« Un garçon singulier » de Philippe Grimbert

Je continue à explorer l’œuvre de cet auteur avec ce roman :

 Un garcon singulier de Philippe Grimbert

 

Quatrième de couverture

« Maintenant que j’ai appris à le connaître, je l’aime et il m’effraie tout à la fois. Lui et sa mère vont trop loin, mais tous deux ont eu raison de mes résistances… »

Une simple annonce sur les murs de la faculté a sorti Louis de sa léthargie pour le précipiter sur la plage de son enfance à la rencontre d’une mère et de son fils, deux êtres hors du commun qui vont bouleverser sa vie et l’amener à affronter ce qui dormait au plus profond de lui-même.

 

Ce que j’en pense

C’est encore l’histoire d’une amitié qui s’établit entre Louis, étudiant mais qui ne sait pas très bien quelle voie choisir et tombe sur une petite annonce : un couple cherche quelqu’un pour s’occuper de Iannis, son fils singulier dans le village d’Horville où il a passé ses vacances pendant plusieurs années lorsqu’il était enfant.

J’ai un ressenti curieux, une gêne vis-à-vis du comportement des parents envers leur fils, ado de seize ans, très certainement autiste dont on veut se débarrasser pour le mettre en institution car il est trop encombrant. On le nourrit, on le lave, on affronte les accès d’angoisse. Mais aucun signe d’affection, ils traînent un boulet en gros.

Ils confient ce gardiennage à Louis pour respirer, pour que la mère puisse écrire tranquillement ses livres érotiques. D’autres personnes ont essayé de s’occuper de Iannis mais n’ont jamais tenu très longtemps.

On a donc un retour aux sources pour Louis, qui part à la quête d’un passé enfoui si profondément qu’il ne se manifeste que dans les rêves. On sent qu’il s’est passé quelque chose d’important.

J’ai aimé l’évolution de Louis, jeune étudiant réservé timide, on l’appelle le grand taciturne, qui parvient à pénétrer dans l’univers de cet ado qui est capable de réaliser beaucoup plus de choses que ne l’imaginent ses parents :

« Quand ils ne m’appelaient pas le grand taciturne, mes parents, comme l’auteur de l’annonce, disaient de moi que j’étais un garçon singulier. Ma tendance à la solitude les inquiétait : enfant, je ne me mêlais pas aux jeux des autres et à l’adolescence, je préférais la compagnie de mes auteurs favoris à toute autre ». P 15

Leur évolution à deux avec les souvenirs du passé qui veut revenir à la surface pour l’un tandis que l’autre perçoit des émotions tel un médium, il n’a pas besoin des mots pour se faire comprendre. Entre eux se tisse un lien fort qui réserve des surprises à la fin.

Cette complicité qui s’établit, se construit, ces deux vies qui s’interpénètrent m’ont plu, mais la mère m’a vraiment horripilée avec son côté nymphomane qui traque Louis d’une façon très glauque et j’avoue qu’elle a gâché le plaisir de cette lecture. J’éprouve quelques difficultés avec certains personnages féminins de Philippe Grimbert (cf. ma critique de « La petite robe de Paul ».

Un texte plein de mélancolie, des souvenirs qui tentent de se frayer un passage, alternant le présent et le passé (en italique), qui m’ont davantage marquée. Donc, une lecture qui me laisse une impression mitigée, ne sachant même pas si j’ai aimé ou non; je vais donc arrêter, pour l’instant du moins, l’exploration de l’univers de l’auteur.

 

Extraits

J’avais affaire au retour du doute, ce terrible doute qui m’avait toujours empêché de passer à l’action, de m’engager, de choisir. Mais, il ne m’aurait pas cette fois… La nuit venait de tomber et j’eus le sentiment d’abandonner un poste de garde planté sur une impalpable frontière, entre présent et passé. P 32

Qu’un grain se glisse dans la blessure si mal refermée et tout bascule : amours, rêves, certitudes. Notre chemin se perd sous le sable, pierre sans mémoire qui coule entre nos doigts, chair des destins fragiles, ciment des châteaux éphémères. P 41

Deux mois de l’année je me réfugiais dans cette atmosphère mélancolique, si bien que la fin de l’été me voyait déchiré lorsque mes parents chargeaient le coffre de la voiture… Assis à l’arrière de la voiture, je gardais le silence, abandonnant sur le sable humide, dans l’ombre salée des cabines de bains, cette part de moi-même qui disparaîtrait dans les bourrasques de l’hiver. P 72

Enfants, plus que les adultes désinvoltes, nous savions ce qu’était le néant : nous étions sortis des limbes depuis si peu. Vifs, nous étions par cette sève qui rendait nos membres douloureux, étirant nos os comme des branches vers le soleil. La mort cependant nous hantait avec l’apparent détachement de ceux qui en ont senti le souffle…

… Elle nous était familière, chaque nuit nous la rappelait quand elle nous saisissait dans nos rêves. P 107

Depuis mon arrivée à Horville, Iannis et sa mère m’obligeaient à sortir de moi-même. Mais, si je perdais mes repères face à l’attitude d’Helena, ma relation avec Iannis m’ouvrait des contrées inexplorées, m’invitant à y faire la lumière. P 135

Ce que nous croyons découvrir, nous l’avons toujours su. On n’oublie rien, ni l’éclair de lassitude, ni le mot chuchoté derrière la cloison ou la pâleur entrevue d’une peau. Nous n’avons jamais chassé de notre mémoire ces quelques syllabes, nous avons gardé au plus profond de nous ce geste regretté :  c’est de cette part aveugle que nous dépendons, vivante, insistante, c’est elle qui a décidé de notre destinée. P

 

Lu en mars 2017

7 réflexions sur “« Un garçon singulier » de Philippe Grimbert

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