qu’il vénère ce bâtard avec cette ardeur insensée ? P 159

 

… Les hommes ne naissent pas égaux, même au regard de leur aptitude à vivre, de leur besoin de chercher un sens derrière les choses. Beaucoup vivent et meurent sans se demander pourquoi, en ce contentant de la réponse des prêtres. P 161

 

Le père Simon Le Moyne était plus âgé qu’Armand et avait passé de longues périodes chez les Agniers. Peu de Français dans la colonie connaissaient aussi bien ce peuple et son pays. Il était un des rares jésuites à inspirer aux Iroquois une forme de respect. Ils l’appelaient Ondessonk, ce qui signifie « Oiseau de proie ». P 165

 

L’Indienne incarnait l’ailleurs absolu, l’ultime voyage. La vague de sensualité où la fascination d’Armand puisait sa source l’avait emmené plus haut, dans un élan de tout l’être vers un changement profond, un périple spirituel, le dernier sans doute avant la mort. P 167 

 

Il n’a jamais compris ce besoin effréné de prouver sa valeur par la résistance à souffrance physique. C’est au moins un trait de caractère que les Sauvages partagent avec les Blancs : une espèce de dévotion à la violence donnée et reçue. La capacité à infliger la douleur et à y faire face, considérée comme une preuve ultime de bravoure virile. P 197

 

Les indigènes ne portaient pas sur le monde qui les entourait le regard dominateur des hommes de l’Ancien Monde. S’ils étaient fiers, ce n’était pas de cette fierté confite de prétention si commune aux Français. P 198

 

Le roi voulait détruire l’Iroquoisie… Il ne désirait pas seulement mater ce peuple, mettre fin aux raids, aux meurtres, à la terreur ; Louis rêvait d’un massacre, d’une extermination pure et simple. Il voulait frapper comme la foudre et détruire de ses rayons aveuglants ceux qui ne se soumettaient pas à sa volonté. P 221

 

Elle n’avait aperçu le monarque que de loin. Il dansait au rythme des notes de cet Italien aussi sorcier que musicien ; drapé d’or et de pierreries, il était la vivante image de la gloire et de la beauté. P 221

 

Vieille Épée déclarait depuis des années que c’était inéluctable : les premiers habitants de ces terres seraient balayés par l’homme du Vieux Continent. P 222  

 

Lu en juin 2018

13 réflexions sur “« Loup et les hommes »: Emmanuelle Pirotte

  1. Bonjour Eve
    Décidément la sélection du jury FNAC est alléchante. Tu me tentes vraiment avec celui-ci et je vais prendre le temps de lire tes nombreuses chroniques car je n’ai pas pu les suivre toutes durant mes vacances, bien occupées avec mes petits-enfants. J’ai lu « To day, we live » il y a deux ans à peu près et je l’avais beaucoup aimé alors je sens que celui-ci va me plaire. Merci pour ton ressenti. A très bientôt

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    1. Très bonne pioche cette année, j’ai eu un autre coup de foudre dont je vais parler bientôt et les 3 autres étaient très forts…
      J’ai eu du temps pour lire car sciatique +++ donc limitée dans les projets d’été, Il faut lire les 5 romans en 5 ou 6 semaines.
      Je ne suis pas à jour dans la lecture des blogs auxquels je suis abonnée (je reste peu sur mon ordi!)
      à bientôt

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    1. les grands thèmes sont abordés sans tomber dans l’accusation ou la critique systématique, ça coule de source, tout s’interpénètre dans ce récit très bonne pioche 🙂
      j’ai illico rajouté « Today we live » à ma PAL

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  2. L »histoire me fait penser aux livres de Jean-François Zimmermann, spécialiste du XVIIe s et écrivain hors pair. Je vais laisser passer un peu de temps car j’ai peur de faire la comparaison. J’ai craqué pour « La Purge » qui se trouve désormais dans ma PAL ! 😉

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