« Mademoiselle Fifi… » de Guy de Maupassant

Je continue ma relecture des nouvelles de Maupassant avec :

Mademoiselle Fifi de Maupassant

Ce que j’en pense

Ce recueil comporte en fait dix-huit nouvelles qui épinglent au passage la société de l’époque à travers les thèmes de prédilection de Maupassant : la prostitution, le libertinage, la relation homme femme, l’occupation de la France par les Prussiens…

« Mademoiselle Fifi » qui est en fait un prussien « Le marquis Wilhem d’Eyrik, un tout petit blondin fier et brutal avec les hommes, dur aux vaincus, et violent comme une arme à feu. » qui occupe, avec ses compagnons, le château qu’une famille française a dû fuir. Seul le curé du village fait de la résistance en ne faisant plus sonner son clocher, au grand dam des Prussiens.

« C’était sa manière à lui de protester contre l’invasion, protestation pacifique, protestation du silence, la seule, disait-il, qui convînt au prêtre, homme de douceur et non de sang. »

Tout ce petit monde s’ennuie et tue le temps en se livrant à des exactions, détruisant les meubles, la vaisselle ou les tableaux par jeu macabre : la toute-puissance de l’occupant donc… alors, on décide de faire une soirée légère en allant chercher des femmes.

On retrouve ce thème dans une autre nouvelle : « deux amis », deux hommes, adeptes de la pêche, se retrouvent au bord de la rivière après avoir traversé les lignes.  Ils entendent les détonations en provenance du Mont Valérien, se croient en sécurité car ils ne font rien de mal. Ils se font arrêter par les Prussiens, force occupante, et sous couvert d’une accusation gratuite d’espionnage condamnés exécutés pour le simple plaisir de tuer… cette nouvelle fait penser bien-sûr à l’occupation et aux exactions nazies.

Ma préférée est « Madame Baptiste » : enfant, elle a été victime d’abus sexuel par un homme qui a été condamné mais c’est elle que les bien-pensants montrent du doigt et accuse de mœurs légères ; on s’éloigne d’elle comme si elle était contagieuse, on se moque d’elle ouvertement. On retrouve le thème de l’hypocrisie, une fois qu’on a été cloué au pilori, quoi qu’il puisse arriver on sera condamné… hypocrisie de la société mais en premier lieu de l’Église qui lui refuse les derniers sacrements, et donc seules quelques personnes assisteront à l’enterrement.

Dans « Le lit », l’auteur nous propose une analyse quasi philosophique du rôle du lit dans la vie des hommes et des femmes. « Le lit, mon ami, c’est toute notre vie. C’est là qu’on naît, c’est là qu’on aime, c’est là qu’on meurt… mais c’est aussi là qu’on souffre ! Il est le refuge des malades, un lieu de douleur aux corps épuisés»

Maupassant aborde aussi l’amour, dans « Les mots d’amour », il égratigne au passage une femme qui a l’habitude de dire après l’amour, des mots doux qui ne plaisent pas à son amant (mon gros chien, mon chat ou mon coq ou encore mon gros lapin adoré) qui sont pour lui des tue-l’amour et qu’il en vient à préférer ses silences.

Et bien-sûr quelques scènes sur le couple, le mariage, l’infidélité ou des femmes légères, qui relèvent parfois de la misogynie (cf. « La bûche » ou « La relique ») mais il n’est pas tendre non plus avec les hommes : dans « A cheval », il étrille un homme qui veut parader, se croyant supérieur aux autres, car bien né…

Et encore dans ce recueil, une nouvelle consacrée à la folie, avec « Fou ? », l’histoire d’une homme tellement jaloux qu’il l’est de tout ce qui approche la dame de ses pensées, et même de son cheval !!! est-il vraiment amoureux d’ailleurs, car il passe de l’amour à la haine d’une minute à l’autre.

J’ai lu la plupart des nouvelles de Maupassant, il y a longtemps et j’ai beaucoup de plaisir à les relire, tant l’écriture est belle, fascinante et le ton, tour à tour, lucide, féroce, voire caustique,  ou ironique, mais toujours léger.

Extraits

La pluie tombait à flots, une pluie normande qu’on aurait dit jetée par une main furieuse, une pluie en biais, épaisse comme un rideau, formant une sorte de mur à raies obliques, une pluie cinglante, éclaboussante, noyant tout, une vraie pluie des environs de Rouen, ce pot de chambre de la France. « Mademoiselle Fifi »

Depuis son arrivée en France, ses camarades ne l’appelaient plus que Melle Fifi. Ce surnom lui venait de sa tournure coquette, de sa taille fine qu’on aurait dit tenue par un corset, de sa figure pâle où sa naissante moustache apparaissait à peine, pour exprimer son souverain mépris des êtres et des choses, d’employer à tout moment la locution française – fi, fi, donc – qu’il prononçait avec un léger sifflement. « Mademoiselle Fifi »

La petite fille grandit, marquée d’infamie, isolée, sans camarade, à peine embrassée par les grandes personnes qui auraient cru se tacher les lèvres en touchant son front. « Madame Baptiste »

« Voyez-vous, madame, quel que soit l’amour qui les soude l’un à l’autre, l’homme et la femme sont toujours étrangers d’âme, d’intelligence ; ils restent deux belligérants ; ils sont d’une race différente ; il faut qu’il y ait toujours un dompteur et un dompté, un maître et un esclave ; tantôt l’un, tantôt l’autre ; ils ne sont jamais deux égaux. « La bûche »

Mais, connaît-on jamais les femmes ? Toutes leurs opinions, leurs croyances, leurs idées sont à surprises. Tout cela est plein de détours, de retours, d’imprévu, de raisonnements insaisissables, de logique à rebours, d’entêtement qui semblent définitifs et qui cèdent parce qu’un petit oiseau est venu se poser sur le bord d’une fenêtre. « La relique »

Vois-tu, ma pauvre enfant, pour les hommes pas bêtes, un peu raffinés, un peu supérieurs, l’amour est un instrument si compliqué qu’un rien le détraque. Vous autres femmes, vous ne percevez jamais le ridicule de certaines choses quand vous aimez, et le grotesque des expressions vous échappe. « Les mots d’amour »

Lu en mai 2017

5 réflexions sur “« Mademoiselle Fifi… » de Guy de Maupassant

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