« Patients » de Grand Corps Malade

Dans un autre style, place à ce texte d’un slameur que j’aime beaucoup, car sa voix est magnifique:

Patients de Grand Corps Malade

 

Quatrième de couverture:

A tout juste 20 ans, alors qu’il chahute avec des amis, Fabien heurte le fond d’une piscine. Les médecins diagnostiquent une probable paralysie à vie. Dans le style poétique, drôle et incisif qu’on lui connaît, Grand Corps Malade relate toutes les péripéties vécues avec ses colocataires d’infortune dans un centre de rééducation. Jonglant entre émotion et dérision, ce récit est aussi celui d’une renaissance.

« Quand tu es dépendant des autres pour le oindre geste, il faut être pote avec la grande aiguille de l’horloge. La patience est un art qui s’apprend patiemment. »

Ce que j’en pense:

J’ai adoré son style d’humour, le ton qu’il emploie pour parler des actes de la vie quotidienne dans son centre de rééducation: la toilette, aller à la selle, se nourrir quand on dépend entièrement des autres, sa relation avec les soignants et leur empathie ou non, les liens qui se tissent rythmés pas les heures, les rituels.

Il raconte les étapes de la rééducation, le moindre progrès vers plus d’autonomie, le jour où on le met dans son fauteuil électrique, première vraie conquête: « La première fois qu’on m’installe dedans, je suis à la fois impressionné et excité, comme un môme à qui on amène un cheval à dompter avant de le monter. Car si ce fauteuil est un symbole dort de mon immobilité, il va aussi me permettre de me remettre en mouvement. » P  31

J’ai bien aimé la manière dont il parle de l’évolution de l’acceptation du statut d’handicapé, comment on digère les étapes, du refus, à la colère pour arriver à vivre avec.

Il raconte aussi les rencontres, un handicapé en fauteuil depuis l’âge de quatre ans, qui ne circulera qu’en fauteuil toute sa vie, mais aussi le contact avec les grands brûlés, et leur souffrance, un patient atteint de locked-in syndrom: les handicaps sont différents mais le regard des autres, la souffrance,  se ressemblent.

Grand Corps Malade évoque au passage la tentation du suicide quand cela devient trop dur, dans ce grand paquebot qu’est le centre:

« Le suicide est forcément un sujet qu’on aborde dans ce genre d’établissement, et pas seulement parce que des gens sont arrivés là après une tentative… En plus d’être une porte d’entrée dans notre centre, le suicide peut également être une porte de sortie. » P 100

J’ai acheté ce livre, il y a assez longtemps, mais je n’avais pas envie de le lire jusqu’à maintenant; on m’a posé un diagnostic de maladie chronique, il y a quelques années, et je suis passée par ces différentes étapes pour parvenir à l’acceptation. Je suis donc très en phase avec ce que Grand Corps Malade a écrit.

J’aime beaucoup l’entendre slamer car il a une voix superbe, et ses textes sont pleins de poésie, poésie que j’ai retrouvé dans ce court texte plein d’humour, dépourvu de rancœur. Une belle leçon de vie et de courage.

 

Extraits:

On me conduit aujourd’hui dans un grand centre de rééducation qui regroupe toutes la crème du handicap bien lourd: paraplégiques, tétraplégiques, traumatisés crâniens, amputés, grands brûlés… Bref, je sens qu’on va bien s’amuser. P 13

C’est notre génération qui est la plus représentée dans notre service et de loin.

Est-ce que vingt ans est réellement le temps de l’insouciance, où les garçons n’évaluent pas les risques, où ils se croient invincibles et s’exposent trop facilement à des situations donnant lieu à des accidents dramatiques? P 57

Vingt ans, c’est le règne des envies d’enfants dans un corps d’adulte. Vingt ans, c’est l’âge où tu rêves le plus et où tu te sens le plus apte à atteindre tes rêves. Non, à vingt ans, on n’a rien à faire à l’hosto. P 57

Pour ceux qui n’ont pas l’habitude de le côtoyer, le statut d’handicapé (surtout en fauteuil roulant) est tellement marquant (effrayant, dérangeant) qu’il masque complètement l’être humain qui existe derrière. On peut pourtant croiser chez les personnes handicapées le même genre de personnalités qu’ailleurs: un timide une grande gueule, un mec sympa ou un gros con. P 67

Notre centre est un grand paquebot de croisière et ce terrain de jeu de nuit assez flippant… On se sent un peu en expédition. Ce grand paquebot nous est soudainement offert, il ronfle à son rythme de croisière, renfermant en son antre plusieurs centaines de voyageurs endormis. P 73

J’ai vingt ans et, à partir d’aujourd’hui, la vie ne sera plus jamais la même… Si, en rééducation, on progresse par étapes, je pense que, d’un point de vue psychologique, il faut aussi savoir passer par des paliers. P 12

 

Lu en août 2017

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