« Trois contes » de Gustave Flaubert

Toujours, dans ma période « nouvelles », j’enchaîne avec ce recueil:

 Trois contes de Gustave Flaubert

 

 

Ce que j’en pense

Flaubert nous propose ici trois contes, situés dans des périodes différentes de l’Histoire.

J’ai bien aimé la première nouvelle : « Un cœur simple », nous raconte la vie de Félicité, une femme pauvre et sans instruction, dont l’enfance a été difficile. Embauchée par Mme Aubain, elle va s’occuper de la maison et des enfants de celle-ci, Paul et Virginie.

C’est une belle histoire d’altruisme, car elle s’attache aux enfants, elle apprend au contact de Virginie, et étudie le catéchisme avec elle. Mais, ils vont s’éloigner pour les études. Elle compense alors en protégeant son neveu, Victor, qui finit par partir aussi. Il s’agit d’une femme simple de par ses origines sociales mais dont le cœur, la générosité l’empathie sont immenses. Elle s’attache aussi au perroquet Loulou qu’elle finira par faire empailler et qui sera investi de façon quasi religieuse.

« La Légende de Saint Julien l’Hospitalier », qui s’inspire d’un vitrail de la cathédrale de Rouen qui retrace la légende du Moyen-âge de saint Julien, ne m’a guère plu, mais je l’ai quand même terminée. Déjà, je déteste l’univers de la chasse, donc cet enfant promis à un grand destin qu’on élève dans le luxe, l’initiant à la vénerie et qui se met à massacrer tous les animaux, oiseaux qui lui tombent sous la main, ou plutôt le fusil, l’arbalète etc. cela m’a révulsée.

C’est massacre à la tronçonneuse au Moyen-âge. Et cet homme qui tue tout ce qui bouge, même ses proches et tente de se racheter en fuyant le monde, passant du luxe à la pauvreté et finissant sanctifié !!!

« Hérodias » m’a plu davantage : Flaubert remonte encore plus loin dans le passé et nous raconte un épisode de la vie du tétrarque Hérode Antipas, et aborde ici plusieurs thèmes : la haine des Juifs d’Hérodote Antipas, l’inceste car il a épousé sa nièce Hérodias, la détention arbitraire de Iaokannan, que l’on connaît mieux sous le nom de Jean le Baptiste, car celui-ci veut qu’il se sépare d’elle.

Antipas est confronté à un dilemme : soit il écoute sa femme et fait exécuter Iaokannan au risque d’être châtié par Dieu, soit il le laisse libre en échange de la soumission des Esséniens, réflexion interrompue par l’arrivée de Vitellius, chef des Romains, qui profite du banquet d’anniversaire d’Antipas, pour visiter la citadelle.

Une réflexion aussi sur l’hypocrisie dans le mariage, la recherche de l’intérêt personnel, l’avidité pour le trésor présumé d’Hérode Antipas, la venue de Jésus, la religion, sans oublier la danse de Salomé, fille d’Hérodias…

Passons au style de Flaubert : l’écriture est belle, les mots sont précis, tantôt ils ont la puissance de la houle, de l’océan déchaîné, tantôt, ils s’enroulent en douceur, comme l’eau qui vient lécher les galets. Il y a une musique Flaubert, mais parfois, à force de chercher le terme exact, et le rythme adéquat, cette écriture est tellement peaufinée, (certainement travaillée et retravaillée dans son « Gueuloir ») qu’elle en devient parfois trop précieuse, manquant de cette spontanéité que j’aime tant chez son élève préféré, Maupassant.

Pour moi, ces trois contes sont faits pour être lus à haute voix, pour en apprécier davantage la puissance.

Cette critique m’a donné beaucoup de mal: d’une part, c’est la première fois que je parle d’un livre de cet auteur, donc l’impression de commettre un crime de lèse-majesté,  et surtout, les trois thèmes sont très différents, donc la synthèse difficile . J’espère que les puristes me pardonneront…

challenge 19e siècle.

Extraits

Presque toujours on se reposait dans un pré, ayant Deauville à gauche, Le Havre à droite et en face, la pleine mer. Elle était brillante de soleil, lisse comme un miroir, tellement douce qu’on entendait à peine son murmure ; des moineaux cachés pépiaient, et la voute immense du ciel recouvrait tout cela. P 25 « Un cœur simple »

 

Toujours enveloppé d’une pelisse de renard, il se promenait dans sa maison, rendait la justice à ses vassaux, apaisait les querelles des voisins. Pendant l’hiver, il regardait les flocons de neige tomber ou se faisait lire des histoires. Dès les premiers beaux jours, il s’en allait sur sa mule le long des petits chemins, au bord des blés qui verdoyaient, et causait avec les manants, auxquels il donnait des conseils. Après beaucoup d’aventures, il avait pris pour femme une demoiselle de haut lignage. P 77 « La Légende de Saint Julien l’Hospitalier »

 

Sa propre personne lui faisait tellement horreur qu’espérant s’en délivrer il l’aventura dans des périls. Il sauva des paralytiques des incendies, des enfants du fond des gouffres. L’abîme le rejetait, les flammes l’épargnaient. P 117 idem

 

Tous ces monts autour de lui, comme des étages de grands flots pétrifiés, les gouffres noirs sur le flanc des falaises, l’immensité du ciel bleu, l’éclat violent du jour, la profondeur des abîmes le troublaient ; et une désolation l’envahissait au spectacle du désert, qui figure, dans le bouleversement de ses terrains, des amphithéâtres et des palais abattus. Le vent chaud apportait, avec l’odeur du soufre, comme l’exhalaison des villes maudites, ensevelies plus bas que le rivage sous les eaux pesantes. Ces marques d’une colère immortelle effrayaient sa pensée. P 134 « Herodias »

 

Lu en juin 2017

7 réflexions sur “« Trois contes » de Gustave Flaubert

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